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Gynécologie
Analgésie et anesthésie au cours de l’accouchement
Cours de Gynécologie Obstétrique
 
 
 

Modifications physiologiques pendant grossesse et travail :

A - MODIFICATIONS CARDIOVASCULAIRES :

1- Hypervolémie :

L’augmentation de la volémie, débutant dès la 12e semaine de gestation, rapide pendant le deuxième trimestre, plus lente au cours du troisième trimestre, est de 35 % par rapport au début de la grossesse.

L’augmentation du volume plasmatique (+ 50 %) excédant celle de la masse globulaire (+ 20 %), une anémie de dilution apparaît souvent au cours de la grossesse.

Cet état favorise l’apparition de souffles cardiaques anorganiques (chez plus de 80 % des patientes en fin de grossesse).

L’hémodilution entraîne une diminution de la concentration des protéines plasmatiques et donc une augmentation de la forme libre de nombreux médicaments utilisés en anesthésie.

Au décours de l’accouchement, la contracture utérine réalise une autotransfusion d’environ 500 mL qui permet de compenser l’hémorragie de 300 à 500 mL accompagnant la délivrance normale.

2- Augmentation du débit cardiaque :

L’augmentation du débit cardiaque (DC) débute dès la huitième semaine de gestation, est maximale durant le deuxième trimestre, puis demeure stable durant le troisième trimestre, pour atteindre une valeur de 35 % à 45 % plus élevée qu’au début de la grossesse.

Une étude hémodynamique invasive a révélé la contribution relative de l’augmentation de fréquence cardiaque (+ 17 %) et du volume d’éjection systolique (+ 27 %), ainsi que celle de la diminution des résistances artérielles systémiques (- 21 %) et pulmonaires (- 34 %) dans la variation du DC.

La pression veineuse centrale et la pression capillaire pulmonaire n’augmentent pas car l’augmentation des volumes télédiastoliques ventriculaires ne s’accompagne pas d’augmentation de pression : ceci est dû à une dilatation des cavités cardiaques dont rend compte l’élargissement de la silhouette cardiaque sur la radiographie de thorax.

Pendant le travail, la pression artérielle (PA) et le DC augmentent (+ 45 %) en raison de la vasoconstriction induite par les catécholamines sécrétées en réponse à la douleur, mais aussi du fait de l’autotransfusion d’environ 500 mL qui contribue à l’élévation transitoire de la pression veineuse centrale (4 à 6 cmH2O) lors de chaque contraction utérine.

Après l’accouchement, l’autotransfusion d’origine placentaire aboutit à une augmentation de 80 % du DC.

Celui-ci revient à la normale au cours de la deuxième semaine du post-partum.

La PA diminue pendant la grossesse en raison de la baisse des résistances artérielles systémiques.

La réponse vasopressive et chronotrope aux catécholamines est diminuée au cours de la grossesse.

La position de la parturiente joue un rôle essentiel dans les variations du DC et de la PA.

Le décubitus dorsal entraîne un certain degré de compression aortocave chez toutes les parturientes, aboutissant à une réduction de 30 à 50 % du DC.

Si la plupart des patientes sont capables de maintenir normale leur PA en augmentant leur fréquence cardiaque et leurs résistances artérielles systémiques, 10 % d’entre elles développent une franche hypotension artérielle en décubitus dorsal.

3- Modifications de la pression artérielle :

La PA diminue au cours de la première partie de la grossesse : la PA systolique diminue de 5 à 10 mmHg et la PA diastolique de 10 à 15 mmHg.

La PA remonte progressivement pendant la deuxième partie de la grossesse, pour revenir aux valeurs de base à terme.

Les modifications hormonales entraînent une diminution des résistances vasculaires systémiques.

Malgré un tonus sympathique élevé, les femmes enceintes sont plus sensibles aux modifications hémodynamiques des blocs centraux.

Il existe une diminution de la sensibilité des récepteurs b myocardiques expliquant la moindre spécificité de la dose-test adrénalinée chez les femmes enceintes lors de la mise en place d’une péridurale.

4- Syndrome de compression aortocave :

Il peut apparaître dès le deuxième trimestre et atteint son maximum à terme.

Il correspond à une compression de la veine cave inférieure par l’utérus gravide en décubitus dorsal.

Cette compression, voire occlusion complète dans certains cas, entraîne une diminution du retour veineux responsable d’une diminution de 20 % du DC maternel.

La baisse du débit sanguin utérin associé peut être responsable d’une souffrance foetale.

L’association de la compression aortique majore les effets délétères de la compression cave.

Plus la taille de l’utérus est importante, plus les effets sont importants (grossesses multiples, hydramnios…).

Ce syndrome est symptomatique dans 10 % des cas et se manifeste par un malaise, une hypotension, des vertiges, des nausées, une pâleur et des sudations.

Ce syndrome peut être prévenu par le déplacement vers la gauche de l’utérus : mise en décubitus latéral gauche ou mise en place d’un coussin sous la fesse droite.

La vasoplégie induite par l’anesthésie péridurale majore les effets de ce syndrome.

5- Implications anesthésiques :

La prévention du syndrome de compression aortocave est particulièrement importante en cas d’anesthésie locorégionale (ALR) car l’hypotension artérielle maternelle résultant de la baisse du retour veineux ne peut être compensée du fait de la vasoplégie induite dans le territoire analgésié.

Même en l’absence d’hypotension maternelle, la compression aortique peut considérablement réduire la pression de perfusion dans l’artère utérine et donc la perfusion placentaire et foetale.

À cet égard, le décubitus latéral droit semble produire le même effet bénéfique que le décubitus latéral gauche.

B - MODIFICATIONS RESPIRATOIRES :

1- Volumes pulmonaires :

Les modifications des volumes pulmonaires observées en fin de grossesse sont modérées et essentiellement dues à l’élévation diaphragmatique entraînée par l’utérus gravide.

Bien que celle-ci soit partiellement compensée par l’augmentation des diamètres antériopostérieur et transversal du thorax, la capacité fonctionnelle résiduelle est réduite d’environ 20 %.

Lorsque celle-ci devient inférieure au volume de fermeture des voies aériennes distales, le shunt intrapulmonaire, et donc la différence alvéoloartérielle en oxygène (O2) augmentent.

Bien que celles-ci n’induisent pas d’hypoxémie chez la parturiente normale, certaines positions (décubitus dorsal, Trendelenburg) et certaines situations (anesthésie générale [AG], obésité), qui réduisent la capacité fonctionnelle résiduelle, exposent à un risque accru d’hypoxémie par majoration du shunt.

2- Ventilation :

La ventilation-minute augmente dès la huitième semaine de gestation du fait de la stimulation des centres respiratoires par la progestérone et est majorée de 50 % en fin de grossesse.

Le volume courant augmentant davantage (+ 40 %) que la fréquence respiratoire (+ 15 %), la ventilation de l’espace mort diminue, ce qui aboutit à une majoration de la ventilation alvéolaire (+ 70 %) par rapport au début de la grossesse.

Cette hyperventilation, bien supérieure à l’augmentation de la consommation d’O2 (+ 20 %) et du métabolisme de base (+ 14 %) liée au développement foetal, explique l’hypocapnie « physiologique » (32 à 34 mmHg) observée dès la 12e semaine de gestation.

Celle-ci aboutit à une alcalose respiratoire (pH : 7,44), partiellement compensée par une augmentation de l’excrétion rénale des bicarbonates dont rend compte la diminution de la réserve alcaline.

En outre, cette hyperventilation alvéolaire précoce explique l’hyperoxie (pression artérielle en O2 [PaO2] > 100 mmHg) parfois observée en début de grossesse alors que les modifications de la capacité résiduelle fonctionnelle ne sont pas encore apparues.

3- Autres modifications respiratoires :

La compliance pulmonaire reste inchangée, tandis que la compliance thoracique diminue.

Les résistances bronchiques diminuent sous l’effet bronchodilatateur de la progestérone mais le volume expiratoire maximal seconde (VEMS) reste inchangé.

La courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine est déplacée vers la droite, ce qui facilite le relargage de l’O2 au foetus.

La vascularisation des muqueuses nasopharyngées est accrue, ce qui favorise le saignement local même pour un traumatisme minime.

4- Implications anesthésiques :

* Préoxygénation :

Malgré une préoxygénation correcte précédant l’induction d’une AG, l’hypoxémie survient plus rapidement en fin de grossesse en raison de l’effet conjoint de l’augmentation de la consommation d’O2 et de la diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle.

Une préoxygénation prolongée pour une dénitrogénation optimale est nécessaire, ainsi qu’une durée d’apnée limitée lors de l’intubation.

* Intubation trachéale :

L’intubation difficile est huit fois plus fréquente pendant la grossesse.

La prise de poids, l’oedème des parties molles, voire du larynx en cas de prééclampsie, et la fragilité des muqueuses saignant au moindre traumatisme expliquent le risque accru d’intubation difficile et justifient l’évaluation préanesthésique systématique avant toute AG et l’utilisation de sondes d’intubation d’un calibre inférieur (6,5 ou 7) à celui utilisé en dehors de la grossesse.

La présence d’une hypertrophie mammaire peut rendre difficile l’introduction du laryngoscope et justifier le développement et l’utilisation en obstétrique de laryngoscopes à manche court.

* Anesthésie par inhalation :

L’induction est plus rapide chez la parturiente du fait de l’hyperventilation (en particulier au cours du travail) et de la diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle qui conduit à une augmentation plus rapide de la concentration alvéolaire de l’anesthésique inhalé utilisé.

En outre, la concentration alvéolaire minimale des halogénés est réduite de 25 % (halothane) à 40 % (isoflurane).

Le rôle respectif de la progestérone et des endorphines dans cette réduction de concentration alvéolaire minimale reste débattu.

* Hyperventilation et débit utéroplacentaire :

L’hyperventilation induite par la douleur des contractions utérines aboutit à une alcalose respiratoire qui déplace la courbe de dissociation de l’hémoglobine vers la gauche et diminue donc le relargage de l’O2 au foetus.

En outre, l’hyperventilation est suivie d’une période d’hypoventilation avec baisse de la SaO2 entre les contractions utérines.

L’analgésie péridurale (APD) évite cette alternance d’hypo- et d’hyperventilation et limite la consommation d’O2 qui peut doubler lors du travail sans analgésie en raison de l’augmentation du travail respiratoire induit par l’hyperventilation.

Lors d’AG pour césarienne, l’hypocapnie maternelle secondaire à la ventilation contrôlée induit une diminution de la pO2 veineuse ombilicale sans retentissement sur le pH néonatal ou les scores d’Apgar.

Le rôle respectif de l’hypocapnie et de l’hyperventilation sur l’oxygénation foetale reste à définir chez la parturiente.

En expérimentation animale, la diminution du débit utéroplacentaire (DUP), observée sous ventilation contrôlée, semble davantage liée à la baisse du retour veineux secondaire à l’augmentation des pressions intrathoraciques qu’à l’hypocapnie.

En effet, l’adjonction de gaz carbonique (CO2) pour normaliser la capnie ne permet pas de rétablir le DUP.

C - MODIFICATIONS RÉNALES ET HYDROÉLECTROLYTIQUES :

1- Fonction rénale :

Le débit sanguin rénal et le débit de filtration glomérulaire augmentent d’environ 60 % au cours de la grossesse.

La réabsorption tubulaire de l’eau et des électrolytes augmente de façon proportionnelle à l’augmentation du débit de filtration glomérulaire, ce qui explique que l’équilibre hydroélectrolytique soit peu modifié pendant la grossesse.

La réabsorption tubulaire du glucose n’augmentant pas autant que le débit de filtration glomérulaire et le seuil de réabsorption du glucose étant diminué pendant la grossesse, il en résulte une fréquente glycosurie.

De plus, une protéinurie orthostatique asymptomatique est fréquente, peut-être liée à l’augmentation de la pression veineuse rénale.

É2- quilibre hydroélectrolytique et pression oncotique :

La diminution modérée de la natrémie fréquemment observée semble davantage liée à une modification du seuil de sécrétion de l’antidiuretic hormone (ADH) qu’à un défaut de réabsorption tubulaire du sodium.

Le sodium total est en fait augmenté (et donc l’eau totale) en raison d’une augmentation de la sécrétion d’aldostérone.

La protidémie baisse au cours de la grossesse, essentiellement au détriment de l’albumine, tandis que la concentration des globulines est moins affectée, expliquant la baisse du rapport albumine/globulines.

La pression oncotique baisse au cours de la grossesse parallèlement à la baisse de l’albuminémie et continue de baisser en post-partum immédiat.

3- Implications anesthésiques :

L’interprétation des chiffres d’urée, de créatinine et d’uricémie pendant la grossesse doit tenir compte de l’augmentation du débit de filtration glomérulaire qui explique que les taux normaux soient diminués de moitié : un chiffre apparemment normal peut ainsi témoigner d’une insuffisance rénale débutante.

La baisse de la pression oncotique explique la susceptibilité particulière de la femme enceinte au risque d’oedème pulmonaire, en particulier en cas de traitement bêtamimétique ou de prééclampsie.

D - MODIFICATIONS GASTRO-INTESTINALES :

1- Diminution de la vidange gastrique :

Présente dès le début de la grossesse pour certaines, elle serait liée à l’inhibition de la motiline plasmatique par la progestérone.

Pour d’autres, aucune modification n’est retrouvée jusqu’à la 34e semaine de grossesse et il faut la conjonction entre l’utilisation de morphiniques, et la douleur et l’anxiété liées au travail obstétrical pour aboutir à une diminution de la vidange gastrique.

2- Augmentation de la pression gastrique et facilitation du reflux gastro-oesophagien :

L’augmentation du volume utérin augmente la pression intragastrique (jusqu’à 40 cmH2O) et modifie l’angle oesogastrique.

La diminution du tonus du sphincter du bas oesophage augmente le risque de reflux oesophagien dont témoigne le pyrosis observé chez plus de 45 % des femmes enceintes, parfois dès la 15e semaine de gestation.

3- Implications anesthésiques :

Dès la 15e semaine d’aménorrhée, toute patiente obstétricale doit être considérée à risque d’avoir l’estomac plein, y compris dans les situations de césarienne programmée.

En effet, le syndrome de Mendelson reste une cause importante de mortalité et de morbidité maternelles.

Cependant, l’application des mesures préventives (antiacides, induction en séquence rapide et manoeuvre de Sellick) a permis d’en réduire la fréquence.

E - MODIFICATIONS DE L’HÉMOSTASE :

1- Protéines de la coagulation :

Les taux plasmatiques des facteurs VII, VIII, X, XII et du fibrinogène augmentent de 100 à 200 % au cours de la grossesse, aboutissant à un état d’hypercoagulabilité globale.

La fibrinolyse est également activée et l’équilibre entre les processus de coagulation et de fibrinolyse est facilement compromis, aboutissant à des complications hémorragiques ou thromboemboliques plus fréquentes.

2- Numération plaquettaire :

Des variations de la numération plaquettaire existent durant la grossesse, dépendant en partie du degré d’activation de la coagulation intravasculaire compensée qui existe fréquemment en fin de grossesse et pendant le travail.

En effet, 7 à 8% des femmes enceintes asymptomatiques présentent en fin de grossesse une thrombopénie inférieure à 150 Giga/L et 0,9 % une thrombopénie inférieure à 100 Giga/L.

3- Implications anesthésiques :

Aucun élément des antécédents hémorragiques ne permet de prévoir le risque de thrombopénie en cours de travail, en dehors d’un antécédent d’hémorragie de la délivrance, plus souvent rencontré chez les patientes thrombopéniques.

Bien que la réalisation d’une anesthésie locorégionale (ALR) chez ces patientes n’augmente pas la fréquence des complications neurologiques en rapport avec une hémorragie, le caractère imprévisible de ces thrombopénies nous incite à recommander une numération plaquettaire avant réalisation d’une ALR en obstétrique.

Le risque thromboembolique, notamment en post-partum, conduit à de larges indications de l’héparinothérapie prophylactique dans toutes les situations à risque (césarienne, obésité, prééclampsie, etc).

F - MODIFICATIONS DE LA RÉPONSE AUX AGENTS ANESTHÉSIQUES :

1- Anesthésie locorégionale :

Les doses d’anesthésique local (AL) nécessaires pour obtenir un certain degré de bloc sensitif sont moindres durant la grossesse.

Cette augmentation de la sensibilité neuronale aux AL semble proportionnelle aux taux circulants de progestérone.

En effet, cette sensibilité accrue a pu être démontrée lors d’anesthésies péridurales réalisées en début de grossesse.

La toxicité myocardique de la bupivacaïne est plus élevée pendant la grossesse.

2- Anesthésie générale :

La concentration alvéolaire minimale efficace est diminuée pour les halogénés.

Les taux plasmatiques de cholinestérases sont diminués de 20 à 30 % dès le début de la grossesse et jusqu’en fin de première semaine du post-partum.

Cependant, ces taux restent suffisants pour hydrolyser la succinylcholine, sauf en cas de cholinestérase atypique (curarisation prolongée).

Analgésie médicamenteuse pour le travail et l’accouchement en dehors de l’anesthésie locorégionale périmédullaire :

L’accouchement est douloureux.

Bien que seule l’ALR puisse fournir un soulagement complet de la douleur, celle-ci est parfois contreindiquée ou indisponible.

Nous évoquons ici les techniques d’analgésie inhalatoire ou parentérale pouvant soulager la douleur.

A - ANALGÉSIE INHALATOIRE :

L’autoadministration par inhalation d’agents anesthésiques gazeux (essentiellement N2O) à des concentrations infra-anesthésiques telles qu’elles ne modifient ni la conscience, ni l’intégrité des réflexes laryngés, peut être utilisée pour soulager les douleurs du travail.

1- N2O :

Le mode d’administration classique est l’inhalation intermittente : la patiente inhale dès que la contraction est ressentie et cesse lorsque l’intensité de la contraction est maximale.

Avec cette méthode, le N2O inhalé atteint son efficacité maximale en 45 secondes, c’est-àdire au pic de douleur ressentie, mais peut être totalement éliminé avant la contraction suivante.

L’élimination néonatale du N2O par voie respiratoire représente un avantage par rapport aux morphiniques par voie parentérale.

Le DC, la PA et la fréquence cardiaque sont diminués par l’inhalation intermittente de N2O.

Un mélangeur de sécurité assurant une FiO2 minimale de 0,3 doit être installé afin d’éviter l’inhalation de N2O pur.

Une FiO2 de 0,5 doit être maintenue pour éviter des épisodes de désaturation maternelle, surtout en cas d’utilisation préalable ou concomitante de péthidine.

Dans ce cas, la surveillance de l’oxygénation par un oxymètre de pouls est recommandée.

L’efficacité analgésique de cette méthode est controversée : l’administration intermittente du mélange équimoléculaire est réputée entraîner 50 % de bons résultats.

Une étude récente randomisée en double insu s’interroge cependant sur son efficacité réelle.

Vingt-six femmes ont participé à cette étude visant à évaluer l’effet d’une inhalation intermittente de N2O sur la douleur et sur la saturation en O2 (SaO2) durant la première partie du travail.

Les scores de douleur (échelle visuelle analogue) pour chacune des cinq contractions utérines consécutives pendant le travail étaient mesurés après l’administration randomisée de N2O ou d’air.

Aucune différence significative dans les scores de douleur n’était observée.

L’effet analgésique du N2O doit encore être démontré.

2- Isoflurane (Forane) :

Utilisée seule à une concentration de 0,5 à 0,7 %, l’inhalation d’isoflurane procure une analgésie de meilleure qualité que celle de N2O mais aussi une sédation plus importante.

L’effet de l’Entonoxt (mélange équimoléculaire de N2O et O2) sur les douleurs du travail a été comparé avec celui d’un mélange d’Entonoxt et de 0,25 % d’isoflurane.

Les scores d’analgésie étaient significativement meilleurs avec le mélange Entonoxt-isoflurane.

B - ANALGÉSIQUES PAR VOIE PARENTÉRALE :

Les morphiniques par voie parentérale peuvent soulager la douleur du travail et représentent le mode d’analgésie le plus employé dans de nombreux pays.

1- Morphine :

La morphine n’est plus employée pendant le travail du fait d’un risque élevé de dépression respiratoire néonatale sévère.

La perméabilité accrue du cerveau néonatal à la morphine ou la modification de sa biotransformation et de son excrétion pourraient être en cause.

En effet, les nouveau-nés éliminent la morphine plus lentement que les adultes (demi-vie d’élimination : 6,8 heures versus 3,9 heures).

La sensibilité accrue des récepteurs du nouveau-né à la morphine pourrait être en cause.

2- Péthidine (Dolosal) :

Utilisée en France dès 1952, la péthidine demeure le morphinique le plus utilisé, en particulier parce qu’elle peut être employée par la sage-femme sans prescription médicale.

* Pharmacocinétique :

La péthidine apparaît dans le sang foetal dans les 90 secondes suivant une injection intraveineuse maternelle.

Le métabolisme hépatique de la péthidine consiste en une hydrolyse qui donne des dérivés inactifs et surtout une déméthylation permettant d’obtenir de la norpéthidine, dérivé actif qui déprime le système nerveux central davantage que la péthidine.

Les concentrations maternelles et foetales de pethidine s'équilibrent rapidement, tandis que la norpethidine apparaît dans le sang foetal en concentration croissante.

Du fait d'une concentration plus basse en alpha-1-glycoproteine acide, la fraction libre de pethidine est plus élevée chez le nouveau ne.

L'immaturité hépatique et le ralentissement de l'élimination rénale expliquent que la demi-vie d'élimination néonatale de la pethidine (11 heures a 22 heures) et de la norpethidine (30 heures a 60 heures) soit particulièrement longue.

Ceci conduit a un risque d'accumulation foetale de la pethidine et de la norpethidine.

* Effets foetaux :

La pethidine administrée par voie intraveineuse discontinue chez la mère peut diminuer la variabilité du rythme cardiaque foetal (RCF), donnant un aspect de rythme plat qui peut fausser l'interprétation des traces de monitorage.

Une étude en double insu a mis en évidence une augmentation du tonus de base utérin.

Enfin, la pethidine entraîne une diminution du débit aortique foetal.

* Dépression respiratoire néonatale :

Fréquente après emploi de pethidine, elle a été corrélée avec l'intervalle de temps entre l'injection et la naissance.

Des 1953, on notait que le pourcentage de nouveau-nés déprimés augmentait lorsque l'administration de pethidine avait lieu plus de 2 heures avant l'accouchement.

Les scores d'Apgar, ainsi que les tests neurocomportementaux, sont moins bons lorsque l'intervalle injection-naissance augmente.

Les effets respiratoires spécifiques ont été étudies des 1955 : diminution de la saturation artérielle en O2, diminution de la ventilation/minute avec hypercapnie et acidose augmentation de la PCO2 teleexpiratoire.

Une notion plus récente est la relation entre stade de sommeil et dépression respiratoire liée aux morphiniques.

Nous avons en effet montre que des nouveau-nés exposes a des doses modérées de pethidine et juges cliniquement normaux a la naissance (scores d'Apgar normaux) présentaient, lors d'une surveillance respiratoire de longue durée, des épisodes d'apnée plus longs et plus nombreux, et surtout une durée d'hypoxie (SaO2 < 90 %) plus longue que les nouveau-nés du groupe contrôle.

Cette dépression respiratoire ne se révèle que pendant le sommeil agite, équivalent chez le nouveau-né du sommeil paradoxal de l'adulte.

La diminution de la réponse ventilatoire a l'hypoxie lors du sommeil agite est donc potentialisée par la pethidine chez le nouveau-né.

* Dépression neurologique :

De faibles doses de pethidine peuvent influencer le comportement néonatal, surtout par l'intermédiaire de la norpethidine, dont les effets peuvent persister 3 jours en postnatal : somnolence et diminution du cri, diminution de l'accoutumance a un stimulus auditif, diminution du réflexe de succion durant les premières heures, altération de l'allaitement maternel.

* Mode d'utilisation :

Par voie intramusculaire, la dose habituelle est de 50 mg renouvelable.

L'effet maximal est atteint en 30 minutes et dure environ 3 heures.

Par voie intraveineuse, l'efficacité semble meilleure, avec une analgésie plus rapide (1 a 2 minutes) mais plus brève (30 minutes).

L'autoadministration par voie intraveineuse discontinue utilise une pompe automatique programmée avec une dose unitaire fixe (10 a 20 mg) et un délai de sécurité de 10 a 15 minutes.

Cette technique permet d'avoir une meilleure analgésie par rapport a la voie intramusculaire (70 % de satisfaction contre 40 %).

L'écueil de cette technique est représente par la dose totale de pethidine reçue par la patiente : elle est souvent supérieure lors de l'autoadministration a celle reçue lors d'une administration discontinue par la sage-femme et comporte donc des risques néonatals.

3- Fentanyl (Fentanyl) :

* Pharmacocinetique :

Puissant morphinique (100 fois plus puissant que la pethidine), avec un délai d'action rapide lie a sa liposolubilité, le fentanyl est denue de métabolites actifs.

Son volume de diffusion élevé rend les effets d'une seule dose éphémères.

Chez la brebis gravide, le fentanyl 50-100 µg ne génère des concentrations plasmatiques significatives que tres brievement : 10 minutes après l'injection, la concentration plasmatique maternelle de fentanyl baisse a 9 % de sa valeur maximale.

Le fentanyl apparait dans le sang foetal 1 minute après l'injection maternelle et le pic de concentration foetal est observe a 5 minutes.

L'étude du transfert du fentanyl au niveau du placenta de lapine montre que le rapport de concentration de fentanyl entre la veine ombilicale et l'artère maternelle (VO/AM) est de 0,25, donc situe entre celui de la pethidine (0,44) et de la bupivacaine (0,11), et que le fentanyl est élimine du plasma maternel plus rapidement que la pethidine ou la bupivacaine.

Chez la femme, le rapport de concentration foetomaternel moyen est de 0,31 et l'elimination plasmatique d'une seule dose de fentanyl est complète a 98,6 % en 60 minutes.

Chez le nouveau-né, la clairance du fentanyl est prolongée, variable et imprévisible, mais semble liée a l'activité enzymatique hépatique.

* Effets maternels et foetaux :

Chez la brebis gravide, le fentanyl n'entraîne aucun effet délétère sur le système cardiovasculaire maternel ou foetal.

Le tonus utérin et le débit uteroplacentaire restent inchangés. Le fentanyl, a la dose de 100 µg, fournit une analgésie comparable a 100-150 mg de pethidine.

A ces doses, les deux drogues dépriment la respiration de manière similaire.

Une corrélation directe existe entre la concentration plasmatique de fentanyl et ses effets analgésiques et dépresseur respiratoire.

Chez les parturientes, une concentration plasmatique de fentanyl de 1,5-3,0 ng/mL diminue la réponse ventilatoire au CO2 de 50 %.

Une dose de 50 a 100 µg de fentanyl donnée toutes les heures pendant la phase active du travail permettait une analgésie en 5 minutes qui restait satisfaisante pendant environ 45 minutes.

La dose totale de drogue variait de 50 a 600 µg.

A l'accouchement, les concentrations de fentanyl dans le sang ombilical étaient inférieures a 0,4 ng/mL.

Les concentrations maternelles ne dépassaient pas 0,5 ng/mL.

Les mères se plaignaient seulement d'une sédation modérée. Une autre étude a compare le fentanyl donne toutes les heures a 25-50 mg de pethidine donnes toutes les 2 a 3 heures.

Les scores de douleur (échelle visuelle analogue) ne différaient pas entre les deux groupes.

Le soulagement de la douleur n'était complet dans aucun des deux groupes.

La douleur était modérément sévère durant le travail actif (4-7 cm), mais l'analgésie était inadéquate dans les deux groupes lors de la dilatation cervicale complète.

La différence majeure entre les deux groupes était l'incidence d'effets secondaires.

Aucune des parturientes dans le groupe fentanyl ne souffrait de nausées, de vomissements, ou d'une sédation notable, contre 20 % des patientes du groupe pethidine.

Enfin, le fentanyl peut etre autoadministre par voie intraveineuse : bolus de 50 µg suivi de doses unitaires de 20 µg (délai de sécurité de 3 minutes) aboutissant a une dose totale de 400 µg.

* Effets néonatals :

Les nouveau-nés exposes au fentanyl avaient un score NACS identique a ceux des nouveau-nés non exposes 1 et 24 heures après exposition ou non au fentanyl.

Dans l'étude comparant fentanyl et pethidine, les scores neurocomportementaux du nouveau-né étaient comparables dans les deux groupes.

Cependant, 13 % de bébés dans le groupe pethidine ont du recevoir de la naloxone a la naissance contre seulement 2 % (un nouveau-né) dans le groupe fentanyl.

4- Alfentanil (Rapifen) :

* Pharmacocinetique :

L'alfentanil est 80 fois plus puissant que la morphine.

La forte liaison protéique de l'alfentanil et sa faible liposolubilite expliquent que son volume de diffusion soit faible, ce qui permet un métabolisme et une excrétion plus rapides.

La concentration plasmatique chute en effet rapidement, permettant une durée d’action plus courte que celle du fentanyl.

La demi-vie d’élimination terminale, le volume de diffusion à l’état stable, et la clairance plasmatique totale de l’alfentanil sont similaires pour les femmes enceintes ou non.

Le rapport de concentration foetomaternel de l’alfentanil est égal à 0,3.

La fraction libre d’alfentanil est beaucoup plus élevée chez le nouveau-né que chez la mère du fait d’un taux moindre d’alpha-1-glycoprotéine acide.

* Effets néonatals :

Golub et al ont comparé les effets néonatals de l’alfentanil (100 µg/kg) à ceux de la péthidine intraveineuse (2 mg/kg) durant le travail chez des singes Rhésus.

Bien que le rapport de concentration foetomaternel de l’alfentanil soit seulement de 0,2 à la naissance, la concentration néonatale d’alfentanil restait inchangée ou accrue pendant les 2 premières heures de vie.

Trois des cinq bébés singes traités avec péthidine et trois des six traités avec alfentanil présentaient une dépression respiratoire.

Les bébés singes exposés durant le travail à l’alfentanil avaient une incidence plus élevée de dépression des scores neurocomportementaux par rapport aux bébés singes non exposés.

De plus, les nouveau-nés exposés à l’alfentanil présentaient des fonctions cognitives altérées de manière durable en comparaison avec ceux exposés à la péthidine ou exposés à aucune drogue.

Ces résultats suggèrent que l’alfentanil n’est pas un analgésique parentéral approprié pour l’analgésie du travail.

5- Sufentanil (Sufenta) :

* Pharmacocinétique :

Le sufentanil est deux fois plus lipophile que le fentanyl, ce qui a favorisé son emploi seul ou associé aux AL pour l’APD.

Il n’existe pas d’étude publiée sur l’utilisation du sufentanil par voie systémique pendant le travail.

Les études faites chez le nouveau-né recevant du sufentanil par voie intraveineuse montrent que son métabolisme est plus lent que chez le nourrisson.

* Effets néonatals :

Par voie péridurale, le sufentanil à fortes doses (80 µg/kg) s’accompagne d’une diminution du pourcentage de nouveau-nés présentant un score neurosensoriel normal 1 heure et 4 heures après la naissance, comparés à des nouveau-nés du groupe contrôle alors que les scores d’Apgar sont similaires.

En revanche, à une dose comprise entre 5 et 50 µg, ni l’Apgar, ni les scores neurosensoriels ne sont déprimés.

6- Nalbuphine (Nubain) :

Le principe d’action des agents morphiniques agonistesantagonistes, telle la nalbuphine, est l’association d’un effet agoniste sur les récepteurs kappa (responsables de l’analgésie et de la sédation) à un effet antagoniste sur les récepteurs mu (responsables de l’analgésie mais aussi de la dépression respiratoire).

Le but est ainsi d’assurer une analgésie de bonne qualité sans prendre le risque d’une dépression respiratoire.

En fait, ces substances sont caractérisées par l’existence d’un effet plafond pour l’analgésie qui ne permet pas toujours d’obtenir un niveau d’analgésie suffisant.

* Pharmacocinétique :

Le passage transplacentaire de la nalbuphine est rapide mais variable, avec un rapport foetomaternel situé entre 0,3 et 0,6.

Le pKa élevé de la nalbuphine (pKa = 8,7) accroît le risque de trapping acide.

* Effets maternels et foetaux :

La nalbuphine procure une analgésie comparable à celle de la morphine, mais avec un effet plafond.

Cet effet plafond est observé pour une dose de 0,5 mg/kg qu’il est donc inutile de dépasser.

L’analgésie apparaît en 2 à 3 minutes par voie intraveineuse, en 15 à 20 minutes par voie intramusculaire ou sous-cutanée, et dure environ 4 heures.

La nalbuphine a été employée pendant le travail mais son efficacité analgésique est controversée.

Une étude en double aveugle a comparé la nalbuphine et la péthidine pour l’analgésie contrôlée par la patiente (ACP) pendant le travail.

La nalbuphine procurait une meilleure analgésie que la péthidine et induisait moins de nausées et vomissements.

Une autre étude similaire n’a retrouvé aucune différence significative dans le soulagement de la douleur ou les scores neurosensoriels (NACS).

Les limitations de la nalbuphine incluent une sédation accrue (liée à l’effet agoniste pour les récepteurs kappa) et un effet analgésique limité (effet plafond).

La nalbuphine a été donnée durant le travail par bolus intraveineux intermittent (10-20 mg toutes les 4-6 heures) et par ACP (2-4 mg en dose de charge puis 1 mg à la demande toutes les 6 à 10 minutes).

L’ACP diminue la consommation de drogue en comparaison avec les bolus intraveineux. Une moindre sédation et un moindre besoin d’antiémétiques sont les autres avantages de l’ACP.

* Effets néonatals :

Dans l’étude randomisée comparant nalbuphine et péthidine, le retentissement foetal et néonatal ne différait pas entre les deux groupes.

Bien que l’effet plafond pour la dépression respiratoire rende peu vraisemblable le développement d’une bradypnée néonatale, des incidents néonatals (cyanose, bradypnée, apnée, hypotonie et bradycardie) ont été publiés.

L’oxygénothérapie, voire même une assistance ventilatoire, ont été nécessaires durant les 24 premières heures de vie.

Ces résultats incitent à prôner une utilisation prudente de la nalbuphine et une surveillance respiratoire néonatale, comme pour toute utilisation de morphinomimétiques.

7- Buprénorphine (Temgésic) :

Très liposoluble, la buprénorphine est un analgésique agoniste/antagoniste.

Comme la nalbuphine et le butorphanol, les effets analgésiques et de dépression respiratoire ont un effet « plafond ».

À la dose de 0,3 mg, la buprénorphine a le même effet analgésique que 10 mg de morphine. Le risque de nausées est plus élevé qu’avec la morphine (27 % versus 13 %).

La buprénorphine est très fortement liée aux récepteurs kappa et est un agoniste partiel pour les récepteurs mu, ce qui lui assure une longue durée d’action mais en rend les effets presque irréversibles malgré l’administration de naloxone.

C’est pourquoi la buprénorphine est rarement employée en obstétrique.

C - ANESTHÉSIE GÉNÉRALE DE LONGUE DURÉE :

Souvent employée il y a une trentaine d’années, elle a quasiment disparu depuis le développement de l’APD.

Elle conserve néanmoins quelques indications exceptionnelles (travail hyperalgique avec dystocie dynamique majeure chez une femme très agitée).

1- Précautions indispensables :

La principale précaution incontournable est l’absolue nécessité de ne réaliser ces anesthésies générales que sous couvert d’une intubation trachéale protégeant les voies aériennes de tout risque d’inhalation.

Il faut en effet rappeler que l’utilisation du gammahydroxybutyrate de sodium (Gamma OH) en particulier est associé à une incidence élevée de vomissements.

L’environnement et le monitorage doivent être ceux de toute AG.

2- Méthode « toulousaine » :

Induction par thiopental (Pentothal) à la dose de 4 mg/kg et succinylcholine (Célocurine) 1 mg/kg, puis intubation trachéale. Ventilation assistée ou spontanée avec inhalation du mélange N2O-O2 (FiO2 minimale de 50 %).

Réinjections de bolus de thiopental (environ 1 mg/kg) selon les besoins jusqu’à l’expulsion.

La répétition des injections de thiopental conduit à une dépression néonatale nécessitant une réanimation active à la naissance.

3- Anesthésie par Gamma OH :

Cette technique permet une anesthésie de plus longue durée que le thiopental mais requiert les mêmes précautions.

Après avoir rajouté 2 g de KCl dans la perfusion, l’induction comporte l’injection de Gamma OHt à la dose de 4 g et thiopental 100 mg suivie de Célocurinet (1 mg/kg) pour l’intubation trachéale.

Des réinjections de 1 g de Gamma OHt toutes les 45 minutes sont nécessaires.

Analgésie et anesthésie périmédullaire pendant le travail et l’accouchement :

L’APD demeure la méthode la plus efficace pour soulager les douleurs de l’accouchement.

Cependant, de nouvelles méthodes associant l’APD à une rachianalgésie sont apparues (technique de périrachianesthésie combinée [PRC]) ainsi que de nouvelles modalités d’APD (analgésie péridurale contrôlée par la patiente).

Ces techniques sont évoquées dans ce chapitre, dont le développement principal concerne les effets obstétricaux et néonatals de l’APD utilisant les AL associés ou non aux adjuvants morphiniques ou autres.

A - PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR DE L’ACCOUCHEMENT :

1- Mécanisme :

L’accouchement se divise en deux phases : la phase de dilatation où le col utérin se dilate sous l’effet des contractions utérines, et la phase d’expulsion où le foetus progresse dans la filière pelvigénitale.

Pendant la première phase du travail, la transmission des influx nociceptifs s’effectue, à partir des récepteurs du col et du corps utérins, par les fibres afférentes sensitives C et A delta qui cheminent avec les fibres sympathiques pour rejoindre les cordons postérieurs de la moelle de D10 à L1.

Durant la deuxième phase du travail, les influx nociceptifs cheminent par les fibres sensitives des nerfs sacrés et rejoignent la moelle par l’intermédiaire du nerf honteux interne (S1-S3).

Au-delà des facteurs mécaniques (intensité et durée des contractions) et des mécanismes physiologiques qui interviennent dans la genèse de la douleur, des facteurs psychiques et émotionnels, ainsi que la motivation de la parturiente influent sur le degré de perception de la douleur.

2- Répercussions physiologiques :

Bien qu’elles soient modulées par ces facteurs psychologiques, les répercussions physiologiques de la douleur sur la mère et le foetus demeurent présentes.

Les stimulations nociceptives segmentaires et suprasegmentaires provoquent une hypertonie musculaire, une hyperventilation (tachypnée entraînant une hypocapnie) et une stimulation du système sympathique dont les effets, délétères pour la mère et le foetus, associent : une élévation de la fréquence cardiaque, de la PA, du DC et de la consommation d’O2, un arrêt de la vidange gastrique et du transit.

L’élévation des taux circulants de cortisol et d’adrenocorticotrophic hormone (ACTH) a été démontrée au cours du travail en réponse à la douleur.

L’élévation des catécholamines circulantes maternelles, qui explicite la majorité des réactions maternelles sus-décrites, diminue le débit utéroplacentaire et retentit donc sur le foetus.

De même, l’induction d’un stress psychologique chez la mère peut retentir sur l’hémodynamique et l’équilibre acidobasique du foetus.

L’augmentation du taux circulant des bêta-endorphines au cours du travail traduit l’existence d’un mécanisme analgésique intrinsèque capable de moduler la perception douloureuse, mais de manière limitée.

C’est pourquoi l’effet des méthodes d’analgésie médicamenteuse sur les réactions liées au stress de la douleur est particulièrement intéressant ; l’APD prévient l’élévation des catécholamines circulantes et des bêta-endorphines en bloquant les afférences hypothalamiques qui déclenchent la réaction de stress.

Il a de plus été démontré que l’APD pouvait prévenir l’élévation des taux sanguins des hormones corticosurrénaliennes, contrairement aux méthodes d’analgésie parentérale.

Le bénéfice foetal et néonatal de la prévention de ces réactions de stress par une méthode analgésique appropriée a été démontré : l’équilibre acidobasique des nouveau-nés dont la mère avait eu une APD était meilleur que celui des nouveau-nés dont la mère n’avait eu aucune analgésie.

B - TECHNIQUE :

1- Rappels anatomiques :

La colonne vertébrale est un empilement de vertèbres reliant le crâne au bassin.

Elle est divisée en trois parties : cervicale, dorsale ou thoracique, lombaire.

Pour l’analgésie au cours du travail, la ponction est le plus souvent réalisée au niveau L3-L4.

L’intérêt d’une ponction basse (L2 à L5) est de limiter les risques de traumatisme médullaire direct, car la terminaison de la moelle se situe, dans la très grande majorité des cas, au niveau de L1.

L’espace péridural est un espace virtuel cylindrique, situé à l’extérieur de la dure-mère, limité en arrière par le ligament jaune.

Sur les côtés de l’espace péridural, on trouve une série d’orifices (trous de conjugaison) par lesquels sortent les nerfs rachidiens.

L’espace péridural est composé de tissus graisseux, de nerfs et de vaisseaux sanguins et lymphatiques.

En fin de grossesse, et surtout pendant les contractions, il existe une augmentation importante de flux sanguin dans les veines péridurales (très dilatées).

La compression cave entraîne une majoration de la dilatation des veines péridurales responsable d’une augmentation de la pression dans l’espace péridural et donc d’une réduction du volume extravasculaire de ce même espace.

Ceci explique la majoration du risque de blessure vasculaire avec l’aiguille de Tuohy ou de passage intravasculaire du cathéter péridural chez la patiente en travail.

2- Techniques :

Avant la réalisation de la péridurale, la mise en place d’une voie veineuse périphérique de bon calibre (16-18 G) est indispensable.

Un remplissage vasculaire, en évitant les solutés sucrés, est réalisé avec 500 à 1 000 mL de Ringer Lactatet.

On mesure la PA et la fréquence cardiaque afin de détecter un éventuel syndrome cave.

Le RCF, ainsi que l’activité utérine, sont surveillés en continu (détection d’une souffrance foetale aiguë, d’une hypertonie utérine).

Il faut vérifier l’absence de contre-indications (prise d’aspirine ou d’anticoagulants récente), la présence de matériel de réanimation et d’anesthésie en état de marche (recommandations de la société française d’anesthésie-réanimation [SFAR]).

La position de la parturiente est importante.

La ponction peut être réalisée en décubitus latéral (position plus confortable et mieux tolérée car moins de syndrome cave) ou en position assise (repérage plus aisé pour l’anesthésiste, mais plus inconfortable pour la patiente, risque de malaise, agitation plus difficilement maîtrisée).

En cas de travail avancé ou de contractions très douloureuses, la position en décubitus latéral peut être préférée car les mouvements de la patiente sont alors plus facilement contrôlables.

Quelle que soit la position, le plus important est d’obtenir de la patiente une flexion maximale de sa colonne vertébrale afin de faciliter le repérage et l’accès à l’espace péridural.

Il faut demander à la patiente de remonter ses cuisses le plus possible sur le ventre et de fléchir la tête afin d’arrondir le dos au maximum.

En pratique.

Il faut éviter de progresser lors d’une contraction car il y a un risque majoré de brèche vasculaire (augmentation de la dilatation des veines péridurales).

En cas d’apparition de douleurs lors de la ponction, la localisation de ces douleurs permet à l’anesthésiste de réorienter son aiguille et d’éviter ainsi les traumatismes nerveux directs.

L’asepsie doit être rigoureuse (port de gants stériles, d’un chapeau, d’une bavette et lavage soigneux des mains).

Pour le nettoyage de la peau, on peut utiliser différents types d’antiseptiques (Bétadine, Hibitane).

Il faut juste contrôler l’absence d’allergie (iode).

Après avoir repéré le niveau de ponction, L3-L4 le plus souvent (repère : milieu de la ligne passant par les deux crêtes iliaques), on réalise une anesthésie locale avec de la Xylocaïnet 1 ou 2% non adrénalinée.

L’aiguille de Tuohy est ensuite introduite de façon bien médiane, le biseau dirigé vers le haut avec une légère inclinaison céphalique.

On peut faire progresser l’aiguille à l’aveugle sur une distance de 2 cm (distance peau-espace péridural moyenne . 4,5 cm).

Le repérage de l’espace péridural est réalisé avec la technique du mandrin liquide en utilisant impérativement du sérum physiologique.

La technique du mandrin gazeux doit être abandonnée.

L’aiguille de Tuohy progresse lentement à la recherche du passage du ligament jaune (sensation de ressaut) et/ou d’une perte de résistance, signant l’arrivée dans l’espace péridural.

L’apparition de paresthésies doit faire modifier la direction de la ponction.

Les techniques de rotation de l’aiguille de Tuohy (type rotation dans les quatre cadrans) sont à proscrire car elles majorent les risques de brèches dure-mériennes.

Une fois l’espace péridural repéré, un cathéter est mis en place.

La fixation du cathéter doit être solide afin de diminuer le risque de déplacement secondaire.

L’utilisation de pansement transparent au niveau du point d’insertion du cathéter est intéressante car elle permet en cas de problèmes de contrôler rapidement et facilement le bon positionnement du cathéter.

Il existe d’autres techniques de repérage de l’espace péridural :

– la goutte pendante (technique utilisée surtout lors d’abords thoracique ou cervical, moins sensible dans la région lombaire) ;

– le ballonnet de Mac Intosh.

3- Dose-test :

Une fois le cathéter péridural en place et après un test d’aspiration (reflux de liquide céphalorachidien [LCR] ou de sang), on réalise une dose-test.

Son but est de détecter :

– un passage intravasculaire se manifestant par : une tachycardie et/ou une poussée hypertensive lors de l’utilisation d’adrénaline, un goût métallique dans la bouche, la présence de picotements autour de la bouche, la sensation de malaise et/ou vertige, voire l’apparition de convulsions, liés au passage intravasculaire d’AL ;

– un passage intrarachidien se manifestant par l’apparition d’une hypotension rapide et marquée, des difficultés respiratoires ou l’apparition précoce d’un bloc moteur important.

L’apparition d’un de ces phénomènes impose, outre des manoeuvres de réanimation immédiates, l’ablation du cathéter péridural et la mise en place d’une péridurale à un autre espace.

Les injections suivantes du cathéter péridural seront prudentes (fractionnées et lentes).

Certains ont préconisé récemment l’utilisation seule du test d’aspiration sans injection de dose-test.

Les auteurs utilisaient des cathéters multiperforés et considéraient que des aspirations régulières associées à l’observation des patientes, ainsi qu’à l’utilisation de doses progressives d’AL étaient suffisantes.

La réalisation d’une dose-test est donc discutée. Pour être réellement efficace, elle doit être très sensible et très spécifique, car les complications recherchées sont relativement rares.

L’utilisation de produits adrénalinés pour la réalisation de la dose-test est controversée.

Même si certaines études chez des patientes, en travail ou non, ont retrouvé une sensibilité de 100 % de la dose-test « adrénalinée », l’augmentation de la fréquence cardiaque chez une femme en travail semble malgré tout peu fiable.

Chez la parturiente, ce type de dose-test est intéressant, surtout si la patiente n’a pas de contractions (césarienne programmée).

Sur un faible effectif (15 parturientes), Colonna-Romano et al arrivent à différencier, par leur rapidité d’apparition, les augmentations de la fréquence cardiaque liées à l’injection intraveineuse d’adrénaline de celles liées aux réactions douloureuses des contractions utérines.

Dans une étude plus récente, cette même équipe a évalué, sur 209 parturientes, l’efficacité d’une dose-test « adrénalinée » (Xylocaïnet 45 mg + adrénaline 15 µg).

Les critères de positivité du test étaient une augmentation de plus de 10 bpm de la fréquence cardiaque maternelle, apparaissant dans la minute suivant l’injection de la dose-test, avec une phase d’accélération rapide de plus de 1 bpm.

Avec ces critères, ils ont retrouvé une sensibilité de la dosetest de 100 %, une spécificité de 96 %, un pouvoir prédictif négatif de 100 % et un pouvoir prédictif positif de 63 %.

Leur conclusion était que la dose-test « adrénalinée » permet de détecter une mauvaise localisation du cathéter péridural dans la grande majorité des cas.

Mais les parturientes doivent être monitorées par un oxymètre de pouls ou un scope, la dose-test doit être réalisée en dehors des contractions, idéalement juste après une contraction.

Si une contraction survient dans la minute suivant l’injection de la dose-test, celle-ci doit être invalidée et répétée.

L’injection de 3 ou 4 mL de Xylocaïnet 1,5 ou 2 % adrénalinée au 1/200 000e entre deux contractions semble donc être une technique simple et fiable.

Si l’on utilise des solutions adrénalinées, leur concentration en adrénaline doit être faible (1/200 000e) afin de ne pas être délétère sur le foetus.

Pour la détection d’un passage intrathécal du cathéter, une étude récente a comparé trois doses-tests différentes en chirurgie orthopédique : 3 mL de Xylocaïnet 2 % adrénalinée, de bupivacaïne 0,25 % et 0,5 % adrénalinée.

Seule la Xylocaïnet 2 % adrénalinée a permis de détecter tous les passages intrarachidiens dans les 6 minutes suivant l’injection de la dose-test.

Une autre solution qui est peut-être la meilleure, consiste à considérer que chaque dose injectée est une dose-test.

Ces injections doivent alors être lentes et fractionnées (3 à 5 mL à chaque fois).

Une fois le test initial effectué, on peut commencer à injecter lentement la première dose d’AL à visée antalgique.

Cette première injection est mieux tolérée par la patiente si elle est réalisée en décubitus latéral plutôt qu’en position assise, le retentissement hémodynamique de la péridurale étant plus important en position assise.

4- Surveillance d’une analgésie péridurale :

Elle doit comporter :

– une mesure régulière, toutes les 5 minutes, de la tension artérielle pendant une période de 30 minutes après l’injection du produit ;

– une surveillance continue du RCF ;

– un contrôle de l’efficacité de l’analgésie : disparition des douleurs liées aux contractions, sensation de chaleur et/ou de fourmillements aux deux pieds, vasodilatation des veines des pieds, contrôle du niveau du bloc sensitif qui doit remonter jusqu’à D10 lors de la phase de dilatation (chaud/froid, pique/touche).

C - INDICATIONS ET CONTRE-INDICATIONS :

1- Péridurale d’indication analgésique :

Dans ce cas, la péridurale est mise en place pour l’analgésie de la parturiente et peut être utilisée aussi en cas de manoeuvres d’extraction, de DA/RU ou de césarienne en urgence.

Il s’agit de patientes qui ne présentent pas de problèmes particuliers (pas de risque anesthésique), dont la grossesse est simple et dont le risque de problème lors de l’accouchement est faible.

2- Péridurale d’indication « médicale » :

Dans cet autre cadre, il s’agit de patientes qui ont, soit un risque anesthésique important (allergie, intubation difficile prévisible…), soit des risques d’extraction difficile et/ou de césarienne importants.

Chez ces patientes, la mise en place d’une péridurale est vivement conseillée et la pose est précoce afin de pouvoir contrôler rapidement son efficacité.

La réalisation d’une anesthésie péridurale n’est pas toujours possible.

La première contre-indication est le refus de la parturiente.

Il existe d’autres contre-indications à l’anesthésie péridurale liées :

– au risque de formation d’un hématome périmédullaire compressif (troubles de l’hémostase et/ou de la coagulation, prise d’aspirine ou d’anticoagulants) ;

– au risque de développement d’une infection périmédullaire (infection locale ou généralisée) ;

– au risque du retentissement potentiellement important et délétère lié à la vasoplégie induite par la péridurale (hémorragie et/ou hypovolémie non contrôlée, pathologie cardiaque sévère).

La consultation d’anesthésie et la réalisation en fin de grossesse d’un bilan biologique permettent de dépister les éventuelles contreindications, d’organiser avec l’équipe obstétricale la prise en charge de traitement antiagrégeant (arrêt de l’aspirine à la 35e semaine d’aménorrhée) ou anticoagulant (fenêtre thérapeutique pour les héparines de bas poids moléculaire [HBPM]) et de proposer aux patientes des alternatives à l’APD. APD et aspirine.

L’aspirine, même à faibles doses, entraîne des modifications durables de l’agrégabilité plaquettaire, donc un risque d’hématome périmédullaire.

Le traitement par aspirine est le plus souvent arrêté à partir de la 35e semaine d’aménorrhée, permettant ainsi le renouvellement du pool plaquettaire et la réalisation à distance d’une APD sans risque.

D’une manière générale, on peut considérer que 1/7e du pool plaquettaire est renouvelé quotidiennement ; au bout de 7 jours, le pool est donc renouvelé intégralement.

En cas de prise d’aspirine récente, il faut tenir compte du délai entre la dernière prise et la réalisation du geste, ainsi que du taux de plaquettes. On peut donc évaluer le taux de plaquettes fonctionnelles et réaliser une APD si ce taux est supérieur ou égal à 80 000.

APD et HBPM.

Les HBPM ont été incriminées dans bons nombres d’accidents hémorragiques lors d’anesthésies périmédullaires.

Actuellement, il semble raisonnable d’arrêter les HBPM au moins 12 heures avant la réalisation de l’APD en cas de traitement prophylactique et au moins 24 heures si le traitement est curatif.

Avec la calciparine, ce délai peut être ramené à 8 heures (temps de céphaline activateur [TCA] normalisé).

On peut s’aider de l’activité anti-Xa, en sachant qu’il ne s’agit pas d’un témoin parfaitement adapté de l’état de la coagulation.

Suite

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