Analgésie en urgence chez l’adulte Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
La douleur aiguë est un symptôme fréquemment rencontré en
médecine d’urgence préhospitalière et intrahospitalière, mais encore
trop souvent sous-estimé et insuffisamment traité.
Alors que
de nombreux progrès ont été réalisés pour le traitement de la
douleur postopératoire, la douleur en situation d’urgence reste
encore insuffisamment traitée, aboutissant au concept
d’« oligoanalgésie », observé aussi bien en urgence
intrahospitalière qu’extrahospitalière.
Pourtant, les
conséquences néfastes de la douleur sur l’organisme ont été
largement démontrées, pouvant précipiter un état clinique déjà
précaire, justifiant largement l’instauration précoce d’une
analgésie.
En dehors de la nécessité éthique évidente de soulager
toute douleur pour le confort du patient, la mise en oeuvre d’une
analgésie facilite la prise en charge du patient sans compromettre
l’analyse diagnostique contrairement aux idées reçues.
Le
soulagement de la douleur doit faire partie des priorités
thérapeutiques en situation d’urgence.
La médicalisation préhospitalière et intrahospitalière autorise l’utilisation de
médicaments et de techniques efficaces dans des conditions de
sécurité parfaitement respectées.
Oligoanalgésie en situation d’urgence
:
Les premières publications concernant la prise en charge de la
douleur en situation d’urgence datent de la fin des années 1980 avec
Wilson et al. qui ont introduit le concept d’« oligoanalgésie » en
urgence.
Depuis, plusieurs études ont évalué la prise en charge
de la douleur aiguë dans ce contexte avec un même constat : la
douleur est insuffisamment prise en compte dans les services
d’urgence, que ce soit en intrahospitalier ou en préhospitalier.
Dans une étude française préhospitalière, 36 %
des patients ne recevaient aucun traitement antalgique avec un
soulagement obtenu que chez 49 % des patients pris en charge en
Service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR).
Dans une
étude anglo-saxone réalisée en préhospitalier, moins de 2 % des
patients recevaient un antalgique.
Les raisons expliquant cette oligoanalgésie
sont multiples et souvent liées à des préjugés erronés et à un
défaut d’enseignement des personnels soignants, reléguant le
traitement de la douleur au second plan.
A - DOGMES ERRONÉS
:
Certains dogmes erronés restent encore trop présents dans les
mentalités comme les notions de « priorité aux détresses vitales »,
d’interférence avec le diagnostic, de « fatalité de la douleur » en
situation d’urgence.
1- Priorité aux détresses vitales
:
La priorité aux détresses vitales est un argument souvent employé
par les équipes médicales préhospitalières, reléguant le traitement
de la douleur au second plan.
Or, il est admis que la douleur aiguë a
des conséquences délétères sur les fonctions vitales pouvant
précipiter un équilibre déjà précaire.
Par exemple, il est bien
démontré que la douleur de l’ischémie myocardique, de par l’activation du système sympathique qu’elle entraîne, peut majorer
l’étendue de l’ischémie et favoriser la survenue de troubles du
rythme graves.
De même, la douleur lors d’un traumatisme
thoracique majore l’hypoventilation alvéolaire favorisant la
survenue d’atélectasies et donc le risque d’hypoxie.
Le
soulagement de la douleur doit faire partie du traitement des
détresses vitales et être initié dès le début de la prise en charge de
ces patients.
2- Ne pas interférer avec une douleur abdominale
:
La crainte d’interférer avec le diagnostic d’une douleur abdominale
est un dogme erroné encore trop souvent avancé par les équipes
spécialisées.
Aucune étude dans la littérature ne justifie cette crainte.
La mise en route d’une analgésie par agonistes morphiniques ne
gêne en rien l’évaluation diagnostique de ces douleurs abdominales.
Bien au contraire, l’analgésie de ces patients facilite l’examen
clinique et la réalisation d’éventuels examens complémentaires grâce
à une meilleure coopération du patient.
Cinq études prospectives
ont ainsi été réalisées sur l’intérêt de l’analgésie chez des patients
présentant un syndrome abdominal douloureux aigu.
Elles concluent à l’absence d’erreur diagnostique dans le groupe des
patients analgésiés par rapport au groupe des patients témoins et à
l’absence d’évolution péjorative liée à l’analgésie morphinique.
De
plus, une analyse Medliny effectuée de 1965 à 1999 avec les motsclés
acute abdomen, drug treatment, opiates ne signale aucune erreur
diagnostique attribuée à l’administration d’antalgique.
3- Fatalité de la douleur
:
La notion de fatalité de la douleur en situation d’urgence est encore
trop présente dans les esprits et se manifeste souvent par la nonréclamation
d’antalgiques par les patients.
Plusieurs études ont
observé le peu de réclamation spontanée d’antalgiques par les
patients malgré l’existence de douleurs sévères, ce phénomène étant
également observé pour la douleur aiguë postopératoire.
Les
patients doivent être informés que des techniques analgésiques
existent pour traiter efficacement la douleur en situation d’urgence
et qu’elles peuvent être utilisées en toute sécurité dès le début de la
prise en charge médicale.
Parallèlement, les équipes soignantes
doivent initier les traitements sans attendre la réclamation spontanée
d’antalgiques par les patients.
B - CAUSES DE L’OLIGOANALGÉSIE
:
Certain a priori et mauvaises habitudes sont également responsables
de ce phénomène d’oligoanalgésie :
1- Absence de globalité
:
Une prise en charge d’un patient non vu dans sa globalité peut
entraîner le fait que les spécialités d’organes consultés se renvoient,
les unes aux autres, la prise en charge de la douleur, retardant par là
même l’analgésie.
C’est pourquoi il appartient au médecin
urgentiste, dans une vision globale de la situation, d’être responsable
de l’évaluation et du traitement de ces douleurs aiguës.
2- Facteurs ethniques
:
Todd et al. ont observé l’influence de l’origine ethnique des patients
sur l’administration d’antalgiques dans les services d’urgences
anglo-saxons.
Plus de 50 % des patients latino-américains n’avaient
reçu aucun traitement antalgique contre 26 % des patients « type
européen », ceci étant indépendant de l’origine ethnique du
médecin.
Ce phénomène était également observé pour les patients
noirs, 43 % de ces patients n’avaient reçu aucun traitement
antalgique contre 26 % des patients blancs.
Bien que ces études
soient le seul reflet des pratiques observées dans les pays anglosaxons,
il est fort à parier que ce problème existe également en
France, l’étiquette classique de « syndrome méditerranéen »
attribuée à certains patients étant une interprétation subjective du
personnel soignant qui ne tient pas compte de la détresse ressentie
par ces patients.
3- Âge des patients
:
Les sujets âgés semblent moins bien analgésiés que les patients plus
jeunes.
Jones et al. ont évalué les pratiques analgésiques chez les
personnes âgées dans un service d’urgence intrahospitalier : 66 %
des personnes âgées ont reçu un traitement antalgique contre 80 %
de patients jeunes.
Le délai d’administration des antalgiques était
significativement plus long, le recours aux agonistes morphiniques
moins fréquent et les doses d’antalgiques utilisées plus faibles dans
cette population.
Cette crainte des morphiniques chez les
personnes âgées n’est pas justifiée.
Une étude récente, réalisée pour
la douleur postopératoire, a montré que les besoins en morphiniques
des personnes âgées étaient similaires à ceux des patients plus
jeunes et que l’utilisation d’un même protocole de titration de la morphine
permettait l’obtention d’un soulagement efficace sans
augmentation des effets indésirables dans cette population.
C - FACTEURS ORGANISATIONNELS
:
Les problèmes d’organisation sont souvent mis en avant pour
expliquer l’oligoanalgésie : manque de personnel, services
d’urgences surchargés, défaut de temps pour évaluer et traiter
efficacement la douleur, délai d’attente des patients avant examen
médical incompressible, problème de diffusion de l’information (en
particulier lors de l’arrivée de nouveaux personnels), etc.
Le
« facteur temps » est un mauvais argument car, si l’initiation du
traitement nécessite un peu de temps médical ou infirmier, il va
ensuite permettre un gain de temps non négligeable pour les
équipes.
En effet, un patient douloureux est un patient agité,
revendicateur, susceptible de solliciter les équipes à maintes reprises,
avec une perte de temps et un agacement croissant.
Le soulagement
précoce de la douleur des patients permet ensuite le travail des
équipes dans une ambiance plus sereine, et donc avec une efficacité
améliorée.
L’évaluation par l’infirmier ou l’infirmière d’accueil et
d’orientation de l’intensité de la douleur permet d’identifier les
patients très algiques qui nécessitent un examen médical précoce et
un traitement par agonistes morphiniques rapides.
Les impératifs
de surveillance d’un patient ayant reçu de la morphine ne doivent
en aucun cas limiter leur utilisation.
Ces difficultés temporelles
n’existent pas pour l’urgence extrahospitalière puisque, sauf
victimes multiples, il existe un médecin pour un malade, ce qui
permet une évaluation et une initiation précoce d’un traitement
antalgique.
Cependant, d’autres difficultés existent. La nécessité de
traiter rapidement une détresse vitale ne doit pas faire retarder
l’analgésie pour les raisons citées plus haut.
Enfin, le problème de la
diffusion de l’information existe aussi bien en intra- qu’en
extrahospitalier.
Les services d’urgence sont soumis à un
renouvellement fréquent des équipes médicales et paramédicales,
nécessitant une répétition fréquente de la formation.
L’absence de
transmission de l’information est une cause majeure de nonapplication
des protocoles.
Évaluation de la douleur en urgence
:
La non-reconnaissance de l’importance de la douleur est le facteur
principal expliquant l’oligoanalgésie en situation d’urgence.
La
fréquence et l’intensité de la douleur en situation d’urgence sont
très nettement sous-estimées, soit parce que la question n’est pas
posée au patient, soit parce que sa réponse est sujette à
interprétation par le personnel soignant, jugeant la douleur moindre
que celle réellement ressentie.
La douleur ne peut être bien
traitée que si elle est identifiée et correctement évaluée.
L’évaluation
systématique de la douleur est devenue un objectif prioritaire,
permettant de reconnaître le patient algique, d’instaurer et de suivre
l’efficacité du traitement entrepris.
L’administration des antalgiques
ne peut être guidée sur la seule réclamation spontanée du patient.
En effet, les patients, même pour des douleurs intenses, ne
verbalisent pas spontanément leur douleur et ne réclament que
rarement l’administration d’antalgiques.
Le dépistage de la douleur repose sur l’interrogatoire du patient.
La
question « avez-vous mal ? » doit être systématiquement posée au début de la prise en charge, suivie d’une évaluation quantitative de
la douleur.
La quantification de l’intensité douloureuse repose sur
l’emploi d’outils objectifs, reproductibles et adaptés à la pratique de
la médecine d’urgence.
Il existe deux catégories d’outils
d’évaluation : les outils d’hétéroévaluation où une tierce personne
évalue la douleur du patient et les outils d’autoévaluation, où seul
le patient évalue sa douleur.
La perception de la douleur étant
multifactorielle, incluant diverses composantes émotionnelles,
culturelles, affectives, la sévérité de la douleur ne peut être
réellement estimée que par celui qui souffre imposant, lorsqu’elle
est possible, une évaluation par le patient lui-même.
Cette
autoévaluation est souvent considérée à tort comme difficile à
réaliser dans le contexte de l’urgence.
En effet, l’utilisation des
échelles d’autoévaluation a été évaluée en médecine d’urgence intraet
extrahospitalière et a montré un taux de faisabilité, après
une période d’adaptation des personnels soignants, de plus de 80 %.
A - ÉCHELLES D’AUTOÉVALUATION
:
1- Échelles multidimensionnelles
:
Les échelles multidimensionnelles permettent d’évaluer les
différentes composantes qualitatives et quantitatives de la douleur,
mais sont totalement inadaptées à la médecine d’urgence en raison
du nombre important d’items à recueillir (78 items pour le McGill
Pain Questionnaire et 61 items pour le questionnaire de
Saint-Antoine).
2- Échelles unidimensionnelles
:
Ce sont des échelles simples, utilisables en situation d’urgence intraet
extrahospitalière.
*
Échelle de Keele :
L’échelle de Keele est une échelle verbale simple (EVS),
d’autoappréciation comportant cinq qualificatifs classés par ordre
croissant d’intensité douloureuse, chaque descripteur étant associé à
une valeur numérique (0 = pas de douleur, 1 = faible, 2 = modérée,
3 = intense, 4 = atroce). Cette échelle présente plusieurs avantages :
simplicité, facilité de compréhension par les patients,
reproductibilité. En revanche, elle manque de sensibilité, en raison
du nombre peu important de catégories de réponses.
Elle est
particulièrement adaptée pour les personnes dont les capacités de
compréhension ne permettent pas l’utilisation des échelles
numériques ou visuelles analogiques (enfants, personnes âgées,
problèmes linguistiques). Elle est réalisable dans plus de 94 % des
cas en médecine d’urgence.
* Échelle numérique (EN)
:
C’est une échelle quantitative de 0 à 100, le zéro correspondant à
« pas de douleur » et le 100 à « la pire douleur imaginable ». C’est
une échelle fiable, utilisable sans support matériel et facilement
applicable à la médecine d’urgence.
Cette échelle peut être
utilisée en 11 points (de 0 à 10) au lieu de 101 points (de 0 à 100),
mais avec une sensibilité moindre en raison du nombre plus faible
de réponses possibles.
C’est une échelle très utilisée en médecine
d’urgence intrahospitalière, réalisable dans ce contexte dans 85 à
89 % des cas.
* Échelle visuelle analogique (EVA)
:
L’EVA est l’échelle de référence pour l’évaluation de la douleur
aiguë, utilisée pour de nombreux essais cliniques afin d’évaluer
l’efficacité des thérapeutiques analgésiques.
Très utilisée pour
l’évaluation de la douleur postopératoire, c’est également l’échelle
privilégiée par les équipes médicales préhospitalières.
C’est une
échelle présentée sous forme de réglette comportant deux faces : une
face non millimétrée présentée au patient, sur laquelle celui-ci
déplace un curseur entre une extrémité « pas de douleur » et une
extrémité « douleur maximale imaginable », et une face millimétrée de 0 à 100 mm, seulement visualisée par le personnel soignant, qui
permet de quantifier la douleur en mm, selon la position du curseur.
Cette réglette est présentée au patient en position horizontale, le
curseur placé initialement sur « pas de douleur ».
Sa fiabilité est liée
au nombre important de réponses possibles sans attribution ni
mémorisation d’un nombre précis par le patient.
Elle est simple
d’utilisation, sous réserve d’une explication claire donnée au patient.
Les études réalisées en médecine d’urgence ont montré un taux de
faisabilité de plus de 83 % en intrahospitalier, et de 87 % en
extrahospitalier après une période de formation des personnels
soignants.
Elle est l’échelle de référence recommandée par la
conférence d’experts de la Société française d’anesthésie-réanimation
(Sfar) sur l’analgésie-sédation en préhospitalier et est l’échelle la
plus utilisée par les SMUR : dans une enquête téléphonique
nationale, parmi les 46 % de SMUR qui évaluaient la douleur, 79 %
utilisaient l’EVA comme échelle d’évaluation.
B - ÉCHELLES D’HÉTÉROÉVALUATION
:
Les échelles d’hétéroévaluation sont basées sur l’appréciation de la
douleur par une tierce personne, avec le risque d’une sousestimation
de l’intensité douloureuse, bien souvent démontrée,
même en médecine d’urgence.
Certaines échelles évaluent le comportement verbal (plaintes,
réclamation d’antalgiques, etc.) ou physique (grimaces, agitation,
attitude antalgique).
Elles ne requièrent pas la coopération du
patient et peuvent être utilisées lorsque les échelles d’autoévaluation
sont difficilement réalisables (nourrissons et jeunes enfants,
personnes âgées, difficultés de compréhension…).
L’échelle des
visages est particulièrement adaptée pour l’évaluation de la douleur
chez les jeunes enfants.
L’évaluation de la consommation d’antalgiques peut être une
méthode de quantification fiable lorsque l’administration des
antalgiques est réalisée par le patient lui-même (pompe patient
control analgesia : PCA).
En revanche, cette méthode est inadaptée à
la médecine d’urgence.
Elle ne permet une appréciation de l’intensité
douloureuse qu’après traitement, ce qui perd de son intérêt, et
suppose une administration d’antalgiques par le personnel soignant
adaptée à l’intensité douloureuse.
Or, seuls 30 % des patients qui
présentent une douleur jugée significative réclament spontanément
l’administration d’un antalgique35, ce résultat observé en médecine préhospitalière étant concordant à ceux observés pour la douleur
postopératoire.
L’administration d’antalgiques, basée sur la seule
réclamation du patient est, de fait, une très mauvaise méthode
thérapeutique et donc une mauvaise méthode d’évaluation de
l’intensité douloureuse.
L’évaluation des paramètres physiologiques tels que le niveau de
pression artérielle, la fréquence cardiaque ou respiratoire etc., ne
sont pas spécifiques de la douleur et peuvent être liés à d’autres
facteurs tels que les antécédents et la pathologie en cause.
Ils ne
permettent pas une évaluation correcte de l’intensité douloureuse.
C - CHOIX D’UNE ÉCHELLE EN MÉDECINE D’URGENCE
EXTRAHOSPITALIÈRE
:
Le choix d’une échelle est déterminé par plusieurs critères :
objectivité, faisabilité, reproductibilité et adhésion du personnel
soignant à l’échelle choisie. Les impératifs d’objectivité éliminent les échelles d’hétéroévaluation
pour l’évaluation de première intention.
En effet, ces échelles sousestiment
le plus souvent la douleur ressentie par le patient.
En
revanche, elles peuvent être utiles chez les patients présentant des
difficultés de compréhension ou de langage.
La faisabilité des différentes échelles unidimensionnelles a été
évaluée en médecine d’urgence intrahospitalière et extrahospitalière,
retrouvant un taux de réussite très satisfaisant pour les trois
échelles EVS, EN et EVA, avec une bonne corrélation entre elles.
Ces
différentes études ne permettent pas de recommander une échelle
plutôt qu’une autre.
Si l’EVS n’est pas l’échelle à utiliser en première
intention en raison de sa faible sensibilité, en revanche, l’EN et l’EVA
peuvent être utilisées indifféremment dans le contexte de l’urgence.
L’adhésion du personnel soignant à l’échelle d’évaluation de la
douleur est le facteur déterminant de réussite de la procédure
d’assurance qualité sur la douleur.
En effet, si le personnel soignant
du service n’adhère pas à la méthode d’évaluation de la douleur
choisie, l’amélioration du traitement de la douleur ne pourra pas se
pérenniser dans le temps.
Il semble que les services d’urgence intrahospitaliers aient une préférence pour l’EN et les services
d’urgence extrahospitaliers une préférence pour l’EVA.
La
littérature ne permettant pas de recommander formellement l’EN
ou l’EVA dans le contexte de l’urgence, l’échelle choisie sera celle
qui emportera l’adhésion de l’ensemble du personnel du service.
D - COMMENT AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE
DE LA DOULEUR EN SITUATION D’URGENCE ?
La prise en charge de la douleur aiguë en situation d’urgence doit
faire partie des priorités thérapeutiques et peut être améliorée par la
mise en place de procédures d’assurance qualité et de programmes
d’enseignement ciblés sur cette problématique.
Quelques
études récentes ont évalué l’efficacité de la mise en place de telles
procédures, montrant une amélioration très nette des scores de
douleur et de soulagement des patients en médecine d’urgence intrahospitalière et extrahospitalière.
L’étude réalisée par Jones
et al. comparait l’intensité des douleurs observées dans un service
de médecine d’urgence intrahospitalier avant et après la mise en
place d’un programme d’éducation des résidents, montrant une
amélioration significative des scores de douleur sur l’EVA et du
pourcentage de patients soulagés après la période de formation.
L’étude réalisée en préhospitalier a évalué l’efficacité d’une
procédure d’assurance qualité basée sur la mise en place de
protocoles thérapeutiques utilisant la morphine titrée associée à un
programme éducatif.
Dans cette étude, la mise en place de cette
procédure a permis une amélioration significative des scores de
douleur évalués sur l’EVA et sur l’EVS, le pourcentage de patients
correctement soulagés passant de 49 % à 67 %.
L’amélioration de la
prise en charge de la douleur en situation d’urgence est donc
possible et repose sur une meilleure sensibilisation des équipes, sur
une évaluation rigoureuse de l’intensité de ces douleurs par des
échelles d’autoévaluation, sur la mise en place de protocoles thérapeutiques adaptés à l’urgence et validés dans ce contexte, tout
ceci étant suivi d’une réévaluation régulière des pratiques (audit)
afin de vérifier la mise en application effective et l’efficacité de ces
protocoles thérapeutiques.
Deux conférences d’experts organisées
par les sociétés savantes (Sfar et Société francophone de médecine
d’urgence [SFMU]) ont établi des recommandations concernant la
sédation-analgésie en urgence intra- et extrahospitalière, permettant une
uniformisation des pratiques dans ce contexte.
L’évaluation
répétée de l’intensité douloureuse au cours de la prise en
charge et l’utilisation large de la morphine titrée pour des
douleurs significatives sont des éléments déterminants pour
améliorer la qualité de la prise en charge de la douleur aiguë
en médecine d’urgence.
Stratégie thérapeutique :
A - INDICATIONS
:
Il n’existe pas de contre-indication à l’analgésie.
Elle s’impose
chaque fois que le patient exprime une douleur sur les échelles
d’autoévaluation.
La douleur abdominale non encore diagnostiquée
n’est en aucun cas une contre-indication à l’utilisation de
morphiniques.
En effet, le soulagement par des morphiniques
n’altère en rien l’analyse diagnostique.
Cette stratégie thérapeutique doit donc être basée sur des protocoles
thérapeutiques établis selon l’intensité de la douleur, la pathologie
et les éventuelles contre-indications spécifiques liées au terrain ou à
la pathologie.
Ces algorithmes décisionnels doivent être enseignés
et validés au sein de chaque service avec un suivi organisé de
l’efficacité de ces traitements dans un programme d’assurance
qualité.
Il ne suffit
pas de mettre en place les protocoles thérapeutiques, leur mise
en application pratiquée par l’ensemble du personnel soignant
doit être régulièrement suivie avec des contrôles répétés de
l’efficacité analgésique.
B - TECHNIQUES ANALGÉSIQUES
:
1- Analgésie médicamenteuse
:
*
Paracétamol
:
Le paracétamol est un inhibiteur de la synthèse des prostaglandines
agissant sur le système nerveux central.
Le paracétamol est
administré par voie orale ou intraveineuse.
Pour le préhospitalier, la
voie intraveineuse est privilégiée.
La dose unitaire est de 1 g, à
administrer en intraveineuse lente sur 15 minutes (pour éviter les
douleurs et les malaises à l’injection), à renouveler toutes les
6 heures chez l’adulte (soit 4 g/24 h).
Son délai d’action est d’environ
30 minutes avec un pic d’activité entre 1 et 2 heures. Les seules
contre-indications sont l’insuffisance hépatique et l’allergie.
La
toxicité hépatique du paracétamol survient pour des doses
largement supérieures aux doses thérapeutiques.
C’est un
analgésique mineur, utilisé pour des douleurs faibles à modérées ou
en association avec des analgésiques puissants pour le traitement
des douleurs intenses (effet additif avec les morphiniques).
Le
paracétamol peut être administré par voie orale dès l’accueil par l’infirmière des urgences, sur protocoles thérapeutiques établis datés
et signés, permettant ainsi de raccourcir les délais de prise en charge
thérapeutique.
* Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
:
Les AINS produisent un effet analgésique par blocage de la synthèse
des prostaglandines en inhibant les cyclo-oxygénases inductibles.
Les AINS ont un certain nombre d’effets secondaires liés au blocage
des cyclo-oxygénases constitutives : ils favorisent la survenue
d’ulcérations et d’hémorragies digestives, ils inhibent l’agrégation
plaquettaire, diminuent la filtration glomérulaire, favorisent la
rétention hydrosodée et peuvent provoquer une bronchoconstriction
et des réactions allergiques, parfois croisées avec l’aspirine.
Les effets
secondaires sont d’autant plus fréquents que l’administration est
prolongée, que les patients sont âgés, que la dose administrée est
importante et qu’il existe une pathologie sous-jacente (insuffisance
rénale, cardiaque, cirrhose hépatique, antécédent d’ulcère gastroduodénal).
Les AINS sont contre-indiqués chez les patients
hypovolémiques, chez les patients présentant des anomalies de
l’hémostase, chez les insuffisants rénaux ou cardiaques, chez les
cirrhotiques, chez les patients ayant des antécédents d’hémorragie
digestive ou d’ulcères gastroduodénaux et chez les asthmatiques.
Ils
sont principalement indiqués en cas de pathologie avec réaction
inflammatoire (coliques néphrétiques, douleurs articulaires aiguës,
douleurs osseuses, pathologie stomatologique et otorhinolaryngologique
etc.).
De nombreuses molécules existent et les études
ayant comparé les différents AINS entre eux ont conclu à l’absence
de supériorité d’une molécule par rapport à une autre, que ce soit
en termes d’efficacité ou en termes d’incidence des effets
secondaires.
Dans le contexte de l’urgence, la molécule la plus
appropriée est le kétoprofène (Profénidt) à la posologie de 100 mg toutes les 8 heures en intraveineuse lente sur 20 minutes.
Le délai
d’action est d’environ 15 à 20 minutes avec une durée d’action de
4 à 6 heures.
Ils peuvent être associés à d’autres antalgiques (effet
additif avec le paracétamol et synergique avec les morphiniques).
* Protoxyde d’azote
:
Le Kalinoxt est un mélange équimoléculaire de protoxyde d’azote
(N2O) et d’oxygène, contenant 50 vol % de chaque gaz.
En dessous
de -7 °C, le N2O se liquéfie, d’où le risque d’administration d’un
mélange appauvri en oxygène, contre-indiquant son administration
lorsque la température extérieure est inférieure à 5 °C.
Le protoxyde
d’azote est un analgésique d’action centrale.
Ses effets sur les
récepteurs morphiniques sont discutés et pourraient expliquer
partiellement son effet analgésique.
Ses effets dépresseurs
hémodynamiques sont très modérés.
Beaucoup plus diffusible que
l’azote, le N2O pénètre plus rapidement dans les cavités aériennes
closes que l’azote n’en sort.
Il augmente donc le volume des gaz
quand les parois des cavités sont distensibles ou augmente la
pression intracavitaire quand elles sont rigides.
Son action est rapide
et ses effets disparaissent en 2 minutes environ, même après une
administration prolongée (effet on-off).
Du fait du passage rapide sang-alvéole, le N2O diminue la concentration des autres gaz
présents dans l’alvéole, pouvant entraîner une hypoxie de diffusion.
L’oxygénation du patient doit donc être systématique pendant au
moins 15 minutes après utilisation de Kalinoxt.
Le Kalinoxt est
contre-indiqué dans les situations suivantes : traumatisme crânien
avec troubles de la conscience, traumatisme maxillofacial, présence
d’une cavité aérienne close dans l’organisme (pneumothorax
spontané ou lié à un traumatisme thoracique, embolie gazeuse,
distension gastrique ou intestinale), température ambiante inférieure
à 5 °C et patient à risque d’hypoxémie.
Son utilisation intensive et prolongée expose le personnel aux risques des effets indésirables du
N2O liés à l’inactivation de la vitamine B12.
Il est très utilisé pour
l’analgésie préhospitalière dans les pays où la prescription de
morphinomimétiques n’y est pas autorisée.
Il est particulièrement
utile en traumatologie préhospitalière, en association à d’autres
antalgiques, à la fois pour des gestes courts tels que la réduction de
fractures mais également pour l’analgésie continue pendant le
transport.
Il pourrait être plus largement utilisé dans les services
d’urgence intrahospitaliers pour les gestes courts (plâtres ou sutures
par exemple), particulièrement chez l’enfant.
Il nécessite pour cela
une pièce bien aérée avec un système d’évacuation du gaz.
* Néfopam (Acupant)
:
Le néfopam est un analgésique non morphinique, possédant une
action centrale prédominante par inhibition du recaptage de la
dopamine, de la noradrénaline et de la sérotonine.
Il n’a pas d’action
anti-inflammatoire.
Il est contre-indiqué chez l’enfant de moins de
15 ans, en cas d’antécédents de convulsions, en cas de risque de
rétention urinaire ou de glaucome à angle fermé.
Il peut être utilisé
par voie intramusculaire mais s’utilise surtout par voie intraveineuse
lente sur 45 minutes à la dose de 20 mg toutes les 4 à 6 heures.
Ses
effets indésirables sont principalement des sueurs, une somnolence,
des nausées-vomissements, des malaises et des réactions
atropiniques.
Une étude récente, réalisée sur la douleur aiguë
postopératoire, a montré une efficacité supérieure de l’association néfopam-morphine par rapport aux deux groupes morphine seule
et morphine-propacétamol, permettant également une épargne
morphinique.
* Chlorhydrate de tramadol
:
Le tramadol est un analgésique d’action centrale de mécanisme
complexe, lié à sa capacité d’augmenter la libération ou de diminuer
la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, et à une action
opioergique faible.
Il est métabolisé dans le foie par le système
enzymatique du cytochrome P450, les métabolites étant éliminés par
le rein.
La demi-vie d’élimination est de l’ordre de 5 heures.
Le pic
analgésique est atteint en 60 minutes et la durée d’action est de
l’ordre de 6 heures.
Certaines contre-indications en limitent son
utilisation : l’insuffisance respiratoire, l’insuffisance rénale,
l’insuffisance hépatique, l’épilepsie non contrôlée, toxicomanies en
sevrage, association aux inhibiteurs de la monoamine oxydase
(IMAO), l’hypersensibilité au tramadol ou aux opiacés.
Le tramadol
peut induire des effets secondaires : nausées, vomissements,
vertiges, sédation, prurit.
La survenue d’une dépression respiratoire
est exceptionnelle. Son action analgésique est diminuée mais non
abolie par la naloxone.
Il est administré par voie intraveineuse lente
à la dose de 100 mg la première heure poursuivie par une titration
en bolus de 50 mg toutes les 15 à 20 minutes sans dépasser la dose
de 250 mg.
La posologie d’entretien est de 50 à 100 mg toutes les 4 à
6 heures.
Sa place en médecine d’urgence préhospitalière, par
rapport à la morphine titrée intraveineuse reste à démontrer.
Des
molécules récentes associant du paracétamol et du tramadol sont
disponibles pour l’analgésie par voie orale.
Leurs efficacité et
innocuité restent à évaluer dans ce contexte.
* Nalbuphine
:
La nalbuphine est un agoniste-antagoniste morphinique.
Il présente
comme inconvénient majeur un effet plafond pour l’analgésie
(survenant à des doses de 0,2 mg/kg), limitant son efficacité pour
des douleurs modérées à intenses.
L’effet sédatif de la nalbuphine
est supérieur à celui des agonistes purs et la fréquence des nauséesvomissements
semble identique à celle produite par la morphine.
Le risque de dépression respiratoire est le même que celui de la
morphine pour des doses équianalgésiques.
Son délai d’action est
rapide (5 à 7 minutes en intraveineuse) et sa durée d’action de 3 à
6 heures.
Il est administré à la dose de 0,2 mg/kg toutes les 4 à
6 heures.
Il peut être utilisé par voie intrarectale chez l’enfant dont
l’abord veineux est difficile.
Sa place en situation d’urgence par
rapport à la morphine titrée reste à démontrer en raison de l’effet
plafond limitatif et de l’absence de preuve concernant une meilleure garantie de sécurité par rapport à la morphine en situation
d’urgence.
Cette molécule est principalement utilisée dans les pays
où le système préhospitalier est non médicalisé interdisant l’utilisation
d’agonistes purs.
* Buprénorphine (Temgésict)
:
Le Temgésict est un agoniste partiel des récepteurs μ, qui présente
de nombreux inconvénients, le contre-indiquant formellement en
médecine d’urgence : dépression respiratoire non rare et non
antagonisable par la morphine, effet plafond limitant son efficacité
analgésique, antagonisme avec les agonistes morphiniques rendant
leur utilisation difficile, fréquence des nausées-vomissements et de
la sédation.
* Chlorhydrate de morphine
:
La morphine est un agoniste pur produisant une analgésie
puissante, dose-dépendante, sans effet plafond.
C’est l’analgésique
de référence pour les douleurs intenses en situation d’urgence.
Son efficacité en toute sécurité a été largement démontrée, que ce
soit en intrahospitalier pour la douleur postopératoire, qu’en préhospitalier dans un système médicalisé.
Son utilisation en
médecine d’urgence doit se faire de manière titrée afin d’obtenir le
niveau d’analgésie suffisant tout en limitant la survenue des effets
secondaires.
Ses effets indésirables sont principalement : une
dépression respiratoire, des nausées-vomissements, une rétention
urinaire, un prurit, et un ralentissement du transit intestinal.
La
dépression respiratoire, à l’origine d’apnées centrales et obstructives,
est comme l’analgésie, dose-dépendante, et prévenue par l’utilisation
de la méthode de titration.
La survenue d’effets secondaires majeurs
est rare si le protocole de titration recommandé en médecine
d’urgence est respecté.
La voie intraveineuse est la seule
recommandée en urgence, les voies parentérales (intramusculaires
et sous-cutanées) n’étant pas adaptées du fait de leur délai d’action
plus long et de la résorption plasmatique aléatoire.
La titration de la
morphine intraveineuse se fait par un bolus initial de 0,05 mg/kg
suivi de bolus successifs de 1 à 4 mg toutes les 5 minutes.
La
morphine est antagonisable par la naloxone en cas de survenue
d’événements indésirables majeurs (utilisation titrée par bolus de
0,04 mg, éventuellement répétés).
L’utilisation de la morphine titrée
en situation d’urgence impose une surveillance rapprochée du
patient, à la fois clinique et paraclinique, comprenant une
surveillance régulière de l’état de conscience, du niveau de douleur
(mesures répétées par les échelles d’autoévaluation), de la fréquence
respiratoire, de l’hémodynamique et de la saturation en oxygène.
Cette surveillance médicalisée doit être poursuivie en intrahospitalier, en particulier lors des transferts pour investigations
complémentaires, en raison du risque de dépression respiratoire
retardée.
Le délai d’obtention d’une analgésie efficace a été
récemment étudié ; il est d’environ 12 minutes lorsque le protocole
de titration est respecté.
* Autres agonistes morphiniques
:
Les autres agonistes morphiniques ne sont pas, à ce jour,
recommandés pour l’analgésie du patient laissé en ventilation
spontanée en médecine d’urgence extrahospitalière.
Bien que le fentanyl et le sufentanil aient été proposés en utilisation
intraveineuse dans cette indication, ils n’ont jamais été évalués dans
ce contexte et ne peuvent, de ce fait, être recommandés tant que
cette évaluation n’est pas réalisée.
Aucune étude n’a démontré leur
supériorité par rapport à la morphine titrée en situation d’urgence,
que ce soit en termes d’efficacité analgésique qu’en termes de délai
d’obtention du soulagement.
De plus, les effets secondaires,
hémodynamiques et respiratoires, sont non négligeables, en
particulier chez les patients hypovolémiques.
Ils peuvent également
engendrer une rigidité thoracique et une fermeture des cordes
vocales rendant difficile, voire impossible, la ventilation.
En
revanche, les agonistes purs tels que le fentanyl ou le sufentanil sont
les morphiniques de choix pour la sédation-analgésie continue du
patient intubé-ventilé.
* Kétamine :
La kétamine à très faibles doses (0,1 à 0,3 mg/kg en intraveineuse
lente sur 10 à 15 minutes) entraîne une analgésie-sédation sans effet
secondaire majeur, qui pourrait avoir un intérêt dans le traitement
de la douleur en situation d’urgence.
Cependant, son efficacité dans
cette indication nécessite une évaluation.
Elle est proposée pour
l’analgésie du patient incarcéré.
2- Anesthésie locorégionales (ALR)
:
Certaines ALR ont particulièrement leur place dans la prise en
charge de la douleur en situation d’urgence et font l’objet d’une
conférence d’experts dont le texte court vient d’être publié.
En
revanche, les ALR rachidiennes et ALR intraveineuses sont
formellement contre-indiquées en urgence extrahospitalière (en
raison de leurs effets secondaires hémodynamiques, des contraintes
d’asepsie, du contrôle de l’hémostase etc.).
Le bloc du nerf fémoral est sans nul doute la technique d’ALR la
plus répandue en urgence.
Cette ALR est simple à réaliser,
accessible à tout médecin et procure de manière prévisible une
analgésie d’excellente qualité sans effet adverse notable.
Le bloc du
nerf fémoral est indiqué pour les fractures de la diaphyse fémorale.
Sa simplicité et son innocuité en font une technique tout à fait
adaptée à l’urgence extrahospitalière.
Les indications doivent être
larges car il permet le ramassage et le transport du patient, la
réduction de la fracture et la réalisation des examens
complémentaires dans de bonnes conditions d’analgésie.
La
technique « classique » du bloc fémoral présente certaines limites,
en particulier lors de fractures des extrémités supérieures et
inférieures du fémur.
D’autres techniques ont été proposées, telles
que le « bloc 3 en 1 » et le bloc iliofascial.
La technique du bloc iliofascial est la technique actuellement recommandée en médecine
d’urgence car elle est associée à une meilleure efficacité analgésique
sur les fractures des extrémités du fémur.
L’utilisation d’un neurostimulateur n’est pas nécessaire pour la réalisation de ce type
de bloc.
L’anesthésique local recommandé est la lidocaïne à 1 %
adrénalinée qui présente le meilleur rapport bénéfice/risque.
Les
autres anesthésiques locaux ne sont pas conseillés en raison de leurs
effets secondaires (toxicité cardiaque en particulier).
Une fois le bloc
installé, le membre doit être soigneusement immobilisé afin de ne
pas risquer un déplacement intempestif du foyer de fracture et une
lésion vasculaire ou nerveuse secondaire.
Un examen neurologique
préalable à la réalisation du bloc est indispensable et doit être
consigné par écrit.
Le bloc du plexus brachial n’est pas la technique analgésique
recommandée dans le contexte de l’urgence en raison du risque
toxique et du risque d’interférence avec la technique d’ALR utilisée
pour le geste chirurgical.
Les blocs de la face sont sous-utilisés en situation d’urgence et
devraient remplacer les classiques anesthésies locales par infiltration
pour les sutures des plaies étendues de la face.
Les blocs tronculaires distaux du membre supérieur (blocs au
poignet) et du membre inférieur (blocs du pied) sont de réalisation
simple, quasiment dénués de risques et peuvent être utiles pour les
plaies des mains et des pieds.
L’utilisation d’un neurostimulateur
est recommandée pour la réalisation de ces blocs distaux.
C - PLACE DE LA SÉDATION ASSOCIÉE À L’ANALGÉSIE
EN SITUATION D’URGENCE :
L’agitation et l’anxiété sont fréquemment observées en médecine
d’urgence.
Cependant, ces états sont le plus souvent liés au
phénomène algique et sont le plus fréquemment calmés par la
réalisation d’une analgésie bien conduite associée à un contact
verbal de qualité.
L’association d’une sédation par benzodiazépines
n’est justifiée qu’en cas de persistance d’une agitation malgré une
analgésie bien conduite.
En effet, le risque lié à l’utilisation conjointe
de benzodiazépines et de morphiniques est important en raison du
cumul des effets secondaires.
Les benzodiazépines entraînent une
dépression cardiovasculaire avec diminution du retour veineux, de
la pression artérielle et du débit cardiaque.
Ces effets sont modérés
chez les patients normovolémiques mais peuvent être importants
chez les sujets hypovolémiques, même à faible dose.
Si une
sédation est indiquée, la benzodiazépine la plus adaptée au contexte
de l’urgence est le midazolam (Hypnovelt) en raison de ses
caractéristiques pharmacocinétiques.
Son utilisation doit être titrée
en raison d’une variabilité interindividuelle importante, par bolus
de 1 mg, éventuellement répétés.
Conclusion
:
La douleur aiguë en situation d’urgence est encore trop fréquemment
sous-traitée, voire négligée.
L’amélioration de la prise en charge dans ce
contexte passe par une amélioration de la sensibilisation et de la
formation des personnels soignants, par une autoévaluation de
l’intensité douloureuse par les patients et par la réalisation de
protocoles thérapeutiques favorisant l’utilisation large des
morphiniques.
Cette démarche doit s’intégrer dans un processus
d’assurance qualité permettant une amélioration progressive et
continue de la prise en charge de la douleur dans ce contexte.