Anatomie chirurgicale des hernies de l’aine Cours de Chirurgie
Introduction
:
Dans l’espèce humaine, l’aine présente une faiblesse
constitutionnelle liée à la fois à l’adoption de la position debout et
au passage du cordon.
Chez les mammifères, l’espace entre le bord
inférieur des muscles et l’os iliaque est réduit à une mince fente.
Chez l’homme, le développement de la position debout s’est
accompagné d’un étirement transversal et longitudinal de ces
muscles, du fait de l’élargissement du bassin osseux et de l’extension
de la cuisse sur le bassin.
La dilacération des aponévroses de
terminaison n’a laissé subsister qu’un mince fascia, encore affaibli
dans le sexe masculin par le passage du cordon, conséquence de la
migration du testicule.
Si l’anatomie est une, les éléments anatomiques se présentent très
différemment au chirurgien, selon la voie d’abord choisie.
C’est
pourquoi nous décrirons successivement la structure anatomique de
la paroi, puis la présentation différente des éléments anatomiques
dans les voies d’abord antérieure et postérieure, traditionnelle et vidéoassistée.
Structure anatomique de l’aine
:
Le cordon traverse la paroi abdominale dans une fente située entre
les différents plans pariétaux : le canal inguinal (canalis inguinalis)
qui a une direction oblique de dehors en dedans, d’arrière en avant
et de haut en bas.
Sa paroi antérieure est formée par l’aponévrose
du grand oblique, sa paroi postérieure par l’aponévrose du
transverse et le fascia transversalis.
Son bord supérieur est formé
par le petit oblique et son bord inférieur par l’arcade crurale.
A - CADRE SOLIDE DE L’AINE
:
Il est formé en dehors par le muscle psoas iliaque, qui est lui-même
formé du psoas (musculus [M] psoas major) et de l’iliaque (M
iliacus) recouverts par une aponévrose résistante, le fascia iliaca, en
dedans par la terminaison du muscle grand droit (M rectus
abdominis) sur le pubis et en bas par la crête pectinéale du pubis,
doublée du ligament de Cooper.
B - PLAN MUSCULOAPONÉVROTIQUE
:
Il est constitué par les trois muscles latéraux de la paroi abdominale.
1- Grand oblique (M obliquus externus abdominis)
:
Au niveau de l’aine il est représenté par son aponévrose de
terminaison, lame mince et étalée s’unissant en dedans au feuillet
antérieur de la gaine des droits (vagina M recti abdominis).
En bas,
elle adhère au fascia iliaca dans sa partie externe, puis en regard des
vaisseaux fémoraux, ses fibres se recourbent vers l’intérieur pour former l’arcade crurale.
Les fibres les plus internes se recourbent en
dedans et en arrière et vont s’insérer sur la crête pectinéale, formant
le ligament de Gimbernat.
Un peu au-dessus et en dehors de l’épine
du pubis, les fibres de l’aponévrose du grand oblique, plus minces
et clairsemées, s’écartent pour former les deux piliers de l’orifice
inguinal superficiel.
L’étendue de ce defect est variable, dans 20 %
des cas il peut remonter au-delà du canal inguinal.
2- Petit oblique (M obliquus internus abdominis)
:
Le muscle est charnu dans sa partie externe où ses fibres basses
s’insèrent sur le fascia iliaca.
En dedans, son aponévrose de
terminaison s’unit à la gaine des droits.
Son bord inférieur décrit
une arche qui passe à distance de la crête pectinéale.
Il existe
ainsi une zone de faiblesse située entre le cadre solide de l’aine et le
bord inférieur du petit oblique : le trou musculopectinéal de
Fruchaud.
Le développement du petit oblique est très variable.
La partie
charnue du petit oblique ne couvre complètement le canal inguinal
que dans 2 % des cas, et dans 23 % des cas, elle reste limitée à la
moitié supérieure du canal inguinal.
Lorsque le bord inférieur du
petit oblique est en position basse, au contact du faisceau principal
externe du cremaster et du bord supérieur du cordon, l’orifice
musculopectinéal est petit et le plan de couverture solide.
Lorsque
le bord inférieur du petit oblique est plus ou moins haut situé, il y a
une zone de faiblesse.
En outre, dans 48 % des cas il existe des defects dans le muscle, comblés par de la graisse.
La présence de defects associée à une insertion haute du muscle dans 36,8 % des
cas compromet sérieusement l’efficacité de la barrière musculaire.
3- Plan musculofascial profond
:
Il est formé par la partie basse du muscle transverse et son
aponévrose de terminaison unie au fascia transversalis.
* Transverse (M transversus abdominis) et fascia transversalis
:
Le transverse est formé en dehors de fibres charnues s’insérant sur
le fascia iliaca et de fibres aponévrotiques s’unissant à la gaine des
droits.
Il est situé dans un plan plus profond que le petit oblique.
Comme les autres muscles, le transverse est recouvert par un
fascia sur ses deux faces.
Le fascia transversalis correspond au
feuillet recouvrant la face profonde.
Au niveau du corps charnu,
muscle et fascia peuvent être séparés, mais au niveau de
l’aponévrose ils sont indissociables.
Le plus souvent, le tendon conjoint n’existe pas, les tendons du petit oblique et du transverse
sont séparés par un espace celluleux, le petit oblique recouvrant le
transverse.
L’insertion basse du fascia transversalis se fait de la façon suivante :
les fibres les plus internes se perdent dans la gaine du droit et le
bord supérieur du pubis, les fibres inférieures et externes s’unissent
en dedans au ligament de Cooper, au milieu à la gaine des vaisseaux
fémoraux et en dehors au fascia iliaca.
Le bord inférieur du
transverse n’atteint le bord supérieur du canal inguinal que dans
14 % des cas.
Il recouvre seulement la moitié de la paroi postérieure
dans 67 % des cas et le quart dans 20 %.
En largeur, il ne recouvre la
moitié de la région que dans 67 % des cas.
Du fait de cette
disposition particulière des muscles, le plan musculofascial profond
présente deux zones de faiblesse limitées par des renforcements.
* Zone faible inguinale
:
Elle a une forme ovalaire, son bord supérieur correspond au bord
inférieur de l’aponévrose du transverse, son bord inférieur à la
bandelette iliopubienne (Ligamente inguinale).
Celle-ci
est un épaississement du fascia, se présentant sous la forme d’un
ruban mince et étroit, grossièrement parallèle à l’arcade crurale, passant
à la face antérieure des vaisseaux fémoraux, tendu du fascia iliaca en dehors à la terminaison du grand droit en dedans.
L’extrémité
interne de la zone de faiblesse inguinale est arrondie en dedans
au niveau du ligament de Henle, qui correspond en fait simplement
à la réunion des fibres de terminaison basse de l’aponévrose du
transverse avec la bandelette iliopubienne.
L’extrémité externe est
formée par la jonction à angle aigu du bord inférieur du transverse
et de la bandelette iliopubienne.
La zone faible inguinale englobe
l’orifice inguinal profond, siège des hernies indirectes, et la zone de
faiblesse interne, siège des hernies directes.
* Zone faible crurale
:
C’est un orifice grossièrement triangulaire, situé entre le bord interne
de la veine fémorale en dehors, le ligament de Cooper en arrière et
la bandelette iliopubienne en avant.
Ce point faible conduit dans le
canal crural et livre passage aux hernies crurales de l’abdomen vers
la cuisse.
Les vaisseaux fémoraux sont englobés dans une gaine vasculaire qui
est en continuité avec le fascia transversalis auquel elle fait suite à la
cuisse.
Le canal crural correspond à l’espace situé entre le bord
interne de la veine fémorale et la gaine vasculaire.
C’est un espace
virtuel conique à sommet inférieur d’environ 2 cm de long,
contenant du tissu conjonctif et des lymphatiques.
L’anneau crural
correspond à la base du canal, il mesure 8 à 27mmtransversalement
et 9 à 19mm dans le sens sagittal.
C - PLAN VASCULAIRE
:
Les vaisseaux iliofémoraux traversent le trou musculopectinéal dans
sa partie externe.
Ils cheminent dans la gaine vasculaire qui fait suite
au fascia transversalis et sont entourés de tissu celluleux en
continuité avec le tissu sous-péritonéal.
Les vaisseaux circonflexes iliaques profonds et les vaisseaux
épigastriques naissent des vaisseaux iliofémoraux, à hauteur de la
bandelette iliopubienne.
Les premiers se portent en dehors et
pénètrent rapidement sous le fascia iliaca.
Les vaisseaux
épigastriques dessinent d’abord une courbe à concavité supérieure,
s’opposant à celle du cordon, puis se dirigent obliquement en haut
et en dedans, cheminant en arrière du fascia transversalis, pour
pénétrer dans la gaine des droits au niveau de l’arcade de Douglas.
Ils donnent les vaisseaux funiculaires, qui vont au cordon
et des branches anastomotiques avec les vaisseaux obturateurs qui
croisent le Cooper.
Selon Fruchaud, une lame conjonctive épaisse entoure les
vaisseaux.
Elle constitue un renforcement profond de la zone de
faiblesse inguinale, situé en arrière du fascia transversalis.
Elle
a une forme grossièrement triangulaire.
Son bord supéroexterne
assez épais suit les vaisseaux épigastriques et forme la limite interne
de l’orifice inguinal profond : il correspond au ligament de
Hesselbach.
La lame conjonctive s’étend en dedans sur le reliquat
de l’artère ombilicale et se fusionne avec l’aponévrose ombilicoprévésicale, au bord externe de la vessie.
En bas, elle se
prolonge vers les lames vasculaires pelviennes.
D - PLAN PÉRITONÉAL ET ESPACE SOUS-PÉRITONÉAL
:
Le péritoine pariétal tapisse la face profonde de la paroi abdominale,
dont il est séparé par une couche de tissu celluleux
correspondant à l’espace sous-péritonéal.
Le clivage entre péritoine
et fascia est rendu facile par cette couche celluleuse, sauf au niveau
de la face profonde du muscle transverse et au pourtour immédiat
de l’orifice inguinal profond.
L’espace de Bogros est compris entre fascia transversalis en avant et
péritoine en arrière, il est limité en dehors par le fascia iliaca.
Il est
en continuité avec la graisse de l’espace pararénal dont il est un
prolongement inférieur.
Il contient un réseau veineux dont les
éléments cheminent à la face profonde de la paroi.
L’espace de Retzius est un espace de forme triangulaire, dont le sommet
correspond à l’ombilic et les bords latéraux aux artères ombilicales.
Il est situé entre pubis et face postérieure des grands droits en avant
et fascia ombilicoprévésical et face antérieure de la vessie en arrière.
Les espaces de Bogros et de Retzius sont facilement mis en
communication en effondrant quelques tractus conjonctifs.
Certains auteurs américains contemporains, reprenant la description
initiale de Cooper, considèrent que le fascia transversalis est formé
de deux feuillets : un feuillet antérieur membraneux et un feuillet
postérieur celluleux, entre lesquels cheminent les vaisseaux
épigastriques.
On peut considérer qu’il s’agit d’une
différence d’interprétation d’une même réalité anatomique, ce
feuillet postérieur correspondant à la lame périvasculaire de
Fruchaud.
Dans l’espace sous-péritonéal, les éléments constitutifs du cordon,
canal déférent et vaisseaux spermatiques divergent, le déférent se
dirigeant en bas et en dedans vers les vésicules séminales et les
vaisseaux spermatiques en haut et en dehors vers le rein.
L’ensemble est enveloppé par une gaine conjonctive : la gaine
spermatique, prolongement pelvien du fascia urogénital.
Elle a
une forme grossièrement triangulaire, son sommet correspondant à
l’orifice inguinal profond, ses bords latéraux au déférent et aux
vaisseaux spermatiques.
Selon Stoppa, elle recouvre largement et
constamment les vaisseaux iliaques externes et permet d’éviter
l’adhérence d’une prothèse aux vaisseaux.
E - CORDON INGUINAL
:
Il se forme au niveau de l’orifice profond et descend en direction du
scrotum.
Il contient les vaisseaux spermatiques le canal déférent et
le ligament de Cloquet, reliquat fibreux du canal péritonéovaginal.
Ces éléments entourés d’un tissu celluleux lâche, en continuité avec
la lame conjonctive des vaisseaux spermatiques, sont contenus dans
la gaine fibreuse du cordon.
Celle-ci est une lame conjonctive mince,
en continuité avec le fascia transversalis, dont elle est une
évagination.
Sur cette gaine fibreuse s’insèrent le faisceau principal
externe du cremaster, émanation du petit oblique en avant, et le
faisceau accessoire profond, émanation du transverse, en arrière.
L’ensemble forme la gaine fibrocrémastérienne.
F - NERFS
:
Les branches du plexus lombaire gagnent la cuisse en traversant la
région inguinale.
1- Nerf grand abdominogénital
(nervus [N] iliohypogastricus)
:
Il naît de L1 entre les deux faisceaux du psoas, émerge au bord
externe du psoas à hauteur du disque L1-L2 et se dirige en bas et en
dehors en croisant la face antérieure du carré des lombes.
Il perfore
le transverse à 3 ou 4 cm du bord externe du carré des lombes,
donne un rameau à destinée fessière et se divise en deux branches.
La branche abdominale chemine entre transverse et petit oblique et
s’anastomose avec les derniers nerfs intercostaux.
La branche génitale perfore le petit oblique près de l’épine iliaque antérosupérieure et chemine à la face profonde du grand oblique,
parallèle au cordon et très proche de lui.
Elle quitte le canal inguinal
au niveau de l’orifice inguinal superficiel et se distribue aux
téguments de la région crurale du pubis et du scrotum.
2- Nerf petit abdominogénital (N ilioinguinalis)
:
Il manque dans 25 % des cas.
Il suit un trajet parallèle au
précédent, un peu au-dessous de lui.
Ces deux nerfs sont largement
anastomosés et les branches génitales sont souvent confondues en
une seule.
Né de L2, il émerge du psoas à son bord externe, descend oblique
en bas et en dehors à la face antérieure du muscle iliaque, sous le
fascia iliaca et devient superficiel un peu au-dessous et en dedans
de l’épine iliaque antérosupérieure dont il est distant de 1 à 4,5 cm
pour innerver les téguments de la face antéroexterne de la cuisse.
4- Nerf génitocrural (N genitofemoralis)
:
Né de L2, il traverse le psoas et émerge de ce muscle à hauteur du
disque L3-L4.
Il descend oblique en bas et en dehors sous le fascia iliaca.
Il croise la direction des vaisseaux spermatiques et de
l’uretère, longe le côté externe de l’artère iliaque externe et se divise
en deux branches.
La branche crurale accompagne l’artère iliofémorale et se distribue aux téguments du triangle de Scarpa.
La
branche génitale suit les vaisseaux spermatiques, traverse l’orifice
inguinal profond et suit le bord inférieur du cordon ; elle innerve le cremaster et se distribue aux téguments du scrotum.
5- Nerf crural (N femoralis)
:
Né de L2-L3-L4, il émerge de la gouttière formée par les muscles
psoas et iliaque, descend sous le fascia iliaca et gagne la cuisse en
passant sous l’arcade crurale en dehors de l’artère fémorale, en
moyenne à 5 cm (3-7,5) de l’épine iliaque antérosupérieure.
6- Nerf obturateur (N obturatorius)
:
Né de L2-L3-L4, il descend en arrière puis en dedans du psoas, puis
dans le pelvis, au-dessous des vaisseaux iliaques externes, pour se
diriger vers le trou obturateur.
Anatomie chirurgicale
:
A - ABORD ANTÉRIEUR
:
La voie d’abord antérieure par une incision inguinale est la plus
pratiquée.
1- Plans cutané et sous-cutané
:
Le revêtement cutané comporte plusieurs points de repère
anatomiques : le pli de l’aine qui marque la séparation entre
abdomen et cuisse, les reliefs de l’épine iliaque antérosupérieure et
de l’épine du pubis palpables plus que visibles.
La ligne unissant les
épines iliaque et pubienne correspond en gros à la direction du canal
inguinal.
Les lignes d’élasticité du derme de Dupuytren et Langer
ont une direction plus horizontale.
Le plan sous-cutané est formé
par du tissu graisseux et le fascia de Scarpa qui porte les vaisseaux
sous-cutanés.
Au-dessous du pli inguinal, le fascia cribriformis est
perforé d’orifices pour le passage des vaisseaux.
2- Aponévrose du grand oblique
:
C’est le premier plan résistant que l’on découvre, formé de fibres
obliques en bas et en dedans, d’aspect blanc nacré. Ses deux piliers
délimitent l’orifice inguinal superficiel, un peu au-dessus et en
dedans de l’épine du pubis.
3- Plan du petit oblique et du cordon
:
L’incision de l’aponévrose du grand oblique ouvre le canal inguinal.
Sous le feuillet supérieur récliné vers le haut, on découvre le petit
oblique décrivant une arche au-dessus du cordon.
Des éléments
nerveux sensitifs entourent le cordon : la branche génitale du grand abdominogénital chemine entre les deux muscles obliques, en avant
et en dehors du cordon, puis traverse l’aponévrose du grand oblique
au niveau de l’orifice inguinal superficiel.
La branche génitale du
petit abdominogénital, lorsqu’elle existe, a un trajet parallèle.
La
branche génitale du génitocrural émerge de l’orifice inguinal
profond et suit le bord postéro-inférieur du cordon.
La section du cremaster et la traction sur le cordon permettent d’accéder au
pédicule funiculaire, qui va du pédicule épigastrique au cordon.
4- Plan musculofascial profond
:
Il est formé par le transverse et le fascia transversalis en continuité.
Dans la majorité des cas, le transverse est caché par le petit oblique,
le tendon conjoint n’existe pas.
En écartant le petit oblique, on découvre le transverse et le fascia transversalis.
Cette zone de faiblesse est plus ou moins étendue
selon le développement des muscles.
La qualité de cette zone est
appréciée au mieux sous anesthésie locale, en demandant à l’opéré
de pousser ou tousser.
En réclinant le feuillet inférieur de l’aponévrose du grand oblique,
on découvre l’arcade crurale. Les vaisseaux épigastriques formant la
limite interne de l’orifice inguinal profond sont plus ou moins
visibles sous le fascia transversalis.
En rabattant le feuillet aponévrotique inférieur vers le haut en
position anatomique, et en clivant le fascia cribriformis, on explore
le siège d’extériorisation des hernies crurales en dedans de la veine
fémorale.
5- Espace sous-péritonéal
:
L’incision du fascia transversalis donne accès à l’espace de Bogros.
Le clivage est facile en dedans des vaisseaux épigastriques et permet
de découvrir le ligament de Cooper.
En suivant ce dernier de dedans
en dehors, on découvre les vaisseaux iliofémoraux qui croisent la
branche iliopubienne et les branches anastomotiques entre vaisseaux
épigastriques et obturateurs qu’il faut éviter de blesser.
B - ABORD POSTÉRIEUR
:
La face profonde de la paroi inguinale peut être abordée en chirurgie
ouverte ou vidéoassistée, soit par voie transpéritonéale, soit par voie
extrapéritonéale.
1- Voie d’abord traditionnelle
:
L’incision peut être médiane sous-ombilicale ou de type Pfannenstiel
ou latérale.
Dans tous les cas, après incision du plan aponévrotique,
le plan de dissection se situe dans l’espace sous-péritonéal, le
péritoine n’est pas ouvert.
Sur la ligne médiane on effondre le tissu
celluleux de l’espace de Retzius entre, en avant la face postérieure
des muscles grands droits et le pubis plus bas, et en arrière la vessie
puis plus bas la prostate.
Latéralement le clivage est poursuivi vers
l’espace de Bogros.
On découvre ainsi la face postérieure du muscle
transverse et du fascia transversalis, puis plus bas la branche
iliopubienne, les vaisseaux iliaques et le psoas.
Les vaisseaux
épigastriques nés des vaisseaux iliaques montent à la face
postérieure du transverse puis du grand droit, séparant les deux
fossettes inguinales externe et moyenne.
Les éléments du cordon
convergent vers l’orifice inguinal profond, en dehors des vaisseaux
épigastriques.
Ils sont englobés dans la gaine spermatique.
C’est un
prolongement du fascia urogénital qui se présente sous la forme
d’un feuillet de tissu conjonctif peu épais.
Elle a grossièrement la
forme d’un triangle sous-tendu par les éléments du cordon, dont le
sommet correspond à l’orifice inguinal profond, le bord interne au
canal déférent et le bord externe aux vaisseaux génitaux.
Elle s’étend
latéralement vers la fosse iliaque et recouvre les vaisseaux iliaques
externes.
2- Voie coelioscopique transpéritonéale
:
Le péritoine pariétal tapisse le fond de la dépression péritonéale de
l’aine et se moule sur les éléments anatomiques, « comme un tapis
sur des marches d’escalier ».
Les plis déterminés par ces reliefs
constituent les repères à bien connaître pour aborder cette région
sans danger.
La saillie de l’ouraque forme un pli médian tendu de la vessie à
l’ombilic se rétrécissant de bas en haut : le ligament ombilical
médian.
Les autres éléments sont disposés symétriquement de part
et d’autre de ce relief médian.
Le reliquat fibreux de l’artère
ombilicale soulève un pli saillant, situé en dehors du précédent : le
ligament ombilical latéral.
Le pli des vaisseaux épigastriques, situé
en dehors du précédent est moins saillant.
Ces trois reliefs délimitent
trois fossettes.
La fossette inguinale interne ou supravésicale, située
entre pli ombilical médian et latéral, est le siège des rares hernies
obliques internes.
La fossette inguinale moyenne, siège des hernies
directes, est située entre le pli ombilical latéral et celui des vaisseaux
épigastriques.
La fossette inguinale externe située en dehors des
vaisseaux épigastriques correspond à l’orifice inguinal profond,
livrant passage aux hernies indirectes.
Au pied du pli des vaisseaux épigastriques, se dessine le relief des
vaisseaux iliaques externes à direction un peu oblique en bas et en
dehors, presque sagittale.
En dehors des vaisseaux épigastriques, les
vaisseaux spermatiques dessinent un relief oblique en haut et en
dedans vers l’orifice inguinal profond, au-dessus des vaisseaux
iliaques.
Le canal déférent, qui sort du canal inguinal pour plonger
dans le pelvis en croisant la veine iliaque externe, soulève un pli
oblique en bas et en dedans peu marqué.
Le ligament de Cooper a une direction grossièrement transversale.
On le perçoit par contact, plus qu’on ne le voit, à la base du
pli ombilical latéral, entre ce dernier et la saillie du déférent.
Le relief
grossièrement transversal de la bandelette iliopubienne ne se dessine
que chez les sujets maigres.
La bandelette ne sera découverte
qu’après mobilisation du péritoine.
Des nerfs passent sous ou à travers la bandelette iliopubienne, en
dehors de la fossette inguinale externe et des vaisseaux
spermatiques : ils sont exposés en cas d’agrafage à ce niveau.
Le
nerf crural situé sous le fascia iliaca en dehors de l’artère iliaque
n’est pas visible.
La branche crurale du nerf génitocrural est proche
des vaisseaux spermatiques.
Le nerf fémorocutané plus latéral passe
en dedans de l’épine iliaque antérosupérieure.
Les chirurgiens coelioscopistes ont donné le nom de « triangle
funeste » à la zone triangulaire dont le sommet correspond à l’orifice inguinal profond et les deux côtés au canal déférent en dedans et
aux vaisseaux spermatiques en dehors.
Dans l’aire de ce
triangle passent les vaisseaux iliaques, ainsi que la branche génitale
du génitocrural.
Le risque de blessure vasculaire est à l’origine de
cette dénomination.
Le « triangle des douleurs » délimité par les vaisseaux
spermatiques en bas et en dedans et la bandelette iliopubienne en
haut correspond au passage des nerfs.
Ceux-ci ont une topographie
variable et sont souvent cachés sous le tissu sous-péritonéal et le
fascia musculaire.
L’agrafage doit être proscrit dans cette zone.
La hernie indirecte se présente sous l’aspect d’un orifice d’aspect
semi-lunaire, situé en dehors des vaisseaux épigastriques, limité en
bas par la bandelette iliopubienne.
La hernie directe se présente sous
la forme d’une dépression plus ou moins profonde, située entre le
relief des vaisseaux épigastriques et le pli ombilical latéral, audessus
de la bandelette iliopubienne.
La hernie crurale est
caractérisée par une fossette située en dedans de la veine iliaque
externe.
3- Voie extrapéritonéale
:
L’optique est introduite sur la ligne médiane, le décollement initial
se fait au niveau de l’espace de Retzius.
Dans la région médiane, on
repère d’abord les muscles grands droits qui s’insèrent sur l’ogive
pubienne.
En dehors de la symphyse on peut suivre la branche iliopubienne avec le ligament de Cooper, qui est croisée dans sa
partie externe par les vaisseaux iliaques et par l’anastomose entre
les vaisseaux épigastriques et les vaisseaux obturateurs.
Le nerf
obturateur croise le bord inférieur de la branche iliopubienne pour
traverser le trou obturateur.
Dans la région latérale, on voit en haut les muscles obliques
recouverts par le fascia transversalis et les vaisseaux épigastriques ;
en bas le déférent et les vaisseaux spermatiques qui délimitent le
« triangle funeste » dans lequel se trouvent les vaisseaux iliaques
externes.
En dehors des vaisseaux spermatiques, au niveau du
« triangle des douleurs », le nerf fémorocutané et la branche crurale
du génitocrural ne sont pas toujours visibles, pouvant être cachés
par le fascia.
Le « cercle de la mort » fait référence aux variations
vasculaires dans cette région et notamment aux branches
anastomotiques entre vaisseaux épigastriques et vaisseaux
obturateurs, qui croisent la branche iliopubienne en dedans, en
dehors ou au niveau du passage des vaisseaux fémoraux, et dont la
blessure peut être une cause d’hémorragie.
Physiologie
:
Les mécanismes destinés à éviter la protrusion du sac viscéral hors
du canal inguinal sont multiples, à la fois passifs et actifs.
L’obliquité du canal inguinal et la disposition en chicane de ses deux
orifices, profond et superficiel, assurent une barrière passive par un
effet de valve, la paroi postérieure s’appliquant contre la paroi
antérieure lors des élévations de la pression intra-abdominale.
La
contraction musculaire tend à accentuer cet effet en mettant en
tension les aponévroses.
La contraction des muscles transverse et petit oblique attire l’orifice
inguinal profond en haut et en dehors.
De ce fait, elle augmente
l’obliquité du canal inguinal et elle tend à rétrécir l’orifice inguinal
profond en mettant en tension son rebord inférieur.
La contraction
du petit oblique et du transverse attire leurs tendons de terminaison
en bas et en dehors, et tend à réduire la zone de faiblesse inguinale.
Le bord inférieur du petit oblique s’abaisse vers la branche iliopubienne et tend à recouvrir par en avant la zone de faiblesse.
L’abaissement du petit oblique est bien visible lors des efforts de
poussée et de toux, lorsqu’on opère sous anesthésie locale un sujet
musclé.
L’élévation du bord inférieur de l’orifice inguinal profond
et l’abaissement du petit oblique ferment la zone de faiblesse à la
manière d’un diaphragme d’appareil photographique : shutter
mecanism des Anglo-Saxons.
Enfin, la contraction des cremasters
attire le cordon vers l’orifice inguinal profond, où il s’impacte à la
manière d’un bouchon.
Ce mécanisme complexe fait appel à plusieurs éléments
anatomiques.
Il est bien imparfait, comparé à celui d’un obturateur
photographique et surtout il dépend de la qualité des éléments anatomiques : si le fascia est déficient ou le petit oblique peu
développé, l’essentiel du mécanisme de fermeture est déstabilisé.
Anatomie pathologique
:
A - ALTÉRATIONS STRUCTURELLES DU FASCIA
TRANSVERSALIS :
Read a consacré beaucoup de travaux à ce sujet.
Il a montré que
des lambeaux de fascia prélevés chez des sujets atteints de hernie
étaient moins denses que ceux des témoins et que la différence était
plus marquée chez les sujets ayant une hernie directe ou bilatérale
que pour les hernies indirectes.
Par la suite, les analyses
histologiques et biochimiques ont mis en évidence des altérations
du tissu conjonctif : modifications du collagène, diminution du taux
d’hydroxyproline, anomalies des fibrilles au microscope électronique
et réduction de la prolifération des fibroblastes en culture.
Pans,
étudiant les caractéristiques biomécaniques du fascia transversalis
et de la gaine des droits, a constaté que le fascia des hernies directes
était plus extensible et élastique que celui des témoins. Dans une
étude immunohistologique ayant comparé des fragments de fascia
transversalis et de gaine des droits prélevés au cours d’interventions
de Stoppa, à des fragments prélevés sur des sujets témoins au cours
d’autopsies ou de prélèvements d’organes, il a été mis en évidence
une augmentation du nombre de fibres conjonctives isolées (au lieu
d’être groupées) et une plus grande désorganisation des réseaux de
fibres collagène, dans le fascia des hernies directes.
Le tabac jouerait un rôle déterminant dans les altérations du tissu
conjonctif.
Les vétérans traités par Read qui étaient souvent de
gros fumeurs, avaient un taux particulièrement élevé de hernies,
notamment directes ou bilatérales.
Le tabagisme est
significativement plus fréquent chez les patients porteurs de hernie
et notamment les femmes.
Les hernies sont deux fois plus fréquentes
chez les patients ayant un anévrisme de l’aorte que chez ceux qui
ont un syndrome de Leriche.
Par ailleurs, des anomalies congénitales du collagène peuvent
également être en cause.
Ainsi, chez les nourrissons, les filles
atteintes de luxation congénitale de la hanche ont cinq fois plus de
hernies que les autres et les garçons trois fois plus.
Une anomalie
du métabolisme du collagène a été mise en évidence sur un groupe
de neuf sujets atteints de hernie, non fumeurs, avec des antécédents
familiaux de hernie ou une hyperlaxité ligamentaire.
Ces faits, qui tendent à démontrer l’existence d’une faiblesse
particulière du fascia dans la genèse des hernies et notamment des
hernies directes, plaident en faveur d’un usage plus large des
prothèses.
B - DIFFÉRENTS TYPES DE HERNIES
:
1- Hernies inguinales
:
Elles correspondent au passage d’un diverticule péritonéal à travers
la zone faible inguinale.
On en décrit trois types.
* Hernies obliques externes ou indirectes
:
Ce sont les plus fréquentes : 65 % des hernies de l’homme adulte en
Europe.
Elles comportent un sac péritonéal qui s’extériorise par la
fossette inguinale externe, en dehors des vaisseaux épigastriques.
Le plus souvent, le sac est intrafuniculaire, correspondant à la
persistance du canal péritonéovaginal.
Il se développe en « doigt de
gant » à l’intérieur de la gaine fibrocrémastérienne et suivant le trajet
oblique du cordon.
De longueur variable, il s’étend plus ou moins à
l’intérieur du cordon, il peut dépasser l’orifice inguinal superficiel
et atteindre le scrotum : hernie inguinoscrotale.
Le sac peut être aussi extrafuniculaire et s’extérioriser en dehors de la gaine
fibrocrémastérienne. Des lipomes plus ou moins développés peuvent
entourer le sac.
Parfois volumineux, ils peuvent constituer l’essentiel
de la hernie alors que le sac est petit.
Dans les hernies « jeunes », le collet herniaire de petit calibre siège
au niveau de l’orifice inguinal profond.
Dans les hernies
volumineuses anciennes, l’orifice inguinal profond est élargi, les
vaisseaux épigastriques sont refoulés en dedans.
L’élargissement de
l’orifice peut empiéter largement sur la paroi postérieure qui est
alors plus ou moins détruite.
Le péritoine pariétal de la fosse iliaque
peut glisser à travers l’orifice herniaire, entraînant avec lui le côlon
accolé, c’est la hernie par glissement.
La vessie peut également être
adhérente à la partie interne du sac.
* Hernies directes
:
Elles s’extériorisent par la fossette inguinale moyenne, en dedans
des vaisseaux épigastriques.
Le plus souvent, le sac est plus large
que profond, arrondi comme un bol, correspondant à un
relâchement étendu du fascia transversalis au niveau de la fossette
inguinale moyenne.
Parfois, le sac s’extériorise par un orifice limité
et prend un aspect diverticulaire.
* Hernies obliques internes
:
Ce sont des hernies qui siègent au niveau de la fossette inguinale
interne, en dedans de l’artère ombilicale, et s’extériorisent à l’angle
interne du canal inguinal.
Elles sont exceptionnelles.
* Associations
:
Chez l’adulte, les associations de différents types de hernies sont
fréquentes et doivent être recherchées.
Une hernie indirecte peut être
associée à un simple bombement du fascia transversalis en dedans
des vaisseaux épigastriques, traduisant sa faiblesse.
Elle peut être
associée à un véritable sac direct en dedans des vaisseaux
épigastriques, réalisant une hernie mixte, biloculaire, en « pantalon ».
C’est souvent le cas pour les hernies extrafuniculaires.
Il
peut exister un relâchement diffus de la paroi postérieure englobant
toute la zone de faiblesse inguinale avec des vaisseaux épigastriques
entraînés dans le déplacement.
Une hernie crurale peut être associée
à une hernie inguinale quel que soit son type.
2- Hernies crurales
:
Elles sont beaucoup plus rares que les hernies inguinales et plus
fréquentes dans le sexe féminin.
Les hernies crurales sortent de
l’abdomen par la gaine extérieure des vaisseaux fémoraux qui
prolonge le fascia transversalis à la cuisse.
Cette gaine est
normalement très serrée autour des vaisseaux fémoraux, sauf à la
face interne de la veine fémorale.
C’est à ce niveau que se
développent les hernies crurales communes.
Le sac s’extériorise à
travers l’anneau crural, au-dessous de l’arcade crurale, en dedans
de la veine fémorale.
Il est habituellement petit, situé sous le fascia cribriformis et le collet est serré.
Les autres variétés de hernie crurale sont exceptionnelles : hernie de
Laugier extériorisée à travers le ligament de Gimbernat, hernie
prévasculaire qui peut être volumineuse.
Elle passe à la face
antérieure des vaisseaux fémoraux, entre eux et l’arcade crurale
distendue et soulevée en avant.
Les hernies situées en dehors de la
gaine vasculaire entre psoas et artère iliofémorale sont
exceptionnelles.
C - CLASSIFICATION DES HERNIES
:
Il existe plusieurs classifications. Nous ne donnerons que la
classification de Nyhus qui est la plus utilisée.
– Type I : hernie indirecte avec un orifice profond de taille et de
configuration normales.
Un sac indirect s’étend de façon variable,
au maximum jusqu’au milieu du canal inguinal.
La paroi postérieure
est solide.
C’est la hernie typique des enfants ou des adultes jeunes.
– Type II : hernie indirecte avec un orifice inguinal élargi et déformé
mais n’empiétant par sur la paroi postérieure.
Celle-ci est normale
quand on la palpe en introduisant un doigt dans le sac herniaire
ouvert.
Le sac herniaire peut occuper toute la longueur du canal
inguinal sans atteindre le scrotum.
– Type III : les hernies de ce type III comportent une faiblesse de la
paroi postérieure.
On distingue trois sous-groupes :
– type IIIa : toutes les hernies directes, quelle que soit leur taille :
protrusion de la hernie en dedans des vaisseaux épigastriques
avec un fascia transversalis faible ;
– type IIIb : hernies indirectes avec un orifice herniaire large,
dilaté, qui refoule les vaisseaux épigastriques et empiète plus ou
moins sur la paroi postérieure.
Ce groupe comprend les hernies inguinoscrotales, les hernies par glissement ainsi que les hernies
mixtes ;
– type IIIc : hernies crurales réalisant une forme particulière de
déficience de la paroi postérieure.
– Type IV : ce sont les hernies récidivées que l’on peut subdiviser en
quatre sous-types : IVa : directes ; IVb : indirectes ; IVc : crurales ;
IVd : combinaison de plusieurs types.