– des anomalies entrant dans le cadre de pathologies avec atteinte pluriviscérale et notamment pancréatique : atteinte pancréatique au
cours de la maladie de von Hippel-Lindau.
Embryologie
:
A - DÉVELOPPEMENT NORMAL
:
Au début de la quatrième semaine de développement embryonnaire,
l’entoblaste de la paroi ventrale de la portion distale de l’intestin
antérieur bourgeonne et donne des épaississements qui se
condensent en plusieurs ébauches :
– une ébauche hépatique sur la partie ventrale ;
– une ébauche pancréatique dorsale sur la partie dorsale, riche en
îlots endocrines, à l’origine du pancréas dorsal (elle va être à
l’origine de la queue, du corps, de l’isthme et de la partie supérieure
et antérieure de la tête du pancréas) ;
– deux ébauches pancréatiques ventrales, droite et gauche, mais la
gauche s’atrophie et il ne reste qu’une ébauche ventrale, appelée
ainsi car située sur la face antérieure de l’intestin primitif.
Le développement du foie vers la droite, la double rotation de
l’estomac qui attire le duodénum vers la droite, entraînent une
rotation de l’ébauche pancréatique ventrale qui va, au cours de la
sixième semaine de développement, migrer autour de l’axe
vasculaire mésentérique de 270° dans le sens horaire, pour venir se
placer en dessous et en arrière de l’ébauche dorsale qui, initialement
dans un plan sagittal, continue son développement dans le mésogastre postérieur
et passe d’une position sagittale à sa position définitive frontale
après avoir effectué une rotation de 90°.
Les deux ébauches pancréatiques sont séparées par la veine vitelline
gauche qui devient la veine porte.
La fusion des deux ébauches lors de la septième semaine de vie
embryonnaire s’accompagne d’une fusion des deux systèmes canalaires drainant initialement les deux ébauches pancréatiques :
– le conduit pancréatique principal est constitué par la partie
proximale du conduit pancréatique dorsal et par le conduit
pancréatique ventral qui se jette dans le duodénum primitif.
Le canal
pancréatique principal a un trajet horizontal dans le corps et la queue du pancréas, puis forme un angle obtus vers le bas à la
jonction tête-col du pancréas, devenant oblique avant de rejoindre le
canal cholédoque et redevenir horizontal, les deux canaux ayant un
orifice commun au niveau de la grande caroncule.
Il se nomme canal
de Wirsung ;
– la partie distale du conduit pancréatique dorsal donne le conduit
pancréatique accessoire et relie, selon un trajet horizontal, le coude
du conduit pancréatique principal, situé à la jonction tête-col du
pancréas, au duodénum dans lequel il débouche au niveau de la
petite caroncule.
Il draine la partie craniale de la tête du pancréas et
mesure 5 à 6mm.
Il devient une branche du canal pancréatique
principal, ouvert ou non dans le duodénum au niveau de la petite
caroncule (papille accessoire) et se nomme canal de Santorini.
La plupart des anomalies congénitales anatomiques du pancréas
résultent, soit de l’arrêt de l’embryogenèse normale, soit de troubles
de la migration du bourgeon ventral, soit de la persistance de
vestiges embryonnaires.
L’absence complète de fusion des conduits
pancréatiques dorsal et ventral définit le pancreas divisum.
B - ANOMALIES ANATOMIQUES CONGÉNITALES
:
1- Anomalies de formation
:
* Agénésie ou hypoplasie du pancréas
:
L’agénésie complète du pancréas, rarissime, n’est pas viable, alors
que l’agénésie ou l’hypoplasie d’une des ébauches pancréatiques est
compatible avec la vie, mais demeure exceptionnelle.
* Pancréas annulaire
:
Le pancréas annulaire est constitué par un anneau de tissu
pancréatique, plus ou moins complet et plus au moins serré,
entourant généralement la deuxième portion du duodénum audessus
de l’ampoule de Vater, mais parfois la première ou la
troisième portion duodénale.
Deux théories s’affrontent quant à la pathogénie du pancréas
annulaire :
– la théorie de Lecco, selon laquelle le pancréas annulaire est
secondaire au dépôt de vestiges embryonnaires du bourgeon ventral
autour de l’anse intestinale, pendant la rotation autour de l’axe
mésentérique, théorie renforcée par le fait que lors de l’association
pancréas annulaire et divisum, c’est toujours le segment ventral qui est
annulaire, jamais le segment dorsal ;
– la théorie de
Baldwin, selon laquelle le pancréas annulaire est dû à la
persistance du bourgeon ventral gauche, le bourgeon droit
poursuivant sa rotation autour de l’anse intestinale, ce qui
expliquerait l’anneau de tissu pancréatique entourant le duodénum.
L’incidence, nettement inférieure à celle du pancreas divisum,
est de 1/20 000 autopsies, 1/24 519 laparotomies et 1/700
cathétérismes de la papille.
Le dépistage
d’un pancréas annulaire par échographie lors de la période foetale
semble possible.
C’est une
affection rare, plus fréquente chez le trisomique 21, et plus
souvent associée à d’autres anomalies du développement telles que
l’atrésie duodénale, le mésentère commun, l’imperforation anale…
Les symptômes
sont généralement liés à une sténose duodénale qui peut se révéler à
la période néonatale ou à l’âge adulte :
– à la période
néonatale, un tableau d’occlusion digestive haute par sténose du
deuxième duodénum peut le révéler lorsqu’il est très serré ;
– à l’âge adulte, il est le plus souvent asymptomatique ; mais il peut
entraîner des manifestations dyspeptiques polymorphes, un
syndrome ulcéreux rattaché à une stase en amont de la sténose
duodénale ; voire une pancréatite aiguë.
Le diagnostic peut être fait par divers examens :
– le transit duodénal qui met en évidence une sténose concentrique
d’allure extrinsèque centrée sur le deuxième duodénum, due à
l’anneau périduodénal ;
– la tomodensitométrie permet parfois d’évoquer le diagnostic et
surtout d’éliminer une pathologie tumorale ;
– l’échoendoscopie peut être un moyen simple de faire le diagnostic
en montrant un pancréas qui encercle complètement le deuxième
duodénum ;
– le diagnostic de certitude vient de l’opacification rétrograde
endoscopique des canaux pancréatiques où l’on voit une branche canalaire collatérale encerclant le duodénum et communiquant avec
le canal de Wirsung ;
– la cholangiopancréatographie
par résonance magnétique permet le diagnostic de pancréas annulaire
et doit maintenant être demandée en première intention car c’est un
examen non invasif.
Des séquences fortement pondérées en T2 permettent d’obtenir une
cartographie biliaire et pancréatique en faisant apparaître en hypersignal les liquides statiques tels que la bile et le suc
pancréatique, le signal des tissus voisins (parenchyme et vaisseaux) étant très faible.
Des coupes épaisses de repérage sont réalisées en
apnée dans un plan frontal et en oblique à 30° permettant d’obtenir
une vue d’ensemble.
Elles sont complétées par des coupes axiales
d’épaisseur variable et par rotation autour des canaux biliaires et
pancréatiques.
Le traitement est chirurgical pour les formes symptomatiques, mais
ne doit en aucun cas sectionner l’anneau pancréatique qui contient
un canal.
La chirurgie de dérivation par gastroentéroanastomose est
la plus utilisée, alors que la chirurgie de résection est
exceptionnellement pratiquée.
* Pancreas divisum
:
Le pancreas divisum résulte de la non- ou de la mauvaise fusion
des ébauches ventrale et dorsale du pancréas, ainsi que de leurs
canaux, à la septième semaine de développement embryonnaire.
La
rotation des deux ébauches se fait cependant complètement.
Dès
lors, seul un petit territoire du pancréas se draine dans la papille
majeure, la plus grande partie se drainant dans la papille mineure.
La fréquence est de 5 à 10% des séries autopsiques, comportant
également une étude pancréatographique, car extérieurement, le
pancreas divisum apparaît normal.
Sur les séries de cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE), la
fréquence est de 0,5 à 7 %, la différence avec les séries autopsiques
étant due aux faux négatifs lorsque le cathétérisme dorsal n’a pas
été réalisé lors de la CPRE.
Pour Sugawa, le pancreas divisum peut être complet (75 %) ou incomplet
(25 %).
Pour Warshaw, il existe trois types de pancreas divisum :
une disposition classique (un canal pancréatique dorsal et un canal
ventral) dans 71 % des cas, un conduit pancréatique dorsal unique
dans 23 % des cas, deux conduits pancréatiques, dorsal et ventral,
réunis par une anastomose filiforme (pancreas divisum incomplet)
dans 6 % des cas.
+ Épidémiologie
:
La cholangiopancréatographie par résonance magnétique permet,
d’après les premières études, de trouver le pancreas divisum dans
environ 10 % de la population normale.
Bret trouve un pancreas
divisum par cette méthode chez 25 des 268 patients examinés dans
son étude, soit 9 %.
C’est la plus fréquente des anomalies morphologiques congénitales
du pancréas.
La série de Shukri, qui, sur sept cas diagnostiqués en
20 ans, retrouve six femmes, est trop petite pour affirmer qu’il
existe une prédominance féminine.
Un cas de pancreas divisum dit
« familial » a été décrit dans une famille où la mère, le fils et la fille
souffraient tous trois de pancréatite aiguë récidivante et dans
laquelle un pancreas divisum a été trouvé par cathétérisme
rétrograde pour la mère et le fils, mais l’absence de cette anomalie
congénitale chez la fille ne nous permet pas d’affirmer le pancreas
divisum comme la filiation de cause à effet avec la pancréatite aiguë.
Le pancreas divisum n’est pas une entité pathologique en soi et peut
être asymptomatique.
Il peut être de découverte fortuite chez des
patients ayant fait l’objet d’une opacification des canaux
pancréatiques pour une tout autre indication.
Dans l’étude de Chevillotte portant sur 63 cas de pancreas divisum,
cette anomalie ne pouvait être responsable des troubles ayant motivé
les explorations dans 35 cas (55 %).
Dans l’étude de
Siegel portant
sur 65 patients chez qui un pancreas divisum a été mis en évidence
par CPRE, 20 sujets non traités sont restés asymptomatiques au
cours d’un suivi de 2 à 4 ans. Sugawa a montré que 80 % des pancreas divisum étaient détectés chez des sujets asymptomatiques.
Farkas explique que certains pancreas divisum restent
asymptomatiques en raison d’un rameau communicant entre les
conduits pancréatiques dorsal et ventral (pancreas divisum
incomplet).
+ Physiologie :
Son rôle pathogène est également évoqué dans certaines douleurs
abdominales de type pancréatique sans preuve biologique d’atteinte
pancréatique telle que l’élévation de l’amylasémie (six cas de l’étude
de Chevillotte, soit 9,5 %) et dans certains cas de pancréatite aiguë
récidivante (21 malades de la série de Chevillotte, soit 33,3 % avaient
souffert d’une pancréatite aiguë), inexpliquée jusqu’à ce qu’une
opacification des canaux pancréatiques soit réalisée, mais la relation
entre pancreas divisum et pancréatite aiguë reste un sujet de
controverse.
Il existe un consensus pour dire que le pancreas divisum
n’est pas associé de façon statistiquement significative à la
pancréatite chronique calcifiante.
En revanche, une relation entre pancreas
divisum et pancréatite chronique obstructive n’est pas à exclure à
long terme avec des phénomènes rétentionnels répétés entraînant
des lésions irréversibles du pancréas.
Une étude de Kamelmaz
rapporte le cas de trois enfants ayant une pancréatite chronique
obstructive qui ont eu une cholangiopancréatographie rétrograde
ayant permis de diagnostiquer un pancreas divisum.
Un orifice du
conduit pancréatique accessoire inadéquat ou résistant à une
augmentation du flux pancréatique peut entraîner une pancréatite
d’amont et ces conditions sont réunies en cas de pancreas divisum
avec un conduit pancréatique accessoire qui draine la majeure partie
du pancréas dorsal.
Les opinions concernant la relation entre pancreas divisum et
pancréatite aiguë divergent.
La mise en cause du pancreas divisum
dans cette symptomatologie de pancréatite aiguë repose sur le fait
que le calibre de la papille accessoire est insuffisant pour assurer le
drainage du pancréas dorsal.
Par ailleurs, aucune étude actuelle
ayant traité le pancreas divisum n’a jamais éliminé de façon formelle
l’existence de microlithiases biliaires pouvant être à l’origine des
poussées de pancréatite aiguë.
Les principales études retrouvent des
divergences statistiques concernant l’association entre pancreas
divisum et pancréatite aiguë récidivante : les tenants de cette
association tels que Cotton (1980), Richter (1981), Sahel (1982),
Liguory (1986) ou Bernard (1991) observent respectivement des
fréquences de 11,8, 13,6, 20,5, 18,7 et 27,8 % de pancreas divisum
dans l’ensemble des pancréatites aiguës.
À l’inverse, Delhaye (1985 ;
avec 6 003 pancréatographies rétrogrades endoscopiques) ou Burtin
(1991) ne trouvent pas de fréquence plus importante de pancreas
divisum au cours des pancréatites aiguës.
Il semble que
seules plusieurs études randomisées avec des effectifs convenables
permettraient de répondre à la question de savoir s’il faut réellement
envisager un traitement du pancreas divisum dans la pancréatite
aiguë.
Devant un tableau de pancréatite aiguë, surtout si elle est
récidivante, et lorsque toutes les étiologies usuelles de pancréatite
aiguë ont été écartées, il convient de rechercher un pancreas
divisum.
+ Diagnostic :
Le diagnostic repose sur les examens complémentaires d’imagerie,
car en biologie, aucun profil spécifique d’élévation des enzymes
pancréatiques n’a été décrit au cours du pancreas divisum.
Pietri et al ont décrit en échographie abdominale des signes
propres à l’anomalie : cloison séparant les ébauches ventrale et
dorsale, possibilité de suivre sur les coupes sagittales le trajet intrapancréatique de la veine mésentérique supérieure avec visibilité
anormalement nette du segment rétroveineux du pancréas
céphalique.
La tomodensitométrie abdominale trouve parfois une languette de
tissu pancréatique rétromésentérique séparant les ébauches ventrale
et dorsale.
L’échoendoscopie peut être utilisée pour détecter un pancreas
divisum.
Dans une étude de Bhutani, sur six patients ayant un pancreas divisum, l’échoendoscopie a détecté ce dernier dans deux
cas (33 %).
Le diagnostic repose sur la cholangiopancréatographie
par résonance magnétique, ou sur la pancréatographie
rétrograde endoscopique en cathétérisant à la fois la papille
principale, qui lors de la pancréatographie montre un segment
ventral miniature avec un canal ventral de longueur et de calibre
réduits (< 3 mm), et la papille accessoire (que l’on doit rechercher
1 à 2 cm au-dessus et à droite de la papille principale) qui, lors de
l’opacification, fait apparaître un canal pancréatique dorsal ayant les
dimensions habituelles du canal pancréatique principal (3 à 4 mm
dans la tête, 2 à 3mm dans le corps et 1 à 2mm dans la queue)
drainant l’essentiel de la glande pancréatique et correspondant à
l’ébauche dorsale.
Le canal pancréatique principal est visible dans 95 % des cas en cholangiopancréatographie par résonance magnétique, le canal
pancréatique accessoire n’étant visible que dans 42 % des cas, taux
identique aux séries autopsiques.
La visualisation des canaux
pancréatiques est améliorée après stimulation des sécrétions
pancréatiques par injection intraveineuse de sécrétine.
En cas
de pancreas divisum, la cholangiopancréatographie par résonance
magnétique montre un conduit pancréatique dorsal croisant le
conduit biliaire commun, de même calibre que le conduit
pancréatique principal proximal.
Cet aspect correspond au trajet
embryologique du conduit pancréatique dorsal.
Dans certains cas,
le pancréas ventral est complètement atrophique.
Les performances de la cholangiopancréatographie par résonance
magnétique par rapport à la CPRE ont été évaluées dans une série
de Ueno qui a mis en évidence quatre pancreas divisum en
cholangiopancréatographie par résonance magnétique sur huit
détectés en CPRE.
Bret retrouve une concordance de 100 %,
soit six cas, dans une série comparative de 104 cholangiopancréatographies
par résonance magnétique.
Une autre étude de Bret le conduit à conclure que la cholangiopancréatographie
par résonance magnétique peut remplacer la cholangiopancréatographie
par cathétérisme rétrograde car elle est non
invasive et permet la détection du pancreas divisum avec la même
sensibilité que la méthode endoscopique.
L’inconvénient de la cholangiopancréatographie par résonance magnétique est la
difficulté à différencier un pancreas divisum complet d’un pancreas
divisum incomplet en raison d’une résolution spatiale limitée.
+ Traitement :
Le traitement du pancreas divisum repose sur l’hypothèse d’une
sténose de la papille accessoire permanente ou transitoire, bloquant
l’écoulement des sécrétions pancréatiques du pancréas dorsal de
façon passagère ou permanente, et ainsi responsable de la
symptomatologie de pancréatite aiguë ou, à plus long terme, de la
symptomatologie de pancréatite chronique obstructive.
Warshaw
estime, sur des études peropératoires, qu’un orifice accessoire de
calibre inférieur à 0,75 mm doit être considéré comme sténosé.
Les arguments en faveur de cette hypothèse sont :
– l’augmentation du calibre du canal dorsal après injection
intraveineuse de sécrétine, traduisant l’existence d’un obstacle au
niveau de la papille accessoire ;
– les études anatomopathologiques réalisées chez des malades ayant
un pancreas divisum, ayant subi une duodénopancréatectomie
céphalique, et dont l’examen de la pièce opératoire a montré la
normalité du pancréas ventral, l’existence de signes caractéristiques
de pancréatite obstructive dans le pancréas dorsal et une fibrose
collagénique sous-muqueuse importante au niveau de la papille accessoire ;
– l’élévation de la pression dans le canal dorsal au niveau du
sphincter de la papille accessoire lors d’études manométriques
(Staritz) ;
– les résultats de la section chirurgicale ou endoscopique de la
papille accessoire chez des sujets porteurs d’un pancreas divisum
semblent en faveur d’un obstacle papillaire.
Dans les séries de Sahel
et Liguory portant sur 15 cas de pancréatite aiguë récidivante et cinq cas de
douleurs pancréatiques chroniques chez lesquels a été réalisée une
section endoscopique de la papille accessoire, on observait huit
guérisons, six cas d’amélioration de la symptomatologie et six cas
d’état inchangé ou aggravé.
Dans cette étude, une
sténose secondaire de la section entraînait une récidive des crises
douloureuses.
Les résultats semblent similaires dans l’étude de
Jacob, qu’il s’agisse d’un pancreas divisum complet ou incomplet.
Le traitement peut être chirurgical ou endoscopique.
Les différentes méthodes chirurgicales utilisées sont :
– sphinctérotomie de la papille accessoire, avec ou sans
sphinctéroplastie de la papille accessoire ;
– bisphinctérotomie ou bisphinctéroplastie des papilles accessoire et
principale ;
– dérivation pancréaticojéjunale, réalisable si le canal pancréatique
dorsal mesure plus de 8 mm ;
– duodénopancréatectomie céphalique.
Les méthodes endoscopiques consistent en une sphinctérotomie
endoscopique de la papille accessoire ; associée ou non à la pose
d’une prothèse dans le canal pancréatique dorsal.
Ce geste
endoscopique est difficile en raison de l’orifice très petit de la papille
accessoire ; et il faut utiliser un bistouri aiguille ou un sphinctérotome spécialement conçu pour la papille accessoire.
Dans
une étude de Sahel, la section de la papille accessoire a été réussie
dans 40 cas sur 42, et une sténose secondaire est survenue dans six
cas (en moyenne 7,5 mois après le geste endoscopique).
La complication la plus fréquente est la survenue d’une sténose
cicatricielle dans un délai variable par rapport à la sphinctérotomie
initiale.
Le choix entre les deux méthodes dépend des conditions techniques,
de la connaissance des complications des deux techniques, mais
également de la symptomatologie initiale.
Les indications doivent
se limiter aux pancreas divisum symptomatiques (pancréatite aiguë
récidivante, douleurs pancréatiques chroniques et pancréatite
chronique obstructive).
Pour Lehman, les
résultats des techniques endoscopiques semblent favorables pour la
pancréatite aiguë récurrente, mais mauvais pour la pancréatite
chronique, alors que Coleman rapporte de bons résultats dans les
deux indications avec respectivement 78 et 60 % de succès.
Une étude
récente effectuée par Varshney, concernant les résultats obtenus
après traitement chirurgical ou endoscopique de la papille
accessoire, montre de meilleurs résultats avec les patients souffrant
d’épisodes de pancréatite aiguë récidivante ou de douleurs
abdominales chroniques (75 à 90 %) qu’avec les patients traités pour
pancréatite chronique obstructive (40 à 60 %).
Une étude sur le traitement du pancreas divisum par injection de
toxine botulinique au niveau de la papille accessoire a même été
tentée, mais la population traitée est trop petite pour pouvoir en
tirer des enseignements.
2- Anomalies de situation :
pancréas aberrant ou ectopique
Le pancréas ectopique correspond à du tissu pancréatique en
position anormale, dépourvu de rapports de continuité avec la
glande pancréatique normale, y compris vasculaires ou canalaires.
Sa fréquence est difficile à estimer dans la mesure où l’on ne dispose
pas de séries autopsiques systématiques, mais elle varie selon les
études fournies par l’imagerie entre 1 et 13 %.
Le pancréas
ectopique s’observe au cours de 0,2 à 0,8 % des interventions
abdominales.
Il peut siéger partout dans le tube digestif, mais surtout dans des
structures dérivant de l’intestin antérieur ou de la partie proximale de l’intestin moyen : estomac (25 % et antre le plus souvent),
duodénum (30 %), intestin grêle (18 %), mais également diverticule
de Meckel (6 %), vésicule et voies biliaires, rate, péritoine….
Il peut être complet, comportant des tissus endocrine et exocrine,
ainsi que des canaux, ou être incomplet en ne contenant que l’un de
ces éléments.
Habituellement, il est asymptomatique, de découverte fortuite lors
d’examens paracliniques réalisés pour d’autres raisons.
Parfois, la
symptomatologie est la conséquence de maladies pancréatiques
survenant sur ce tissu ectopique : pancréatite aiguë, pancréatite
chronique, tumeur du pancréas.
Les principaux
symptômes d’appel sont un syndrome dyspeptique ou un syndrome pseudo-ulcéreux.
Le diagnostic est le plus souvent fortuit lors de la réalisation d’une
endoscopie oeso-gastro-duodénale montrant une surélévation sousmuqueuse,
ombiliquée, avec un canal excréteur s’ouvrant dans la lumière
digestive.
Le diagnostic peut également être évoqué en échoendoscopie,
montrant une lésion hypoéchogène siégeant habituellement dans la
troisième couche hyperéchogène de la paroi gastrique.
Les
îlots de pancréas aberrant sont souvent le siège de dystrophies
kystiques qui pourraient être secondaires à des poussées de
pancréatite chronique provoquées par l’obstruction des ductules du
pancréas ectopique.
Le diagnostic peut être fait lors d’un transit baryté oeso-gastroduodénal,
en montrant une lacune au niveau du bulbe ou de l’antre, selon
l’endroit où siège le pancréas ectopique .
Les complications qui peuvent survenir sont une obstruction
digestive, une compression d’organes de voisinage (voies biliaires)
ou des maladies pancréatiques au même titre que le pancréas
normal (pancréatite aiguë, pancréatite chronique, dystrophie
kystique...).
Il n’y a pas de traitement particulier en dehors d’éventuelles
complications.
La chirurgie est indiquée en cas d’obstruction
digestive ou de compression d’organes de voisinage.
3- Insuffisances sécrétoires congénitales
:
Les insuffisances sécrétoires pancréatiques peuvent être globales ou
sélectives, complètes ou partielles.
Le dysfonctionnement
pancréatique qu’elles entraînent peut se révéler lors de la période
infantile ou à l’âge adulte, et correspond le plus souvent à une
atteinte pancréatique chronique.
Les deux causes les plus fréquentes
d’atteinte pancréatique avec anomalie de sécrétion chez l’enfant sont
représentées respectivement par la fibrose kystique du pancréas et
par la lipomatose pancréatique.
* Fibrose kystique du pancréas ou mucoviscidose
:
La mucoviscidose est la plus fréquente des maladies héréditaires du
pancréas.
Elle correspond à un dysfonctionnement héréditaire
généralisé des glandes exocrines, avec émission de sécrétions
glandulaires qui présentent des propriétés physicochimiques
anormales, responsables des symptômes majeurs de la maladie :
malabsorption intestinale par insuffisance pancréatique exocrine,
maladie pulmonaire chronique, pancréatite aiguë, élévation des
concentrations de sodium et de chlorure dans la sueur.
Nous ne
traitons que de l’atteinte pancréatique, mais la pathogénie est
commune à tous les organes touchés.
Elle se rencontre surtout dans les populations caucasiennes, et plus
particulièrement en Europe où elle touche environ 1/3 000 sujets de
race blanche.
Elle se transmet sur le mode autosomique récessif et
n’entraîne de maladie que chez les sujets homozygotes.
Les sujets
hétérozygotes sont asymptomatiques et ne peuvent pas actuellement
être distingués des non-transmetteurs. Dans la race blanche, un
individu sur 25 est hétérozygote.
L’anomalie génétique résulte d’une mutation récessive située au
niveau du bras long du chromosome 7.
Dans plus de 70 % des cas,
la mutation du gène est due à une délétion de la phénylalanine en
position 508 (DF 508), mais plus de 300 autres mutations ont déjà été
identifiées.
Les modifications anatomopathologiques de la fibrose kystique du
pancréas sont caractérisées par leur extension et leur grande
variabilité, avec une atteinte possible de l’appareil digestif, du foie,
de l’appareil respiratoire, des glandes muqueuses, des organes de la
reproduction et surtout du pancréas.
L’atteinte structurale du pancréas est la plus importante des atteintes
possibles lors de la mucoviscidose et s’accompagne d’un
dysfonctionnement majeur.
Les sécrétions pancréatiques précipitent
à l’intérieur des canaux pancréatiques et sont responsables
d’obstructions et de dilatations canalaires.
Secondairement, il existe
une destruction du tissu sécrétoire exocrine, remplacé par un tissu
graisseux et fibreux.
Ces altérations structurales et fonctionnelles
sont présentes dès la naissance. Hadorn et al ont étudié la
fonction pancréatique au cours de la fibrose kystique du pancréas
en utilisant des épreuves de stimulation à la sécrétine et à la pancréozymine.
Ces études ont permis de montrer que les malades
présentent une insuffisance pancréatique exocrine totale pour la
plupart.
* Lipomatoses pancréatiques
:
Deuxième cause d’insuffisance pancréatique de l’enfant après la
mucoviscidose, les lipomatoses constituent un groupe hétérogène d’affections congénitales rares et isolées dans lesquelles l’examen
anatomopathologique trouve des acini pancréatiques totalement
remplacés par du tissu graisseux, les îlots de Langerhans n’étant pas
affectés.
On ne sait pas actuellement s’il s’agit d’anomalies génétiques ou
d’anomalies acquises lors de la vie intra-utérine.
La maladie peut
être découverte tardivement, mais le début se situe le plus souvent
dans la prime enfance.
L’insuffisance pancréatique est totale, comme dans la mucoviscidose,
mais avec un test à la sueur normal.
+ Syndrome de Shwachman-Diamond
:
Ce syndrome est complexe, la symptomatologie n’étant pas
uniforme.
Les deux signes principaux sont une insuffisance
pancréatique exocrine associée à une atteinte hématologique de type
neutropénie cyclique ou chronique, mais on peut rencontrer une
grande variété d’autres atteintes au cours de ce syndrome (retard de
croissance dans un tiers des cas environ ; anomalies osseuses à type
de modification des os longs, et notamment des dyschondroplasies
métaphysaires ; retard mental).
Il n’y a pas à ce jour de lien connu entre l’atteinte pancréatique,
l’anomalie hématologique et les autres atteintes rencontrées.
+ Syndrome de Johanson-Blizzard
:
L’association d’une lipomatose pancréatique avec des signes de
dysmorphie maxillofaciale et l’absence des malformations
multisystémiques observées dans le syndrome de Shwachman-
Diamond doit faire évoquer le diagnostic.
Les malformations observées dans ce syndrome sont essentiellement maxillofaciales,
avec une agénésie des cartilages alaires, une dentition anormale ou
absente, mais on peut trouver d’autres malformations comme une
imperforation anale, une anomalie de la fermeture du scalp, une
surdité, une hypothyroïdie...
* Déficits enzymatiques spécifiques
:
Ces déficits sont rares et certaines observations ne sont pas assez
complètes pour permettre d’affirmer leur nature primitive.
Cependant, il est actuellement admis qu’il existe des enfants atteints
d’un déficit isolé en lipase, celui-ci étant plus discutable alors que
les déficits en entérokinase et en trypsinogène sont, en revanche,
bien documentés.
+ Déficits isolés de la lipolyse
:
Les déficits en lipase et/ou en colipase se manifestent par une
stéatorrhée précoce et massive mais isolée, sans retentissement sur la
croissance.
La seule façon de les identifier réside dans le
tubage duodénal avec dosage enzymatique.
Le traitement repose sur
la prescription d’extraits pancréatiques.
+ Déficit congénital en entérokinase
:
Le trouble primitif est dû à une enzyme entérocytaire qui a pour
fonction d’activer les proenzymes pancréatiques dans la lumière
intestinale.
Une hypotrophie avec oedèmes et pâleur, vomissements
et diarrhée néonatale, sont les principaux symptômes à
rechercher.
Le tubage pancréatique montre des activités lipasique
et amylasique normales, contrastant avec des activités protéolytiques
absentes.
Le traitement réside dans le remplacement des protéines
de l’alimentation par des hydrolysats de protéines, avec un déficit
qui est de mieux en mieux toléré avec le temps.
4- Maladie de von Hippel-Lindau
:
La maladie de von Hippel-Lindau est une affection génétique
transmise selon un mode autosomique dominant qui prédispose au
développement de tumeurs variées touchant outre le système
nerveux central, les reins, les surrénales, la rétine, et également le
pancréas.
L’atteinte pancréatique est peu ou pas symptomatique, et
le plus souvent de découverte fortuite lors de la réalisation d’un
bilan d’imagerie systématique effectué dans le cadre du dépistage
ou du suivi de la maladie, mais elle peut constituer le seul signe de
la maladie chez un malade ayant une histoire familiale
démonstrative.
Une grande variété de lésions pancréatiques peut s’observer et l’on
distingue les kystes vrais, majoritaires et représentant 60 à 80 % des
lésions pancréatiques au cours de la maladie de von Hippel-Lindau,
des tumeurs kystiques (cystadénomes) ou solides, bénignes ou
malignes (tumeurs endocrines qui sont les tumeurs solides les
fréquemment rencontrées dans la maladie de von Hippel-Lindau,
exocrines et vasculaires).
Le caractère anodin de ces atteintes pancréatiques doit être nuancé
car, même si la majorité des lésions observées sont de simples kystes
pancréatiques, certaines d’entre elles peuvent évoluer au cours du
temps (kystes et cystadénomes) et entraîner des complications à type
de phénomènes compressifs, alors que d’autres peuvent évoluer vers
la malignité (tumeurs endocrines).
La découverte d’une ou plusieurs de ces lésions pancréatiques chez
un patient, lorsqu’il n’existe pas de contexte connu de maladie de von Hippel-Lindau, doit inciter à rechercher les autres atteintes de
la maladie de von Hippel-Lindau et à effectuer une enquête familiale
approfondie.