Actualités en obstétrique Cours de
Gynécologie Obstétrique
Misoprostol
et déclenchement
du travail
:
Les données sur l’emploi du misoprostol
(Cytotect) dans le déclenchement du travail
à terme, sur enfant vivant, s’accumulent.
Deux revues générales font le point sur la
question, cependant que deux études
randomisées ajoutent leurs données aux
séries existantes.
Hofmeyr et al utilisant la Cochrane Data
Base confirment l’efficacité du misoprostol
et sa supériorité par rapport à l’ocytocine.
Sur les 31 études recensées concernant
l’emploi du misoprostol par voie vaginale,
on note globalement moins d’échecs qu’avec
les autres prostaglandines, et au prix de plus
d’hyperstimulations sans troubles du rythme
cardiaque foetal (risque relatif [RR] = 1,47),
ou avec troubles du rythme cardiaque foetal
(RR = 1,45). Il y a également davantage de
liquides teintés (RR = 1,38).
Les données recensées ne notent pas de
différences significatives selon les dosages
utilisés : 25 µg toutes les 3 heures, 50 µg
toutes les 4 heures, 100 µg toutes les 6 heures
sont plus efficaces que l’ocytocine ou que la dinoprostone (Prostine E2).
Danielian et
al, comparant une dose de 50 µg de
misoprostol intravaginal à une dose de 1 mg
de dinoprostone, notent une meilleure
efficacité du misoprostol, sans augmentation
des effets secondaires. L’effectif est d’environ
100 patientes par groupe.
Nunes et al,
avec des effectifs comparables, comparent
100 µg de misoprostol et 2 mg de
dinoprostone : les résultats sont
comparables, avec une action un peu plus
rapide pour le misoprostol, et un même taux
d’hypercinésies.
Hofmeyr et al concluent que les données
sont encore trop parcellaires, et dans un
éditorial, Grant abonde dans ce sens.
Le
nombre de cas reste insuffisant pour exclure
la possibilité d’effets rares, foetaux.
L’étude de Wing reprend les différentes
indications de manière analytique, à partir
de l’expérience acquise par son groupe et
des données de la littérature.
Dans le
déclenchement à membranes intactes, Wing
recommande l’emploi d’une dose de 25 µg
de misoprostol toutes les 4 heures.
Il note
que l’efficacité est comparable à celle de
doses plus importantes, pour une sécurité
accrue.
Le risque d’hyperstimulation
(multiplié par 2,7) est moindre qu’avec
50 µg, et la dose de 25 µg est préférée, même
si, avec 25 µg, l’intervalle de temps entre
l’application du produit et l’accouchement
est plus important.
Dans la rupture des
membranes, la dose de 25 µg toutes les 6
heures donne des résultats à peu près
comparables au déclenchement par la
perfusion d’ocytocine.
Wing met en garde sur l’emploi du
misoprostol dans le cas de cicatrices
utérines, en notant que des cas épars
d’accidents continuent à être publiés.
En ce qui concerne la voie orale, Wing la
considère comme une alternative possible,
mais l’effectif des études est beaucoup plus
faible que l’effectif des études réalisées avec
la voie vaginale.
Wing et al montrent que
l’administration orale de 50 µg de
misoprostol est moins efficace que celle de
25 µg par voie vaginale.
Pour Butt et al,
une dose de 200 µg par voie orale comparée
à 50µg par voie intravaginale donne une
hyperactivité utérine plus importante.
Au total, l’efficacité et la sécurité de l’emploi
de dinoprostone paraissent bonnes.
La
posologie de 25 µg intravaginal paraît
préférée, renouvelée au besoin toutes les 4 à
6 heures.
Les incertitudes concernant de
rares effets foetaux ou maternels persisteront
longtemps.
Les contraintes économiques
prendront-elles le dessus sur la réticence à
employer un produit qui n’a pas
l’autorisation de mise sur le marché (AMM)
dans cette indication ?
On peut signaler, à l’occasion de cette revue
relative à la maturation du col, l’article de Sciscione et al qui comparent une sonde
de Foley à de la dinoprostone en gel intracervical (Prepidil).
Cet article montre
la bonne efficacité de la sonde de Foley, avec
une meilleure amélioration du score
de Bishop, un début d’induction du travail
plus court, et un coût moins élevé.
La sonde
de Foley est une alternative intéressante à
une pose de prostaglandines….
Elle n’a pas
l’AMM dans cette indication.
HELLP syndrome
et complications des
prééclampsies :
La classification des HELLP syndromes à
partir du taux des plaquettes a été
développée par Martin et al, qui
distinguent des HELLP de classe 1 lorsque
le taux des plaquettes est inférieur à 50 000,
de classe 2 lorsqu’il est entre 50 et 100 000 et
de classe 3 lorsqu’il est de 100 et 150 000.
Deux travaux de l’équipe de Martin portent
sur les cas relevés dans son service de 1981
à 1997.
Cette série est importante : 201 HELLP de classe 1, et 300 de classe 2.
Les
résultats de ces deux groupes, qui
correspondent aux formes classiques, sont
comparés à un échantillon de 273 cas de
classe 3, et de 193 prééclampsies dont le taux
des plaquettes était supérieur à 150 000.
Pour Martin, la fréquence des HELLP
syndromes de classes 1 et 2 est de 7,6 pour
1 000 grossesses.
Ces cas représentent 24,4 %
des prééclampsies sévères.
La première étude montre l’intérêt de
cette classification en comparant aux taux
des plaquettes les signes et les
complications.
Les signes digestifs
s’observent dans 63 % des classes 1, 46 %
des classes 2, 28 % des classes 3 et 24 % des prééclampsies sévère s.
Les signes
biologiques, notamment l’élévation des
transaminases, sont corrélés au taux des
plaquettes.
Il en est de même des
complications maternelles.
La
mortalité périnatale est également
influencée : 119/1 000 dans le groupe 1,
110/1 000 dans le groupe 2, 73/1 000 dans le
groupe 3, et 57/1 000 dans le groupe des prééclampsies sévères.
Enfin, en ce qui
concerne les éclampsies, on en relève
respectivement 13 %, 11 %, 4,4 % et 4,4 %.
Bref, une classification basée sur le taux des
plaquettes est intéressante et corrélée à la
gravité globale du syndrome.
Ce travail
montre également l’intérêt d’une classe 3
comme groupe intermédiaire dans l’étude
des prééclampsies.
Le taux des plaquettes
devrait être indiqué dans les publications
concernant les prééclampsies sévères et les
HELLP syndromes.
La même équipe, utilisant la même
cohorte de patientes, étudie les valeurs
prédictives sur la morbidité maternelle des
signes observés à l’admission de la patiente.
La morbidité c a rdiovasculaire et
cardiopulmonaire englobe les oedèmes
cardiopulmonaires, les arrêts cardiorespiratoires,
les embolies, les nécessités d’un
monitorage central invasif ou d’une
assistance respiratoire, les infarctus du
myocarde.
La morbidité hématologique est
liée aux troubles de la coagulation (nécessité
de transfusion, signes cliniques ou
biologiques de coagulation intravasculaire
disséminée [CIVD] ; le fibrinogène est
considéré comme signe d’une complication
lorsqu’il est inférieur à 200 mg/dL).
Les
complications neurologiques sont
l’encéphalopathie hypertensive et les
troubles visuels, les complications rénales
sont l’insuffisance rénale, et les
complications hépatogastriques sont
l’hématome sous-capsulaire du foie et la
pancréatite.
Sont corrélés à cette morbidité
maternelle les troubles digestifs, un taux de lacticodéshydrogénase (LDH) supérieur à
1 400 UI/L, un taux d’aspartate
aminotransférase (AST) supérieur à 150
UI/L, une uricémie supérieure à 7,8 mg/dL
et une créatinémie supérieure à 1 mg/dL.
La morbidité reliée à ces facteurs est
indépendante du taux des plaquettes, et
s’ajoute à lui.
Ces complications sont
relevées dans un contexte thérapeutique
donné, qui est celui de l’absence de
traitement conservateur.
Dans un autre article important, Witlin et
al colligent 445 femmes admises pour
prééclampsie de 1992 à 1997, et recherchent
les facteurs de risque d’hématome
rétroplacentaire (HRP) et d’éclampsie.
Sur
ces 445 femmes, on relève 39 cas
d’éclampsie, 32 cas d’HRP et 1 cas
présentant une association HRP-éclampsie.
Les signes annonçant l’éclampsie sont les
céphalées et les troubles visuels.
Pour les
céphalées, le risque relatif est de 2,13 avec
un intervalle de confiance (IC) à 95 % entre
0,104 et 4,38.
La signification est à 0,025.
Pour les troubles visuels, le RR est de 2,09,
avec un IC à 0,99-4,39, et p = 0,034.
En ce qui
concerne le risque d’HRP, une thrombopénie
inférieure à 60 000 donne un odds ratio (OR)
à 3,40 avec un IC de 1,48 à 7,74 et p = 0,001.
Mais ceci est faussé par le fait qu’un certain
nombre de patientes présentaient un HRP
en cours d’admission.
L’hypertension
artérielle chronique n’est pas significative
avec un OR à 2,35 et un IC à 0,95 et 5,65 ; la
même équipe, en 1984, trouve une
fréquence significativement accrue d’HRP
dans les hypertensions chroniques.
La prise
de tabac est sans valeur prédictive ; les
chiffres d’hypertension et de protéinurie
n’ont pas de valeur prédictive.
Ce travail montre cependant que le
traitement conservateur, réalisé par l’équipe
de Sibai avant 34 semaines dans des
conditions très strictes, n’augmente pas le
risque d’éclampsie ni d’HRP.
États thrombophiliques
et complications de la
grossesse
:
La littérature concernant ces données
devient importante.
A - PERTES FOETALES PRÉCOCES :
L’hyperhomocystéinémie est un facteur
étiologique des pertes foetales précoces, non
des oeufs clairs, pour Lissak et al comme
pour Coumans et al.
En revanche, la revue
générale menée par Kutteh laisse un
doute quant à la signification d’une
mutation de la méthyl-tétra-hydro-folateréductase
(MTHFR, mutation C677T).
Dans l’étude de Souza et al, la mutation
V Leiden (mutation Arg 506-Gln) s’observe
plus fréquemment dans les pertes foetales
avant 20 semaines d’aménorrhée (SA).
Tal et
al trouvent un rôle significatif dans les
pertes précliniques, mais non dans les autres
pertes embryonnaires du 1er ou 2e trimestre.
Haschimoto et al notent que l’importance
des anomalies du facteur V
Leiden dans les
avortements à répétition varie d’une
population à l’autre.
Kutteh, dans sa revue
générale, ne relève pas de modification
significative de fréquence.
La mutation de la prothrombine (20210
A/G) n’est pas significativement associée
aux avortements à répétition.
Les
déficits en protéine C, protéine S et
antithrombine III ne sont pas retrouvés
significativement dans les études de
Coumans et al ni de Tal et al.
La signification de l’élévation des cardiolipines est limite pour Couman et al.
Dans l’article de Lynch et al, le risque de
perte foetale est accru, mais avec une valeur
prédictive positive faible après 10 semaines,
pour les cardiolipines et les anticoagulants
circulants, moins pour les anti-bêta2
glycoprotéine (GP) 1.
Les données
physiopathologiques laissaient supposer
des résultats plus probants.
Notons la
variabilité du taux des antiphospholipides
(APL) au cours de la grossesse, et la
nécessité de recontrôler les tests.
B - ACCIDENTS TARDIFS :
En ce qui concerne les accidents tardifs,
notamment vasculaires, le premier article,
paru au début de l’année 1999, est celui de
Kupferminc et al.
Il interroge, chez 110
femmes, le V Leiden, les mutations du
facteur II et de la MTHFR, les déficits en
protéines S et C, l’antithrombine III, les
cardiolipines et les anticoagulants circulants.
Les complications étudiées sont : la prééclampsie sévère, l’HRP, le retard de
croissance intra-utérin ou les morts foetales
in utero.
Cinquante-deux pour cent de ces
complications obstétricales ont au moins une
des trois mutations principales (sur le V Leiden, le II et/ou la MTHFR) contre 17 %
dans les grossesses témoins (OR = 5,2, avec
des IC entre 2,8 et 9,6).
Quatorze pour cent des complications
obstétricales ont une anomalie autre que ces
mutations, contre 1 % dans la population
générale, soit un OR à 15,9 et des IC entre 2
et 123,1.
En combinant les mutations et les autres
anomalies, 65 % des patientes ont une
anomalie contre 18 % dans la population témoin (OR = 8,2 ; IC = 4,4 –15,3) ; 68 %
d’anomalies sont retrouvées dans les prééclampsies sévères, 70 % dans les HRP,
61 % dans les retards de croissance intrautérins,
et 58 % dans les morts foetales in
utero.
Le second article est celui de Van Pampus et
al.
Ils étudient chez 345 patientes (158 prééclampsies sévères, 164 HELLP
syndromes et 23 éclampsies), la résistance à
la protéine C activée (RPCA), le V Leiden,
l’hyperhomocystéinémie, et les anticardiolipines.
Les anomalies sont trouvées chez
environ 40 % des femmes, et surtout dans
les complications précoces, survenues avant
28 semaines (le chiffre est alors de 60 % des
femmes).
Une fois sur deux existe une anticardiolipine, une fois sur quatre une
RPCA et une fois sur cinq une hyperhomocystéinémie.
Des anomalies multiples sont
relevées chez un quart des patientes.
Il faut noter que la résistance à la protéine C
anormale est relativement fréquente et que
dans ce groupe, la mutation V Leiden ne
s’observe que dans la moitié des cas.
Tal et
al, qui étudiaient les pertes du 1er et du
2e trimestre, notaient également une
différence entre le taux de patientes chez qui
l’on observe une RPCA, et celles qui
présentent une mutation de type V Leiden.
Cette augmentation de la RPCA est difficile
à interpréter et peut dépendre d’autres
modifications.
De plus, les chiffres avancés dépendent
beaucoup du recrutement et le rôle de
facteurs éthniques intervient, par exemple,
pour la mutation de la MTHFR. Sibai
reprend le problème des variations
éthniques dans l’éditorial précédant l’article
de Kupfermic, et note que ces anomalies ne
concernent que 5 % maximum des femmes.
Un article de Brenner et al reprend la
recherche des trois principales mutations thrombophiliques (le V Leiden, la mutation
du facteur II, et la mutation de la MTHFR)
chez 76 femmes présentant des pertes
foetales (trois avortements ou plus au 1er
trimestre, deux accidents ou plus au 2e
trimestre, et un accident ou plus au 3e
trimestre, sans cause apparente).
Les 76
femmes rentrant dans cette catégorie sont
appareillées à 106 contrôles ; 49 % des
femmes du groupe des pertes foetales ont au
moins un état thrombophilique alors que
22 % seulement en ont dans le groupe
contrôle (p = 0,001).
L’anomalie le plus
fréquemment rencontrée est l’anomalie V Leiden, très significative, alors que
l’anomalie du facteur II et celle de la
MTHFR ne sont pas significatives.
Pour les
pertes des 2e et 3e trimestres, un état thrombophilique est trouvé chez 36 % des
patientes, contre 17 % chez les témoins, soit
une signification à 0,0004.
L’association de
plusieurs anomalies chez une même
personne augmente les risques.
L’article de Groop et al nuance
l’enthousiasme général.
Cet article relève les
observations faites chez 163 femmes ayant
présenté une prééclampsie, et testées pour
le V Leiden, la mutation de la prothrombine,
la protéine C, la protéine S et l’antithrombine
III.
Il note que la prévalence de ces états thrombophiliques est comparable chez les
patientes ayant présenté une prééclampsie
et chez les témoins.
Il note même une
prévalence plus importante d’anomalies du
facteur V Leiden dans le groupe contrôle.
Quoi qu’il en soit, la gravité des cas appelés prééclampsie n’est pas du tout notée dans
l’article, et il semble s’agir essentiellement
de formes légères et tardives.
Cet article ne
remet pas en cause les données existantes
sur l’intérêt de la recherche d’état thrombophiliques lorsqu’il y a des formes
précoces et sévères ; intérêt que soulignent
Brenner et Nelson-Piercy, qui revoient
dans leurs revues générales les problèmes
thérapeutiques.
Bref, on reste sur l’intérêt de rechercher un
état thrombophilique chez les patientes
ayant, soit des antécédents de thrombose
veineuse ou artérielle, soit des antécédents
obstétricaux de prééclampsies précoces et
sévère s , d’HRP, de morts foetales
inexpliquées ou de retards de croissance
intra-utérins, précoces, sévères et
inexpliqués.