Anémies macrocytaires de l’adulte Cours
d'hématologie
Physiopathologie
:
A - Actions cellulaires de la vitamine B12
et de l’acide folique
:
Le mégaloblaste est un érythroblaste (Ebl) anormal
présent dans la moelle de malades avec une carence en
vitamine B12 ou en acide folique.
Par maturation et
divisions successives, il donne naissance à un globule
rouge (GR) de grande taille ou macrocyte.
Il contient
plus d’acide ribonucléique (ARN) dans son cytoplasme
que l’érythroblaste normal ; par contre, l’acide désoxyribonucléique
(ADN) nucléaire y est en plus faible quantité.
C’est donc la diminution de la synthèse de l’ADN qui
entraîne ralentissement et diminution des mitoses : le
globule rouge produit est de plus grande taille.
Le mécanisme biochimique de la diminution de la
synthèse de l’ADN est connu.
Il est lié à un défaut de
production de la déoxythymidine triphosphate (dTTP),
constituant essentiel des bases puriques de l’ADN, par
transformation de la déoxyuridine monophosphate
(dUMP).
La thymidine n’est pas un constituant de l’ARN cytoplasmique.
La maturation du cytoplasme n’est pas
modifiée par une carence en vitamine B12 ou en acide
folique.
Une succession de réactions activent cette transformation; la vitamine B12 (sous sa forme de méthylcobalamine)
a donné son radical méthyl à l’homocystéine qui
devient de la méthionine.
La méthionine donne un -CH3
à une molécule de méthyl-folate qui devient un tétrahydrofolate
(THF4).
Celui-ci apporte à son tour un
radical -CH3 pour que la dUMP devienne de la dTTP.
Une carence en vitamine B12 ou en acide folique a donc
la même conséquence : blocage d’une des étapes essentielles
à la synthèse d’une base purique de l’ADN, la thymidine.
Il en découle un ralentissement de la croissance
des cellules myéloïdes et en particulier des
érythroblastes (mégaloblastose et macrocytose), mais
également des cellules épithéliales (langue et glossite),
des cellules des épithéliums digestifs (muqueuse du
grêle et diarrhée).
La non-méthylation de l’homocystéine par carence en
vitamine B12 entraîne à son tour une carence en S-adénosylméthionine
(SAM), molécule indispensable au maintien
de l’intégrité de la myéline des gaines nerveuses.
C’est
ainsi que se développent les lésions neurologiques
constatées dans les carences en vitamine B12 (atteinte
des axones des cordons postérieurs de la moelle, des
axones des nerfs périphériques et de la substance
blanche).
Cette cascade d’événements biochimiques explique
qu’une carence en vitamine B12 ou en acide folique provoque
les mêmes anomalies cellulaires : mégaloblastose
médullaire, anémie macrocytaire, cytopénies et dysmorphies
des cellules myéloïdes, parfois étendues à des
cellules épithéliales et qu’une carence en vitamine B12
provoque à la fois des anomalies hématologiques et
neurologiques.
B - Métabolisme de la vitamine B12
:
1- Apports :
L’ensemble des cobalamines est regroupé sous le terme
de vitamine B12 ; il existe en fait plusieurs molécules
différentes : hydroxo-, cyano-, aqua- et nitrocobalamine.
Elles sont produites par les bactéries du côlon mais ne
peuvent y être absorbées ; la source principale est
alimentaire : la vitamine B12 est liée aux protéines
animales.
Elle est retrouvée en grande quantité dans le
foie, les reins, les muscles.
Elle est absente des végétaux.
Les besoins quotidiens sont modestes : 0,1 à 1 µg/j.
L’apport d’un régime standard occidental est largement
excédentaire : 20 µg/j.
Les stocks d’un homme adulte
sont de 3 000 µg.
Ainsi s’explique le nécessaire délai de 5 à 6 ans avant
que ne se crée une carence vraie avec épuisement des
stocks tissulaires de vitamine B12, une fois qu’a débuté
le déficit.
2- Absorption
:
Les protéases et le ClH du suc gastrique coupent la
liaison entre la vitamine B12 et les protéines alimentaires.
La seule diminution de l’acidité gastrique peut donc
induire une carence fruste (retrouvée dans les gastrites
des personnes âgées ou même lors de traitements
anti-acides).
Les cobalamines sont ensuite liées à une
protéine R salivaire dans l’estomac ; arrivées dans le
duodénum, elles en sont détachées en pH basique grâce
aux sucs pancréatiques.
Elles sont ensuite transférées
sur le facteur intrinsèque, glycoprotéine sécrétée par les
cellules pariétales du fundus gastrique.
La sécrétion est
augmentée par l’histamine ou la pentagastrine (celle du
ClH également).
Attachée au facteur intrinsèque, ce n’est que dans l’iléon
qu’elle est absorbée.
À la surface des cellules de la
muqueuse iléale existe un récepteur qui fixe l’ensemble
facteur intrinsèque + vitamine B12 ensuite internalisé par la cellule ; la vitamine B12 y est séparée du facteur
intrinsèque ; elle s’attache à une protéine de transport, la transcobalamine II (TC II). La TC II transporte la vitamine
B12 jusqu’aux sites de stockage (foie, rate, reins,
coeur) et d’utilisation (cellules souches de la lignée
myéloïde).
D’autres transcobalamines comme la TC III
servent au stockage tissulaire.
C - Métabolisme de l’acide folique :
On regroupe, sous le nom d’acide folique, l’acide ptéroylglutamique
et ses homologues.
Il est contenu dans les
feuilles des végétaux, d’où son nom (folia), mais aussi
dans les levures, le foie et les reins où il est gardé en
réserve, le lait de vache et ses dérivés, le lait maternel.
Substance thermolabile, il disparaît lors d’une cuisson
trop prolongée.
Les besoins quotidiens sont de 50 µg/j ; un régime occidental
en contient 200 µg environ.
Les stocks humains
adultes sont suffisants pour assurer les besoins pour une
durée de 21 j en cas de carence totale (contre 5-6 ans
pour la vitamine B12).
L’absorption digestive de l’acide folique alimentaire se
produit dans le jéjunum une fois les polyglutamates
transformés en monoglutamates.
L’absorption est rapide
et optimale pour le THF4.
La cellule jéjunale rapidement
traversée, le THF4 circule librement dans le plasma
jusqu’au foie où, après avoir subi une excrétion biliaire
avec réabsorption digestive, il est définitivement stocké
ainsi que dans les globules rouges où l’on sait le doser.
On peut ainsi connaître les réserves vraies de l’organisme,
bien plus fidèlement qu’avec un simple dosage sérique.
D - Macrocytoses non mégaloblastiques
:
• Macrocytose liée à une stimulation excessive des
érythroblastes : une augmentation de l’érythropoïèse
par excès d’érythropoïétine (EPO) entraîne une macrocytose
par diminution du nombre de mitoses : macrocytose
des hémolyses chroniques et autres anémies
régénératives.
• Macrocytose de l’alcoolisme chronique : cette macrocytose
se produit en dehors de toute carence en acide
folique ou de toute hépatopathie sévère.
On évoque une
action cellulaire directe de l’alcool sur les érythroblastes
(vacuolisation du cytoplasme).
Elle est isolée, sans anémie.
• Macrocytose des cirrhoses et des ictères rétentionnels
sévères : il y a altération de la membrane phospholipidique
du globule rouge liée à des perturbations du
métabolisme du cholestérol.
• Macrocytose des hypothyroïdies : le ralentissement de
l’érythropoïèse par défaut de thyroxine en est la cause.
• Macrocytose des myélodysplasies acquises primitives :
une anomalie de l’ADN des cellules souches avec ralentissement
de la division cellulaire en est la cause probable.
• Macrocytose due à des médicaments n’ayant pas
d’action sur l’acide folique ou la vitamine B12 : l’hydroxyurée,
la cytosine-arabinoside ou la 6-mercaptopurine
modifient la duplication de l’ADN, ralentissent et diminuent
le nombre de mitoses entraînant une anémie macrocytaire.
Causes
:
Nous ne traiterons pas les anémies macrocytaires congénitales,
habituellement diagnostiquées dès l’enfance.
A - Anémies macrocytaires
et mégaloblastiques :
1- Carences en vitamine B12 :
• Pathologie gastrique :
– maladie de Biermer (MB) : elle touche plus volontiers
les femmes de plus de 60 ans. Une gastrite atrophique,
acquise et définitive, cause initiale de tous les troubles
ressentis est déclenchée par un processus auto-immun.
Dans le sérum et le suc gastrique de ces malades, on
retrouve des auto-anticorps (AAC) anti-cellules pariétales
gastriques et anti-facteur intrinsèque.
Les auto-anticorps
anti-cellules pariétales gastriques sont dirigés contre
une ATPase de la pompe à protons située dans la paroi
de ces cellules ; ils peuvent induire une gastrite chez
des souris à qui on les injecte.
Les auto-anticorps antifacteur
intrinsèque bloquent l’activité du facteur
intrinsèque ; il y a donc diminution de sécrétion du
facteur intrinsèque et blocage de son activité.
Achlorhydrie et absence de facteur intrinsèque s’additionnent
pour bloquer l’absorption de la vitamine B12 ;
– gastrectomie : totale (et non partielle), elle reproduit,
5 à 6 ans après sa réalisation, les effets de la gastrite de
la maladie de Biermer avec, en plus, une carence en
fer ;
– syndrome de Zollinger-Ellison : l’excès d’acidité gastrique
empêche l’action du suc pancréatique pour
couper la liaison B12-protéine R ;
– gastrite atrophique banale des personnes âgées : une
carence modérée en vitamine B12 est parfois constatée.
• Insuffisance pancréatique externe : elle diminue
l’absorption de la vitamine B12 mais trop peu pour
causer une mégaloblastose vraie.
• Affections iléales : dans l’iléon est absorbé le complexe
vitamine B12 + facteur intrinsèque.
Certaines modifications
de cette partie du grêle entraînent une anémie macrocytaire :
– résection chirurgicale ;
– entérite régionale (maladie de Crohn) ;
– bothriocéphales dans le grêle : absorption compétitive
de la vitamine B12 chez les mineurs finlandais ;
– pullulation microbienne : consommation de la vitamine
B12 alimentaire par les bactéries et atrophie de la
muqueuse.
Elle se voit dans les diverticuloses et les
rétrécissements importants du grêle, une anse borgne
après chirurgie gastro-duodénale, la sprue tropicale,
l’amylose.
• Par manque d’apport : un régime végétarien strict
(sans oeufs ni laitages) provoque en 5 à 6 ans une carence
profonde en vitamine B12.
Cette situation est rarement
observée en Europe.
• Par effets secondaires médicamenteux : l’acide paraamino-
salicylique (PAS), la néomycine, la colchicine,
les biguanides, les anti-H2 au long cours ont été retrouvés
dans ces causes ; le protoxyde d’azote a pu provoquer
une carence aiguë.
2- Carences en acide folique :
• Par manque d’apport :
– régimes carencés : une cuisson excessive des aliments,
une dénutrition provoquent en quelques semaines une
carence vraie en acide folique.
La macrocytose et la
mégaloblastose sont moins nettes que dans une maladie
de Biermer, en raison de carences associées : fer,
protides, cuivre, zinc, cobalt, vitamine B6 ;
– alcoolisme : il ne peut à lui seul provoquer une anémie
macrocytaire (macrocytose isolée).
La survenue d’une
anémie doit faire évoquer un déficit en acide folique
ou une cirrhose ;
– malades en réanimation prolongée ;
– malades âgés : ils appartiennent à un groupe fortement
exposé à un tel risque (difficultés économiques,
troubles masticatoires, dépendance, anorexie) ;
– grossesse : un régime de type occidental peut être
déséquilibré lors de grossesses répétées, gémellaires,
avec allaitement.
La prescription systématique d’acide
folique à toutes les femmes enceintes est ainsi justifiée.
Dans les pays en voie de développement, la grossesse
est un facteur de risque important.
• Par défaut d’absorption digestive :
– chirurgie d’exérèse du grêle ;
– fistules digestives ;
– maladie coeliaque : l’atrophie des cellules villositaires
intestinales rencontrée dans l’entéropathie au gluten
affecte le jéjunum, donc les sites d’absorption préférentielle
de l’acide folique, mais aussi du fer, des protides ;
– sprue tropicale.
• Par utilisation compétitive :
– dans les hémolyses chroniques : l’acide folique est
consommé par les nombreux érythroblastes en
division ;
– dans les maladies dermatologiques étendues desquamatives
: psoriasis.
– mécanisme mal compris : hydantoïnes, contraceptifs
oraux oestroprogestatifs.
B - Anémies macrocytaires non mégaloblastiques :
• Maladies graves du foie : les perturbations du cycle entéro-hépatique de l’acide folique diminuent sa biodisponibilité
sans entraîner de carence au sens strict du terme.
• Hypothyroïdie : la thyroxine intervient dans l’érythropoïèse
en synergie probable avec l’EPO.
• Régénération efficace d’une anémie : un grand nombre
de réticulocytes dont on connaît le volume globulaire
moyen (VGM) supérieur à celui des globules rouges
plus vieux pourrait en être une des raisons.
• Syndromes myélodysplasiques primitifs et acquis : la
macrocytose avec anémie y est pratiquement constante
dans toutes ses formes.
Les anomalies des érythroblastes
ont longtemps été confondues avec une mégaloblastose,
à telle enseigne qu’ils étaient autrefois appelés « anémies
réfractaires » (au traitement par la vitamine B12 ou
l’acide folique).
Les mutations géniques sont décisives ;
la réduction du nombre de mitoses aboutit à la production
d’un macrocyte sans entraîner les anomalies morphologiques
des mégaloblastes.
On constate une érythropoïèse
inefficace par excès d’apoptose, comme dans les
anémies mégaloblastiques.
Diagnostic positif
:
A - Circonstances de diagnostic
:
Elles sont multiples :
– manifestations de la série anémique avec dyspnée,
fatigue, progressives dans leur installation ;
– amaigrissement et anorexie ;
– diarrhée au long cours ;
– troubles de la marche, maladresse manuelle ;
– maladie d’allure psychiatrique avec perte de mémoire,
désorientation, faisant évoquer chez une personne
âgée une démence sénile ;
– fièvre avec ou sans infection ;
– très souvent, une découverte fortuite à l’occasion d’un
hémogramme systématique.
B - Confirmation du diagnostic
par un hémogramme
:
L’hémoglobine (Hb) inférieure à 12 g/100 mL chez une
femme et à 13 g/100 mL chez un homme atteste la
présence d’une anémie.
Le volume globulaire moyen est supérieur à 98-100 fl et
peut atteindre 160 fl : cette macrocytose est confirmée
par l’examen de la lame de sang.
C - Avant toute thérapeutique intempestive :
Il faut compléter les examens par une numération des
réticulocytes, un myélogramme, un dosage de la vitamine
B12 et de l’acide folique sérique et érythrocytaire.
Diagnostic différentiel
:
Quelques artefacts peuvent faire croire à une macrocytose :
dans le myélome, les rouleaux formés par des globules
rouges et dans des cryoglobulinémies des agglutinats de
globules rouges.
L’examen de la lame redresse ce faux
diagnostic.
Diagnostic étiologique
:
A - Anémies macrocytaires mégaloblastiques :
1- Signes communs :
• Sur l’hémogramme : une anémie profonde qui peut
atteindre 4 à 5 g/100 mL d’hémoglobine, une macrocytose
importante à 130 fl et plus, avec réticulocytes bas ; c’est
une anémie arégénérative.
Les globules rouges sont gros
et ovalaires : macro-ovalocytes.
Certains ont dans leur
cytoplasme des inclusions : corps de Jolly et anneaux de
Cabot.
Ils sont de taille et de coloration inégales (anisocytose
et polychromatophilie).
Les globules rouges sont
bas avec une neutropénie ; les polynucléaires neutrophiles
(PNN) ont des lobes nucléaires augmentés en
nombre ; une thrombopénie est retrouvée avec souvent
une macroplaquettose visible.
• Sur le myélogramme : richesse cellulaire importante,
en particulier de la série érythroblastique.
Ce sont en fait
des mégaloblastes.
De grande taille, leur
noyau est fait d’une chromatine finement perlée ; le
cytoplasme est bleu sombre, hyperbasophile dans les
stades les plus jeunes de la lignée.
Ils se chargent correctement
en hémoglobine aux stades ultimes de maturation.
Le contraste entre un noyau qui reste anormalement
jeune et un cytoplasme qui vieillit plus vite définit
l’asynchronisme de maturation nucléo-cytoplasmique.
On remarque également des anomalies de la lignée
blanche et plaquettaire : cellules de grande taille avec
des métamyélocytes aux noyaux allongés (métamyélocytes
rubanés).
Les mégacaryocytes sont de grande taille.
Il y a donc un contraste entre la richesse de la moelle en
précurseurs des globules rouges et l’anémie arégénérative.
Cela traduit l’érythropoïèse inefficace par avortement intramédullaire.
• Certaines anomalies biochimiques rendent compte
de cette mort cellulaire avec libération de leur contenu
dans le sérum : bilirubine indirecte et sidérémie augmentées
par catabolisme de l’hémoglobine du cytoplasme
mégaloblastique, lacticodéshydrogénases (LDH) très
élevées (4 à 10 fois la normale) en raison d’une grande
richesse des mégaloblastes en cette enzyme.
• Quelques variations peuvent être décrites :
– des formes décapitées par une thérapeutique intempestive
: la mégaloblastose disparaît en 24 h, les réticulocytes
augmentent dès le 3e jour, les dosages de l’acide folique ou de la vitamine B12 sont faussés.
Il persiste
cependant des anomalies leucocytaires pendant 2
semaines ;
– des formes où macrocytose et mégaloblastose sont
masquées par une carence en fer : dans cette association,
la microcytose domine et cède la place à une macrocytose
après thérapeutique martiale.
Dans une thalassémie, la microcytose congénitale
empêche l’apparition d’une macrocytose.
2- Maladie de Biermer :
• Manifestations cliniques : un amaigrissement avec
anorexie souvent intense, élective pour les viandes, des
selles molles, quelques vagues douleurs abdominales
donnent un aspect de maladie digestive.
Il s’y associe
parfois une glossite (dite de Hunter).
Si des petits signes
neurologiques sont notés avec notamment une abolition
de la perception des vibrations du diapason, le diagnostic
est fortement évocateur.
• Anomalies hématologiques : typiques.
• Dosage de la vitamine B12 sérique : les taux sont
inférieurs à 100 pg/mL.
• Gastrite atrophique : elle est visible par l’endoscopie
(aires nacrées d’atrophie dans la région du fundus),
prouvée par la biopsie de la muqueuse (disparition des cellules pariétales, atrophie de la muqueuse, présence de
cellules lymphoplasmocytaires dans le chorion muqueux).
Elle est mise indirectement en évidence par un chimisme
gastrique (achlorhydrie pentagastrino-résistante, dite
jadis histamino-résistante).
• Malabsorption digestive de la vitamine B12 : elle est
confirmée par le test de Schilling ; de la vitamine B12
marquée par du cobalt radioactif est donnée par voie
buccale après saturation des aires de stockage (1 000 µg
d’hydroxocobalamine par voie intramusculaire 2 h
avant) ; les urines recueillies dans les 24 h qui suivent
contiennent peu de vitamine B12 ; il n’y a pas eu de
passage digestif.
Lors d’une épreuve refaite quelques
jours après avec de la vitamine B12 marquée et du
facteur intrinsèque dans la même gélule, on obtient une
nette ascension de la quantité de vitamine B12 dans les
urines ; l’absence de facteur intrinsèque est ainsi démontrée.
• Des auto-anticorps divers sont retrouvés : anticellules
pariétales gastriques (85% des malades), antifacteur
intrinsèque (55 % des malades), anti-thyroïdiens,
anticorps anti-nucléaires (ACAN), facteurs rhumatoïdes.
• Une forme particulière où dominent les signes neurologiques
parfois isolés : troubles de la marche avec
signe de Romberg et syndrome pyramidal ; ce tableau
(sclérose combinée de la moelle) se voit comme première
manifestation ou après un arrêt intempestif d’un traitement
prescrit plusieurs années auparavant.
La régression des
signes neurologiques à la reprise du traitement par la
vitamine B12 est très imparfaite.
On peut rencontrer des
formes avec neuropathies périphériques sensitivomotrices
ou désordres psychiatriques purs.
3- Autres carences en vitamine B12 :
Parmi les carences en B12, 30 % ne sont pas des maladies
de Biermer.
La plupart des causes de ce chapitre sont
évidentes dès l’interrogatoire : gastrectomie, chirurgie
de l’iléon, régime aberrant.
Deux erreurs peuvent être commises :
– faire d’une gastrite banale celle d’une maladie de
Biermer ; les personnes âgées ont des gastrites de toute
la muqueuse gastrique, sans note dysimmunitaire, sans
perturbation profonde de l’absorption de la vitamine
B12, même si les taux sériques peuvent être bas ;
– attribuer à une maladie de Biermer une diarrhée qui
est en fait celle d’une maladie primitive de l’iléon :
colite segmentaire, pullulation microbienne, fistule
post-chirurgicale.
4- Carences en acide folique :
L’interrogatoire permet d’évaluer l’apport quotidien en
acide folique.
La diarrhée au long cours et les troubles
digestifs font évoquer une malabsorption digestive :
selles molles et abondantes, amaigrissement, petits
oedèmes des membres inférieurs par hypoalbuminémie
probable, douleurs osseuses des ostéomalacies.
Les médicaments absorbés sont relevés.
Le dosage de l’acide folique dans le sérum et les globules
rouges donne une idée des stocks de l’organisme à condition
de le réaliser avant toute prescription de ce produit.
Ce diagnostic doit être envisagé dans les anémies
macrocytaires des femmes enceintes, des personnes
âgées, des alcooliques ou des personnes ayant des
difficultés socio-économiques.
Pour les autres groupes de malades, le transit du grêle, la
recherche de signes cliniques et biologiques de malabsorption
(calcémie, phosphatases alcalines, sidérémie,
protides et albuminémie), la biopsie jéjunale, des coprocultures,
la recherche d’une stéatorrhée font partie du bilan.
B - Anémie macrocytaire non mégaloblastique
:
Nous avons vu la liste de ces causes.
Celles qui posent
un vrai problème de diagnostic sont les syndromes myélodysplasiques
acquis et primitifs.
Leur fréquence en
Europe est beaucoup plus importante que celle des
carences.
Elles atteignent les personnes de plus de 60 ans.
L’analyse cytologique de l’hémogramme et du myélogramme
est décisive de même que l’absence de carence
en acide folique et en vitamine B12.
• Sur l’hémogramme : anémie macrocytaire non régénérative, macrocytose sans ovalocytose ni polychromatophilie,
parfois quelques érythroblastes circulants non
basophiles, une neutropénie souvent importante, des
polynucléaires neutrophiles avec des noyaux condensés,
non segmentés en lobes (anomalie acquise dite de
Pelger-Huet), avec des granulations neutrophiles qui ont
disparu ; la thrombopénie est modérée.
• Sur le myélogramme : l’érythroblastose peut être
importante mais la coloration de Perls qui évalue l’hémosidérine
dans le cytoplasme montre une abondance de
grains, regroupés en anneau autour du noyau (ringsidéroblastes
ou sidéroblastes de type 3).
Lorsqu’ils
représentent plus de 40 % des érythroblastes, on parle
d’anémie sidéroblastique acquise.
Un asynchronisme de
maturation nucléo-cytoplasmique est noté mais c’est le
noyau qui vieillit plus vite que le cytoplasme, peu chargé
en hémoglobine.
Chez certains malades, le myélogramme
contient 5 à 20 % de petits myéloblastes peu différenciés :
cette myélodysplasie est classée dans le groupe des anémies
réfractaires avec excès de blastes (AREB).
Les
mégacaryocytes de petite taille (micro-mégacaryocytes)
sont différents des grandes cellules rencontrées dans les
anémies macrocytaires carentielles.
Le caryotype, la
biopsie de moelle servent à mieux définir diagnostic et
pronostic : la transformation en leucémie aiguë est
redoutable.
Traitement
:
A - Maladie de Biermer :
1- Moyens :
La vitamine B12 est disponible sous forme de cyano- ou
hydroxocobalamine.
On préfère cette dernière en raison
d’une meilleure rétention tissulaire lors de chaque injection
: Vitamine B12 Aguettant, ampoules pour injection
intramusculaire à 100 µg/mL.
2- Indications :
Les schémas d’administration sont multiples, mais tous
insistent sur :
– une voie d’administration intramusculaire ;
– un traitement à vie ;
– l’inutilité de fortes doses (fuite urinaire due à la quantité
limitée de TC II disponible pour le transport sérique
du produit).
Nous utilisons les doses suivantes : 1 ampoule intramusculaire
tous les jours durant 7 jours, puis 1 toutes les
semaines durant 1 mois, puis 1 tous les mois la vie
durant.
• Résultats : en 24 h, les mégaloblastes disparaissent
de la moelle, en 3 ou 4 j les réticulocytes commencent
à augmenter, ils atteignent un pic vers le 6 ou 7e j
(crise réticulocytaire).
Durant 14 j persistent les
anomalies des polynucléaires neutrophiles et les signes
biochimiques d’érythropoïèse inefficace (augmentation
des LDH et de la bilirubine indirecte) ; l’hémoglobine
augmente de 1 g/semaine, le volume globulaire moyen
redevient normal en 1 mois.
La glossite et la diarrhée
disparaissent rapidement, de même que l’altération de
l’état général.
La gastrite et les troubles de l’absorption de la vitamine
B12 ne disparaissent jamais, d’où la nécessité d’un traitement
administré pour la vie.
Cette gastrite est une
lésion prénéoplasique : la fréquence des cancers gastriques
est augmentée et justifie la réalisation d’une fibroscopie
tous les 2 ans.
On trouve également une fréquence
excessive de gastrinomes en raison d’une gastrinémie
réflexe élevée.
Les transfusions de globules rouges sont réservées aux
anémies sévères avec retentissement cardiovasculaire ;
elles sont administrées prudemment (lentement et en
petites quantités quotidiennes) pour éviter une surcharge
vasculaire (risque d’oedème aigu du poumon).
Le fer n’a que peu d’indications, à moins d’avoir mis en
évidence une carence vraie associée.
L’acide folique est contre-indiqué car il a provoqué
l’apparition ou l’aggravation de manifestations neurologiques.
Dans les très rares cas où l’administration intramusculaire
est impossible, de fortes doses de vitamine B12 par
voie buccale peuvent vaincre la malabsorption iléale
(1000 µg/j) : absorption par diffusion passive.
B - Autres carences en vitamine B12 :
En présence de régimes carencés, la vitamine B12 par
voie buccale (100 µg/j) permet d’attendre l’effet des
conseils diététiques.
Dans les gastrectomies totales, la vitamine B12 doit être
donnée par voie intramusuclaire comme dans la maladie
de Biermer, mais associée à du fer.
Les pullulations microbiennes sont traitées par désinfection
intestinale.
Un traitement de la maladie sous-jacente doit toujours
être entrepris.
C - Anémies macrocytaires des carences
en acide folique :
• Moyens : acide folique en comprimés : Speciafoldine
5 mg ; acide folique en ampoule injectable intramusculaire
ou intraveineuse : Folinate de calcium Aguettant 5 mg.
• Indications : l’administration de 1 cp/j suffit, y compris
quand la carence est due à une mauvaise absorption
digestive.
On réserve la voie parentérale aux malades
qui ne peuvent avaler les comprimés.
Ces carences sont habituellement complexes, aussi fautil
également traiter les carences associées : fer, protides,
zinc, vitamine B6…
D’une façon générale, le traitement de la cause de la
carence est indispensable.
Les indications des transfusions sont semblables à celles
formulées à propos de la maladie de Biermer.
D - Anémies macrocytaires
non mégaloblastiques :
Le seul problème concerne celui des myélodysplasies.
Aucun traitement n’est régulièrement efficace. Les
transfusions de sang déleucocyté et phénotypé sont donc
indispensables à partir du moment où l’hémoglobine
passe au-dessous de 8 g/100 mL, ou si cette anémie est
cliniquement mal tolérée.
Il est parfois constaté une efficacité de l’administration
d’EPO si les taux endogènes sont inférieurs à 500 UI/L.
Les androgènes sont rarement efficaces.
Ces maladies
étant assimilables à des leucémies aiguës, des protocoles
expérimentaux de chimiothérapie sont en cours d’évaluation.