Techniques d’anastomoses iléoanales avec réservoir Cours de Chirurgie
Introduction
:
Depuis sa description initiale en 1978, la coloproctectomie totale
avec anastomose iléoanale sur réservoir iléal en un, deux ou trois
temps est devenue le traitement chirurgical de référence de la
rectocolite ulcérohémorragique et de la polypose adénomateuse
familiale.
Cette intervention est réalisée maintenant par de
nombreuses équipes et le nombre de patients ainsi traités dépasse
plusieurs milliers.
Il s’agit cependant d’une chirurgie sophistiquée,
réalisée chez des patients ayant une maladie parfois sévère, sous
traitements médicaux agressifs, qui comporte un taux de
complications estimé à plus de 60 %.
Ces complications peuvent
amener à la suppression du réservoir iléal ou à son exclusion
définitive du circuit digestif chez 5 à 12% des patients.
Les
complications menaçant le réservoir iléal peuvent être classées en
complications septiques (fistules anastomotiques iléoanales et
iléovaginales, suppurations pelviennes et péritonites), complications
vasculaires (ischémie, voire nécrose du réservoir), complications
mécaniques (sténose anastomotique, prolapsus iléal et incontinence
anale) et enfin complications « médicales » (inflammation du
réservoir ou pochite, fractionnement et polyexonération sévère).
Cet article a pour objet de passer en revue les différentes techniques
publiées permettant de sauver le réservoir iléal en cas de telles
complications.
Les gestes locaux, qui peuvent suffire à résoudre les problèmes
affectant le réservoir, sont envisagés dans un premier temps.
Les
gestes de révision par voie abdominale ou mixte, nécessaires en cas
d’échec ou de récidive après geste local, sont envisagés
secondairement.
Préparation à l’intervention
:
En l’absence d’iléostomie, les patients ont une préparation
intestinale par régime sans résidu strict les 3 jours précédant le geste
et une purge la veille (ingestion de deux flacons de 45 mL de Fleett
accompagnés de 2 L de boisson).
L’ionogramme est tout
particulièrement surveillé en raison du risque de troubles hydroélectrolytiques que peuvent induire la coloproctectomie, la
complication à traiter et la préparation intestinale.
Lorsqu’il existe
une iléostomie latérale d’amont, un lavement antérograde est donné
la veille (2 L de sérum physiologique en 30 minutes) par
l’intermédiaire d’une sonde de Foley placée dans le jambage d’aval,
ballonnet gonflé, en surveillant l’absence de survenue de douleurs
abdominales en cas de sténose anastomotique serrée.
L’antibioprophylaxie est obtenue au moment de l’induction par
l’injection de 2 g de Méfoxint.
Ces gestes de sauvetage du réservoir iléal sont pratiquement
toujours réalisés sous anesthésie générale.
Gestes locaux par voie basse
:
A - INSTALLATION
:
Le patient est installé en position dite « de la taille ».
L’exposition
périnéale doit être la meilleure possible : les fesses doivent déborder
largement le bord de la table et les cuisses doivent être relevées en
flexion, abduction et rotation externe, de manière à permettre au
chirurgien et à son aide de travailler sur la région périnéale en
position assise.
Une légère inclinaison de la table en position de
Trendelenburg permet d’améliorer l’éclairage du canal anal.
B - TECHNIQUES OPÉRATOIRES
:
1- Dilatation anale
:
La sténose anastomotique peut être due à une séquelle de
complication septique, à une rétraction du réservoir dont
l’anastomose sur la ligne pectinée aurait été faite sous tension, ou à
une ischémie du réservoir.
Elle se traduit par une zone fibreuse
longue de plusieurs millimètres dont la tentative de dilatation en
consultation se traduit par des douleurs.
Elle est différente du
diaphragme fibrineux mince et lâche, habituellement perçu au doigt
quelques semaines après réalisation de la coloproctectomie protégée
par une iléostomie et qui cède facilement par toucher au moment de
la fermeture de l’iléostomie.
La sténose peut être responsable d’une
détérioration du résultat fonctionnel avec polyexonération,
souillures par « regorgement » et fractionnement des selles.
Ailleurs,
elle peut se traduire par des douleurs à la défécation, voire par un
tableau obstructif incomplet.
La dilatation est réalisée très progressivement après avoir estimé la
direction du trajet par le cinquième doigt.
Plusieurs bougies de Hegar, de calibres successifs, largement lubrifiées par de l’huile de
vaseline sont insérées dans la sténose en partant d’un calibre 18 F.
Le plus souvent, la sténose est dilatée jusqu’à un calibre supérieur à
30 F.
Un saignement modéré peut survenir au niveau de
l’anastomose au moment de la dilatation, qui ne nécessite le plus
souvent qu’un tamponnement.
Pendant la dilatation, un toucher est réalisé de temps à autre, jusqu’à
ce que l’index passe dans le réservoir de manière à confirmer
l’absence de faux trajet et l’absence de fistule anastomotique.
En fin
de dilatation, le réservoir est abondamment lavé par du sérum
physiologique et il est exploré par iléoscopie afin d’éliminer une
pouchite, une ascension vers la cavité abdominale ou une anomalie
technique (séparation d’une suture mécanique longitudinale, torsion
du réservoir, etc).
Un drain en caoutchouc fixé à la peau (type sonde
de Pezzer dont l’extrémité est découpée en « corolle ») est laissé en
place dans le but de calibrer quelques jours (1 à 5) l’anastomose et
de vidanger le réservoir.
Les suites opératoires précoces peuvent être marquées par une
hémorragie toujours modérée, une reprise de phénomènes infectieux
(abcès ou fistule anale) et des douleurs nécessitant toutefois
rarement la prescription d’antalgiques majeurs.
Le patient est
réalimenté le jour même et le plus souvent déperfusé le lendemain.
En l’absence d’iléostomie, il devra poursuivre un régime sans résidu
quelques jours et prendre un ralentisseur du transit (Lopéramidet).
À distance de la dilatation, la récidive de la sténose associée à
d’autres complications éventuelles survient dans 60 % des cas.
La
persistance d’une sténose symptomatique aboutit à la réalisation
d’une iléostomie et donc à la perte fonctionnelle du réservoir dans
7 à 17 % des cas.
2- Drainage d’abcès et de fistules par voie basse
:
L’analyse des résultats portant sur 1 310 patients consécutifs opérés
pour une rectocolite hémorragique à la Mayo Clinic a montré que le
taux de suppuration pelvienne était de 6 %.
Tous les tableaux
cliniques peuvent se voir, de la simple fistule anastomotique
asymptomatique découverte fortuitement sur le contrôle
radiologique avant la fermeture de l’iléostomie à la péritonite
gravissime imposant une réintervention en urgence.
Le siège de la
fistule peut être l’anastomose elle-même, l’une des rangées
d’agrafage longitudinal ou transversal, ou encore un orifice iléal
d’introduction des agrafeuses.
Lorsqu’il s’agit d’une fistule asymptomatique, la cicatrisation peut
être espérée et souvent obtenue en retardant simplement la
fermeture de l’iléostomie.
Lorsqu’il s’agit d’une fistule paucisymptomatique se traduisant par un abcès ou une fistule de la
marge anale sans pelvipéritonite, le traitement doit débuter par une
exploration sous anesthésie générale, éventuellement après une
dilatation douce.
Si elle survient avant fermeture de
l’iléostomie, celle-ci sera bien sûr conservée jusqu’à cicatrisation ; si
elle survient à distance, il faut se poser la question de sa nature, qui
influence le traitement (complication technique, fistule anale
« banale » à partir d’une glande anale résiduelle, suspicion de
maladie de Crohn, fistule iatrogène, etc).
Une tomodensitométrie
(TDM) ou, mieux encore, une imagerie par résonance magnétique
(IRM) aident avantageusement à établir une véritable cartographie
des trajets et collections septiques.
Après exploration soigneuse à la recherche de l’orifice primaire,
l’abcès de la marge anale est évacué par une incision radiée.
Un
prélèvement bactériologique doit toujours être effectué pour adapter
secondairement l’antibiothérapie le cas échéant.
Le trajet fistuleux
est recherché méticuleusement et d’autant plus prudemment que la
complication survient tôt dans l’histoire clinique.
La recherche se
fait à l’aide d’un stylet, de l’injection d’air, de Bétadinet ou de bleu de méthylène.
En fonction du siège de la fistule par rapport au
sphincter anal, le premier traitement peut être :
– une fistulotomie par simple incision le long du trajet cathétérisé
par le stylet s’il s’agit d’une fistule sous-cutanée ou transsphinctérienne
basse ;
– un drainage en séton s’il s’agit d’une fistule transsphinctérienne
moyenne ou haute.
Le stylet pourvu d’un chas attire un faisceau de
crins (six ou huit fils monobrins de polypropylène décimale 1) ou
un fil élastique dans le trajet fistuleux.
Ces fils sont lâchement noués
à l’extérieur par trois fils tressés non résorbables de type Mersuturet
2 ;
– un large drainage par lame et drains en Silastict par l’incision
radiée associés à un drain transanal pour irrigations du réservoir
sous couverture d’une iléostomie latérale si la fistule prend son point
de départ dans le réservoir ; le même traitement est institué si le
point de départ du sepsis n’est pas identifié formellement d’emblée.
Les trois techniques exposées dans ce chapitre ne diffèrent pas du
traitement classique des fistules anales décrit ailleurs.
Une fois la suppuration jugulée après insertion d’un drainage en
séton et en pratique après plusieurs mois, le deuxième temps peut
être envisagé :
– ablation simple de tout ou partie des fils du drainage
(éventuellement en consultation) si les conditions suivantes sont
réunies : absence d’écoulement, orifice primaire de très petite taille,
trajet suffisamment sclérosé et fin ;
– ablation du drainage en séton, fermeture de l’orifice primaire par
simple suture au fil lentement résorbable de calibre 4/0 et drainage
par l’orifice secondaire si les conditions suivantes sont réunies :
absence de suppuration, orifice primaire bas situé (sur
l’anastomose), large, mais à bords souples ;
– ablation du drainage en séton et réalisation d’un lambeau
d’abaissement par voie transanale.
Au maximum peut être réalisée
une réparation anastomotique par voie transanale, par exemple en
raison d’une désunion d’une demi-circonférence.
Dans ce cas, après
mise en place d’un écarteur de type Lone Start (Lone Star Medical
Products, INO Houston TX), la désunion est repérée et la paroi
complète du réservoir iléal (c’est-à-dire comportant la séreuse) est
libérée à partir de l’hémicirconférence désunie de la ligne pectinée.
Cette libération est menée aux ciseaux de Mayo sur une hauteur de
6 à 8 cm environ.
La partie de réservoir ainsi libérée et maintenue
par une ou deux pinces d’Allis est abaissée sans tension à la ligne
pectinée telle un lambeau.
La suture est réalisée à points séparés de
fil lentement résorbable 4/0.
Pour éviter le développement d’un
hématome qui pourrait se surinfecter sous le lambeau, un drainage
tubulaire est placé en dehors du réservoir dans la loge de dissection,
qui sort par un orifice périanal.
Certains auteurs réalisent un
lambeau à peu près identique en ne mobilisant que la muqueuse, la sous-muqueuse et une partie de la musculeuse de l’iléon constituant
le réservoir, à la manière d’un lambeau d’abaissement rectal en cas
de fistule anale haute.
Un tel lambeau apparaît cependant plus
fragile, plus court, plus difficile à obtenir et moins solide qu’un
lambeau réalisé aux dépens de la totalité de la paroi du réservoir
iléal.
Après disparition des phénomènes septiques grâce à un drainage
large lorsque l’orifice primaire est situé haut dans le réservoir, le
deuxième temps ne peut le plus souvent qu’être réalisé par voie
mixte abdominale et périnéale, même si dans la littérature un cas de
réparation du réservoir par voie transanale a été tenté, en vain.
Malgré tous ces gestes réalisés par voie basse pour abcès ou fistule
sur anastomose iléoanale avec réservoir en « J », une récidive ou des
complications surviennent dans près de 60 % des cas, conduisant
finalement, après une ou plusieurs réinterventions, à l’excision du
réservoir avec iléostomie définitive dans 17 % des cas.
3- Abaissement du réservoir et anastomose iléoanale
itérative par voie basse
:
Cette technique, décrite pour la première fois par Fazio en 1992,
est indiquée à distance (3 mois) de toute suppuration active pour
traiter une sténose anastomotique iléoanale sévère éventuellement
associée à une fistule iléoanale ou iléovaginale basse chronique.
Après mise en place d’un écarteur de type Lone Start ou à défaut
de deux écarteurs de Gelpi, une solution de Xylocaïnet adrénalinée
à 1/1 000 est injectée circonférentiellement dans la sous-muqueuse
du canal anal en regard de la ligne pectinée jusqu’au niveau de la
sténose pour aider à la dissection et diminuer le saignement
peropératoire.
Une incision circonférentielle est réalisée aux ciseaux de Mayo
immédiatement sous la ligne pectinée, donc à quelques millimètres
sous la sténose.
La dissection est poursuivie vers le haut en dehors
de la sténose, en traversant le cas échéant un ou plusieurs trajets
fistuleux scléreux.
La face interne du sphincter interne est
ainsi progressivement exposée.
Ce même plan de dissection
poursuivi vers le haut permet de se trouver en dehors de la séreuse
du réservoir iléal.
La zone sténosée et fibreuse est saisie et mobilisée
par une pince de Babcock, ce qui permet de faciliter la dissection du
réservoir jusqu’à 10 ou 12 cm de la ligne pectinée.
L’hémostase est réalisée par électrocoagulation, au mieux bipolaire
pour diminuer le risque de nécrose du réservoir par hyperthermie.
La libération de la partie inférieure et moyenne du réservoir
en « J », souple, autorise l’abaissement transanal de son sommet
scléreux.
L’aide opératoire maintenant une traction modérée sur la
pince de Babcock, l’opérateur fixe le réservoir à l’appareil
sphinctérien par quatre points cardinaux non transfixiants de fil
lentement résorbable 4/0.
Après recoupe de la zone
pathologique distale jusqu’en zone saine, une nouvelle anastomose iléoanale est effectuée entre le nouveau sommet, souple, non
inflammatoire et bien vascularisé du même réservoir et la ligne
pectinée.
Quatre points cardinaux (antérieur, postérieur, latéraux
droit et gauche) de fil lentement résorbable 4/0, prenant la totalité
de la paroi du réservoir et la muqueuse anale en « mordant »
modérément dans le sphincter interne, sont placés d’abord.
Trois
points sont ensuite noués dans chaque quadrant, pour un total de
16 points séparés.
Une manchette de latex (en pratique,
découpée dans le gant de l’aide) est mise en place dans le réservoir,
sortant par l’anus où elle est fixée par un point de fil non résorbable
3/0.
4- Section d’un septum distal dans le réservoir
:
Dans certains cas, rares, les troubles fonctionnels comme un
fractionnement des selles, une obstruction basse ou une polyexonération sont rapportés à la présence d’un éperon horizontal
situé dans la partie basse du réservoir.
Ce dernier correspond au
pont muqueux distal, qui n’a pas été sectionné lors de la confection
du réservoir en « J ».
Le traitement en est simple : il faut le sectionner en introduisant une
pince GIA 50 à travers l’anus, après dilatation douce au doigt.
L’hémostase est assurée si besoin par électrocoagulation et une
manchette transanale est laissée en place, fixée à la peau pour
48 heures.
Gestes par voie haute
:
A - INDICATIONS
:
Lorsque les gestes locaux réalisés par voie basse sont inefficaces
(persistance ou récidive d’une sténose, d’une fistule iléoanale), force
est d’envisager un geste plus agressif par voie mixte haute
(abdominale) et basse (périnéale).
Ailleurs, l’indication de double voie d’abord est d’emblée posée, car
le geste ne peut pas, à l’évidence, être réalisé uniquement par voie
périnéale. De manière exhaustive, il s’agit des situations suivantes :
– tableau de péritonite ;
– fistule haut située sur le réservoir, le plus souvent partant de la
rangée d’agrafes sur l’anse borgne, ou de la partie moyenne ou
haute d’une rangée d’agrafes verticale ;
– nécrose du réservoir ;
– désunion anastomotique circonférentielle et ascension du réservoir
vers la cavité abdominale par traction ;
– réintervention après impossibilité de descente primitive du
réservoir à la marge anale, auquel cas il a été le plus souvent amené
en iléostomie terminale dans une fosse iliaque dans un premier
temps ;
– pochite sévère résistant au traitement médical bien conduit ;
– troubles fonctionnels majeurs au premier rang desquels une polyexonération à plus de 15 selles quotidiennes ;
– malfaçon du réservoir, comme une anse borgne trop longue, une
sténose serrée haute avec aspect en « sablier » d’un réservoir en
« J », un réservoir trop volumineux avec difficultés à l’évacuation
ou, à l’inverse, un réservoir de taille ou compliance réduites ;
– prolapsus du réservoir ;
– torsion du réservoir ;
– nécessité de réalisation d’une iléostomie de dérivation.
B - INSTALLATION
:
Le patient est installé en position dite « de double équipe »
permettant de passer du temps abdominal au temps périnéal par
simple mobilisation des membres inférieurs.
Les fesses doivent
déborder largement le bord de la table.
Lors du temps abdominal,
les membres inférieurs sont en très légère flexion, abduction et
rotation externe, de manière à ménager un espace pour placer le
deuxième aide.
Le cas échéant, l’iléostomie est incluse dans le
champ opératoire et recouverte d’une simple compresse ou d’une
poche stérile, de manière à permettre un éventuel abord du jambage
d’aval pour instillation de sérum physiologique ou de produit
hydrosoluble radio-opaque.
Au moment du temps périnéal, les
cuisses sont relevées en flexion à plus de 90°, abduction et rotation
externe par manipulation stérile de la table à travers les champs, de
manière à permettre au chirurgien et à son premier aide de travailler
sur la région périnéale en position assise.
Une légère inclinaison de
la table en position de Trendelenburg permet d’améliorer l’éclairage
du canal anal.
C - TECHNIQUES OPÉRATOIRES
:
Toutes les techniques de sauvetage d’un réservoir iléal par voie
mixte comportent un premier temps commun que nous allons
d’abord décrire, avant d’envisager chacune d’entre elles dans ce qui
leur est spécifique.
1- Temps opératoire commun aux différentes
interventions :
La voie d’abord doit être large pour permettre une viscérolyse
complète, une exploration exhaustive de la cavité péritonéale et une
mobilisation complète des anses grêles, du mésentère et du bloc
duodénopancréatique.
En pratique, il s’agit d’une incision xiphopubienne avec le plus souvent, pour nous, excision de
l’ancienne cicatrice à visée esthétique.
L’incision de la ligne médiane
doit séparer en bas les muscles recti et les muscles pyramidaux
jusqu’au périoste pubien.
Le péritoine recouvrant le dôme vésical
doit être désinséré du péritoine pariétal antérieur par une incision
vers la gauche (pour respecter l’ouraque), ce qui donne un jour
suffisant sur la cavité pelvienne.
Le temps suivant, mené sur un patient en décubitus horizontal strict
(pas d’inclinaison ni de roulis de la table), consiste en une viscérolyse très complète de toute la cavité péritonéale.
Pour ce faire,
les berges de l’incision sont couvertes par un champ de paroi et un
écarteur de type Gosset permet de maintenir la plaie opératoire
ouverte.
L’intestin grêle doit pouvoir être déroulé dans son
ensemble.
Sa longueur est mesurée rigoureusement et doit
apparaître dans le compte-rendu opératoire.
Le mésentère est libéré
du péritoine pariétal postérieur, comme cela a dû être fait une
première fois lors de la coloproctectomie restauratrice.
Cette
libération, menée de bas en haut, rejoint le troisième duodénum.
Il
faut ensuite faire une manoeuvre de Kocher itérative, de manière à
libérer complètement le bloc duodénopancréatique céphalique
jusqu’au bord gauche de l’aorte, sous la naissance de l’artère
mésentérique supérieure.
La veine mésentérique supérieure est
disséquée sur sa face antérieure, son bord droit et sa face postérieure
jusqu’à sa pénétration dans le pancréas.
Le troisième temps est la libération du réservoir.
Le petit bassin est
abordé après avoir fait incliner la table en léger Trendelenburg pour
maintenir la masse des anses grêles vers le haut sous un champ
abdominal.
La partie haute de l’abdomen est ainsi isolée du petit
bassin, dans l’hypothèse d’une souillure du champ opératoire par le
réservoir, s’il devait être ouvert ou désinséré.
Dès lors, l’écarteur de
Gosset doit être orienté de manière à ce que la barre transversale
soit vers la tête du patient pour ne pas gêner l’exposition vers le
bas.
Une valve malléable, fixée à cette barre transversale par une
pince de Jean-Louis Faure ou une pince longuette, maintient les
anses grêles et libère avantageusement la main du premier aide.
La
vessie et, le cas échéant, l’utérus sont refoulés vers le bas par une
valve de Leriche maintenue par le deuxième aide.
La dernière anse
grêle, identifiée et attirée vers le haut et l’avant, permet de repérer
la base du réservoir et, rapidement, l’anse borgne.
La rangée
d’agrafes est explorée. Une première anomalie peut être identifiée à
ce moment-là : anse efférente trop longue, rangée d’agrafes siège
d’une perforation bouchée dans un organe voisin ou la paroi
pelvienne.
À partir de la base du réservoir, la dissection est
poursuivie vers le bas prudemment pour ne pas léser l’iléon et ne
pas risquer de blessure des nerfs ou des vaisseaux pelviens.
La
libération du réservoir peut se faire manuellement jusqu’au plancher
périnéal.
Le quatrième temps correspond au geste sur le réservoir proprement
dit.
Il est fonction de l’anomalie qui a justifié l’indication opératoire.
2- Recoupe d’une anse efférente trop longue
:
Ce cas exceptionnel en cas de réservoir en « J » (ou en « W ») peut
être responsable de troubles fonctionnels.
Le traitement en est des
plus simples : il suffit de recouper l’anse efférente au ras de la base
du réservoir par l’intermédiaire d’une agrafeuse automatique (TA
55 agrafes vertes ou GIA 50).
Un surjet de fil lentement résorbable 4/0 est appliqué sur la rangée d’agrafes pour la renforcer d’une part
et pour assurer l’hémostase d’autre part.
Une lame multitubulée est placée au contact de la tranche de section et une
iléostomie est réalisée éventuellement, si elle n’est pas déjà présente.
3- Suture d’une fistule de la base
ou de la partie moyenne du réservoir :
Dans ce cas, les berges de la perforation sont excisées jusqu’en zone
parfaitement saine.
L’anse afférente est clampée par un clamp
digestif droit ou courbe souple.
Une sonde de Foley, dont le
ballonnet est gonflé, est montée dans le réservoir par voie transanale
afin de le laver abondamment au sérum bétadiné.
La perforation est
ensuite suturée, dans notre expérience, à points séparés de fil
lentement résorbable 3/0.
L’étanchéité est vérifiée, toujours sous clampage de l’anse afférente, par mise en tension modérée du
réservoir en le remplissant de sérum par voie basse.
Là encore, un
drainage au contact par une lame est réalisé et une iléostomie,
systématique cette fois-ci, est confectionnée pour 2 à 3 mois.
S’il
existe un abcès pelvien, voire une péritonite au moment de
l’intervention, le drainage doit être plus large et comporter
éventuellement d’autres lames et drains dans d’autres quadrants de
la cavité péritonéale.
Lorsque la suture du réservoir paraît inflammatoire et fragile, Tran
et al proposent de transposer un lambeau de muscle rectus
abdominis préparé par un chirurgien plasticien en avant du
réservoir jusqu’au plan périnéal, où il est suturé.
4- Anomalie du tiers distal du réservoir
:
Ce cas, le plus fréquent, peut correspondre à une récidive de sténose
serrée après dilatations, à une fistule anastomotique iléoanale, à une
désinsertion complète de l’anastomose, à une trop longue anse
efférente d’un réservoir en « S » ou en « H » ou encore à une torsion
du réservoir.
Il faut alors totalement déconnecter le réservoir du pelvis et l’amener
dans le champ opératoire pour l’explorer minutieusement sous
couverture d’un clampage d’amont et après lavage du réservoir par
voie transanale.
Cette déconnexion ou désinsertion du
réservoir plus ou moins altéré est réalisée par voie haute et basse
simultanément : par voie haute, la dissection est menée jusqu’au
contact de la zone fibreuse correspondant à l’anastomose ou à sa
complication.
La position du patient est ensuite modifiée pour permettre l’abord
périnéal.
L’écarteur de Lone Start est mis en place, chacun
des huit hameçons étant appuyé sur la marge anale, à environ 5 mm
de la ligne pectinée, c’est-à-dire théoriquement de l’anastomose.
Une
infiltration de Xylocaïnet adrénalinée à 1/1 000 est réalisée
circonférentiellement dans la sous-muqueuse anale pour diminuer
le saignement peropératoire et faciliter la séparation du réservoir de
l’appareil sphinctérien.
Une très courte mucosectomie aux ciseaux
de Mayo débutant immédiatement sous la ligne pectinée (ou, si
l’anastomose a été confectionnée à la pince automatique, c’est-à-dire
laissant un peu de muqueuse du bas rectum, partant de la ligne
pectinée) permet de s’engager en dehors de la zone fibreuse
correspondant à l’anastomose ou à sa complication et de rejoindre le
plan de dissection mené par voie haute.
Une attention toute
particulière doit être donnée à ne pas léser le sphincter interne.
Si le
plan de dissection n’est pas formellement reconnu par l’abord transanal, le chirurgien peut, après changement de gants, glisser une
main gauche dans le petit bassin au contact de la partie gauche du
réservoir et descendre jusqu’au niveau de la zone fibreuse.
L’index
de la main droite monte alors, à partir de l’incision muqueuse, vers
la main intrapelvienne jusqu’à désinsérer le réservoir à ce niveau.
Il
suffit ensuite de poursuivre la désinsertion digitale en s’aidant des
ciseaux de temps à autre pour ne pas déchirer le sommet du
réservoir, notamment en regard des parties fragiles que sont les
rangées d’agrafes longitudinales.
Le réservoir, toujours sous couvert
du clampage, est alors amené sur un champ abdominal et exploré.
En cas de sténose longue et fibreuse et/ou de fistule anastomotique,
la partie pathologique peut être le plus souvent excisée jusqu’en
zone saine, c’est-à-dire souple et bien vascularisée.
Ce sacrifice de
quelques centimètres n’obère pas, le plus souvent, les chances de
pouvoir réaliser une anastomose iléoanale itérative entre le réservoir
ainsi raccourci et la ligne pectinée, ce d’autant plus que la
réintervention est plus tardive.
En effet, à distance d’une anastomose iléoanale, le mésentère et l’iléon se modifient dans le sens d’un
allongement et, pour l’iléon, dans le sens d’une dilatation et d’un
épaississement de ses parois.
Si la fistule siège au-dessus de l’anastomose, par exemple sur une
rangée d’agrafes, et qu’il n’existe pas de suppuration active, il est
possible de simplement réparer le réservoir en suturant le defect à
points séparés de fil lentement résorbable 3/0 ou 4/0 après
avivement de ses berges et de le redescendre à la marge anale pour
la réalisation d’une anastomose iléoanale itérative.
En cas de réintervention pour fistule basse en zone inflammatoire et
si l’excision distale n’autorise pas l’anastomose itérative sans tension
et que la simple réparation comme précédemment comporte un
risque important de récidive de la fistule, un artifice technique
consistant à réparer le réservoir et à le retourner peut être utilisé.
Les berges de la fistule et du sommet du réservoir désinséré sont d’abord avivées.
Le réservoir est ensuite fermé à
points séparés de fil lentement résorbable 4/0.
Le cône virtuel que
constituent le réservoir iléal en avant et son mésentère en arrière est réouvert par sections des quelques adhérences lâches souvent
présentes.
Le sommet suturé du réservoir est poussé dans le cône
jusqu’à retournement en « doigt de gant ».
La face postérieure du
réservoir qui faisait face au mésentère devient alors la face
antérieure, tandis que la face antérieure portant la suture et
l’inflammation se retrouve au contact du mésentère.
Une simple
bascule de 180° associée à une rotation axiale de 180° permet alors
de proposer une anastomose iléoanale itérative entre le même
réservoir non raccourci, non inflammatoire au niveau de son
nouveau sommet et parfaitement étanche, et la ligne pectinée.
En cas d’anse efférente sur réservoir en « S » ou en « H » trop
longue, il suffit de recouper cette anse au ras du réservoir après
désinsertion et de réaliser une anastomose iléoanale itérative.
S’il s’agit d’une torsion axiale du réservoir, qui s’accompagne
d’ailleurs volontiers d’une désunion plus ou moins complète et
précoce de l’anastomose par traction sur effet « spire », la
désinsertion du réservoir est suivie d’une détorsion puis d’une
anastomose iléoanale itérative.
Que le geste sur le réservoir ait été une réparation simple, une
excision distale ou un retournement, l’anastomose iléoanale itérative est toujours réalisée de la même manière. Le sommet du réservoir
est attiré prudemment jusqu’au travers de la marge anale par une
pince de Babcock longue sans torsion.
Durant la descente du
réservoir, qui doit être faite par le chirurgien, la vessie chez l’homme
ou l’utérus chez la femme sont plaqués vers l’avant par sa main
gauche.
Si l’abaissement est difficile alors que la longueur du
mésentère semblait largement suffisante, deux artifices peuvent être
utilisés : le premier consiste à verser de l’huile de vaseline stérile
dans le pelvis autour du réservoir, pour le lubrifier ; le deuxième
consiste à glisser le réservoir dans un sac plastique stérile de type
« sac à grêle » pour diminuer les résistances au frottement contre la
paroi pelvienne et à l’enlever ensuite par voie basse.
Tous ces gestes de désinsertion, excision, réparation ou
retournement du réservoir et anastomose iléoanale itérative sont
suivis de la confection d’une iléostomie latérale de protection si elle
n’existait pas déjà.
Elle est faite à environ 20 ou 30 cm en amont de
la base du réservoir.
Elle ne doit pas attirer le réservoir vers le haut,
sous peine de voir survenir une désunion anastomotique.
Le
drainage du pelvis est assuré par une lame multitubulée ou, si le
risque est essentiellement celui de la survenue d’un saignement, par
un ou deux drains de Redon aspiratifs.
5- Sacrifice du réservoir et reconstruction d’un nouveau
réservoir :
Dans de rares cas, il est impossible de conserver le réservoir :
multiples fistules, trop petite taille ou inflammation sévère.
Il faut
alors se résoudre à le sacrifier et le patient est prévenu auparavant
de cette éventualité.
Après désinsertion et exploration, le réservoir est
supprimé par une application d’agrafeuse automatique (TA 55
agrafes vertes ou GIA 50) sur l’anse afférente immédiatement en
amont de sa base.
Il est systématiquement adressé en examen
anatomopathologique à la recherche d’une maladie de Crohn.
En dehors d’une suppuration grave rendant dangereuse la
prolongation de l’intervention et aléatoire une anastomose itérative,
un nouveau réservoir est constitué aux dépens de l’iléon d’amont
pourvu qu’il soit estimé avant que son futur sommet ne descende
facilement à la marge anale (ce qui est le cas s’il descend jusqu’à
6 cm sous la symphyse pubienne selon Smith).
La technique de
confection du réservoir a été déjà décrite.
La protection du
montage par une iléostomie latérale d’amont est là, en revanche,
systématique.
Autres gestes décrits
dans la littérature
:
A - ABORD POSTÉRIEUR TRANSSACRÉ
:
Cette voie d’abord a été décrite par Gambiez et al pour traiter une
sténose sévère chez deux patients ayant eu une anastomose iléoanale
mécanique avec réservoir en « J » compliquée d’une fistule
anastomotique puis d’une sténose longue et symptomatique
récidivant après dilatation.
B - RÉSERVOIR JÉJUNAL ET ANASTOMOSE JÉJUNOANALE
AVEC INTERPOSITION ILÉALE :
Lorsqu’il est impossible d’utiliser l’iléon distal après excision du
réservoir parce que le mésentère ne peut plus être allongé, Dehni et
al proposent de réaliser un réservoir aux dépens du jéjunum
distal, s’il peut descendre à la marge anale, et de remettre l’iléon
résiduel en circuit entre les deux segments de jéjunum.
C - GASTROPLASTIE INTERILÉOANALE
:
Cette technique, qui n’a pour l’instant fait l’objet que d’une
communication personnelle (P Rat), pourrait être une solution avant
l’iléostomie définitive lorsque le réservoir ne peut absolument pas
atteindre la marge anale malgré la réalisation des différents artifices
classiques publiés, ce que, dans notre expérience, nous n’avons
encore jamais rencontré en dehors de la présence de tumeurs
desmoïdes du mésentère.