Accidents d’évolution des dents de sagesse
Cours de Médecine Dentaire
Introduction
:
La 3e molaire ou « dent de sagesse » (DS) est, selon
Darwin, une dent en voie normale de disparition,
etc.
Pour l’instant, la pathologie qu’elle est susceptible
d’occasionner à un individu, au cours de son
évolution, reste un motif de consultation fréquent.
Les accidents des DS surviennent au moment de leur éruption
physiologique qui se situe, en moyenne, entre 18 et 25 ans : ce sont
les accidents d’évolution proprement dits, que l’on distingue du
classique accident de « désinclusion » survenant plus tardivement ;
leur dénominateur commun est l’infection qui peut entraîner des
complications graves, locorégionales ou à distance.
En règle générale, c’est la DS mandibulaire qui est la plus grande
pourvoyeuse de ce type d’accidents.
Les DS peuvent également être responsables d’accidents mécaniques au
niveau de la denture de voisinage, ou tumoraux et, dans ce cas, leur
découverte peut en être tout à fait fortuite : la DS peut être
incluse ou ectopique et n’avoir jamais fait parler d’elle
auparavant.
L’élaboration de ces dents, leurs conditions d’éruption sur les
arcades, leur environnement anatomique, rendent compte des
situations pathologiques habituellement rencontrées.
Élaboration des dents de sagesse :
Vers la 16e semaine de vie intra-utérine, à l’extrémité distale de
la lame dentaire primitive, apparaissent des digitations
épithéliales qui formeront les germes des 2e et 3e molaires
permanentes : la première molaire définitive occupe la partie
terminale postérieure de cette lame et son iter dentis est rattaché
à la crête gingivale.
Les ébauches des deux dents suivantes apparaissent comme des
dépendances des dents qui les précèdent : la 2e molaire se
différencie à partir du bourgeon de la 1re molaire et celui de la DS
à partir de celui de la 2e molaire.
Leur iter dentis est rattaché au gubernaculum de la 1re molaire et
non à la gencive.
Cette dent apparaît ainsi comme une dent de « remplacement » de la
dent précédente, qui va cependant évoluer derrière elle et non la
rhizalyser pour prendre sa place.
En effet, après la formation de leur couronne, ces deux dents
migrent progressivement vers la gencive en se verticalisant au
contact de la face distale de la molaire précédente, décrivant la
classique « courbe de Capdepont ».
Anomalies d’évolution des dents de sagesse et leurs conséquences :
Normalement, le processus de verticalisation aboutit à l’éruption de
la dent en bonne position sur l’arcade ; l’épithélium gingival se
continue sans interruption avec l’épithélium péricoronaire qui
disparaît au moment de la mise en place définitive de la couronne.
Puis la couronne va à la rencontre de ses antagonistes, tandis que
se termine l’édification des racines et du parodonte.
Le premier écueil à ce bon ordonnancement est le manque de place sur
l’arcade pour l’évolution de la dent : pour la 2e molaire, l’espace
postérieur est le plus souvent suffisant ; ce n’est pas toujours le
cas pour la DS inférieure notamment, coincée sous le bord antérieur
de la branche montante par insuffisance de l’espace rétromolaire.
De plus, cette dent se met en place à un moment où l’os mandibulaire
est mature : elle va devoir traverser un os particulièrement compact
dans cette région.
Le deuxième écueil peut être l’impossibilité pour la DS inférieure
de se verticaliser complètement, même en présence d’un espace
rétromolaire suffisant : un redressement d’axe trop important pour
la dent en formation peut être incriminé, de sorte que la dent
n’achève pas son trajet et sa couronne reste enclavée sous le collet
de la dent de 12 ans ; de plus, à une obliquité potentiellement
défavorable du germe se surajoute le développement vers l’arrière de
l’arc mandibulaire, qui entraîne également vers l’arrière l’ébauche
des racines en les incurvant.
Bien sûr, c’est sans compter une éventuelle malformation du germe,
une détérioration traumatique, voire iatrogène lors de l’avulsion
d’une 2e molaire, ou une tumeur bénigne qui lui ferme le chemin.
Au maxillaire, l’absence d’obstacle osseux permet à la DS de faire
plus facilement son éruption, soit en bonne position, soit plutôt en
vestibuloversion sur le versant inféroexterne de la tubérosité.
Pour expliquer l’inclusion de cette DS, en dehors d’une pathologie
du germe dentaire, Cauhépé évoque le rôle de la sangle
musculotendineuse ptérygoïdienne qui conditionnerait l’orientation
de croissance de l’os alvéolaire tubérositaire et repousserait en
avant la DS.
En fait, les deux étiologies qui viennent d’être exposées (manque de
place, défaut de verticalisation) paraissent le plus souvent
s’intriquer.
Il faut y ajouter le processus de « désinclusion » qui intervient
plus tardivement, après l’âge normal d’éruption : il s’agit alors
plutôt d’un « dégagement » secondaire de la dent, dû à une récession
gingivale et osseuse, ou causé par l’infection d’une poche
parodontale développée sur la face distale de la 2e molaire.
Ainsi, quel que soit le mécanisme incriminé, la résultante finale
est une DS dont la couronne est plus ou moins complètement exposée
sur l’arcade ; la partie restante est recouverte par un « capuchon
muqueux » ; la porte est ouverte aux accidents infectieux, dont la
pathogénie reste discutée.
La théorie de Capdepont attribue un rôle essentiel à la formation
d’une cavité péricoronaire au niveau de laquelle une prolifération
bactérienne est à l’origine des complications : la DS oblique en
avant vient buter sur la couronne de la 2e molaire, ce qui provoque
l’écrasement et l’ouverture du sac péricoronaire.
Une cavité se forme alors entre la
muqueuse buccale et le sac folliculaire qui a fusionné
avec elle.
Cette cavité est le lieu d’une
stagnation salivaire, d’accumulation de débris alimentaires
et de bactéries à l’origine d’une inflammation
puis d’une suppuration qui ne peut s’évacuer
complètement en raison du capuchon
muqueux qui fait obstacle en persistant partiellement
sur la couronne de la dent.
Pour d’autres, la survenue de l’infection est due
à la présence d’un kyste péricoronaire, cavité
réelle qui apparaît lors de la constitution de la dent
avant la fusion avec la muqueuse gingivale.
Cette
théorie expliquerait pourquoi certaines DS sont à
l’origine d’accidents de désinclusion tandis que
d’autres, dont la situation anatomique est comparable,
ne sont jamais à l’origine d’accidents d’évolution.
Cela a été confirmé histologiquement par de
nombreux auteurs.
Cliniquement, la présence
d’une cavité se vérifie en tentant d’introduire une
sonde entre la couronne dentaire et la muqueuse
qui la recouvre.
L’hypothèse selon laquelle l’apparition d’un
kyste péricoronaire pourrait être favorisée par un
obstacle mécanique n’est pas non plus exclue.
Enfin, la région de la DS, difficilement accessible
à un brossage rigoureux, est à l’origine de lésions
carieuses fréquentes.
Ces lésions carieuses peuvent
aussi survenir sur une dent incluse ou enclavée et
conduire à la mortification et à ses complications.
Environnement anatomique des dents
de sagesse :
A - Dent de sagesse supérieure :
De forme très variable, souvent naine, elle est
située dans la partie postéroexterne de la tubérosité
du maxillaire entre la 2e molaire supérieure en
avant, l’espace ptérygomaxillaire, en arrière et
plus particulièrement, à ce niveau, la sangle musculotendineuse
formée par les ptérygoïdiens, le ligament ptérygomaxillaire et le buccinateur, qui
cravate la tubérosité maxillaire.
En dehors, elle est contiguë au muscle buccinateur
et à la boule graisseuse de Bichat.
En dedans, le voile du palais est situé à l’aplomb
de la tubérosité du maxillaire et de l’aile interne de
l’apophyse ptérygoïde.
En haut et en avant, elle est en rapport avec le
fragile plancher du sinus maxillaire.
B - Dent de sagesse inférieure
:
Elle est moins inconstante dans sa forme que son
homologue supérieure ; ses rapports anatomiques
sont complexes.
En avant, la 2e molaire est le rapport primordial
rencontré par la DS : guide dans son évolution
normale, ou obstacle plus ou moins infranchissable.
Comme au niveau de l’arcade maxillaire, l’environnement
parodontal de cette dent est important à
prendre en compte.
En arrière, c’est la corticale osseuse dense du
trigone rétromolaire ou du bord antérieur de la
branche montante mandibulaire qui la recouvre
parfois en tout ou partie.
En bas, elle est en rapport avec le canal mandibulaire
et son contenu vasculonerveux, expliquant
les difficultés chirurgicales rencontrées lors des
avulsions et ce, d’autant qu’il existe une dysmorphose
radiculaire, une malposition ou une inclusion
dentaire.
En haut, elle est bien entendu en rapport avec
ses homologues antagonistes ; en cas de rétention
ou d’inclusion, elle n’est pas recouverte par de l’os
alvéolaire, mais par un os compact comme nous
l’avons vu.
En dehors, la DS est classiquement à distance de
la corticale externe et ce, d’autant qu’elle est plus
évoluée sur l’arcade.
L’angle mandibulaire est recouvert
par la puissante sangle massétérine et les
espaces de glissement celluleux situés au contact
de la face externe de la branche montante mandibulaire.
Par ailleurs, il existe une particularité anatomique
régionale qui est la gouttière buccinatomaxillaire qui vient s’ouvrir en avant dans la région
génienne au niveau du quadrilatère de moindre
résistance de Chompret.
En dedans, la DS est en relation plus ou moins
intime avec la corticale interne sur laquelle est
plaqué le nerf lingual ; ses apex se situent sous la
ligne d’insertion du muscle mylohyoïdien ; elle est
toute proche de l’espace para-amygdalien qui est
le carrefour stratégique des régions celluleuses cervicofaciales
en continuité avec les espaces médiastinaux.
Cette situation au sein d’un carrefour de régions
anatomiques profondes est importante à retenir.
Pour ce qui est de la diffusion d’une infection, la
position anatomique de la DS (incluse et plus ou
moins inclinée suivant différents plans de l’espace,
ou ectopique) peut influer dans une certaine mesure
sur la localisation initiale ; en fait, tous les
espaces communiquent, ce qui rend potentiellement
dangereux tout accident infectieux de cette
région.
Accidents infectieux
:
A - Péricoronarites :
1-
Péricoronarite aiguë congestive
:
C’est une inflammation du sac péricoronaire et de
la fibromuqueuse adjacente survenant au cours de
l’éruption de la dent dans la cavité buccale.
Sa
symptomatologie est celle rencontrée lors des accidents
de dentition, mais elle est exacerbée.
Elle se manifeste par une douleur spontanée de
la région rétromolaire.
L’examen retrouve une muqueuse
rouge, oedématiée, laissant apparaître une
partie de la couronne de la DS.
La pression est
douloureuse et peut faire sourdre un liquide sérosanglant.
Les empreintes des cuspides de la dent
antagoniste peuvent être observées sur ce capuchon
muqueux.
Dès ce stade, la radiographie panoramique permet
de se rendre compte des possibilités d’évolution
de la dent incriminée, ainsi que de la situation
des autres DS.
L’évolution est variable : soit l’accident guérit
avec la mise en place de la dent sur l’arcade ; soit
se constitue un des tableaux suivants.
2- Péricoronarite aiguë suppurée
:
C’est le classique « accident de la DS », qui succède
à la péricoronarite congestive ou en constitue l’épisode
inaugural.
Le sac péricoronaire est le siège
d’une infection.
Le patient se plaint de douleurs plus intenses,
qui deviennent insomniantes, avec otalgies violentes.
La péricoronarite s’accompagne d’un trismus,
d’une dysphagie, d’une gêne à la mastication et
parfois d’une fébricule.
Malgré le trismus, on peut observer une muqueuse rouge, oedématiée
jusqu’au pilier antérieur et au sillon gingivojugal.
Il
existe une adénopathie régionale douloureuse.
La pression extrêmement douloureuse du capuchon
muqueux laisse sourdre un liquide purulent.
Chaque accident permet à la dent de se dégager
un peu plus lorsqu’il régresse ou bien évolue vers
une abcédation ou le passage à la chronicité.
3- Péricoronarite chronique
:
Les douleurs s’atténuent, avec quelques périodes
de réchauffement qui sont parfois traitées médicalement
sans geste sur la porte d’entrée.
Une adénopathie
sous-maxillaire est fréquente, indolore.
Dans cette forme, il existe une suppuration chronique
du sac péricoronaire entraînant une fétidité de
l’haleine.
B - Accidents muqueux
:
Ils succèdent ou accompagnent une péricoronarite.
On décrit des ulcérations de la région du trigone rétromolaire, des gingivostomatites de gravité variable,
allant de la gingivite érythémateuse aux
formes ulcérées et ulcéromembraneuses.
Dans ce
cadre, citons la forme classique décrite par Chompret
: la « stomatite odontiasique » : c’est une
gingivite érythémateuse qui évolue très rapidement
vers une forme ulcérée et se propage à une
hémiarcade, voire aux deux.
Elle s’accompagne
d’une altération de l’état général, avec asthénie,
fièvre et anorexie liée à la douleur, et d’une réaction
ganglionnaire.
Ces gingivostomatites peuvent se compliquer
d’une angine ulcéromembraneuse de Vincent homolatérale
et de pharyngites.
C - Accidents cellulaires :
Ils compliquent une péricoronarite qui échappe au
traitement ou qui a été négligée ; l’infection se
propage en sous-gingival vers les espaces celluleux
adjacents.
Ils peuvent être provoqués également
par la mortification de la DS due à la carie, même
sur dent complètement incluse, ou à une
atteinte parodontale profonde (cul-de-sac parodontal
entre 2e et 3e molaires) ; l’infection se
propage par voie transosseuse.
Ces infections peuvent
être aiguës circonscrites, diffuses d’emblée,
ou subaiguës.
1- Cellulites aiguës
:
Nous rappelons ici les différentes formes cliniques
qui peuvent s’observer à partir d’un accident
d’évolution des DS.
* Cellulites à évolution externe
Abcès buccinatomaxillaire de Chompret-L’Hirondel :
C’est le classique « abcès migrateur » ; il se
forme en dehors et en avant.
La collection chemine
dans le tissu cellulaire compris entre la table osseuse
externe et le buccinateur ; le soulèvement
muqueux vestibulaire, parfois discret, est centré
en regard de la dent causale.
Au bout de quelque
temps se développe une tuméfaction génienne appliquée
sur la partie moyenne de la face externe de
la mandibule, alors que les régions mentonnières et
angulaires sont libres.
L’examen clinique et radiographique
de l’arcade dentaire homolatérale ne
retrouve pas de dent mortifiée et objective le foyer
causal ; la pression de la collection externe qui
permettrait de voir sourdre du pus dans la région de
la DS est caractéristique.
2- Abcès massétérin :
Il va se collecter en arrière et en dehors.
Sa symptomatologie
est dominée par un trismus serré, des
douleurs violentes qui rendent l’examen difficile :
la collection fait corps avec la face externe de
l’angle mandibulaire, tandis que la tuméfaction
vestibulaire se situe en dehors du bord antérieur de
la branche montante.
Le danger est la diffusion de
la collection vers les espaces infratemporaux et
vers la face interne de la mandibule via l’échancrure
sigmoïde.
La séquelle classique de ce type d’abcès est la constriction permanente due à l’involution
fibreuse des masses musculaires régionales.
* Cellulites à évolution interne :
Elles sont graves de par leur retentissement précoce
et rapidement évolutif sur la filière respiratoire.
L’abcès sous-mylohyoïdien est responsable d’une
collection qui fait corps avec le bord basilaire de la
branche horizontale mandibulaire, puis s’étend
vers l’espace sus-hyoïdien latéral pour évoluer vers
les téguments cervicaux.
L’abcès sus-mylohyoïdien donne une tuméfaction
collée à la table interne de la branche horizontale.
Les signes fonctionnels sont importants : douleur,
trismus, dysphagie ; leur exacerbation rend
compte de la diffusion de la collection vers le
plancher buccal et l’oropharynx : c’est l’urgence en
matière de pathologie due aux DS.
* Cellulites postérieures
:
Inaugurales, ou plus souvent extension de la cellulite sus-mylohyoïdienne, elles en partagent le
même pronostic évolutif.
Elles se collectent au
niveau de la face interne de la mandibule, soulevant
le pilier antérieur et le voile et sont à distinguer
du phlegmon périamygdalien.
Le danger est la possible diffusion du processus
infectieux vers le médiastin via l’espace sousparotidien
antérieur.
Il a été décrit une forme de cellulite plus spécifique
à la DS supérieure, le phlegmon susamygdalien
de Terracol : la tuméfaction siège audessus
de l’amygdale, sous forme oblongue,
soulevant une muqueuse lisse et rouge ; le trismus
est beaucoup plus modéré.
Le danger reste la diffusion
aux espaces parapharyngés.
* Cellulites diffuses :
Elles peuvent constituer l’évolution d’une cellulite
circonscrite et sont alors qualifiées de « diffusées
» ; elles s’opposent aux cellulites d’emblée
diffuses, qui sont des fasciites nécrosantes au pronostic
très défavorable du fait de leur toxicité et du
fait de leur extension rapide aux tissus cervicaux et
médiastinaux.
3-
Cellulites subaiguës :
Le patient se plaint d’une tuméfaction persistante
ou en augmentation de volume, évoluant depuis
plusieurs semaines ; l’épisode infectieux initial n’a
pas conduit à un traitement étiologique.
La tuméfaction sous-cutanée angulaire est sensible,
mais devient inflammatoire, douloureuse au
moment des poussées, avec constitution d’un véritable
blindage sur la face externe de la mandibule ;
bien entendu, l’ouverture buccale se limite au
cours de cet épisode. Une fistule cutanée ou muqueuse
peut être observée avec écoulements purulents
itératifs, pérennisant cette évolution chronique.
La dent en cause est désignée par la
constatation d’une masse corticale externe au
contact d’un foyer de péricoronarite.
Ce tableau peut être dû à un traitement incomplet
; mais bien plus, sa persistance, voire son
passage à la chronicité doit faire évoquer un tableau
d’infection spécifique, ou tumoral, et faire
pratiquer les prélèvements indispensables.
D - Accidents ganglionnaires
:
Ils accompagnent une inflammation ou une infection
muqueuse ou cutanée.
Les premiers relais ganglionnaires
des régions molaires et rétromolaires
sont les ganglions sous-angulomandibulaires et
sous-maxillaires.
1- Adénite congestive :
Elle est banale : cette petite tuméfaction sensible
de la région sous-maxillaire attire l’attention du
patient chez qui s’installe une péricoronarite
aiguë.
Les ganglions sont augmentés de volume,
sensibles à la palpation, souples.
Cette adénite
peut parfois évoluer vers la suppuration.
2- Adénite suppurée :
La péricoronarite causale ne cède pas et se surinfecte.
Le ganglion satellite devient franchement
douloureux, augmente rapidement de volume et
devient rénitent. Une réaction inflammatoire localisée
masque ses contours.
Des signes généraux
(fièvre, asthénie) s’installent.
Non traitée, ou chez
un malade aux défenses immunitaires altérées, elle
peut évoluer vers un adénophlegmon.
3- Adénophlegmon :
C’est la diffusion de l’infection aux espaces celluleux
adjacents de l’adénite.
Il se manifeste par une
tuméfaction très douloureuse, insomniante, sousmandibulaire
mal limitée dissimulant les reliefs de
la mandibule.
Le patient est gêné par un trismus
serré par atteinte du masséter, voire par un torticolis
par contracture du muscle sterno-cléidomastoïdien.
Les signes généraux sont marqués avec
fièvre, frissons et asthénie.
Localement, la peau
est inflammatoire.
La zone ganglionnaire, centrale,
est dure et extrêmement sensible, la zone périphérique
est oedémateuse et garde le godet.
Le diagnostic
différentiel est celui d’une cellulite sousmylohyoïdienne
en début d’évolution, qui reste à
vrai dire le diagnostic le plus évoqué de nos jours.
E - Accidents osseux
:
Comme tous les accidents infectieux, ils sont essentiellement
observés au niveau mandibulaire.
1- Ostéite subaiguë :
Elle se constitue rarement d’emblée ; elle s’installe
dans les suites d’un accident infectieux d’évolution
lente et doit faire rechercher un facteur
favorisant local (irradiation cervicale) ou général
(immunodépression, diabète).
2- Ostéite chronique
:
Elle est rare ; elle provoque une tuméfaction de
l’angle mandibulaire sensible, recouverte par des
téguments érythémateux, peu inflammatoires, où
peut parfois être observée une fistule cutanée.
Il
peut exister une anomalie de la sensibilité dans le
territoire du nerf alvéolaire inférieur.
La radiographie
montre des corticales épaissies entourant un
foyer de densification osseuse ; au maximum se
trouve ainsi réalisée une forme hyperostosante.
La survenue d’une ostéite reste enfin une complication
classique de l’avulsion d’une DS, après
alvéolite, fracture, etc.
F - Accidents sinusiens :
La DS supérieure est en relation avec le sinus maxillaire
; mais c’est surtout la mortification de cette
dent après évolution sur l’arcade qui est responsable
de sinusites et non un accident d’évolution.
La
pathologie sinusienne d’origine dentaire évolue essentiellement
selon un mode subaigu ou chronique,
se traduisant par des signes unilatéraux (obstruction
nasale, jetage plus ou moins purulent avec
cacosmie).
Même en cas de très volumineux développement,
un kyste péricoronaire refoule à sa périphérie une
cavité sinusienne, dont la muqueuse est en règle
générale saine, et n’est pas, en général, responsable
d’infection sinusienne.
G - Accidents vasculaires d’origine infectieuse
:
Exceptionnelles, mais gravissimes, les thrombophlébites craniofaciales peuvent survenir par embolie
septique ou suppuration chronique.
Leur localisation
est, soit superficielle, facio-ophtalmique,
soit profonde, ptérygoïdienne.
Elles peuvent, en
l’absence de traitement, aboutir à de graves séquelles
oculaires, ou nerveuses.
H - Accidents infectieux à distance :
Dès lors que la pathologie dont est responsable une
DS constitue un tableau d’infection subaiguë ou
chronique, une infection focale à distance par dissémination vasculaire peut être redoutée.
Partant
de ce foyer, les bactériémies peuvent contaminer
le coeur (endocardites sur pathologie valvulaire ou
autre), le rein (greffons, glomérulonéphrites), l’appareil
pulmonaire (infections à répétitions), l’oeil
(uvéites, iridocyclites) ; l’infection autour de prothèses
orthopédiques a été également signalée.
Accidents mécaniques
:
Leur survenue permet souvent de révéler la présence
d’une DS incluse ou enclavée.
A - Lésions de la face distale de la 2e molaire :
Ces accidents sont d’autant plus probables que la
DS est en situation mésioversée et bloquée par la 2e
molaire.
L’appui continu de la couronne de la 3e molaire
sur la face distale de la 2e peut provoquer des
lésions carieuses du collet ou de la couronne.
Lorsque l’appui et les phénomènes de pression
s’effectuent plus bas au niveau de la racine de la
dent, ils peuvent provoquer une rhizalyse et
conduire à la mortification ; bien souvent se constitue
également une alvéolyse localisée aboutissant
à la création d’un foyer parodontal difficile d’accès
pour les soins d’hygiène et dont les conséquences
ont été précédemment évoquées.
B - Troubles de l’articulé dentaire :
La pression d’éruption des DS, surtout lorsqu’elles
sont en position mésioversée, peut être à l’origine
de rotations et chevauchement au niveau des secteurs
prémolaires et molaires ; il s’agit d’une dysharmonie
dentomaxillaire postérieure.
En revanche, l’existence d’une dysharmonie dentomaxillaire antérieure, se traduisant notamment
par un chevauchement incisif, était classiquement
considérée comme la résultante d’une force
mésiale provoquée par les DS : à ce jour, aucune
preuve scientifique ne peut venir confirmer ce
point de vue.
Il en est de même des troubles des articulations temporomandibulaires considérés comme la conséquence
de ces modifications d’articulé (Agence
nationale d’accréditation et d’évaluation en santé
[Anaes]) ; cependant, l’expérience clinique montre
que des douleurs des articulations temporomandibulaires
peuvent être mises sur le compte d’une
modification de la cinétique mandibulaire apparaissant
lors du contact douloureux du capuchon
muqueux inflammatoire par la dent antagoniste ; il
s’agit d’une occlusion de convenance temporaire
qui s’installe à titre antalgique.
C - Lésions muqueuses mécaniques :
L’éruption en position vestibulaire de la DS supérieure
est responsable de traumatismes de la muqueuse
jugale qui peuvent probablement être évoqués,
par leur chronicité, dans l’installation de
lésions leucoplasiques, voire plus agressives.
Les prothèses adjointes sont parfois accusées de
favoriser la désinclusion de DS : la muqueuse est
détruite entre la couronne dentaire et la prothèse ;
bien souvent, il est observé une ankylose entre les
racines de la DS et l’os environnant éburné.
D - Fragilisation de l’angle mandibulaire :
La présence d’une DS inférieure incluse au niveau
de l’angle mandibulaire rompt les lignes de résistance
de cette région et constituerait logiquement
une zone de fragilité par laquelle passe le trait de
fracture.
L’étude de Lee confirme le fait que la
présence d’une DS double le risque de fracture
angulaire ; elle montre, en revanche, qu’il n’y a pas
de corrélation significative entre la position de la
dent incluse et le pourcentage de risque.
Bien sûr, la DS incluse dans le foyer reste une
menace d’infection à prendre en compte dans le
traitement d’une fracture angulaire.
Accidents kystiques
:
A - Kystes marginaux et latéraux
:
Ils se forment à partir du sac péricoronaire.
Le kyste marginal postérieur se développe à la
face distale de la couronne de la DS inférieure et
forme, sur la radiographie, un croissant clair encochant
la branche montante.
Le kyste marginal antérieur se situe à la face
antérieure de la couronne d’une DS inférieure en version mésiale et forme un croissant radioclair
sous la couronne de cette dent ; il est difficile de le
distinguer d’un foyer parodontal, bien banal dans
cette situation.
Le kyste latérodentaire se développe à la face
vestibulaire des racines ou de la couronne de la
dent.
Sur la radiographie, l’image kystique est superposée
à celle des racines.
B - Kystes dentigères (péricoronaires)
:
Ils se constituent par accumulation de sérosités
entre la couronne de la dent déjà formée et l’épithélium
de l’émail devenu inactif, ou bien, ils pourraient
se former en dehors du follicule dentaire,
aux dépens d’îlots épithéliaux de voisinage inclus
dans le conjonctif.
Ils sont parfois diagnostiqués fortuitement : une
radiographie panoramique est demandée dans un
bilan systématique et permet de découvrir une
lésion qui évolue sans doute depuis longtemps et
n’a jamais occasionné de souci particulier.
Le plus souvent, un retard d’éruption dentaire
asymétrique, l’apparition d’une tuméfaction, volontiers
de siège mandibulaire, la survenue
d’un épisode infectieux périmaxillaire conduisent
à demander le bilan radiographique.
L’image
observée est radioclaire, régulière, presque toujours
uniloculaire, avec un liseré de condensation
périphérique ; elle englobe la couronne de la dent
incluse, les parois du kyste venant s’insérer à son
collet.
On peut observer une rhizalyse des dents
adjacentes, traduisant l’évolution lente et progressive
du kyste, et parfois un refoulement
des germes ou des dents adjacentes de la dent
causale.
Selon la taille du kyste, la dent peut se
trouver en situation ectopique, refoulée dans le
condyle mandibulaire, le coroné ou dans le sinus
maxillaire, avec un kyste qui l’occupe en entier.
L’examen anatomopathologique de toute la pièce
opératoire est indispensable pour confirmer le diagnostic
et surtout éliminer une greffe améloblastique.
De façon très exceptionnelle, il a été rapporté
le développement d’un carcinome épidermoïde ou
mucoépidermoïde à partir de l’épithélium kystique.
Autres accidents
:
Toute une symptomatologie hétéroclite a pu être
qualifiée d’accidents dus aux DS et rangée sous
l’appellation « accidents réflexes », prenant en
compte le fait que les DS se situent dans des régions
richement vascularisées et innervées par les nombreuses
branches du nerf trijumeau ; la physiopathologie
des maladies évoquées fait appel à des
phénomènes vasomoteurs, ou d’irritation réflexe,
pour expliquer : les troubles trophiques (pelade),
musculaires (spasme, tic, torticolis), sécrétoires (sialorrhée, larmoiement), vasculaires (érythème,
acouphènes), neurologiques (algie inexpliquée, hypoesthésie,
paralysie faciale ou oculaire).
Aujourd’hui, ce concept est pour le moins
controversé ; pour ce qui concerne la DS inférieure,
au terme d’une étude bibliographique exhaustive,
l’Anaes conclut (en 1997) « qu’il n’existe aucun
argument scientifique prouvant la relation de cause
à effet entre la présence d’une 3e molaire mandibulaire
en désinclusion et l’une quelconque de ces
manifestations ».
À l’évidence, le problème est de dépister une
cause systémique ou locorégionale, notamment tumorale
profonde, devant des signes sémiologiques
disparates.
Traitement
:
Nous avons vu que les accidents d’évolution des DS
étaient nombreux dans leur localisation et leur
type.
Nous ne détaillons pas la prise en charge
thérapeutique de chaque type d’accident mais les
grandes lignes de traitement, notamment des complications
infectieuses qui sont les plus fréquentes.
Dans tous les cas, l’indication d’extraction de la
DS responsable ne peut être posée qu’après un
bilan clinique et radiologique permettant de se
rendre compte d’éventuelles difficultés opératoires
et d’en apprécier le possible retentissement
général, ou fonctionnel locorégional, dont on avertira
le patient.
A - Traitement des complications infectieuses :
1- Péricoronarites :
Un premier accès de péricoronarite congestive nécessite
des soins locaux comportant des bains de
bouche antiseptiques, la prescription d’antalgiques
et l’application méticuleuse d’acide trichloracétique
dilué sur le capuchon muqueux inflammatoire.
L’acide trichloracétique peut causer très rapidement
des brûlures de la muqueuse adjacente et il
faut veiller à ne pas toucher lèvres et muqueuses en
insérant le coton imbibé dans la cavité buccale.
Lorsque les accès se répètent, l’indication d’avulsion
de la dent causale est posée à froid.
Les péricoronarites suppurées nécessitent une
antibiothérapie visant les streptocoques et les germes
anaérobies ; il peut être recommandé en première
intention les associations macrolidemétronidazole
ou bêtalactamine-métronidazole,
prescrites en plus des antalgiques et bains de bouche
habituels.
C’est à froid que l’avulsion de la DS est réalisée.
2- Lésions carieuses
:
Lorsque celles-ci sont importantes et ne sont pas
accessibles à une restauration, l’avulsion est indiquée.
3- Accidents muqueux
:
Les ulcérations répétées conduisent le plus souvent
à l’avulsion de la DS causale.
Quant aux gingivostomatites, leur lien avec
l’évolution d’une DS n’est pas toujours évident en
l’absence de signes locaux.
Un traitement symptomatique
est préconisé, mais c’est l’absence d’amélioration
ou la récidive qui fait poser l’indication
d’avulsion.
4- Accidents cellulaires
:
Les cellulites aiguës causées par les DS sont dangereuses
parce qu’elles intéressent, comme nous
l’avons vu, les structures postérieures de la cavité
buccale et de l’oropharynx ; elles sont préoccupantes
aussi parce que difficiles à prendre en charge
parfois de façon simple, en raison de leur retentissement
sur l’état général, du trismus gênant le
geste opératoire, ou lorsque des difficultés d’avulsion
sont prévisibles du fait de la morphologie et/ou
de la situation de la dent.
En effet, le geste étiologique sur la porte d’entrée
infectieuse est l’extraction de la dent, mais
aussi l’ablation de tout le tissu habituellement fongueux
et inflammatoire qui s’est développé autour
de l’inclusion ; cela pour rappeler également que
ce n’est pas l’antibiothérapie qui est le traitement
de la porte d’entrée.
Au stade de cellulite séreuse, l’avulsion peut
être encore parfois effectuée sous anesthésie locale,
sinon il vaut mieux procéder comme dans le
cas suivant d’autant plus que l’état général est
atteint par la durée d’évolution, la douleur, la
fatigue du patient, etc.
Au stade de cellulite suppurée, le drainage de la
collection est nécessaire en urgence, sous anesthésie
générale : c’est la seule façon de soulager
efficacement le patient, en réalisant d’emblée un
traitement complet.
Une analyse bactériologique
permet d’adapter l’antibiothérapie.
Ce schéma de traitement complet en un temps
s’impose quand un foyer infectieux doit être impérativement
éradiqué du fait d’une pathologie générale
associée ; il est recommandé en cas d’évolution
traînante, subaiguë, encore trop souvent due à
la prescription isolée d’une antibiothérapie à
l’aveugle.
5- Accidents ganglionnaires :
Leur traitement est confondu avec celui de la dent
causale ; ils régressent sous antibiothérapie le plus souvent.
L’adénophlegmon collecté requiert un
drainage chirurgical.
6- Accidents osseux
:
En règle générale, l’abord chirurgical du foyer est
indiqué pour prélèvements bactériologiques standard
et spécifiques, biopsies, et éradication du
foyer causal ; parfois, le geste osseux associé est
d’emblée une séquestrectomie.
Le traitement antibiotique doit être adapté,
mais délicat en raison du faible tropisme osseux des
antibiotiques.
Cette antibiothérapie à doses efficaces
est donc prolongée.
Dans certains cas, un curetage du foyer d’ostéite,
une décortication, sont indiqués, encadrés
par l’antibiothérapie.
Le traitement d’une anomalie générale pouvant
favoriser le développement de l’ostéite doit évidemment
être mis en oeuvre.
7- Accidents sinusiens
:
Leur traitement comporte une antibiothérapie, la
suppression de la cause, c’est-à-dire l’avulsion de
la DS.
Parfois, une ponction-drainage du sinus s’impose.
La survenue d’une communication buccosinusienne
est à redouter dans les suites d’accidents
sinusiens ; elle doit être prévenue par une fermeture
buccosinusienne soigneuse lors de l’avulsion
de la dent causale et après avoir éradiqué tout
foyer infectieux sinusien, sous peine d’échec et de
passage à la chronicité.
8- Accidents vasculaires d’origine infectieuse
:
Leur diagnostic nécessite la mise en route en urgence
d’une antibiothérapie intraveineuse massive
et d’un traitement anticoagulant.
9- Accidents infectieux à distance :
Sur des terrains favorisant la survenue de greffe
bactérienne, comme les patients valvulaires,
l’avulsion sous antibioprophylaxie des DS en désinclusion
est préconisée.
B - Traitement des accidents mécaniques
:
1- Lésions de la deuxième molaire :
Après avulsion de la DS traumatisante, son avulsion
dépend des possibilités de restauration endodontiques
et bien évidemment du degré d’atteinte de
l’environnement parodontal causé par la mésioversion
de la DS.
2- Fractures de l’angle mandibulaire :
L’avulsion est recommandée, sauf lorsqu’elle compromet
la stabilité de la réduction ; une surveillance
attentive doit être instituée dans l’évolution
secondaire de la fracture.
L’indication
d’avulsion est recommandée après consolidation de
façon concomitante avec l’ablation du matériel de
contention.
Traitement des accidents kystiques
:
Leur traitement est chirurgical et comprend l’énucléation
kystique soigneuse et l’avulsion de la DS en
cause.
Parfois, l’avulsion des dents adjacentes refoulées
par le kyste est nécessaire si les conditions
d’exérèse ne sont pas satisfaisantes sans ce geste.