Analgésie et anesthésie au cours de l’accouchement Cours de
Gynécologie Obstétrique
Modifications physiologiques pendant
grossesse et travail
:
A - MODIFICATIONS CARDIOVASCULAIRES :
1-
Hypervolémie :
L’augmentation de la volémie, débutant dès la 12e semaine de
gestation, rapide pendant le deuxième trimestre, plus lente au cours
du troisième trimestre, est de 35 % par rapport au début de la
grossesse.
L’augmentation du volume plasmatique (+ 50 %)
excédant celle de la masse globulaire (+ 20 %), une anémie de
dilution apparaît souvent au cours de la grossesse.
Cet état favorise
l’apparition de souffles cardiaques anorganiques (chez plus de 80 %
des patientes en fin de grossesse).
L’hémodilution entraîne une
diminution de la concentration des protéines plasmatiques et donc
une augmentation de la forme libre de nombreux médicaments
utilisés en anesthésie.
Au décours de l’accouchement, la contracture utérine réalise une
autotransfusion d’environ 500 mL qui permet de compenser
l’hémorragie de 300 à 500 mL accompagnant la délivrance normale.
2- Augmentation du débit cardiaque
:
L’augmentation du débit cardiaque (DC) débute dès la huitième
semaine de gestation, est maximale durant le deuxième trimestre,
puis demeure stable durant le troisième trimestre, pour atteindre
une valeur de 35 % à 45 % plus élevée qu’au début de la grossesse.
Une étude hémodynamique invasive a révélé la contribution relative
de l’augmentation de fréquence cardiaque (+ 17 %) et du volume
d’éjection systolique (+ 27 %), ainsi que celle de la diminution des
résistances artérielles systémiques (- 21 %) et pulmonaires (- 34 %)
dans la variation du DC.
La pression veineuse centrale et la
pression capillaire pulmonaire n’augmentent pas car l’augmentation
des volumes télédiastoliques ventriculaires ne s’accompagne pas
d’augmentation de pression : ceci est dû à une dilatation des cavités cardiaques dont rend compte l’élargissement de la silhouette
cardiaque sur la radiographie de thorax.
Pendant le travail, la pression artérielle (PA) et le DC augmentent (+
45 %) en raison de la vasoconstriction induite par les catécholamines
sécrétées en réponse à la douleur, mais aussi du fait de
l’autotransfusion d’environ 500 mL qui contribue à l’élévation
transitoire de la pression veineuse centrale (4 à 6 cmH2O) lors de
chaque contraction utérine.
Après l’accouchement, l’autotransfusion
d’origine placentaire aboutit à une augmentation de 80 % du DC.
Celui-ci revient à la normale au cours de la deuxième semaine du
post-partum.
La PA diminue pendant la grossesse en raison de la
baisse des résistances artérielles systémiques.
La réponse vasopressive et chronotrope aux catécholamines est diminuée au
cours de la grossesse.
La position de la parturiente joue un rôle essentiel dans les
variations du DC et de la PA.
Le décubitus dorsal entraîne un certain
degré de compression aortocave chez toutes les parturientes,
aboutissant à une réduction de 30 à 50 % du DC.
Si la plupart des
patientes sont capables de maintenir normale leur PA en augmentant
leur fréquence cardiaque et leurs résistances artérielles systémiques,
10 % d’entre elles développent une franche hypotension artérielle
en décubitus dorsal.
3- Modifications de la pression artérielle
:
La PA diminue au cours de la première partie de la grossesse : la PA
systolique diminue de 5 à 10 mmHg et la PA diastolique de 10 à
15 mmHg.
La PA remonte progressivement pendant la deuxième
partie de la grossesse, pour revenir aux valeurs de base à terme.
Les
modifications hormonales entraînent une diminution des résistances
vasculaires systémiques.
Malgré un tonus sympathique élevé, les
femmes enceintes sont plus sensibles aux modifications
hémodynamiques des blocs centraux.
Il existe une diminution de la
sensibilité des récepteurs b myocardiques expliquant la moindre
spécificité de la dose-test adrénalinée chez les femmes enceintes lors
de la mise en place d’une péridurale.
4- Syndrome de compression aortocave :
Il peut apparaître dès le deuxième trimestre et atteint son maximum
à terme.
Il correspond à une compression de la veine cave inférieure
par l’utérus gravide en décubitus dorsal.
Cette compression, voire
occlusion complète dans certains cas, entraîne une diminution du
retour veineux responsable d’une diminution de 20 % du DC
maternel.
La baisse du débit sanguin utérin associé peut être
responsable d’une souffrance foetale.
L’association de la compression
aortique majore les effets délétères de la compression cave.
Plus la
taille de l’utérus est importante, plus les effets sont importants
(grossesses multiples, hydramnios…).
Ce syndrome est
symptomatique dans 10 % des cas et se manifeste par un malaise,
une hypotension, des vertiges, des nausées, une pâleur et des
sudations.
Ce syndrome peut être prévenu par le déplacement vers
la gauche de l’utérus : mise en décubitus latéral gauche ou mise en
place d’un coussin sous la fesse droite.
La vasoplégie induite
par l’anesthésie péridurale majore les effets de ce syndrome.
5- Implications anesthésiques
:
La prévention du syndrome de compression aortocave est
particulièrement importante en cas d’anesthésie locorégionale (ALR)
car l’hypotension artérielle maternelle résultant de la baisse du
retour veineux ne peut être compensée du fait de la vasoplégie
induite dans le territoire analgésié.
Même en l’absence
d’hypotension maternelle, la compression aortique peut
considérablement réduire la pression de perfusion dans l’artère
utérine et donc la perfusion placentaire et foetale.
À cet égard, le
décubitus latéral droit semble produire le même effet bénéfique que
le décubitus latéral gauche.
B - MODIFICATIONS RESPIRATOIRES :
1- Volumes pulmonaires
:
Les modifications des volumes pulmonaires observées en fin de
grossesse sont modérées et essentiellement dues à l’élévation
diaphragmatique entraînée par l’utérus gravide.
Bien que celle-ci
soit partiellement compensée par l’augmentation des diamètres antériopostérieur et transversal du thorax, la capacité fonctionnelle
résiduelle est réduite d’environ 20 %.
Lorsque celle-ci devient
inférieure au volume de fermeture des voies aériennes distales, le
shunt intrapulmonaire, et donc la différence alvéoloartérielle en
oxygène (O2) augmentent.
Bien que celles-ci n’induisent pas
d’hypoxémie chez la parturiente normale, certaines positions
(décubitus dorsal, Trendelenburg) et certaines situations (anesthésie
générale [AG], obésité), qui réduisent la capacité fonctionnelle
résiduelle, exposent à un risque accru d’hypoxémie par majoration
du shunt.
2- Ventilation
:
La ventilation-minute augmente dès la huitième semaine de
gestation du fait de la stimulation des centres respiratoires par la
progestérone et est majorée de 50 % en fin de grossesse.
Le volume
courant augmentant davantage (+ 40 %) que la fréquence
respiratoire (+ 15 %), la ventilation de l’espace mort diminue, ce
qui aboutit à une majoration de la ventilation alvéolaire (+ 70 %)
par rapport au début de la grossesse.
Cette hyperventilation, bien
supérieure à l’augmentation de la consommation d’O2 (+ 20 %) et
du métabolisme de base (+ 14 %) liée au développement foetal,
explique l’hypocapnie « physiologique » (32 à 34 mmHg) observée
dès la 12e semaine de gestation.
Celle-ci aboutit à une alcalose
respiratoire (pH : 7,44), partiellement compensée par une
augmentation de l’excrétion rénale des bicarbonates dont rend
compte la diminution de la réserve alcaline.
En outre, cette
hyperventilation alvéolaire précoce explique l’hyperoxie (pression
artérielle en O2 [PaO2] > 100 mmHg) parfois observée en début de
grossesse alors que les modifications de la capacité résiduelle
fonctionnelle ne sont pas encore apparues.
3- Autres modifications respiratoires :
La compliance pulmonaire reste inchangée, tandis que la compliance
thoracique diminue.
Les résistances bronchiques diminuent sous l’effet bronchodilatateur
de la progestérone mais le volume expiratoire maximal seconde
(VEMS) reste inchangé.
La courbe de dissociation de
l’oxyhémoglobine est déplacée vers la droite, ce qui facilite le relargage de l’O2 au foetus.
La vascularisation des muqueuses nasopharyngées est accrue, ce qui favorise le saignement local même
pour un traumatisme minime.
4- Implications anesthésiques :
* Préoxygénation :
Malgré une préoxygénation correcte précédant l’induction d’une
AG, l’hypoxémie survient plus rapidement en fin de grossesse en
raison de l’effet conjoint de l’augmentation de la consommation d’O2
et de la diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle.
Une préoxygénation prolongée pour une dénitrogénation optimale est
nécessaire, ainsi qu’une durée d’apnée limitée lors de l’intubation.
* Intubation trachéale :
L’intubation difficile est huit fois plus fréquente pendant la
grossesse.
La prise de poids, l’oedème des parties molles, voire
du larynx en cas de prééclampsie, et la fragilité des muqueuses
saignant au moindre traumatisme expliquent le risque accru
d’intubation difficile et justifient l’évaluation préanesthésique
systématique avant toute AG et l’utilisation de sondes d’intubation
d’un calibre inférieur (6,5 ou 7) à celui utilisé en dehors de la
grossesse.
La présence d’une hypertrophie mammaire peut rendre
difficile l’introduction du laryngoscope et justifier le développement
et l’utilisation en obstétrique de laryngoscopes à manche court.
* Anesthésie par inhalation
:
L’induction est plus rapide chez la parturiente du fait de
l’hyperventilation (en particulier au cours du travail) et de la
diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle qui conduit à une
augmentation plus rapide de la concentration alvéolaire de
l’anesthésique inhalé utilisé.
En outre, la concentration alvéolaire
minimale des halogénés est réduite de 25 % (halothane) à 40 %
(isoflurane).
Le rôle respectif de la progestérone et des
endorphines dans cette réduction de concentration alvéolaire
minimale reste débattu.
*
Hyperventilation et débit utéroplacentaire :
L’hyperventilation induite par la douleur des contractions utérines
aboutit à une alcalose respiratoire qui déplace la courbe de
dissociation de l’hémoglobine vers la gauche et diminue donc le
relargage de l’O2 au foetus.
En outre, l’hyperventilation est suivie
d’une période d’hypoventilation avec baisse de la SaO2 entre les
contractions utérines.
L’analgésie péridurale (APD) évite cette
alternance d’hypo- et d’hyperventilation et limite la consommation
d’O2 qui peut doubler lors du travail sans analgésie en raison de
l’augmentation du travail respiratoire induit par l’hyperventilation.
Lors d’AG pour césarienne, l’hypocapnie maternelle secondaire à la
ventilation contrôlée induit une diminution de la pO2 veineuse
ombilicale sans retentissement sur le pH néonatal ou les scores
d’Apgar.
Le rôle respectif de l’hypocapnie et de l’hyperventilation
sur l’oxygénation foetale reste à définir chez la parturiente.
En
expérimentation animale, la diminution du débit utéroplacentaire
(DUP), observée sous ventilation contrôlée, semble davantage liée à
la baisse du retour veineux secondaire à l’augmentation des
pressions intrathoraciques qu’à l’hypocapnie.
En effet, l’adjonction
de gaz carbonique (CO2) pour normaliser la capnie ne permet pas
de rétablir le DUP.
C - MODIFICATIONS RÉNALES
ET HYDROÉLECTROLYTIQUES :
1- Fonction rénale :
Le débit sanguin rénal et le débit de filtration glomérulaire
augmentent d’environ 60 % au cours de la grossesse.
La réabsorption
tubulaire de l’eau et des électrolytes augmente de façon
proportionnelle à l’augmentation du débit de filtration glomérulaire,
ce qui explique que l’équilibre hydroélectrolytique soit peu modifié
pendant la grossesse.
La réabsorption tubulaire du glucose
n’augmentant pas autant que le débit de filtration glomérulaire et le
seuil de réabsorption du glucose étant diminué pendant la grossesse,
il en résulte une fréquente glycosurie.
De plus, une protéinurie
orthostatique asymptomatique est fréquente, peut-être liée à
l’augmentation de la pression veineuse rénale.
É2- quilibre hydroélectrolytique et pression oncotique
:
La diminution modérée de la natrémie fréquemment observée
semble davantage liée à une modification du seuil de sécrétion de
l’antidiuretic hormone (ADH) qu’à un défaut de réabsorption
tubulaire du sodium.
Le sodium total est en fait augmenté (et donc
l’eau totale) en raison d’une augmentation de la sécrétion
d’aldostérone.
La protidémie baisse au cours de la grossesse,
essentiellement au détriment de l’albumine, tandis que la
concentration des globulines est moins affectée, expliquant la baisse
du rapport albumine/globulines.
La pression oncotique baisse au
cours de la grossesse parallèlement à la baisse de l’albuminémie et
continue de baisser en post-partum immédiat.
3- Implications anesthésiques
:
L’interprétation des chiffres d’urée, de créatinine et d’uricémie
pendant la grossesse doit tenir compte de l’augmentation du débit
de filtration glomérulaire qui explique que les taux normaux soient
diminués de moitié : un chiffre apparemment normal peut ainsi
témoigner d’une insuffisance rénale débutante.
La baisse de la pression oncotique explique la susceptibilité
particulière de la femme enceinte au risque d’oedème pulmonaire,
en particulier en cas de traitement bêtamimétique ou de prééclampsie.
D - MODIFICATIONS GASTRO-INTESTINALES :
1- Diminution de la vidange gastrique
:
Présente dès le début de la grossesse pour certaines, elle serait liée à
l’inhibition de la motiline plasmatique par la progestérone.
Pour
d’autres, aucune modification n’est retrouvée jusqu’à la 34e semaine
de grossesse et il faut la conjonction entre l’utilisation de
morphiniques, et la douleur et l’anxiété liées au travail obstétrical
pour aboutir à une diminution de la vidange gastrique.
2- Augmentation de la pression gastrique et facilitation
du reflux gastro-oesophagien :
L’augmentation du volume utérin augmente la pression
intragastrique (jusqu’à 40 cmH2O) et modifie l’angle oesogastrique.
La diminution du tonus du sphincter du bas oesophage
augmente le risque de reflux oesophagien dont témoigne le pyrosis
observé chez plus de 45 % des femmes enceintes, parfois dès la
15e semaine de gestation.
3- Implications anesthésiques :
Dès la 15e semaine d’aménorrhée, toute patiente obstétricale doit
être considérée à risque d’avoir l’estomac plein, y compris dans les
situations de césarienne programmée.
En effet, le syndrome de Mendelson reste une cause importante de mortalité et de morbidité
maternelles.
Cependant, l’application des mesures préventives
(antiacides, induction en séquence rapide et manoeuvre de Sellick) a
permis d’en réduire la fréquence.
E - MODIFICATIONS DE L’HÉMOSTASE :
1- Protéines de la coagulation :
Les taux plasmatiques des facteurs VII, VIII, X, XII et du fibrinogène
augmentent de 100 à 200 % au cours de la grossesse, aboutissant à un état d’hypercoagulabilité globale.
La fibrinolyse est également
activée et l’équilibre entre les processus de coagulation et de
fibrinolyse est facilement compromis, aboutissant à des
complications hémorragiques ou thromboemboliques plus
fréquentes.
2- Numération plaquettaire
:
Des variations de la numération plaquettaire existent durant la
grossesse, dépendant en partie du degré d’activation de la
coagulation intravasculaire compensée qui existe fréquemment en
fin de grossesse et pendant le travail.
En effet, 7 à 8% des femmes
enceintes asymptomatiques présentent en fin de grossesse une
thrombopénie inférieure à 150 Giga/L et 0,9 % une thrombopénie
inférieure à 100 Giga/L.
3- Implications anesthésiques :
Aucun élément des antécédents hémorragiques ne permet de
prévoir le risque de thrombopénie en cours de travail, en dehors
d’un antécédent d’hémorragie de la délivrance, plus souvent
rencontré chez les patientes thrombopéniques.
Bien que la réalisation
d’une anesthésie locorégionale (ALR) chez ces patientes n’augmente
pas la fréquence des complications neurologiques en rapport avec
une hémorragie, le caractère imprévisible de ces thrombopénies
nous incite à recommander une numération plaquettaire avant
réalisation d’une ALR en obstétrique.
Le risque thromboembolique,
notamment en post-partum, conduit à de larges indications de
l’héparinothérapie prophylactique dans toutes les situations à risque
(césarienne, obésité, prééclampsie, etc).
F - MODIFICATIONS DE LA RÉPONSE AUX AGENTS
ANESTHÉSIQUES :
1- Anesthésie locorégionale
:
Les doses d’anesthésique local (AL) nécessaires pour obtenir un
certain degré de bloc sensitif sont moindres durant la grossesse.
Cette augmentation de la sensibilité neuronale aux AL semble
proportionnelle aux taux circulants de progestérone.
En effet, cette
sensibilité accrue a pu être démontrée lors d’anesthésies péridurales
réalisées en début de grossesse.
La toxicité myocardique de la bupivacaïne est plus élevée pendant la grossesse.
2- Anesthésie générale
:
La concentration alvéolaire minimale efficace est diminuée pour les
halogénés.
Les taux plasmatiques de cholinestérases sont
diminués de 20 à 30 % dès le début de la grossesse et jusqu’en fin de
première semaine du post-partum.
Cependant, ces taux restent
suffisants pour hydrolyser la succinylcholine, sauf en cas de
cholinestérase atypique (curarisation prolongée).
Analgésie médicamenteuse
pour le travail et l’accouchement
en dehors de l’anesthésie
locorégionale périmédullaire :
L’accouchement est douloureux.
Bien que seule l’ALR puisse fournir
un soulagement complet de la douleur, celle-ci est parfois contreindiquée
ou indisponible.
Nous évoquons ici les techniques
d’analgésie inhalatoire ou parentérale pouvant soulager la douleur.
A - ANALGÉSIE INHALATOIRE :
L’autoadministration par inhalation d’agents anesthésiques gazeux
(essentiellement N2O) à des concentrations infra-anesthésiques telles
qu’elles ne modifient ni la conscience, ni l’intégrité des réflexes
laryngés, peut être utilisée pour soulager les douleurs du travail.
1- N2O
:
Le mode d’administration classique est l’inhalation intermittente : la
patiente inhale dès que la contraction est ressentie et cesse lorsque
l’intensité de la contraction est maximale.
Avec cette méthode, le
N2O inhalé atteint son efficacité maximale en 45 secondes, c’est-àdire
au pic de douleur ressentie, mais peut être totalement éliminé
avant la contraction suivante.
L’élimination néonatale du N2O par
voie respiratoire représente un avantage par rapport aux
morphiniques par voie parentérale.
Le DC, la PA et la fréquence cardiaque sont diminués par
l’inhalation intermittente de N2O.
Un mélangeur de sécurité
assurant une FiO2 minimale de 0,3 doit être installé afin d’éviter
l’inhalation de N2O pur.
Une FiO2 de 0,5 doit être maintenue pour
éviter des épisodes de désaturation maternelle, surtout en cas
d’utilisation préalable ou concomitante de péthidine.
Dans ce cas, la
surveillance de l’oxygénation par un oxymètre de pouls est
recommandée.
L’efficacité analgésique de cette méthode est controversée :
l’administration intermittente du mélange équimoléculaire est
réputée entraîner 50 % de bons résultats.
Une étude récente
randomisée en double insu s’interroge cependant sur son efficacité
réelle.
Vingt-six femmes ont participé à cette étude visant à
évaluer l’effet d’une inhalation intermittente de N2O sur la douleur
et sur la saturation en O2 (SaO2) durant la première partie du travail.
Les scores de douleur (échelle visuelle analogue) pour chacune des
cinq contractions utérines consécutives pendant le travail étaient
mesurés après l’administration randomisée de N2O ou d’air.
Aucune
différence significative dans les scores de douleur n’était observée.
L’effet analgésique du N2O doit encore être démontré.
2- Isoflurane (Forane) :
Utilisée seule à une concentration de 0,5 à 0,7 %, l’inhalation
d’isoflurane procure une analgésie de meilleure qualité que celle de
N2O mais aussi une sédation plus importante.
L’effet de
l’Entonoxt (mélange équimoléculaire de N2O et O2) sur les douleurs
du travail a été comparé avec celui d’un mélange d’Entonoxt et de
0,25 % d’isoflurane.
Les scores d’analgésie étaient
significativement meilleurs avec le mélange Entonoxt-isoflurane.
B - ANALGÉSIQUES PAR VOIE PARENTÉRALE :
Les morphiniques par voie parentérale peuvent soulager la douleur du
travail et représentent le mode d’analgésie le plus employé dans de
nombreux pays.
1- Morphine :
La morphine n’est plus employée pendant le travail du fait d’un
risque élevé de dépression respiratoire néonatale sévère.
La perméabilité accrue du cerveau néonatal à la morphine ou la
modification de sa biotransformation et de son excrétion pourraient
être en cause.
En effet, les nouveau-nés éliminent la morphine plus lentement que
les adultes (demi-vie d’élimination : 6,8 heures versus 3,9 heures).
La sensibilité accrue des récepteurs du nouveau-né à la morphine
pourrait être en cause.
2- Péthidine (Dolosal) :
Utilisée en France dès 1952, la péthidine demeure le morphinique le
plus utilisé, en particulier parce qu’elle peut être employée par la
sage-femme sans prescription médicale.
* Pharmacocinétique
:
La péthidine apparaît dans le sang foetal dans les 90 secondes
suivant une injection intraveineuse maternelle.
Le métabolisme
hépatique de la péthidine consiste en une hydrolyse qui donne des
dérivés inactifs et surtout une déméthylation permettant d’obtenir
de la norpéthidine, dérivé actif qui déprime le système nerveux
central davantage que la péthidine.
Les concentrations maternelles et foetales de pethidine s'équilibrent rapidement, tandis que la
norpethidine apparaît dans le sang foetal en concentration croissante.
Du fait d'une concentration plus basse en alpha-1-glycoproteine
acide, la fraction libre de pethidine est plus élevée chez le nouveau ne.
L'immaturité hépatique et le ralentissement de l'élimination rénale expliquent que la demi-vie d'élimination
néonatale de la
pethidine (11 heures a 22 heures) et de la norpethidine (30 heures a
60 heures) soit particulièrement longue.
Ceci conduit a un risque
d'accumulation foetale de la pethidine et de la norpethidine.
* Effets foetaux
:
La pethidine administrée par voie intraveineuse discontinue chez la
mère peut diminuer la variabilité du rythme cardiaque foetal (RCF),
donnant un aspect de rythme plat qui peut fausser l'interprétation
des traces de monitorage.
Une étude en double insu a mis en
évidence une augmentation du tonus de base utérin.
Enfin, la pethidine entraîne une diminution du débit aortique foetal.
* Dépression respiratoire néonatale :
Fréquente après emploi de pethidine, elle a été corrélée avec
l'intervalle de temps entre l'injection et la naissance.
Des 1953, on
notait que le pourcentage de nouveau-nés déprimés augmentait
lorsque l'administration de pethidine avait lieu plus de 2 heures
avant l'accouchement.
Les scores d'Apgar, ainsi que les tests
neurocomportementaux, sont moins bons lorsque l'intervalle
injection-naissance augmente.
Les effets respiratoires spécifiques ont
été étudies des 1955 : diminution de la saturation artérielle en O2,
diminution de la ventilation/minute avec hypercapnie et acidose
augmentation de la PCO2 teleexpiratoire.
Une notion plus récente est la relation entre stade de sommeil et
dépression respiratoire liée aux morphiniques.
Nous avons en effet
montre que des nouveau-nés exposes a des doses modérées de
pethidine et juges cliniquement normaux a la naissance (scores
d'Apgar normaux) présentaient, lors d'une surveillance respiratoire
de longue durée, des épisodes d'apnée plus longs et plus nombreux,
et surtout une durée d'hypoxie (SaO2 < 90 %) plus longue que les
nouveau-nés du groupe contrôle.
Cette dépression respiratoire ne se
révèle que pendant le sommeil agite, équivalent chez le nouveau-né
du sommeil paradoxal de l'adulte.
La diminution de la réponse
ventilatoire a l'hypoxie lors du sommeil agite est donc potentialisée
par la pethidine chez le nouveau-né.
* Dépression neurologique
:
De faibles doses de pethidine peuvent influencer le comportement
néonatal, surtout par l'intermédiaire de la norpethidine, dont les
effets peuvent persister 3 jours en postnatal : somnolence et
diminution du cri, diminution de l'accoutumance a un stimulus
auditif, diminution du réflexe de succion durant les premières
heures, altération de l'allaitement maternel.
* Mode d'utilisation
:
Par voie intramusculaire, la dose habituelle est de 50 mg
renouvelable.
L'effet maximal est atteint en 30 minutes et dure
environ 3 heures.
Par voie intraveineuse, l'efficacité semble meilleure, avec une
analgésie plus rapide (1 a 2 minutes) mais plus brève (30 minutes).
L'autoadministration par voie intraveineuse discontinue utilise une
pompe automatique programmée avec une dose unitaire fixe (10 a
20 mg) et un délai de sécurité de 10 a 15 minutes.
Cette technique
permet d'avoir une meilleure analgésie par rapport a la voie
intramusculaire (70 % de satisfaction contre 40 %).
L'écueil de cette
technique est représente par la dose totale de pethidine reçue par la
patiente : elle est souvent supérieure lors de l'autoadministration a
celle reçue lors d'une administration discontinue par la sage-femme
et comporte donc des risques néonatals.
3- Fentanyl (Fentanyl) :
* Pharmacocinetique :
Puissant morphinique (100 fois plus puissant que la pethidine), avec
un délai d'action rapide lie a sa liposolubilité, le fentanyl est denue
de métabolites actifs.
Son volume de diffusion élevé rend les effets
d'une seule dose éphémères.
Chez la brebis gravide, le fentanyl 50-100 µg ne génère des concentrations plasmatiques significatives que
tres brievement : 10 minutes après l'injection, la concentration
plasmatique maternelle de fentanyl baisse a 9 % de sa valeur
maximale.
Le fentanyl apparait dans le sang foetal 1 minute après
l'injection maternelle et le pic de concentration foetal est observe a 5
minutes.
L'étude du transfert du fentanyl au niveau du placenta de
lapine montre que le rapport de concentration de fentanyl entre la
veine ombilicale et l'artère maternelle (VO/AM) est de 0,25, donc
situe entre celui de la pethidine (0,44) et de la bupivacaine (0,11), et
que le fentanyl est élimine du plasma maternel plus rapidement que
la pethidine ou la bupivacaine.
Chez la femme, le rapport de
concentration foetomaternel moyen est de 0,31 et l'elimination
plasmatique d'une seule dose de fentanyl est complète a 98,6 % en
60 minutes.
Chez le nouveau-né, la clairance du fentanyl est
prolongée, variable et imprévisible, mais semble liée a l'activité
enzymatique hépatique.
* Effets maternels et foetaux :
Chez la brebis gravide, le fentanyl n'entraîne aucun effet délétère
sur le système cardiovasculaire maternel ou foetal.
Le tonus utérin
et le débit uteroplacentaire restent inchangés.
Le fentanyl, a la dose de 100 µg, fournit une analgésie comparable a
100-150 mg de pethidine.
A ces doses, les deux drogues dépriment
la respiration de manière similaire.
Une corrélation directe existe
entre la concentration plasmatique de fentanyl et ses effets
analgésiques et dépresseur respiratoire.
Chez les parturientes, une
concentration plasmatique de fentanyl de 1,5-3,0 ng/mL diminue la
réponse ventilatoire au CO2 de 50 %.
Une dose de 50 a 100 µg de fentanyl donnée toutes les heures
pendant la phase active du travail permettait une analgésie en 5
minutes qui restait satisfaisante pendant environ 45 minutes.
La
dose totale de drogue variait de 50 a 600 µg.
A l'accouchement, les
concentrations de fentanyl dans le sang ombilical étaient inférieures
a 0,4 ng/mL.
Les concentrations maternelles ne dépassaient pas
0,5 ng/mL.
Les mères se plaignaient seulement d'une sédation modérée.
Une autre étude a compare le fentanyl donne toutes les heures a
25-50 mg de pethidine donnes toutes les 2 a 3 heures.
Les scores
de douleur (échelle visuelle analogue) ne différaient pas entre les
deux groupes.
Le soulagement de la douleur n'était complet dans
aucun des deux groupes.
La douleur était modérément sévère
durant le travail actif (4-7 cm), mais l'analgésie était inadéquate dans
les deux groupes lors de la dilatation cervicale complète.
La différence majeure entre les deux groupes était l'incidence d'effets
secondaires.
Aucune des parturientes dans le groupe fentanyl ne
souffrait de nausées, de vomissements, ou d'une sédation notable,
contre 20 % des patientes du groupe pethidine.
Enfin, le fentanyl peut etre autoadministre par voie
intraveineuse : bolus de 50 µg suivi de doses unitaires de 20 µg
(délai de sécurité de 3 minutes) aboutissant a une dose totale de
400 µg.
* Effets néonatals :
Les nouveau-nés exposes au fentanyl avaient un score NACS
identique a ceux des nouveau-nés non exposes 1 et 24 heures après
exposition ou non au fentanyl.
Dans l'étude comparant fentanyl et pethidine, les scores
neurocomportementaux du nouveau-né étaient comparables dans
les deux groupes.
Cependant, 13 % de bébés dans le groupe
pethidine ont du recevoir de la naloxone a la naissance contre
seulement 2 % (un nouveau-né) dans le groupe fentanyl.
4- Alfentanil (Rapifen) :
* Pharmacocinetique :
L'alfentanil est 80 fois plus puissant que la morphine.
La forte liaison protéique de l'alfentanil et sa faible liposolubilite expliquent que son volume de diffusion soit faible, ce qui permet un métabolisme et
une excrétion plus rapides.
La concentration plasmatique chute en
effet rapidement, permettant une durée d’action plus courte que
celle du fentanyl.
La demi-vie d’élimination terminale, le volume de
diffusion à l’état stable, et la clairance plasmatique totale de
l’alfentanil sont similaires pour les femmes enceintes ou non.
Le
rapport de concentration foetomaternel de l’alfentanil est égal à 0,3.
La fraction libre d’alfentanil est beaucoup plus élevée chez le
nouveau-né que chez la mère du fait d’un taux moindre d’alpha-1-glycoprotéine acide.
* Effets néonatals :
Golub et al ont comparé les effets néonatals de l’alfentanil
(100 µg/kg) à ceux de la péthidine intraveineuse (2 mg/kg) durant
le travail chez des singes Rhésus.
Bien que le rapport de
concentration foetomaternel de l’alfentanil soit seulement de 0,2 à la
naissance, la concentration néonatale d’alfentanil restait inchangée
ou accrue pendant les 2 premières heures de vie.
Trois des cinq bébés
singes traités avec péthidine et trois des six traités avec alfentanil
présentaient une dépression respiratoire.
Les bébés singes exposés
durant le travail à l’alfentanil avaient une incidence plus élevée de
dépression des scores neurocomportementaux par rapport aux bébés
singes non exposés.
De plus, les nouveau-nés exposés à l’alfentanil
présentaient des fonctions cognitives altérées de manière durable en
comparaison avec ceux exposés à la péthidine ou exposés à aucune
drogue.
Ces résultats suggèrent que l’alfentanil n’est pas un analgésique
parentéral approprié pour l’analgésie du travail.
5- Sufentanil (Sufenta) :
* Pharmacocinétique :
Le sufentanil est deux fois plus lipophile que le fentanyl, ce qui a
favorisé son emploi seul ou associé aux AL pour l’APD.
Il n’existe
pas d’étude publiée sur l’utilisation du sufentanil par voie
systémique pendant le travail.
Les études faites chez le nouveau-né
recevant du sufentanil par voie intraveineuse montrent que son
métabolisme est plus lent que chez le nourrisson.
* Effets néonatals :
Par voie péridurale, le sufentanil à fortes doses (80 µg/kg)
s’accompagne d’une diminution du pourcentage de nouveau-nés
présentant un score neurosensoriel normal 1 heure et 4 heures après
la naissance, comparés à des nouveau-nés du groupe contrôle alors
que les scores d’Apgar sont similaires.
En revanche, à une dose
comprise entre 5 et 50 µg, ni l’Apgar, ni les scores neurosensoriels ne sont
déprimés.
6- Nalbuphine (Nubain) :
Le principe d’action des agents morphiniques agonistesantagonistes,
telle la nalbuphine, est l’association d’un effet agoniste
sur les récepteurs kappa (responsables de l’analgésie et de la
sédation) à un effet antagoniste sur les récepteurs mu (responsables
de l’analgésie mais aussi de la dépression respiratoire).
Le but est
ainsi d’assurer une analgésie de bonne qualité sans prendre le risque
d’une dépression respiratoire.
En fait, ces substances sont
caractérisées par l’existence d’un effet plafond pour l’analgésie qui
ne permet pas toujours d’obtenir un niveau d’analgésie suffisant.
* Pharmacocinétique :
Le passage transplacentaire de la nalbuphine est rapide mais
variable, avec un rapport foetomaternel situé entre 0,3 et 0,6.
Le pKa
élevé de la nalbuphine (pKa = 8,7) accroît le risque de trapping acide.
* Effets maternels et foetaux :
La nalbuphine procure une analgésie comparable à celle de la
morphine, mais avec un effet plafond.
Cet effet plafond est observé
pour une dose de 0,5 mg/kg qu’il est donc inutile de dépasser.
L’analgésie apparaît en 2 à 3 minutes par voie intraveineuse, en 15 à
20 minutes par voie intramusculaire ou sous-cutanée, et dure
environ 4 heures.
La nalbuphine a été employée pendant le travail mais son efficacité
analgésique est controversée.
Une étude en double aveugle a
comparé la nalbuphine et la péthidine pour l’analgésie contrôlée par
la patiente (ACP) pendant le travail.
La nalbuphine procurait une
meilleure analgésie que la péthidine et induisait moins de nausées
et vomissements.
Une autre étude similaire n’a retrouvé aucune
différence significative dans le soulagement de la douleur ou les
scores neurosensoriels (NACS).
Les limitations de la nalbuphine
incluent une sédation accrue (liée à l’effet agoniste pour les
récepteurs kappa) et un effet analgésique limité (effet plafond).
La nalbuphine a été donnée durant le travail par bolus intraveineux
intermittent (10-20 mg toutes les 4-6 heures) et par ACP (2-4 mg en
dose de charge puis 1 mg à la demande toutes les 6 à 10 minutes).
L’ACP diminue la consommation de drogue en comparaison avec
les bolus intraveineux. Une moindre sédation et un moindre besoin
d’antiémétiques sont les autres avantages de l’ACP.
* Effets néonatals
:
Dans l’étude randomisée comparant nalbuphine et péthidine, le
retentissement foetal et néonatal ne différait pas entre les deux
groupes.
Bien que l’effet plafond pour la dépression respiratoire
rende peu vraisemblable le développement d’une bradypnée
néonatale, des incidents néonatals (cyanose, bradypnée, apnée,
hypotonie et bradycardie) ont été publiés.
L’oxygénothérapie,
voire même une assistance ventilatoire, ont été nécessaires durant
les 24 premières heures de vie.
Ces résultats incitent à prôner une
utilisation prudente de la nalbuphine et une surveillance respiratoire
néonatale, comme pour toute utilisation de morphinomimétiques.
7- Buprénorphine (Temgésic) :
Très liposoluble, la buprénorphine est un analgésique
agoniste/antagoniste.
Comme la nalbuphine et le butorphanol, les
effets analgésiques et de dépression respiratoire ont un effet
« plafond ».
À la dose de 0,3 mg, la buprénorphine a le même effet
analgésique que 10 mg de morphine. Le risque de nausées est plus
élevé qu’avec la morphine (27 % versus 13 %).
La buprénorphine est
très fortement liée aux récepteurs kappa et est un agoniste partiel
pour les récepteurs mu, ce qui lui assure une longue durée d’action
mais en rend les effets presque irréversibles malgré l’administration
de naloxone.
C’est pourquoi la buprénorphine est rarement
employée en obstétrique.
C - ANESTHÉSIE GÉNÉRALE DE LONGUE DURÉE
:
Souvent employée il y a une trentaine d’années, elle a quasiment
disparu depuis le développement de l’APD.
Elle conserve
néanmoins quelques indications exceptionnelles (travail
hyperalgique avec dystocie dynamique majeure chez une femme
très agitée).
1- Précautions indispensables :
La principale précaution incontournable est l’absolue nécessité de
ne réaliser ces anesthésies générales que sous couvert d’une
intubation trachéale protégeant les voies aériennes de tout risque
d’inhalation.
Il faut en effet rappeler que l’utilisation du gammahydroxybutyrate
de sodium (Gamma OH) en particulier est associé
à une incidence élevée de vomissements.
L’environnement et le
monitorage doivent être ceux de toute AG.
2- Méthode « toulousaine » :
Induction par thiopental (Pentothal) à la dose de 4 mg/kg et succinylcholine (Célocurine) 1 mg/kg, puis intubation trachéale.
Ventilation assistée ou spontanée avec inhalation du mélange
N2O-O2 (FiO2 minimale de 50 %).
Réinjections de bolus de
thiopental (environ 1 mg/kg) selon les besoins jusqu’à l’expulsion.
La répétition des injections de thiopental conduit à une dépression
néonatale nécessitant une réanimation active à la naissance.
3- Anesthésie par Gamma OH :
Cette technique permet une anesthésie de plus longue durée que le
thiopental mais requiert les mêmes précautions.
Après avoir rajouté 2 g de KCl dans la perfusion, l’induction comporte l’injection de
Gamma OHt à la dose de 4 g et thiopental 100 mg suivie de
Célocurinet (1 mg/kg) pour l’intubation trachéale.
Des réinjections
de 1 g de Gamma OHt toutes les 45 minutes sont nécessaires.
Analgésie et anesthésie périmédullaire
pendant le travail et l’accouchement
:
L’APD demeure la méthode la plus efficace pour soulager les
douleurs de l’accouchement.
Cependant, de nouvelles méthodes
associant l’APD à une rachianalgésie sont apparues (technique de
périrachianesthésie combinée [PRC]) ainsi que de nouvelles
modalités d’APD (analgésie péridurale contrôlée par la patiente).
Ces techniques sont évoquées dans ce chapitre, dont le
développement principal concerne les effets obstétricaux et
néonatals de l’APD utilisant les AL associés ou non aux adjuvants
morphiniques ou autres.
A - PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DOULEUR
DE L’ACCOUCHEMENT :
1- Mécanisme
:
L’accouchement se divise en deux phases : la phase de dilatation où
le col utérin se dilate sous l’effet des contractions utérines, et la
phase d’expulsion où le foetus progresse dans la filière pelvigénitale.
Pendant la première phase du travail, la transmission des influx nociceptifs s’effectue, à partir des récepteurs du col et du corps
utérins, par les fibres afférentes sensitives C et A delta qui cheminent
avec les fibres sympathiques pour rejoindre les cordons postérieurs
de la moelle de D10 à L1.
Durant la deuxième phase du travail, les influx nociceptifs
cheminent par les fibres sensitives des nerfs sacrés et rejoignent la
moelle par l’intermédiaire du nerf honteux interne (S1-S3).
Au-delà des facteurs mécaniques (intensité et durée des
contractions) et des mécanismes physiologiques qui interviennent
dans la genèse de la douleur, des facteurs psychiques et émotionnels,
ainsi que la motivation de la parturiente influent sur le degré de
perception de la douleur.
2- Répercussions physiologiques
:
Bien qu’elles soient modulées par ces facteurs psychologiques, les
répercussions physiologiques de la douleur sur la mère et le foetus
demeurent présentes.
Les stimulations nociceptives segmentaires et
suprasegmentaires provoquent une hypertonie musculaire, une
hyperventilation (tachypnée entraînant une hypocapnie) et une
stimulation du système sympathique dont les effets, délétères pour
la mère et le foetus, associent : une élévation de la fréquence
cardiaque, de la PA, du DC et de la consommation d’O2, un arrêt de
la vidange gastrique et du transit.
L’élévation des taux circulants de cortisol et d’adrenocorticotrophic
hormone (ACTH) a été démontrée au cours du travail en réponse à
la douleur.
L’élévation des catécholamines circulantes maternelles,
qui explicite la majorité des réactions maternelles sus-décrites,
diminue le débit utéroplacentaire et retentit donc sur le foetus.
De
même, l’induction d’un stress psychologique chez la mère peut
retentir sur l’hémodynamique et l’équilibre acidobasique du foetus.
L’augmentation du taux circulant des bêta-endorphines au cours du
travail traduit l’existence d’un mécanisme analgésique intrinsèque
capable de moduler la perception douloureuse, mais de manière
limitée.
C’est pourquoi l’effet des méthodes d’analgésie
médicamenteuse sur les réactions liées au stress de la douleur est
particulièrement intéressant ; l’APD prévient l’élévation des
catécholamines circulantes et des bêta-endorphines en bloquant les
afférences hypothalamiques qui déclenchent la réaction de stress.
Il a de plus été démontré que l’APD pouvait prévenir l’élévation
des taux sanguins des hormones corticosurrénaliennes,
contrairement aux méthodes d’analgésie parentérale.
Le bénéfice
foetal et néonatal de la prévention de ces réactions de stress par une
méthode analgésique appropriée a été démontré : l’équilibre acidobasique des nouveau-nés dont la mère avait eu une APD était
meilleur que celui des nouveau-nés dont la mère n’avait eu aucune
analgésie.
B - TECHNIQUE :
1- Rappels anatomiques :
La colonne vertébrale est un empilement de vertèbres reliant le crâne
au bassin.
Elle est divisée en trois parties : cervicale, dorsale ou
thoracique, lombaire.
Pour l’analgésie au cours du travail, la
ponction est le plus souvent réalisée au niveau L3-L4.
L’intérêt d’une
ponction basse (L2 à L5) est de limiter les risques de traumatisme
médullaire direct, car la terminaison de la moelle se situe, dans la
très grande majorité des cas, au niveau de L1.
L’espace péridural est un espace virtuel cylindrique, situé à
l’extérieur de la dure-mère, limité en arrière par le ligament jaune.
Sur les côtés de l’espace péridural, on trouve une série d’orifices
(trous de conjugaison) par lesquels sortent les nerfs rachidiens.
L’espace péridural est composé de tissus graisseux, de nerfs et de
vaisseaux sanguins et lymphatiques.
En fin de grossesse, et surtout
pendant les contractions, il existe une augmentation importante de
flux sanguin dans les veines péridurales (très dilatées).
La
compression cave entraîne une majoration de la dilatation des veines
péridurales responsable d’une augmentation de la pression dans
l’espace péridural et donc d’une réduction du volume
extravasculaire de ce même espace.
Ceci explique la majoration du
risque de blessure vasculaire avec l’aiguille de Tuohy ou de passage
intravasculaire du cathéter péridural chez la patiente en travail.
2- Techniques :
Avant la réalisation de la péridurale, la mise en place d’une voie
veineuse périphérique de bon calibre (16-18 G) est indispensable.
Un remplissage vasculaire, en évitant les solutés sucrés, est réalisé
avec 500 à 1 000 mL de Ringer Lactatet.
On mesure la PA et la
fréquence cardiaque afin de détecter un éventuel syndrome cave.
Le RCF, ainsi que l’activité utérine, sont surveillés en continu (détection
d’une souffrance foetale aiguë, d’une hypertonie utérine).
Il faut
vérifier l’absence de contre-indications (prise d’aspirine ou
d’anticoagulants récente), la présence de matériel de réanimation et
d’anesthésie en état de marche (recommandations de la société
française d’anesthésie-réanimation [SFAR]).
La position de la parturiente est importante.
La ponction peut être
réalisée en décubitus latéral (position plus confortable et mieux
tolérée car moins de syndrome cave) ou en position assise (repérage
plus aisé pour l’anesthésiste, mais plus inconfortable pour la
patiente, risque de malaise, agitation plus difficilement maîtrisée).
En cas de travail avancé ou de contractions très douloureuses, la
position en décubitus latéral peut être préférée car les mouvements
de la patiente sont alors plus facilement contrôlables.
Quelle que
soit la position, le plus important est d’obtenir de la patiente une
flexion maximale de sa colonne vertébrale afin de faciliter le
repérage et l’accès à l’espace péridural.
Il faut demander à la
patiente de remonter ses cuisses le plus possible sur le ventre et de
fléchir la tête afin d’arrondir le dos au maximum.
En pratique.
Il faut éviter de progresser lors d’une contraction car il y a un risque
majoré de brèche vasculaire (augmentation de la dilatation des
veines péridurales).
En cas d’apparition de douleurs lors de la
ponction, la localisation de ces douleurs permet à l’anesthésiste de
réorienter son aiguille et d’éviter ainsi les traumatismes nerveux
directs.
L’asepsie doit être rigoureuse (port de gants stériles, d’un chapeau,
d’une bavette et lavage soigneux des mains).
Pour le nettoyage de
la peau, on peut utiliser différents types d’antiseptiques (Bétadine,
Hibitane).
Il faut juste contrôler l’absence d’allergie (iode).
Après avoir repéré le niveau de ponction, L3-L4 le plus souvent
(repère : milieu de la ligne passant par les deux crêtes iliaques), on
réalise une anesthésie locale avec de la Xylocaïnet 1 ou 2% non
adrénalinée.
L’aiguille de Tuohy est ensuite introduite de façon bien
médiane, le biseau dirigé vers le haut avec une légère inclinaison
céphalique.
On peut faire progresser l’aiguille à l’aveugle sur une
distance de 2 cm (distance peau-espace péridural moyenne
. 4,5 cm).
Le repérage de l’espace péridural est réalisé avec la
technique du mandrin liquide en utilisant impérativement du sérum
physiologique.
La technique du mandrin gazeux doit être
abandonnée.
L’aiguille de Tuohy progresse lentement à la recherche
du passage du ligament jaune (sensation de ressaut) et/ou d’une
perte de résistance, signant l’arrivée dans l’espace péridural.
L’apparition de paresthésies doit faire modifier la direction de la
ponction.
Les techniques de rotation de l’aiguille de Tuohy (type
rotation dans les quatre cadrans) sont à proscrire car elles majorent
les risques de brèches dure-mériennes.
Une fois l’espace péridural
repéré, un cathéter est mis en place.
La fixation du cathéter doit être
solide afin de diminuer le risque de déplacement secondaire.
L’utilisation de pansement transparent au niveau du point
d’insertion du cathéter est intéressante car elle permet en cas de
problèmes de contrôler rapidement et facilement le bon
positionnement du cathéter.
Il existe d’autres techniques de repérage de l’espace péridural :
– la goutte pendante (technique utilisée surtout lors d’abords
thoracique ou cervical, moins sensible dans la région lombaire) ;
– le ballonnet de Mac Intosh.
3- Dose-test
:
Une fois le cathéter péridural en place et après un test d’aspiration
(reflux de liquide céphalorachidien [LCR] ou de sang), on réalise
une dose-test.
Son but est de détecter :
– un passage intravasculaire se manifestant par : une tachycardie
et/ou une poussée hypertensive lors de l’utilisation d’adrénaline,
un goût métallique dans la bouche, la présence de picotements
autour de la bouche, la sensation de malaise et/ou vertige, voire
l’apparition de convulsions, liés au passage intravasculaire d’AL ;
– un passage intrarachidien se manifestant par l’apparition d’une
hypotension rapide et marquée, des difficultés respiratoires ou
l’apparition précoce d’un bloc moteur important.
L’apparition d’un de ces phénomènes impose, outre des manoeuvres
de réanimation immédiates, l’ablation du cathéter péridural et la
mise en place d’une péridurale à un autre espace.
Les injections
suivantes du cathéter péridural seront prudentes (fractionnées et
lentes).
Certains ont préconisé récemment l’utilisation seule du test
d’aspiration sans injection de dose-test.
Les auteurs utilisaient des
cathéters multiperforés et considéraient que des aspirations
régulières associées à l’observation des patientes, ainsi qu’à
l’utilisation de doses progressives d’AL étaient suffisantes.
La
réalisation d’une dose-test est donc discutée. Pour être réellement
efficace, elle doit être très sensible et très spécifique, car les
complications recherchées sont relativement rares.
L’utilisation de
produits adrénalinés pour la réalisation de la dose-test est
controversée.
Même si certaines études chez des patientes, en travail
ou non, ont retrouvé une sensibilité de 100 % de la dose-test
« adrénalinée », l’augmentation de la fréquence cardiaque chez une
femme en travail semble malgré tout peu fiable.
Chez la
parturiente, ce type de dose-test est intéressant, surtout si la patiente
n’a pas de contractions (césarienne programmée).
Sur un faible
effectif (15 parturientes), Colonna-Romano et al arrivent à
différencier, par leur rapidité d’apparition, les augmentations de la
fréquence cardiaque liées à l’injection intraveineuse d’adrénaline de
celles liées aux réactions douloureuses des contractions utérines.
Dans une étude plus récente, cette même équipe a évalué, sur
209 parturientes, l’efficacité d’une dose-test « adrénalinée »
(Xylocaïnet 45 mg + adrénaline 15 µg).
Les critères de positivité du
test étaient une augmentation de plus de 10 bpm de la fréquence
cardiaque maternelle, apparaissant dans la minute suivant l’injection
de la dose-test, avec une phase d’accélération rapide de plus de 1
bpm.
Avec ces critères, ils ont retrouvé une sensibilité de la dosetest
de 100 %, une spécificité de 96 %, un pouvoir prédictif négatif
de 100 % et un pouvoir prédictif positif de 63 %.
Leur conclusion
était que la dose-test « adrénalinée » permet de détecter une
mauvaise localisation du cathéter péridural dans la grande majorité
des cas.
Mais les parturientes doivent être monitorées par un
oxymètre de pouls ou un scope, la dose-test doit être réalisée en
dehors des contractions, idéalement juste après une contraction.
Si
une contraction survient dans la minute suivant l’injection de la
dose-test, celle-ci doit être invalidée et répétée.
L’injection de 3 ou
4 mL de Xylocaïnet 1,5 ou 2 % adrénalinée au 1/200 000e entre deux
contractions semble donc être une technique simple et fiable.
Si l’on
utilise des solutions adrénalinées, leur concentration en adrénaline
doit être faible (1/200 000e) afin de ne pas être délétère sur le foetus.
Pour la détection d’un passage intrathécal du cathéter, une étude
récente a comparé trois doses-tests différentes en chirurgie
orthopédique : 3 mL de Xylocaïnet 2 % adrénalinée, de bupivacaïne
0,25 % et 0,5 % adrénalinée.
Seule la Xylocaïnet 2 % adrénalinée
a permis de détecter tous les passages intrarachidiens dans les 6
minutes suivant l’injection de la dose-test.
Une autre solution qui est peut-être la meilleure, consiste à
considérer que chaque dose injectée est une dose-test.
Ces injections
doivent alors être lentes et fractionnées (3 à 5 mL à chaque fois).
Une fois le test initial effectué, on peut commencer à injecter
lentement la première dose d’AL à visée antalgique.
Cette première
injection est mieux tolérée par la patiente si elle est réalisée en
décubitus latéral plutôt qu’en position assise, le retentissement
hémodynamique de la péridurale étant plus important en position
assise.
4- Surveillance d’une analgésie péridurale
:
Elle doit comporter :
– une mesure régulière, toutes les 5 minutes, de la tension artérielle
pendant une période de 30 minutes après l’injection du produit ;
– une surveillance continue du RCF ;
– un contrôle de l’efficacité de l’analgésie : disparition des douleurs
liées aux contractions, sensation de chaleur et/ou de fourmillements
aux deux pieds, vasodilatation des veines des pieds, contrôle du
niveau du bloc sensitif qui doit remonter jusqu’à D10 lors de la
phase de dilatation (chaud/froid, pique/touche).
C - INDICATIONS ET CONTRE-INDICATIONS :
1- Péridurale d’indication analgésique :
Dans ce cas, la péridurale est mise en place pour l’analgésie de la
parturiente et peut être utilisée aussi en cas de manoeuvres
d’extraction, de DA/RU ou de césarienne en urgence.
Il s’agit de
patientes qui ne présentent pas de problèmes particuliers (pas de
risque anesthésique), dont la grossesse est simple et dont le risque
de problème lors de l’accouchement est faible.
2- Péridurale d’indication « médicale »
:
Dans cet autre cadre, il s’agit de patientes qui ont, soit un risque
anesthésique important (allergie, intubation difficile prévisible…),
soit des risques d’extraction difficile et/ou de césarienne importants.
Chez ces patientes, la mise en place d’une péridurale est vivement
conseillée et la pose est précoce afin de pouvoir contrôler
rapidement son efficacité.
La réalisation d’une anesthésie péridurale n’est pas toujours
possible.
La première contre-indication est le refus de la parturiente.
Il existe d’autres contre-indications à l’anesthésie péridurale liées :
– au risque de formation d’un hématome périmédullaire compressif
(troubles de l’hémostase et/ou de la coagulation, prise d’aspirine ou
d’anticoagulants) ;
– au risque de développement d’une infection périmédullaire
(infection locale ou généralisée) ;
– au risque du retentissement potentiellement important et délétère
lié à la vasoplégie induite par la péridurale (hémorragie et/ou
hypovolémie non contrôlée, pathologie cardiaque sévère).
La consultation d’anesthésie et la réalisation en fin de grossesse d’un
bilan biologique permettent de dépister les éventuelles contreindications,
d’organiser avec l’équipe obstétricale la prise en charge
de traitement antiagrégeant (arrêt de l’aspirine à la 35e semaine
d’aménorrhée) ou anticoagulant (fenêtre thérapeutique pour les
héparines de bas poids moléculaire [HBPM]) et de proposer aux
patientes des alternatives à l’APD.
APD et aspirine.
L’aspirine, même à faibles doses, entraîne des modifications
durables de l’agrégabilité plaquettaire, donc un risque d’hématome périmédullaire.
Le traitement par aspirine est le plus souvent arrêté
à partir de la 35e semaine d’aménorrhée, permettant ainsi le
renouvellement du pool plaquettaire et la réalisation à distance d’une APD sans risque.
D’une manière générale, on peut considérer que
1/7e du pool plaquettaire est renouvelé quotidiennement ; au bout
de 7 jours, le pool est donc renouvelé intégralement.
En cas de prise
d’aspirine récente, il faut tenir compte du délai entre la dernière
prise et la réalisation du geste, ainsi que du taux de plaquettes. On
peut donc évaluer le taux de plaquettes fonctionnelles et réaliser
une APD si ce taux est supérieur ou égal à 80 000.
APD et HBPM.
Les HBPM ont été incriminées dans bons nombres d’accidents
hémorragiques lors d’anesthésies périmédullaires.
Actuellement,
il semble raisonnable d’arrêter les HBPM au moins 12 heures avant
la réalisation de l’APD en cas de traitement prophylactique et au
moins 24 heures si le traitement est curatif.
Avec la calciparine, ce
délai peut être ramené à 8 heures (temps de céphaline activateur
[TCA] normalisé).
On peut s’aider de l’activité anti-Xa, en sachant
qu’il ne s’agit pas d’un témoin parfaitement adapté de l’état de la
coagulation.