Accouchement, monitorage foetal, suites de couches Cours de
Gynécologie Obstétrique
Quand faut-il invoquer
une souffrance foetale
à l’origine d’un handicap
neurologique
de l’enfant ?
Depuis la conférence de consensus de
l’International Cerebral Palsy Task Force,
les critères majeurs de souffrance foetale
aiguë qui peuvent être mis en relation avec
un handicap sévère de l’enfant ont été
clairement définis :
il s’agit d’une acidose
métabolique grave (pH < 7,00 et déficit de
base > 12 mmol/L), d’une encéphalopathie
néonatale modérée ou sévère au-delà de 34
semaines d’aménorrhée et d’une infirmité
motrice cérébrale (quadriplégie spastique ou
dyskinésie).
D’autres critères évocateurs
mais non spécifiques peuvent être retenus :
un événement hypoxique survenu juste
avant ou pendant le travail, une
modification soudaine, rapide et prolongée
du rythme cardiaque foetal (RCF) traduisant
une hypoxie avec un tracé antérieur normal,
un score d’Apgar < 7 au-delà de la 5e
minute, une défaillance multiviscérale
précoce, une anomalie cérébrale sur
l’imagerie du cerveau visible dès la période
néonatale.
Seulement 8 à 15% des infirmités motrices
cérébrales sont en relation avec une asphyxie
en cours de travail.
Il apparaît par
conséquent très utile de pouvoir disposer
dans le dossier obstétrical, en plus du score
d’Apgar à 5 minutes, d’autres critères
objectifs d’évaluation de l’équilibre
acidobasique.
Le base-excess répond à cet
impératif, mais il nécessite un pHmètre,
matériel peu répandu dans les maternités
françaises.
Une nouvelle méthode plus
simple utilise, au lit de la parturiente, un
microdosage des lactates à partir de 5 µL de
sang de l’artère ombilicale, avec un résultat
en 60 secondes grâce à un lecteur de la taille
d’un glucomètre, fonctionnant par
ampérométrie (Sonicaid Lactate Pro).
Les
valeurs moyennes des lactates de l’artère
funiculaire varient de : 2,6 ± 0,7 mmol/L à
3,6 ± 1,2 mmol/L).
La grande série
de 4 045 dosages dans l’artère ombilicale de Westgren et al montre des concentrations
significativement plus élevées de lactates
après les extractions instrumentales (2,65 ±
1,2 mmol/L) et lors des césariennes en
urgence (2,44 ± 1,7 mmol/L) que lors des
accouchements normaux ( 1 , 8 7 ±
0,94 mmol/L). En effet, pendant le travail, la
production des lactates augmente de
manière physiologique, non seulement dans
l’organisme maternel, mais surtout chez le foetus en corrélation avec la durée de la
phase d’expulsion.
Nous avons retrouvé au cours de 200
accouchements, en série continue, une
corrélation significative négative entre les
lactates et le pH artériel ombilical (r =
- 0,693 ; p < 0,0001).
Le 90e percentile de
notre série se situe à 6 mmol/L. La
corrélation entre les lactates et les déficits de
base, établie au cours de 44 accouchements
à haut risque, apparaît encore meilleure (r =
0,837 ; p < 0,0001).
La méthode peut également être utile au néonatologue car le risque d’encéphalopathie
anoxique et ischémique apparaît nul
lorsque le dosage ne dépasse pas
5 mmol/L et, à 30 minutes de vie, après
un déversement des lactates dans la
circulation générale à partir des territoires
auparavant en vasoconstriction, des dosages
supérieurs à 9 mmol/L ont une sensibilité
de 84 % et une spécificité de 67 % pour
prédire une atteinte cérébrale ultérieure,
qu’elle soit modérée ou sévère.
Comment diminuer les
faux positifs du rythme
cardiaque foetal ?
La récente analyse de Thacker et al
portant sur 12 études randomisées,
comparant l’enregistrement continu du RCF
à l’auscultation intermittente de la sagefemme
par le stéthoscope traditionnel ou à
effet doppler, montre que le monitorage
continu n’a pas d’action significative sur le
taux des extractions instrumentales, ni sur le
score d’Apgar à 1 minute supérieur à 7, ni
sur les transferts en réanimation néonatale,
ni sur la mortalité périnatale.
Les seuls effets
bénéfiques évidents concernent les
dépressions néonatales sévères (score
d’Apgar < 4 à 1 minute), moins fréquents, et
la réduction de moitié des convulsions
néonatales.
En revanche, le monitorage
continu augmente significativement le
recours à la césarienne pendant le travail,
principalement dans la population des
gestantes à bas risque.
On peut donc se
poser la question de l’alternative que
représente l’auscultation intermittente chez
les patientes à bas risque souhaitant un
accouchement dans des conditions « plus
naturelles ».
Le groupe de travail de
l’Agence nationale d’accréditation et
d’évaluation de la santé (ANAES) a conclu
que, comme l’enregistrement électronique,
l’auscultation répond au besoin médical de
dépistage des situations de souffrance foetale
survenant au cours du travail et nécessitant
une prise en charge rapide, à condition
d’être réalisée tous les quarts d’heure.
Les
avantages de l’enregistrement continu sont
la nécessité du besoin de traçabilité des
évènements et un examen de recours, un
support d’argumentation pour les experts et
un mode de défense en cas de litige.
Il
permet aussi une communication entre les
divers acteurs de la périnatalité avec la
possibilité des relectures et des
réinterprétations ; il répond aux contraintes
économiques et au problème de réduction
des ressources en personnel auxquels sont
confrontés les centres de périnatalité, avec
plus de flexibilité pour les sages-femmes afin
de prendre en charge le suivi de plusieurs
accouchements ou d’intensifier l a
surveillance du travail.
Les tracés typiques de « souffrance foetale »,
en l’occurrence les tracés plats, associés à
des ralentissements tardifs et variables
graves et les bradycardies sans récupération
ne représentent que 1 % des enregistrements
du RCF.
Dans près d’un tiers des cas, les
anomalies rencontrées ne sont que des
réactions d’adaptation au « stress ».
Dans le but de réduire les faux positifs du RCF continu, diverses méthodes nouvelles
ont été proposées, grâce à une étude
informatisée du signal cardiaque, par
l’analyse de l’électrocardiogramme foetal
(ECGF), l’étude de la variabilité à court
terme (VCT) et l’analyse spectrale.
A - MODIFICATIONS DU SEGMENT
ST DE L’ÉLECTROCARDIOGRAMME
FOETAL
:
Expérimentalement, l’hypoxie entraîne une
surélévation du segment ST et une
augmentation de l’amplitude de l’onde T de
l’ECGF, exprimées par le rapport entre
l’amplitude de l’onde T et celle de l’onde
QRS (rapport T/QRS), mesuré en temps réel
par le cardiotocographe (CTG) ST analyseur
(STAN).
Une surélévation progressive du
segment ST reflète une agression
myocardique compensée et une bascule vers
un métabolisme anaérobie.
Ceci peut
conduire à une décompensation par suite
d’une déplétion des stocks glycogéniques du
myocarde et à une acidose métabolique
progressive avec libération, dans l’espace
extracellulaire myocardique, d’ions
potassium, se traduisant par des anomalies
de la phase de repolarisation des ventricules
et s’exprimant par un segment ST
biphasique persistant ou par une
négativation du segment ST.
Une récente étude multicentrique suédoise a
été réalisée dans trois maternités majeures
de Suède entre 1998 et 2000, colligée par Amer-Wählin et al à propos de 4 966
parturientes à terme, avec des foetus en
présentation céphalique et des indications de
monitorage (anomalies du RCF en méthode
externe, liquide méconial, travail induit ou
renforcé par l’oxytocine, analgésie
péridurale).
Dans le groupe suivi de façon
habituelle par le RCF seul, les tracés étaient
interprétés selon la classification de la FIGO
avec la possibilité de faire une microanalyse
au scalp pour le pH.
Dans le groupe RCF + STAN (ST analyseur),
la conduite à tenir dépendait d’un
classement préalable du tracé en « suspect »
ou «pathologique», puis d’une
interprétation en fonction du degré des
anomalies.
Les résultats ont été analysés d’une part
selon la répercussion du STAN sur les
interventions obstétricales pour souffrance
foetale (ventouses, forceps, césariennes),
d’autre part selon la morbidité néonatale
(scores d’Apgar à 1 et 5 minutes, acidose
métabolique avec un pH < 7,05 et un déficit
de base > 12 mmol/L, transferts en
réanimation néonatale, encéphalopathie
anoxique et ischémique).
Il y a eu trois morts
périnatales dans le groupe STAN contre
deux dans le groupe RCF classique.
Ce
travail multicentrique montre que l’analyse
continue de l’ECGF (CTG + STAN) permet
de diminuer les acidoses métaboliques dans
l’artère ombilicale (déficit de base supérieur
à 12 mmol/L) à 0,7 % par rapport aux 2 %
des patientes surveillées par la CTG
traditionnelle (CTG seule) (p = 0,02), avec
une réduction concomitante des
interventions pour « souffrance foetale »
(césariennes et forceps ou ventouses) à 8 %
versus 9 % (p = 0,047).
Ces données confirment la première étude
randomisée de Westgate et al réalisée à
Plymouth qui avait mis en évidence une
réduction de 46 % des accouchements
opératoires pour souffrance foetale et une
tendance à la diminution des acidoses
métaboliques et des dépressions néonatales
à l’aide de l’ECGF.
Cependant, à notre avis, ces résultats
doivent être interprétés à la lumière des
travaux expérimentaux de Westgate et al
qui ont analysé les modifications du
segment ST au cours d’occlusions du cordon
ombilical entraînant l’apparition d’une
hypotension et d’une acidose.
Les
expérimentations ont été conduites sur des brebis proches du terme (125,5 jours pour
une durée moyenne de grossesse de
147 jours).
Deux groupes d’animaux ont été formés :
l’un avec des occlusions funiculaires toutes
les 5 minutes, se traduisant par des
ralentissements variables sans modification
significative de la pression artérielle
moyenne et sans acidose, l’autre avec des
occlusions plus fréquentes, toutes les 2,5
minutes, avec constitution d’une acidose
métabolique progressive e t d’une
hypotension avec atteinte neurologique
foetale.
L’expérience était stoppée au bout
de 4 heures ou lorsque la pression artérielle
foetale chutait au-dessous de 20 mmHg ou
ne revenait pas à la normale avant le
clampage suivant.
Dans le premier groupe, le rapport T/QRS
augmentait significativement pendant
chaque occlusion, mais revenait aux valeurs
normales avant la prochaine interruption
circulatoire.
Dans le deuxième groupe,
correspondant aux véritables souffrances
foetales, les auteurs observaient trois phases :
– dans la phase initiale d’adaptation de 30
minutes, on retrouvait les mêmes variations
que dans le premier groupe, malgré une
baisse du pH de 7,40 à 7,25, une
augmentation du déficit de base de - 2,6 à -
3,3 mmol/L et un accroissement des lactates
de 0,9 à 3,9 mmol/L ;
– dans la phase intermédiaire d’hypoxie
compensée, la pression artérielle moyenne
et le rapport T/QRS restaient élevés, alors
que l’acidose métabolique s’installait (pH
chutant à 7,09, base excess à - 13,6 mmol/L
et lactates à 9,9 mmol/L) ;
– si l’agression persistait, on assistait à la
troisième phase de décompensation avec, au
cours des 30 dernières minutes, une chute
abrupte de la pression artérielle, et un
rapport T/QRS qui restait élevé pendant les
occlusions, alors qu’en dehors des épisodes
d’ischémie funiculaire provoqués, les
complexes se modifiaient avec une chute du
rapport T/QRS, un aplatissement du
segment ST, puis des ondes biphasiques qui
devenaient finalement négatives, en
corrélation avec une acidose majeure (pH à
6,92, base-déficit à 19,2 mmol/L et lactates à
14,6 mmol/L).
À la lumière de ces travaux
expérimentaux, on peut conclure que
l’augmentation du rapport T/QRS reflète
véritablement le stress hypoxique, mais qu’il
est un témoin très grossier du degré de
l’acidose : en effet, une onde T élevée et
stable a été observée dans l’hypoxie
modérée, mais aussi dans l’acidose sévère.
Entre les épisodes d’occlusion du cordon,
l’élévation de l’onde ST et l’accroissement
du rapport T/QRS sont bien corrélés à
l’hypoxie sévère compensée, alors que le
segment ST biphasique et la chute du
rapport T/QRS apparaissent comme des
signes tardifs de décompensation foetale.
Il faut donc vérifier à long terme si la
diminution des interventions obstétricales
obtenue grâce à l’introduction du STAN
n’est pas suivie d’une augmentation des
séquelles neurologiques, car il n’est pas
interdit de penser que les anomalies sévères
du métabolisme myocardique puissent
s’accompagner d’une hypoxie cérébrale.
B - SYSTÈME OXFORD TEAM IP :
L’originalité du système Oxford 8002 est
d’analyser, par périodes de 3,75 secondes,
les intervalles entre les battements
cardiaques et de définir une VCT, invisible à
l’oeil nu.
Les premiers essais de l’analyse
informatisée réalisés au cours du travail ont
montré une corrélation négative entre
l’activité utérine évaluée en unités
Montevideo et la VCT (r = - 0,62 ; p < 0,001),
la durée des épisodes de haute variation (r
= - 0,48 ; p < 0,01) et la fréquence des
grandes accélérations (r = - 0,49 ; p <
0,01).
Cependant, selon Bartnicki et al,
l’utilisation de l’oxytocine pour l’induction
d’un travail normal n’a pas d’influence
nocive sur les paramètres informatisés du
RCF.
L’interprétation de l’analyse automatisée
doit tenir compte de l’utilisation de drogues
comme la mépéridine et la prométhazine qui
diminuent le nombre d’accélérations, les
épisodes de haute variation et la VCT.
Nous avons utilisé de façon simultanée les
paramètres de l’analyse automatisée du RCF
et les données de la saturation périphérique
en oxygène (SpO2) fournies pendant le
travail par l’oxymétrie de pouls foetal (n =
100).
Nous considérons que la VCT au cours du travail est pathologique
au-dessous de 6 ms, ce qui correspond à la
limite enregistrée au cours du sommeil
calme du foetus à terme.
Il apparaît nettement qu’en l’absence de
prescription de drogues pouvant influencer
les oscillations du RCF, la persistance d’une
VCT supérieure à 6 ms, malgré l’existence
d’anomalies suspectes du RCF, permet
d’exclure à 95 % une hypoxie foetale mesurée
par la SpO2 et à 97 % une acidose
métabolique au cordon.
De manière
parallèle, Leszczinska-Gorzelak et al ont
mis en évidence une baisse significative de
la SpO2 au cours de la deuxième phase du
travail (de 43,4 % à 34,4 %) lorsque la VCT
est inférieure ou égale à 6,0 ms, avec une
corrélation significative entre les deux
paramètres (r = 0,56 ; p < 0,05).
C - TENTATIVES D’ANALYSE SPECTRALE
DU RYTHME CARDIAQUE FOETAL
:
L’approche fréquentielle du tachogramme se
sert de la série RR numérisée en totalité,
battement à battement, en appliquant le
principe de la transformation de Fourier qui
convertit un signal temporel en un spectre
de fréquence.
Le tachogramme est considéré
comme la superposition d’une multitude de
sinusoïdes caractérisées par leur amplitude
et leur fréquence.
Ainsi, en diminuant
progressivement l’échelle de la variabilité,
on étudie des variations de plus en plus
rapides et de moins en moins amples et l’on
passe des basses fréquences aux hautes
fréquences.
La superposition des diverses
sinusoïdes du tachogramme peut être représentée par un graphique analysant la
répartition quantitative des différentes
fréquences observées.
La signification des diverses fréquences de
la variabilité découle principalement de
l’expérience acquise chez l’adulte dans le
domaine de l’analyse spectrale :
– les très hautes fréquences (THF) entre 0,75
et 1,5 Hz correspondent aux battements
cardiaques intrinsèques ;
– les hautes fréquences (HF) entre 0,15 et
0,4 Hz ont été corrélées chez l’adulte à la
modulation respiratoire par l’intermédiaire
du nerf vague.
Chez les foetus, un pic de
faible amplitude peut être détecté au cours
des périodes d’activité motrice, après la 28e
semaine, sans doute en relation avec les
mouvements respiratoires ;
– les basses fréquences (BF) entre 0,04 et
0,15 Hz reflètent les oscillations de la
pression artérielle et, par conséquent, les
interactions des systèmes sympathique et
parasympathique mis en jeu par les
barorécepteurs carotidiens.
Chez l’agneau,
elles sont diminuées par les bêtabloquants
sur près de 80 % des animaux et par
l’atropine dans 46 % des cas.
Au cours de la
grossesse, le spectre des basses fréquences
augmente rapidement jusqu’à la 32e
semaine, puis tend à décroître après la 40e
semaine ;
– les très basses fréquences (TBF) en dessous
de 0,04 Hz expriment la régulation
vasomotrice périphérique et elles seraient
modulées par les changements hormonaux
et par la thermorégulation.
Le propranolol
réduit la puissance spectrale dans les très
basses fréquences.
Expérimentalement chez la brebis, il a été
démontré qu’en situation de normoxémie, la
variabilité du RCF exprimée par la densité
de puissance spectrale dans une très large
gamme de fréquences, entre 0,04 et 1,3 Hz,
est nettement diminuée par l’inhibition
vagale, alors qu’elle n’est pas affectée par le
blocage des adrénorécepteurs.
Les
oscillations physiologiques du RCF sont
donc essentiellement sous le contrôle du
système parasympathique.
Lorsqu’on crée chez la brebis une
hypoxémie légère (PO2 entre 12,0 et
14,5 mmHg) ou modérée (PO2 entre 10,0 et
11,9 mmHg), on observe une augmentation
de la densité spectrale dans la bande de 0,04
à 0,45 Hz qui est abolie par l’atropine ; elle
est donc également sous le contrôle du nerf
vague.
Il existe aussi une corrélation
positive entre la pression artérielle moyenne
du foetus et la puissance spectrale dans la
gamme des basses fréquences (0,04 Hz à 0,08
Hz) sous le contrôle exclusif du nerf
vague.
Le blocage de l’activité
sympathique par le propranolol n’agit que
sur la fréquence cardiaque basale et non pas
sur les oscillations.
Au cours de la grossesse, cette technique a
pu être appliquée à l’interprétation des
tracés plats pour différencier les états de
sommeil des hypoxies chroniques : en cas
de souffrance foetale, le pic d’énergie
maximale ([bpm]2) pour la gamme des
fréquences élevées (0,15 à 0,50 Hz) est
significativement différent de celui des foetus
sains : 0,27 Hz au lieu de 0,16 Hz.
Dans
les retards de croissance intra-utérins non
compliqués, la puissance spectrale dans les
basses fréquences augmente entre 31 et 42
semaines d’aménorrhée.
En revanche, au
cours des souffrances foetales chroniques
avec hypoxémie, Ohta et al ont observé
une bonne corrélation entre la baisse des
basses fréquences et la diminution de la PO2
et du pH au sang du cordon prélevé in utero
par cordocentèse.
Les rythmes sinusoïdaux semblent refléter
la composante des très basses fréquences
parce que la régulation par le système
nerveux autonome est supprimée comme
l’atteste la perte des hautes et des basses
fréquences.
Quelques travaux ont montré que le type de
fréquences le mieux corrélé à une souffrance
foetale se situe dans la gamme des basses
fréquences.
Celles-ci sont en effet diminuées
significativement lorsque l’oxymétrie de
pouls foetal est inférieure à 30 % lors de la
phase d’expulsion, lorsque le pH artériel
ombilical est inférieur à 7,15 ou qu’il
existe une acidose métabolique (base-déficit
entre 8 et 12 mmol/L).
Chung et al ont
également signalé une augmentation de la
bande des très basses fréquences (< 0,04 Hz)
lors des tracés de RCF suspects de
souffrance foetale.
La contradiction entre l’expérience clinique
et les travaux de Yu et al réalisés sur
l’animal n’est peut-être qu’apparente, car il
est tout à fait possible que l’hypoxémie
débutante active la stimulation
parasympathique, puis que le passage à
l’acidose l’inhibe au profit de l’activation du
sympathique.
Ainsi, en comparant l’analyse visuelle d’un
tracé et l’aspect spectral, on pourrait
théoriquement distinguer, lors des
ralentissements du RCF, les décélérations
non péjoratives d’origine vagale (maintien
des basses fréquences) et les ralentissements
plus dangereux, d’origine acidosique, avec
un glissement vers les très basses fréquences
du fait de l’activation du système
sympathique et de la libération de
catécholamines.
D - OXYMÉTRIE DE POULS FOETAL :
L’oxygénation foetale a été étudiée grâce à la
technique d’oxymétrie de pouls foetal dans
diverses circonstances.
East et al ont
montré qu’après la dose initiale de
l’analgésie péridurale et lors des réinjections,
la SpO2 diminue d’une valeur de 49,5 %
avant l’injection à 43 % entre 21 et 25
minutes après le bolus (p < 0,01), mais que
lors des perfusions continues à la pompe
électrique, les faibles quantités administrées
ne modifient pas l’oxygénation foetale.
Schmidt et al se sont préoccupés des
variations de l’oxygénation foetale lors des
changements de position de la parturiente.
Par rapport au décubitus dorsal à
l’horizontale, la position debout apparaît
défavorable, alors que la position assise ou
la position légèrement inclinée semblent être
les plus favorables à l’oxygénation foetale.
La question de la place de l’oxymétrie de
pouls foetal dans la pratique obstétricale
reste en suspens.
Certes, la plupart des utilisateurs acceptent
le seuil déterminé par le Groupe d’étude
germanique, soit une SpO2 inférieure à 30 %
pendant plus de 10 minutes qui correspond
à une acidose foetale au scalp (pH < 7,20).
Le groupe allemand a également retrouvé
une bonne satisfaction des utilisateurs pour
cette méthode : un questionnaire adressé à
54 cliniques d’accouchements montre une
moyenne d’utilisation de 4,5 fois par mois et
une bonne qualité du signal dans 90 % des
cas.
Cependant, d’autres études remettent en
question la fiabilité de la technique.
Ainsi, Luttkus et al ont comparé la SpO2,
mesurée avec le système NELLCOR N400 à
partir des capteurs FS14, à la saturation
artérielle en oxygène déterminée sur un
prélèvement sanglant au scalp par
l’hémoxymétrie (BAYER Diagnostics 865).
Le
coefficient de corrélation r est de 0,72 ; p =
0,002 dans le groupe des foetus acidosiques.
L’oxymétrie de pouls foetal tend cependant
à surestimer la saturation en oxygène
d’environ un quart (+ 23 %).
Deux études critiques récentes comparant la
SpO2 au pH au scalp ou aux gaz du sang
dans l’artère ombilicale montrent d’une part
la difficulté d’obtenir un signal de bonne
qualité (23 cas sur 65), d’autre part une
fiabilité contestable pour le diagnostic de
l’acidose, d’autant plus évidente que l’on
approche de l’expulsion.
Sur les courbes
ROC tracées par Stiller et al la SpO2
foetale montre une bonne sensibilité et
spécificité pour le pH, mais l’aire sous la
courbe diminue de 0,77 au cours de la
dilatation, à 0,71 pendant l’expulsion et 0,54
à la naissance.
La corrélation entre la SpO2
et le déficit de base est, quant à elle,
mauvaise (aire sous la courbe autour de
0,50). Cet auteur estime que le seuil choisi
doit être modulé de 33 % au cours de la
dilatation à 36 % avant l’expulsion.
Une étude multicentrique américaine a tenté
d’évaluer le rôle additionnel de l’oxymétrie
de pouls foetal pour diminuer le taux des
faux positifs du RCF.
Il s’agissait de 1 010
patientes recrutées dans neuf centres dès lors
qu’elles présentaient des anomalies du RCF ;
les unes ont été surveillées par le RCF seul,
l’autre groupe bénéficiait de l’association
avec l’oxymétrie de pouls foetal.
Garite et
al constatent qu’effectivement, la
surveillance par la SpO2 diminue de plus de
50 % les césariennes pour souffrance foetale
(5 % versus 10,2 %), mais que le taux global
des hystérotomies n’est pas modifié (29 %
dans le groupe oxymétrie de pouls foetal
contre 26 % dans le groupe contrôle).
Les
paramètres maternels et les issues néonatales
étaient tout à fait comparables dans les deux
groupes.
Il y a donc une augmentation
relative des césariennes pour dystocie dans
le groupe surveillé par l’oxymétrie : il reste
à déterminer si cet effet défavorable est lié à
des biais de recrutement ou à la technique
elle-même.
Compte tenu de ces incertitudes, la Société
canadienne d’obstétrique et de gynécologie
ne recommande pas actuellement d’associer
l’oxymétrie de pouls foetal au RCF dans les
cas de tracés suspects.
E - MESURE RAPIDE DES LACTATES
AU SCALP
:
Du fait de la très faible quantité de sang
nécessaire au dosage des lactates, le nombre
moyen d’incisions au scalp (1,0 versus 2,0)
et la durée du prélèvement (120 s versus
230 s) sont deux fois inférieurs à ceux des microprélèvements qui sont destinés à la
mesure du pH.
L’étude de Kruger et al réalisée sur le scalp foetal chez 1 709
patientes ayant des anomalies du tracé de
rythme cardiaque foetal montre que la
mesure par le lactatomètre capillaire est plus
sensible comme marqueur d’anomalies
neurologiques que la mesure du pH.
En
effet, en considérant le 90e percentile des
lactates au scalp (> 6,1 mmol/L) et le 10e
percentile du pH (< 7,15), ces auteurs ont
montré que pour les scores d’Apgar
inférieurs à 4 à 5 minutes, la sensibilité des
deux méthodes était respectivement de
41,7 % et 0 %, avec une spécificité de 91,0 %
et 89,4 %, alors que pour les encéphalopathies
hypoxiques et ischémiques modérées
et sévères, la sensibilité était respectivement
de 66,7 % et 16,7 % pour une spécificité de
91,0 % et 89,9 %.
Nos résultats et ceux de
Kruger et al permettent de conclure qu’un
taux de lactates de 5 mmol/L correspond à
la limite classique du pH au scalp de 7,20.
Quelle est la meilleure
méthode de délivrance
dirigée ?
Pour diminuer l’incidence des hémorragies
graves de la délivrance, mettant en jeu le
pronostic vital maternel, la délivrance
dirigée est reconnue comme une mesure
prophylactique valable.
L’efficacité des
diverses méthodes a été évaluée à partir du
nombre des hémorragies du post-partum,
des transfusions sanguines nécessaires, de
l’utilisation additionnelle d’ocytociques, de
la chute du taux d’hémoglobine et de la
durée de la troisième phase du travail.
Enfin,
les effets secondaires des thérapeutiques ont
été répertoriés.
Les hémorragies de la délivrance restent la
première cause de mortalité maternelle en
France.
Les hémorragies graves, avec
chute de 10 points de l’hématocrite
correspondant à 1 L de sang perdu, ont une
fréquence de 1,63 % dans la série de
Rouen.
Les principaux facteurs de risque
sont la primiparité, l’anémie préexistante, la
fièvre pendant le travail, l’épisiotomie, et le
délai prolongé entre l’accouchement et la
suture des lésions périnéales.
La
médicalisation croissante de l’accouchement
est également de plus en plus souvent en
cause : déclenchement du travail, analgésie
locorégionale avec utilisation d’oxytocine et
travail prolongé.
Dans la littérature anglo-saxonne, la
délivrance dirigée consiste à injecter un
ocytocique dès le dégagement de l’épaule
antérieure de l’enfant avec un clampage
précoce et une section du cordon et une
traction sur le cordon dès que le placenta est
décollé.
Une telle prise en charge active de
la troisième phase de l’accouchement
raccourcit la durée de la délivrance en
moyenne de 9,77 minutes avec une
diminution des pertes sanguines moyennes
de 79 mL.
En outre, le risque relatif
d’hémorragies supérieures à 500 mL est
significativement réduit (risque relatif [RR]
= 0,50 [0,43-0,59]), de même que la nécessité
d’utilisation d’ocytociques thérapeutiques
additionnels (RR = 0,50 [0,39-0,64]).
Dans
l’étude de Nordström et al, on observe
une réduction de 40 % des hémorragies par
l’injection de 10 UI d’oxytocine
(Syntocinont) par rapport à l’injection d’un
volume équivalent de sérum salé.
La technique la plus couramment employée
est l’oxytocine : la dose minimale efficace est
sans doute de 5 UI.
Nous n’avons, en fait,
aucune donnée démontrant clairement que
10 UI soient plus actives que 5 UI et que la
voie intraveineuse soit plus opérante que le
mode intramusculaire.
L’action préventive
sur les hémorragies de l’oxytocine semble
plus importante lorsque l’injection est
directe sous forme d’un bolus plutôt que
lorsque 20 UI sont placées dans une
perfusion de 500 mL de sérum.
Ainsi,
Jackson et al ne trouvent pas de différence
sur la durée de la délivrance, ni sur les
hémorragies lorsque la perfusion est mise
en place avant ou après l’expulsion du
placenta.
Les auteurs anglo-saxons utilisent volontiers
l’association oxytocine (Syntocinont : 5 UI)
plus méthylergométrine (Méthergint : 1 mg)
sous le nom de syntométrine.
En réalité,
l’étude randomisée de Choy et al portant
sur 500 patientes traitées par syntométrine
intramusculaire versus 491 patientes traitées
par 10 UI intraveineuses de Syntocinont ne
montre aucune différence significative quant
aux hémorragies, à la nécessité d’emploi
d’ocytociques additionnels, à la durée de la
délivrance et au taux de délivrances
artificielles.
En revanche, la méthylergométrine
augmente le risque de nausées (RR =
1,95 [1,58-2,42]) et d’hypertension
artérielle (RR = 2,39 [1,00-5,70]).
La difficulté de conservation de l’oxytocine
dans les pays chauds a conduit à de larges
études multicentriques évaluant le
misoprostol (Cytotect) par voie orale.
L’étude randomisée de Surbek et al avec
la dose de 600 µg contre placebo montre une
diminution des pertes sanguines
physiologiques de 417 mL à 345 mL (p =
0,031) et une baisse plus modérée de
l’hématocrite de - 7,9 % à - 4,5 % (p = 0,014).
Au cours des césariennes électives effectuées
sous analgésie locorégionale, Acharya et al
notent une efficacité identique de 400 µg de
misoprostol per os et de 10 UI de
Syntocinont.
Il existe cependant, avec le misoprostol, un risque d’augmentation de la
pression artérielle à la première heure, tant
au niveau systolique (supérieur à
140 mmHg) (RR = 1,32 [1,03-1,70]) que
diastolique (supérieur à 90 mmHg) (RR =
3,44 [1,67-7,11]).
La comparaison de la
délivrance chez 9 264 parturientes traitées
par 600 µg de misoprostol per os avec 9 266
femmes traitées par 10 UI de Syntocinont
par voie intramusculaire ou intraveineuse
dans des services répartis dans le monde
entier démontre que l’analogue de la
prostaglandine E1 est moins efficace que
l’oxytocine sur la fréquence des hémorragies
graves, supérieures à 1 000 mL (RR = 1,39
[1,19-1,63]) et nécessite plus souvent un
traitement ocytocique additionnel (RR = 1,40
[1,29-1,51]).
Mais surtout, les effets
secondaires du misoprostol sont gênants
avec une multiplication des frissons par 3,27
(3,01-3,56) et des hyperthermies par 6,96
(5,65-8,57).
Quatre méthodes de délivrance artificielle
ont été étudiées de façon randomisée à la
maternité d’Ankara par Caliskan et al :
l’association de 10 UI d’oxytocine en
perfusion rapide dans 500 mL de sérum
physiologique à 600 µg de misoprostol par
voie rectale (2 comprimés de 200 µg dès
l’expulsion, puis 1/2 comprimé à la
quatrième et huitième heures (groupe 1),
l’association de 10 UI d’oxytocine selon le
même protocole à 1 mL de méthylergométrine
(groupe 2), le misoprostol seul (600 µg
par voie rectale) (groupe 3) et l’oxytocine
seule (10 UI dans 500 mL de sérum salé)
(groupe 4).
Parmi les quatre groupes, la
seule méthode qui réduise efficacement la
fréquence des hémorragies de plus de
500 mL est la combinaison de l’oxytocine et
de la méthylergométrine (3,5 %) contre 9,8 %
pour le misoprostol seul, 8,1 % pour
l’oxytocine seule et 6,6 % pour la
combinaison misoprostol et oxytocine.
En ce
qui concerne les hémorragies graves, de plus
de 1 L, elles sont significativement
augmentées dans le groupe misoprostol
(4,2 %) par rapport aux trois autres collectifs
où elles sont entre 1,7 % et 3,4 %.
La
moindre efficacité du misoprostol est
également retrouvée au niveau des besoins
transfusionnels : 3,0 % contre seulement 1 %
pour les associations oxytocine et
méthylergométrine et oxytocine plus
misoprostol, alors que les résultats sont
comparables à ceux du groupe oxytocine
seule (3,3 %).
On remarque aussi que les
besoins en ocytociques additionnels sont
réduits dans les associations médicamenteuses
: 4,2 % pour le groupe oxytocine et
misoprostol, 2,2 % pour le groupe oxytocine
et méthylergométrine contre 8,3 % pour le
misoprostol seul et 6,7 % pour l’oxytocine
seule.
En revanche, il n’y avait pas de
différence significative dans les chutes du
taux d’hémoglobine entre les quatre groupes
avant et après l’accouchement.
La durée de
la phase de délivrance était allongée de
manière significative dans le goupe
misoprostol (9,3 minutes) par rapport au
groupe misoprostol et oxytocine (8,6 minutes
[p = 0,007]), au groupe oxytocine seule (8,7
minutes [p = 0,005]) et à l’association
oxytocine et méthylergométrine (8,4 minutes
[p = 0,001]).
Par conséquent, que ce soit par voie orale
ou par voie rectale, le misoprostol n’est pas
plus efficace que l’oxytocine.
Malgré ses
effets secondaires gênants, il peut être utile
dans les pays en voie de développement :
pas de nécessité de protection vis-à-vis de la
lumière, pas de conservation au froid, pas
d’utilisation d’aiguilles, ni de seringues.
En revanche, dans les pays développés, on
peut conclure que la délivrance dirigée par
l’oxytocine au dégagement de l’épaule
antérieure reste un bon compromis entre une
efficacité satisfaisante et une bonne
tolérance.
Accouchement du siège
par les voies naturelles :
un combat perdu ?
Depuis la publication de l’étude
multicentrique de Hannah et al montrant
une diminution des deux tiers de la
mortalité périnatale et néonatale ainsi que
de la morbidité sévère (RR = 0,33 [0,19-
0,56]), la pratique systématique d’une
césarienne chez l’enfant à terme en
présentation du siège a tendance à se
généraliser.
D’autres publications sont
venues renforcer cette attitude.
Le travail
rétrospectif de Golfier et al, effectué dans
les hôpitaux publics de Lyon, à propos de
1 116 sièges dont 31,7 % de voies vaginales
prévues, révélait une augmentation
significative des scores d’Apgar < 7 à
5 minutes (RR = 3,05 [1,03-9,05]), des
acidoses dans l’artère ombilicale (RR = 1,64
[1,11-2,43]), des intubations néonatales (RR
= 7,35 [2,10-25,6]) et des troubles
neurologiques et lésions traumatiques (RR =
4,24 [1,66-10,8]), en défaveur de la voie
basse.
Les mêmes constatations étaient
retrouvées dans la série de 1 000 cas de Herbst et al avec 24 cas de séquelles
cérébrales et six cas d’atteinte du plexus
brachial en cas de voie basse contre
seulement une infirmité motrice cérébrale en
cas de césarienne.
La responsabilité de la
présentation du siège par voie basse est
confirmée comme principale cause de
mauvaise adaptation à la vie extra-utérine
(score d’Apgar < 7 à 5 minutes) dans la
statistique de 1 028 705 naissances en Suède
de 1988 à 1997 (odds-ratio [OR] = 6,7) et
dans la série de 42 203 accouchements en
population urbaine suédoise (OR = 20,3).
En analysant les 12 cas de morts per-partum
et néonatales de sièges à terme du
Danemark, Krebs et al constatent que
58 % des évolutions défavorables auraient
été évitables par une meilleure prise en
compte de la pathologie gravidique associée,
par un meilleur choix du moment de la
césarienne et par une meilleure coopération
des patientes.
Les recommandations américaines proposent
de tenter une version par manoeuvres
externes en cas de présentation du siège, et
en cas de persistance de la présentation
anormale, de faire une césarienne
programmée, sauf en cas de dilatation
avancée lors de l’admission ou de la
naissance d’un deuxième jumeau.
En fait,
cette tendance vers la césarienne quasi
systématique existait déjà dans les pays
anglo-saxons avant l’article de Hannah et
al, notamment dans les établissements
privés.
Ainsi, entre 1988 et 1991, sur 8 988
sièges à terme, seulement 10,1 % sont nés
par voie basse à Los Angeles, avec une
tendance plus marquée pour la voie basse
dans les hôpitaux publics (28,4 %) et pour
les parturientes noires (16,7 %) ou d’origine
hispanique (14,0 %).
Dans l’enquête de Lavin et al effectuée dans des services
universitaires américains, seulement 33 %
des spécialistes continuaient à tenter des
accouchements par les voies naturelles dans
le siège à terme.
Il est donc évident que va
se poser rapidement le problème de
l’enseignement des spécialistes pour les
manoeuvres obstétricales à mettre en oeuvre
en cas d’urgence : une formation
permanente est par conséquent nécessaire,
que ce soit à l’aide d’enregistrements
magnétoscopiques ou par un apprentissage
sur mannequins, mais cela pourra-t-il
remplacer la pratique clinique ?
Dans ce contexte, les foyers de résistance
pour la voie basse se font rares.
Dans
la série de la maternité de Port-Royal où
seulement 36 % des 501 sièges ont été
extraits par césarienne, Kayem et al ne
notent aucune différence quant à la
morbidité néonatale sévère et aux
complications traumatiques, quel que soit le
mode d’accouchement.
Les mêmes
conclusions sont tirées par Sanchez-Ramos
et al à partir de 848 sièges dont 74,6 %
par voie basse et par Munstedt et al et
Giuliani et al qui ont suivi à long terme
les enfants nés par le siège grâce à des tests
psychomoteurs et à des tests d’intelligence.
Roumen propose de réserver la
césarienne aux suspicions de disproportion
foetopelvienne, à l’hyperextension de la tête
foetale et aux sièges complets, mais il
recommande également l’extraction
opératoire abdominale en cas d’exigence
maternelle ou d’inexpérience du médecin.
En Europe, dans l’étude réalisée par Alran
et al dans neuf centres hospitaliers
universitaires, les pratiques sont très
diverses, avec un taux de voies basses dans
le siège oscillant entre 15 % à Barcelone et
70 % à Paris.
La méta-analyse de Hofmeyr et al et la
série de Golfier et al confirment que la
césarienne s’accompagne d’une augmentation
de la morbidité maternelle légère.
Cependant, le suivi à 3 mois des patientes
de l’étude multicentrique de Hannah et al
a mis en évidence une baisse des
incontinences urinaires en cas de césariennes
programmées par rapport aux naissances
naturelles (RR = 0,62 [0,41-0,93]) et une
moindre gravité des incontinences anales.
Concernant l’avenir obstétrical des primigestes césarisées pour une présentation
du siège, Coughlan et al ont remarqué
que le risque d’avoir une nouvelle
présentation podalique traitée par une
hystérotomie itérative était de 9,8 % contre
1,7 % lorsque l’indication de la première
césarienne élective concernait une
présentation céphalique.
Plus globalement,
lorsque l’on compare l’indication de la
première césarienne, que ce soit sur une
présentation du siège ou sur une
présentation céphalique, on observe une
récidive d’hystérotomie pour le deuxième
enfant dans respectivement 43,8 % contre
61,2 % des cas et, en cas d’accord pour la
voie basse, 84 % de succès contre seulement
68 %.
Quel que soit le mode d’accouchement
utilisé dans la présentation du siège, il est
évident qu’il faut privilégier la version du
siège, découvert lors de l’échographie de 32
semaines d’aménorrhée, en profitant des
deux derniers mois restants de la grossesse.
Pour faciliter la bascule du siège « in utero »,
on peut essayer d’augmenter l’activité
motrice foetale d’une part en stimulant un
point d’acupuncture (BL 67) situé à l’angle
externe de l’ongle du 5e orteil par des
aiguilles, par l’application d’une pâte de
gingembre frais ou par la moxibustion,
d’autre part en utilisant des méthodes
posturales comme le « pont indien » ou la
marche à « quatre pattes ».
En cas d’échec de la bascule spontanée du
pôle céphalique, la version par manoeuvres
externes est proposée par la plupart des gynécologues-obstétriciens au début du
neuvième mois. Cette technique diminue
le taux de césariennes de façon significative
(OR = 0,85 [0,72-0,99]).
L’expérience de
l’opérateur a évidemment une grande
influence sur le taux de succès, mais
globalement, les échecs sont moins
nombreux en cas de recours préalable à la tocolyse (RR = 0,74 [0,64-0,87]) et à la
stimulation acoustique foetale appliquée au
milieu de la colonne vertébrale (RR = 0,17
[0,05-0,60]).
En revanche, les séries
concernant l’apport de l’analgésie péridurale
et de l’amnio-infusion transabdominale
quant au taux de succès de la version sont
encore insuffisantes pour conclure.
Peut-on définir
des facteurs de risque
de la rupture utérine ?
L’accouchement par les voies naturelles reste
conseillé après une césarienne sous réserve
d’une bonne sélection des patientes
éliminant une disproportion foetopelvienne
et les cicatrices verticales corporéales.
L’étude de l’épaisseur du myomètre
cicatriciel est préconisée par certaines
équipes comme critère de sélection en fin de
grossesse.
Un travail récent montre qu’en
dehors de la grossesse, la zone cicatricielle
de l’hystérotomie est toujours visible.
La
présence de liquide dans la cicatrice, qui est
associée aux césariennes faites au cours du
travail et aux césariennes multiples, est-elle
un signe de moins bon pronostic ?
D’un point de vue économique, la stratégie
encourageant la naissance par les voies
naturelles réduit les coûts : 5 949 dollars
pour le couple mère et enfant en cas de
césarienne itérative contre 4 863 dollars pour
la tentative de voie basse.
Plusieurs études portant sur de vastes séries
d’utérus cicatriciel ont permis d’évaluer,
d’une part les conséquences de la désunion
de la cicatrice utérine, d’autre part les
facteurs prédisposant à la rupture utérine.
Sur 39 cas de lésions utérines au cours de
114 933 accouchements, Kieser et al ont
retrouvé 18 ruptures et 21 déhiscences ; 36
cas sur 39 sont survenus sur une cicatrice de
césarienne.
Dans la série des 4 516 tentatives
de voie basse après césarienne, par rapport
aux déhiscences (2,4 pour mille) qui sont
associées à un bon pronostic maternel et
foetal, les ruptures vraies (2,4 pour mille)
exposent au risque de mort foetale (un cas),
à la souffrance foetale aiguë (score d’Apgar
< 7 à 5 minutes ; p < 0,001), à des
manoeuvres de réanimation néonatale (p <
0,01) et à un risque transfusionnel accru (OR
= 7,60 [1,14-82,14].
De même, la comparaison
de l’issue des tentatives de voie basse en
fonction de la technique de césarienne
montre que, en comparaison avec
l’hystérotomie segmentaire transversale, la
technique corporéale « classique » expose à
une morbidité et à une mortalité périnatales
accrues et à des complications maternelles
significativement augmentées, de même que
l’incision d’agrandissement en « T inversé »
qui expose non seulement au risque
d’infection puerpérale et de transfusion,
mais encore au risque de souffrance
foetale.
Stotland et al proposent une
césarienne itérative systématique à la 36e
semaine d’aménorrhée, en cas de cicatrice
corporéale, afin d’éviter une rupture en fin
de grossesse.
L’acidose métabolique sévère de l’enfant est
corrélée à l’expulsion hors de l’utérus du
foetus ou du placenta lors de la rupture de
l’organe.
Leung et al avaient retrouvé
un délai supérieur à 18 minutes entre le
début de la bradycardie sans récupération,
exprimant la rupture utérine, et le risque de
morbidité néonatale sévère.
Cependant, une
intervention plus prompte ne protège pas
forcément contre le risque d’acidose
néonatale grave.
Concernant la rupture utérine au cours de la
tentative de voie basse sur utérus cicatriciel,
plusieurs facteurs de risque ont été
clairement identifiés :
– le délai entre la première césarienne et
l’accouchement inférieur à 18 mois : OR =
3,0 [1,2-7,2] ou inférieur à 24 mois : OR =
2,65 [1,08-6,46] ;
– l’âge maternel supérieur à 30 ans : OR
ajusté = 3,2 [1,2-8,4] ;
– la suture de l’hystérotomie en un plan par
rapport à la suture en deux plans : OR =
3,95 [1,35-11,49] ;
– les suites fébriles de la césarienne
(température > 38 °C) : OR = 4,0
[1,0-15,5] ;
– le déclenchement du travail par les
prostaglandines : RR = 15,6 [8,1-30,0].
Par
rapport à la césarienne itérative, l’utilisation
de l’oxytocine n’augmente que faiblement le
risque (RR = 4,9 [2,4-9,7]) en comparaison
avec le déclenchement spontané (RR = 3,3
[1,8-6,0]). Lorsque l’oxytocine est
incriminée, la rupture utérine est plus
souvent associée à une hyperstimulation
utérine (p = 0,05).
Faut-il modifier notre
technique de césarienne ?
Giacalone et al ont comparé les suites
opératoires de l’incision de Pfannenstiel à la
technique de Maylard (semblable à celle de
Mouchel), avec section des muscles grands
droits de l’abdomen, au-dessus des muscles
pyramidaux : aucune différence n’a été notée
concernant les événements intra- et
postopératoires.
Après l’intervention, la force
musculaire abdominale est identique dans
les deux groupes : l’abord plus large conféré
par la section musculaire n’affecte donc pas
la sangle abdominale.
La technique de Joël Cohen, appliquée par
Stark à la césarienne à l’hôpital Misgav-Ladach de Jérusalem, a été confrontée à la
technique classique de Pfannenstiel.
La
technique de Joël Cohen réduit le délai entre
l’incision et l’extraction foetale (66 à 180 s
contre 228 à 420 s), diminue les
pertes sanguines peropératoires : 336 versus
483 mL (p < 0,01), la quantité de matériel
de suture et la durée totale de
l’intervention : 20,2 à 32,6 minutes versus
44,4 à 49,3 minutes.
Pour la plupart
des auteurs, il n’y a pas de bénéfice évident
de la technique de Joël Cohen en ce qui
concerne les suites opératoires, sauf pour Gaucherand et al qui remarquent une
diminution des troubles du transit, des
fièvres et des hématomes.
Quelle que soit la technique utilisée pour
l’extraction abdominale, au niveau de la
paroi, il n’y a pas de différence quant aux
lâchages de suture selon le mode de
fermeture : suture du tissu sous-cutané,
drainage ou absence de suture en cas
d’obésité.
L’abandon de la suture du péritoine viscéral
et pariétal diminue les besoins en morphine
comme analgésique postopératoire
(0,64 mg/kg versus 0,82 mg/kg).
L’administration continue de bupivacaïne à
0,25 % à la pompe électromécanique, par un
cathéter placé dans le tissu sous-cutané
pendant les 24 premières heures
postopératoires, diminue significativement
les besoins d’analgésie par la morphine.
L’accoucheur est-il aussi
responsable des troubles
psychiques ultérieurs
de l’enfant ?
Il a été clairement établi que des troubles
nutritionnels graves au cours du premier et
deuxième trimestres de la grossesse peuvent
entraîner des troubles psychiques majeurs.
Ceci a été démontré lors des famines de la
Seconde Guerre mondiale en Hollande où
les apports caloriques étaient entre 900 et
1 200 calories par jour.
Neugebauer et al
ont mis en évidence chez les jeunes recrues
un risque de comportements antisociaux multiplié par 2,5 lorsque leurs mères avaient
été soumises à une dénutrition grave aux
premier et deuxième trimestres de la
grossesse, c’est-à-dire à un moment où le
système nerveux foetal se différencie et où
s’établissent les interrelations neuronales, et
Susser et al ont noté une augmentation
par 2 de la prévalence des schizophrénies
lorsque la famine est survenue au premier
trimestre.
Des carences vitaminiques,
notamment en acide folique et en vitamine
D, ont été suspectées.
Wahlbeck et al ont constaté une
augmentation du risque de schizophrénie en
cas de faible poids corporel maternel (body
mass index : BMI) (OR = 1,09 [1,02-1,17])
pour un point du rapport P/T2, en cas de
retard de croissance intra-utérin (OR = 1,48
[1,03-2,13] pour un kilogramme de poids
foetal manquant et OR = 1,12 [1,03-1,22] pour
1 cm de taille manquante) et en cas
d’hypotrophie placentaire (OR = 1,22 [1,04-
1,43] pour un déficit pondéral de 100 g de
l’organe).
Les traitements hormonaux de la grossesse
ont également été suspectés.
Chez des mères
diabétiques traitées par la 17-hydroxyprogestérone
et par des oestrogènes, le
comportement sexuel des garçons semble
avoir été perturbé, avec moins d’expériences
hétérosexuelles et moins d’agressivité que
les enfants du groupe témoin.
Jaffe et
al ont évalué le développement
intellectuel en fin d’adolescence par des tests
verbaux et spatiaux chez des sujets exposés
in utero à l’acétate de médroxyprogestérone
(MPA).
Les sujets féminins ne différaient pas
du groupe contrôle, alors que les garçons
semblaient avoir de meilleures performances,
mais elles s’expliquaient sans doute
par de plus favorables conditions
démographiques et sociales.
L’exposition au diéthylstilbestrol (DES),
notamment au deuxième trimestre de la
grossesse, semble perturber la latéralisation
avec un excès de gauchers que ce soit chez
les garçons ou chez les filles.
De même,
les données de la littérature suggèrent que
les sujets exposés au DES ont un risque
augmenté de présenter des troubles
dépressifs.
Il existe cependant un biais, car il
est évident que les troubles gynécologiques
ayant motivé la prescription hormonale ont
pu agir sur le vécu de la grossesse.
Un
risque accru de psychoses après prise de
DES à des doses totales de 7 à 12 g par la
mère a été rapporté par Katz et al à
propos de quatre cas.
Ce sont surtout les circonstances de
l’accouchement qui ont été incriminées dans
la genèse des troubles psychiatriques de
l’enfant et de l’adulte.
Il a été montré que le
risque de schizophrénie est multiplié par 2,0
[1,6-2,4] lorsqu’il y a eu une complication à
l’accouchement.
À partir d’une étude
collaborative internationale portant sur 854
patients schizophréniques, Verdoux et al
ont établi une relation entre l’âge des
premiers signes de déséquilibre psychique
et le rôle des complications obstétricales.
En
effet, les malades dont les symptômes ont
débuté avant l’âge de 22 ans étaient plus
souvent nés dans une variété de
présentation anormale, notamment en siège
(OR = 2,67 [1,07-7,04]), et avaient 10 fois plus
souvent été extraits lors d’un accouchement
compliqué finissant par une césarienne en
urgence (OR = 10,05 [1,21-83,32]).
Plus récemment, les mêmes auteurs ont
établi une relation significative entre la
schizophrénie et la rupture prématurée des
membranes (OR = 3,11 [1,39-6,95]), la
naissance avant 37 semaines d’aménorrhée
(OR = 2,44 [1,13-5,26]) et la nécessité d’une
réanimation néonatale ou d’un séjour en
incubateur (OR = 2,21 [1,38-3,54]).
Jacobson et al ont étudié les facteurs
obstétricaux associés à des tentatives de
suicide par méthodes violentes.
Parmi les
quatre facteurs étudiés (liquide amniotique méconial, présentation pathologique,
extraction instrumentale et réanimation
néonatale), ils constatent que le RR
d’autodestruction était respectivement
multiplié par 2,2 [1,3-3,6] et par 4,9 [1,8-13]
selon que l’on retrouvait un ou plusieurs
facteurs, mais uniquement chez les garçons.
Environ 20 % des schizophrénies seraient en
rapport avec des complications obstétricales,
la plupart des troubles psychiatriques étant
évidemment d’origine familiale ou liés à
l’environnement.
La relation pourrait être
directe, notamment lors d’un accouchement
où l’enfant a souffert d’un manque
d’oxygénation.
En effet, les lésions cérébrales
que l’on peut mettre en évidence chez les
sujets schizophrènes par tomodensitométrie,
en particulier les élargissements des
ventricules latéraux et du IIIe ventricule,
ressemblent aux aspects que l’on peut
observer comme séquelles de l’asphyxie
périnatale.
On peut aussi envisager un effet
indirect déclenché par l’angoisse maternelle
induite par les complications gravidiques ou
par la perturbation de la relation mèreenfant
provoquée par les difficultés de
l’accouchement.