Abcès non parasitaires du foie Diagnostic et conduite à tenir Cours d'Hépatologie
Épidémiologie
:
A - Incidence :
Elle est relativement faible et lentement progressive sur des séries autopsiques.
Les résultats de deux séries consécutives provenant de la même
institution montrent une incidence de 0,4 % des autopsies entre 1934
et 1958 et de 0,57 % de 1959 à 1968.
En revanche, l’incidence a nettement augmenté de 13/100 000 admissions entre 1952 et 1972, à plus de 20/100 000 dans deux des plus grands centres nord-américains, tendance confirmée par d’autres séries récentes.
Cette progression est imputée
à l’amélioration des techniques radiologiques et à l’utilisation des moyens de
plus en plus invasifs dans la prise en charge des cancers périampullaires et
hépatobiliaires.
B - Âge et sexe
:
L’AF était, selon Ochsner et de Bakey, une pathologie du sujet jeune.
Dans
leur travail datant de 1938, l’âge moyen était de 30 ans.
Les séries récentes
objectivent une stabilisation de l’âge moyen entre la sixième et la septième
décennie.
La nette prépondérance masculine des séries
anciennes a presque disparu.
C - Anatomopathologie
:
L’AF peut être unique ou multiple, macroscopique de diamètre supérieur ou
égal à 2 cm ou microscopique d’un diamètre de quelques millimètres .
L’abcès correspond à une cavité néoformée créée par la nécrose du
parenchyme hépatique induite par l’agent pathogène.
Les parois sont formées
par du tissu hépatique dénaturé hébergeant habituellement le ou les germes
responsables.
L’abcès contient du pus parfois fétide (surtout en cas
d’infection aux germes anaérobies) et souvent des débris nécrotiques.
Les
abcès peuvent être superficiels, sous-capsulaires avec une composante
inflammatoire périhépatique, ou profonds, enchâssés dans le parenchyme.
Les macroabcès sont uniques dans 50 à 70 %des cas et situés dans le lobe
droit dans plus de deux tiers des cas.
Ils correspondent souvent à
une contamination hépatique par voie portale.
Cette localisation serait
imputée au flux mésentéricoportal préférentiel vers le lobe droit.
Dans
30 à 60 % des cas, les macroabcès sont multiples, répondant à une étiologie
biliaire avec une pathologie maligne sous-jacente dans près de la
moitié des cas.
Les abcès multiples sont également répartis dans les deux
lobes.
Les abcès microscopiques ou diffus réalisent les classiques abcès miliaires du
foie.
– dissémination artérielle au cours des états septicémiques sévères, en
particulier en cas d’endocardite bactérienne et/ou chez les
immunodéprimés, des microabcès sont alors retrouvés au niveau d’autres
organes.
L’aspect histologique peut permettre de distinguer les microabcès d’origine
portale qui ont un développement périportal et les microabcès d’origine
biliaire à développement péricanalaire.
Étiologie
:
A - Physiopathogénie
:
La bactériémie portale est un phénomène physiologique.
Cependant,
l’activité antibactérienne du complexe réticuloendothélial hépatique est
intense et les hépatocultures sur foie sain sont stériles.
La survenue d’un
AF correspond à un déséquilibre entre la contamination bactérienne et les
moyens de résistance hépatique à l’infection, comme en cas d’inoculation
massive et répétée, en cas de déficit immunitaire et/ou en cas d’anomalie
hépatique.
Ainsi, certains états morbides sont fréquemment associés aux AF
et constituent des facteurs favorisants : diabète, cancer,
immunodépression, alcoolisme, corticothérapie, cirrhose, foie cardiaque...
Des antécédents de chirurgie abdominale, en particulier gastroduodénale,
sont souvent retrouvés.
L’étiologie est classiquement divisée en six catégories selon la voie
d’inoculation qui peut être biliaire, portale, artérielle, par contiguïté ou posttraumatique.
Dans un certain nombre de cas, la cause reste mal élucidée et
l’abcès est dit « cryptogénétique ».
1- Abcès d’origine biliaire : 30 à 70 %
Ils représentent toujours la cause la plus fréquente d’AF.
Il s’agit souvent
d’abcès secondaires à une obstruction biliaire compliquée d’angiocholite, le
germe atteignant le foie par voie canalaire ascendante.
Les causes malignes forment actuellement plus de la moitié desAF d’origine
biliaire : cancers des voies biliaires, périampullaire et de la vésicule.
L’usage de plus en plus étendu des prothèses biliaires a été sans doute le
facteur favorisant.
Les causes bénignes sont dominées par la lithiase de
la voie biliaire principale, la forme intrahépatique étant rare en Occident.
Les
autres causes biliaires bénignes sont beaucoup plus rares : sténose biliaire
postopératoire, cathétérisme diagnostique ou thérapeutique transhépatique ou rétrograde, anastomose biliodigestive.
2- Abcès d’origine portale : 10 à 20 %
Ils correspondent à des bactériémies portales massives.
La majorité des AF
d’origine portale n’est plus associée à une pyléphlébite.
Ces AF sont
souvent uniques mais peuvent être multiples en cas de pyléphlébite
secondaire à une diverticulite, celle secondaire classiquement à
l’appendicite aiguë ayant quasiment disparu.
Les causes actuelles d’AF
d’origine portale sont les complications de la maladie diverticulaire colique,
les cancers gastriques ou coliques infectés, les suppurations anorectales, les
abcès pancréatiques, les perforations digestives, les suppurations intraabdominales
postopératoires et les maladies inflammatoires (rectocolite
hémorragique et maladie de Crohn).
Au cours de ces dernières, les
bactériémies portales sont fréquentes mais les AF sont rares.
3- Abcès d’origine artérielle : 5 à 10%
Ces abcès sont le plus souvent dus à une bactériémie passagère.
Ils sont
généralement macroscopiques et uniques.
Les portes d’entrée peuvent être
une septicémie d’origine variable chez les immunodéprimés, une
endocardite, une staphylococcie cutanée, une infection urogénitale, une infectionORLou dentaire, une pneumopathie ou une ostéomyélite.
4- Abcès par contiguïté : 1 à 5%
Ces suppurations intrapéritonéales de voisinage entraînant une effraction de
la capsule de Glisson sont devenues rares avec le développement de
l’imagerie moderne (TDM, échographie) permettant un diagnostic précoce et
une antibiothérapie efficace.
Il peut s’agir d’un ulcère térébrant ou d’un abcès sous-phrénique ou soushépatique
postopératoire ou spontané (ulcère perforé).
Un cas particulier est
réalisé par certaines cholécystites aiguës entraînant une suppuration du
parenchyme adjacent.
Abcès post-traumatique : 1 à 3%
Ils sont secondaires à une contusion ou une plaie hépatique et correspondent
à la surinfection d’un hématome intrahépatique ou d’une zone
dévitalisée.
5- Abcès cryptogénétique : 10 à 40 %
Il s’agit d’abcès pour lesquels aucun foyer infectieux causal ne peut être
retrouvé.
Plusieurs séries récentes les considèrent comme les plus
fréquents.
Ces abcès seraient soit d’origine artérielle, secondaires à des bactériémies
décapitées ou passées inaperçues, soit d’origine portale avec ou sans pyléphlébite occulte.
Ces abcès doivent rester un diagnostic
d’élimination.
B - Formes particulières
:
1- Abcès de l’enfant
:
Ils sont rares et doivent faire évoquer un état d’immunodépression
(leucose) ou une granulomatose chronique familiale.
Chez le nouveau-né,
l’infection ombilicale peut être à l’origine d’AF par voie portale avec ou sans pyléphlébite et les listérioses néonatales peuvent être compliquées d’AF.
2- Abcès du foie des malades atteints de cancer
:
Deux sous-groupes sont distingués : les abcès fongiques des sujets jeunes
porteurs de leucoses et les abcès bactériens des sujets âgés ayant une tumeur
solide.
Dans le premier groupe, la chimiothérapie est le facteur initiateur
majeur et dans le deuxième, on retrouve le plus souvent la notion de
manipulation diagnostique ou thérapeutique des voies biliaires.
3- Abcès du foie à composante gazeuse
:
Ils forment 10 à 20 % des AF.
Un diabète mal contrôlé est très
fréquemment retrouvé. Le mécanisme est mal élucidé.
Les bactéries
anaérobies sont isolées dans 20 % des cas.
Cette forme est associée à
une mortalité élevée, aux alentours de 30 %.
4- Abcès du foie dans le syndrome de l’immunodéficience acquise
:
Il sont très graves.
L’origine fongique est fréquente.
La mortalité peut
aller jusqu’à 80 %.
Bactériologie
:
L’identification et l’antibiogramme du ou des germes pathogènes sont
essentiels.
L’isolement des germes peut se faire à partir de pus de l’abcès et/ou
par les hémocultures systématiques et répétées.
Un troisième site possible de
prélèvement est la bile, option de plus en plus utilisée ces dernières années,
du fait de l’usage des prothèses biliaires.
Enfin, l’hépatoculture (paroi de
l’abcès) peut rarement être effectuée pour l’isolement des germes. Les
techniques de prélèvement et de culture doivent être rigoureuses, surtout pour
les germes anaérobies.
La culture du pus de l’abcès est positive dans 70 à 97 %
des cas.
Les hémocultures sont positives dans 60 à 82 % des cas. Les
cultures de bile sont positives dans 70 à 93 % des cas.
Le polymicrobisme est fréquent (20 à 60 %), en particulier en présence de
germes anaérobies. Il semble que les abcès solitaires soient plus fréquemment
polymicrobiens que les abcès multiples (63 % contre 30 %).
Les germes les plus souvent rencontrés sont les bacilles à Gram négatif (40 à
60 %) et les bactéries anaérobies (40 à 50 %).
La fréquence de ces dernières a
été augmentée par l’amélioration des techniques de culture.
Le
groupe des bacilles à Gram négatif est codominé par Escherichia coli et les
klebsielles tandis que Bacteroides fragilis est le chef de file des germes
anaérobies.
Les streptocoques et les staphylocoques peuvent être rencontrés
notamment dans les abcès d’origine hématogène systémique.
Les agents
fongiques (notamment Candida) sont trouvés dans les abcès multiples des
malades immunodéprimés ou atteints de cancer.
Dans 5 à 10%des cas, le pus
peut rester stérile, correspondant alors à des défauts de culture des germes
anaérobies, à des formes décapitées par l’antibiothérapie, à des amibiases
méconnues ou à des mycoses.
Selon l’étiologie, il semble qu’il y ait des différences dans les taux de
positivité des cultures.
Ainsi, les abcès cryptogénétiques sont associés aux
taux de culture positive les plus bas.
Histoire naturelle et pronostic
:
En l’absence de traitement, les AF sont constamment mortels.
Les
complications peuvent être locorégionales ou générales : rupture pleuropulmonaire, sous-phrénique, péritonéale, insuffisance hépatocellulaire,
septicémie.
Avant l’ère de la scintigraphie, le diagnostic était souvent porté
en post mortem et les taux de mortalité atteignaient 60 à 80 %.
Avec
l’apparition des techniques d’exploration isotopiques, la mortalité a chuté à
des taux de 30 à 50 %.
Néanmoins, c’est l’avènement de
l’échotomographie et de la TDM qui a transformé le diagnostic, le traitement
et le pronostic de cette affection.
La mortalité dans les séries chirurgicales
publiées depuis l’utilisation de ces techniques est d’environ 10 à 40 %
jusqu’aux années 1980.
En dépit de l’amélioration de ces techniques, du
perfectionnement de l’antibiothérapie et des changements de la prise en
charge thérapeutique, la mortalité au début des années 1990 pouvait atteindre
10 à 25%.
Les séries récentes avancent des chiffres oscillant entre
6 et 18%.
Les facteurs de risque identifiés par ces études
seraient l’âge, l’anémie, l’hyperleucocytose, l’insuffisance rénale, l’ictère,
l’hypoalbuminémie, la malignité et la présence d’un épanchement pleural.
Diagnostic positif
:
A - Clinique
:
La fièvre est le signe le plus constant (80 à 95 %des cas).
Il peut s’agir d’une
fièvre de type septicémique en « clochers » avec frissons (50 % des cas) ou,
au contraire, d’une fièvre au long cours.
La douleur abdominale est présente
dans 50 à 70 % des cas.
Elle peut faire défaut chez les malades porteurs de
prothèses biliaires ou en cas d’abcès microscopiques ou être erratique
(diffuse, épigastrique ou basithoracique droite).
La douleur est volontiers
majorée par l’inspiration profonde, la toux, les efforts.Young a décrit une
douleur en trois temps, typique, diffuse, plus localisée à l’hypocondre droit
après un intervalle libre de quelques jours.
L’altération de l’état général est
habituelle : asthénie, anorexie, amaigrissement, sensation de malaise, sueurs
nocturnes, troubles psychiques.
Nausées et vomissements sont assez
fréquents mais la diarrhée (10 %des cas) est beaucoup plus rare que dans les
abcès amibiens. Des signes respiratoires peuvent apparaître, en particulier une
dyspnée ou une toux sèche.
L’examen physique peut retrouver un signe fondamental qui est
l’hépatomégalie douloureuse (40 à 70 %des cas).
La douleur à l’ébranlement
du foie par percussion de la base thoracique est extrêmement évocatrice.
Rarement, on palpe une masse abdominale en particulier épigastrique (abcès
du lobe gauche).
L’ictère est inconstant (20 à 50 % des cas) et est surtout
associé auxAF d’origine biliaire.
On peut retrouver un syndrome pleurétique
de la base droite.
Dans les formes septicémiques, une splénomégalie peut
exister.
Enfin, l’ascite, rarement associée auxAF, peut être en rapport avec un
cancer sous-jacent.
Au total, deux tableaux cliniques peuvent être opposés :
– un tableau aigu septicémique correspondant habituellement aux abcès
multiples d’origine angiocholitique ou artérielle dont le diagnostic est en
général rapide (quelques jours).
En cas d’angiocholite, l’ictère et
l’hépatomégalie douloureuse orientent le diagnostic alors que celui-ci peut
être difficile dans les formes hématogènes où les AF sont noyés dans un
tableau infectieux général sévère ;
– un tableau subaigu devenu actuellement de plus en plus fréquent où se pose
le problème d’une fièvre ou d’une altération de l’état général.
Ce cas
correspond aux abcès survenant dans un contexte de manipulation biliaire
invasive, de cancer, ou en postopératoire.
Les conditions du diagnostic
classiquement tardif ont été transformées par la pratique de l’échographie
et/ou de la TDM.
B - Biologie
:
Un syndrome inflammatoire intense est habituel avec une hyperleucocytose à
prédominance neutrophile (75 à 96 %), une anémie de survenue inconstante
(13 à 90 %), une élévation de la protéine C réactive et de la vitesse de
sédimentation, une hypergammaglobulinémie et une hypoalbuminémie (30 à
67 % des cas).
L’anomalie hépatique la plus fréquente est l’élévation des phosphatases
alcalines entre 1,5 et 3 fois la normale (88 à 100 %) et des transaminases entre
2 et 10 fois la normale (50 à 80 %des cas).
Une hyperbilirubinémie est notée
dans 20 à 70 %des cas. Un taux de prothrombine allongé est rapporté dans 15
à 62 % des cas.
C - Examens morphologiques
:
La stratégie diagnostique des AF repose sur l’échographie, la TDM et, à un
moindre degré, l’imagerie par résonance magnétique (IRM).
1- Clichés sans préparation
:
La radiographie pulmonaire est anormale dans 25 à 60 % des cas en
objectivant une ascension de la coupole diaphragmatique droite, voire une
image en « brioche » en cas d’abcès du dôme hépatique.
Des anomalies de la
base pulmonaire droite sont les signes le plus fréquemment retrouvés :
épanchement pleural, aspect de pleuropneumopathie, atélectasie.
Les clichés d’abdomen sans préparation peuvent montrer des clartés gazeuses
mais rarement une image hydroaérique intrahépatique pathognomonique.
2- Échographie
:
L’échographie est la première technique simple et non invasive d’exploration
du parenchyme hépatique.
L’échographie est une excellente méthode de
détection desAF avec une sensibilité de 80 à 90 %.
Bien que les différents
aspects décrits ne soient pas spécifiques, il existe un certain nombre de critères
échographiques évocateurs.
La forme et la taille des AF sont très
variables. Leur échogénicité dépend du stade évolutif de l’abcès.Au début de
sa formation, l’AF présente des limites imprécises et est volontiers plus
échogène que le reste du parenchyme en raison des séquestres nécrotiques et
de microbulles de gaz produites par les bactéries anaérobies.
Abondant,
le gaz peut être visible sur l’abdomen sans préparation et dessiner des cônes
d’ombre acoustique postérieurs.
Les modifications de l’aspect de la lésion au
cours d’examens échographiques successifs sont un élément important du
diagnostic d’AF.
On peut, en quelques jours, voir évoluer cet aspect
vers l’aspect typique hypo- et/ou anéchogène avec plus ou moins d’échos
internes, se déposant parfois en déclive donnant un niveau horizontal ou
simulant des cloisons.
Un renforcement postérieur est fréquemment
retrouvé.
L’abcès présente à ce stade des parois nettes d’épaisseur
variable, allant de la simple limite circonscrivant la cavité, à la coque échogène très épaisse.
Les contours sont habituellement irréguliers.
L’examen échographique détecte également les épanchements associés.
Il peut éclairer sur la pathogénie de l’abcès en montrant une dilatation des
voies biliaires ou une cholécystite aiguë.
3- Tomodensitométrie
:
La TDM est
également un examen morphologique essentiel. Elle
serait plus sensible que l’échographie (94 % contre 87 %).
Une étude
radiologique assez récente comparant la sensibilité de la TDM,
l’échographie et la scintigraphie les avait classées dans le même ordre avec
respectivement des chiffres de 97 %, 80 % et 79 %.
Les limites dans le
diagnostic des masses haut situées sous la coupole et en cas de stéatose
hépatique ne cessent de s’estomper avec l’avènement de l’angio-TDM et du
scanner hélicoïdal.
La TDM représente le meilleur moyen d’exploration
de l’abdomen chez les patients en mauvais état général, en postopératoire ou
en réanimation et chez lesquels l’examen échographique est très gêné par
l’abondance des gaz digestifs, les cicatrices et les sondes.
Les AF réalisent en TDM des masses hypodenses, hétérogènes, de densité
variable en raison de leur contenu variable en fibrine, leucocytes dégénérés et
séquestres nécrotiques.
Ils sont le plus souvent déjà détectés sur les
coupes sans préparation.
Cependant, lors de l’injection du produit de contraste, l’abcès lui-même ne se
rehausse pas avec le parenchyme.
La paroi constitue une zone transitionnelle
de densité intermédiaire entre la cavité et le foie normal.
Son épaisseur varie,
comme à l’échographie, de la simple limite bien définie à la véritable coque.
Cette dernière peut prendre le contraste plus ou moins intensément, donnant
alors l’image d’un anneau hyperdense.
Cette coque peut être soulignée en
périphérie par un halo hypodense d’oedème avec alors un aspect évocateur de
cible.
Les AF peuvent présenter un aspect de septum interne, signe
qui serait fortement évocateur de l’origine biliaire.
La mise en évidence de
gaz dans la veine porte a été également rapportée.
Le seul signe
pathognomonique de l’AF est la présence de clartés gazeuses internes, signe
retrouvé dans 0 à 40%des cas.
4- Imagerie par résonance magnétique nucléaire
:
L’IRM a été employée pour le diagnostic des AF.
Cependant, le coût
élevé, la longueur de la procédure, la difficulté d’accès pour une ponctiondrainage
et surtout la bonne performance de l’échographie et de la TDM
limitent l’utilité pratique de cet examen.
5- Autres examens
:
La scintigraphie et l’artériographie à visée diagnostique sont aujourd’hui
abandonnées.
La cholangiographie réalisée par voie endoscopique rétrograde ou
percutanée transhépatique a été proposée dans le diagnostic positif des
AF.
Actuellement, ses indications sont limitées à la recherche d’étiologie
biliaire.
Il faut souligner que ces opacifications biliaires ont leur propre risque
infectieux.
Diagnostic étiologique
:
Quelquefois, l’étiologie est facilement retrouvée : angiocholite ou sigmoïdite
évidente, traumatisme abdominal récent, chirurgie digestive récente en
particulier colorectale ou proctologique, prothèse biliaire, traitement invasif
d’une pathologie hépatobiliopancréatique néoplasique, septicémie patente.
Ailleurs, le diagnostic peut être plus difficile.
En faveur d’une étiologie biliaire, on retient l’ictère, les antécédents de
lithiase, d’instrumentation ou de chirurgie biliaire, le caractère multiple des
AF, la dilatation des voies biliaires à l’imagerie.
Dans ce contexte, la cholangiographie s’impose.
L’existence d’une diverticulose colique est banale et ne doit être retenue
comme cause de l’AF que si une complication à type de diverticulite est
retrouvée.
Les troubles digestifs épigastriques ou coliques incitent à des explorations
endoscopiques ou autres à la recherche d’un cancer gastrique ou colorectal.
On recherche systématiquement des signes d’appendicite, de suppuration anorectale (hémorroïdes, abcès, fistule...), une infection urinaire (analyse des
urines, TDM, échographie, urographie intraveineuse), génitale (examen
clinique, prélèvement bactériologique).
La recherche d’un foyer osseux
(ostéite ou ostéomyélite), cutané (dermoépidermite, furonculose) ainsi que
l’examen ORL et stomatologique sont également systématiques, surtout si
l’AF est dû à des cocci à Gram positif.
Cependant, dans 10 à 40 % des cas, aucune étiologie n’est retrouvée. Mais
ces abcès cryptogénétiques ne doivent être qu’un diagnostic d’élimination.
Diagnostic différentiel
:
A - Abcès amibien
:
Il est devenu rare, surtout en France.
La clinique est celle de tout AF.
Les
arguments pour une étiologie amibienne peuvent manquer, en particulier le
séjour en zone endémique et la notion d’amibiase intestinale connue, l’aspect
échographique et tomodensitométrique est pratiquement identique, bien que
la liquéfaction soit classiquement plus nette et la paroi plus fine.
Le
diagnostic repose sur la sérologie spécifique et la découverte d’amibes dans
les selles ou le liquide de ponction de l’abcès, classiquement couleur
« chocolat ».
Cette ponction n’est habituellement pas nécessaire dans le
traitement.
En cas de doute, un test thérapeutique au métronidazole peut se faire, en sachant que ce dernier peut également guérir un AF à germes
anaérobies et qu’un abcès amibien peut être le siège d’une surinfection
bactérienne.
B - Autres abcès parasitaires du foie
:
Il peut s’agir d’abcès parasitaires (distomatose, larvae migrans) ou fongiques
(candidose, aspergillose, coccidioïdomycose) en particulier chez les
immunodéprimés. Le diagnostic repose sur le contexte clinique et la
ponction de l’abcès.
C - Kyste hydatique
:
Il pose un problème plus difficile car son traitement est différent,
classiquement chirurgical, et la ponction est contre-indiquée en raison des
risques de choc anaphylactique et de contamination péritonéale, en dépit des
quelques récentes publications visant à ébranler ce concept.
Le diagnostic
repose sur l’aspect échographique (image hypo- ou anéchogène cloisonnée),
l’existence de calcifications dans la paroi du kyste et la sérologie.
La
surinfection bactérienne est également possible, en particulier en cas de fistule biliokystique.
En cas de doute, la chirurgie est indiquée.
D - Kystes biliaires
:
Les kystes biliaires sont très fréquents.
Ils peuvent être solitaires ou multiples
(polykystose) et sont habituellement asymptomatiques.
L’image
échographique est celle d’une image anéchogène, régulière, à parois fines
avec un renforcement postérieur.
Le diagnostic est généralement facile et ces
kystes ne nécessitent aucun traitement en dehors des rares complications.
L’une d’elles est la surinfection, exceptionnelle, certes, mais réalisant un
tableau d’AF aigu.
Le traitement est celui d’un AF.
E - Maladie de Caroli
:
Elle peut simuler des AF.
Le diagnostic repose sur un tableau d’angiocholite
à répétition avec des dilatations kystiques et communicantes des voies
biliaires intrahépatiques, parfois unilobaires, souvent associées à une lithiase
intrahépatique et sans obstacle sur la voie biliaire principale.
F - Tumeurs du foie
:
Certaines tumeurs hépatiques primitives ou secondaires sont hypoéchogènes.
Ces tumeurs peuvent être par ailleurs nécrosées, voire surinfectées, et alors
être responsables d’un tableau douloureux et fébrile.
Ainsi, le diagnostic est
parfois hésitant entre AF et métastase, en particulier chez les patients ayant
un cancer connu.
La ponction avec étude cytologique peut faire le diagnostic.
G - Suppuration postembolisation
:
L’embolisation isolée ou associée à la chimiothérapie dans le cadre du
traitement de certaines tumeurs hépatiques, ainsi que celle faite à visée
hémostatique dans les hémorragies traumatiques ou d’origine anévrismale
peuvent engendrer des ischémies, voire des nécroses parenchymateuses, avec
ou sans infection secondaire, pouvant mimer cliniquement et
radiologiquement unAF.
Le diagnostic est effectué par le contexte clinique
particulier et l’évolution favorable avec un traitement à base d’antiinflammatoires
et antalgiques.
Au total, en cas de doute diagnostique et en dehors des cas où il existe une
possibilité d’hydatidose, la ponction dirigée doit être réalisée avec étude
bactériologique, parasitologique et cytologique.
Traitement
:
Le traitement d’un AF comprend l’antibiothérapie, l’évacuation de l’abcès
suivi ou non de drainage et le traitement de l’étiologie.
A - Méthodes
:
1- Antibiothérapie
:
Elle ne sera entreprise qu’après avoir pratiqué plusieurs hémocultures et, si
l’état du patient l’autorise, après mise en culture du pus de l’abcès.
Les germes
le plus souvent en cause sont les entérobactéries et les anaérobies.
L’antibiothérapie initiale associe habituellement une céphalosporine de
troisième génération, un aminoside à la dose de 2 à 3 mg/kg/j et le métronidazole ou l’ornidazole à la dose de 1 à 2 g/j.
L’utilisation de nouvelles
pénicillines à large spectre (imipénème...) est de plus en plus courante avec
ou sans aminosides associés.
L’antibiothérapie d’entretien dépend du germe
isolé et est couramment faite avec l’association amoxicilline-acide
clavulanique ou/et le métronidazole.
La durée de l’antibiothérapie
intraveineuse est controversée allant de 5 jours à 1 mois.
L’antibiothérapie d’entretien, dont le principe est accepté par la plupart des
auteurs, est poursuivie pendant 3 à 6 semaines.
En tout cas, la
défervescence clinique et septique est complète en moyenne 2 à 6 jours après
le début du traitement.
L’émergence de nouvelles souches bactériennes et l’implication des
champignons dans la surinfection dictent parfois l’adjonction
d’antifongiques, en particulier chez les malades porteurs de prothèse biliaire
et chez les immunodéprimés.
2- Traitement chirurgical
:
Aujourd’hui, il ne reste pratiquement plus d’indication opératoire pour le
traitement des AF.
Cependant, dans les cas exceptionnels où il est l’unique
option, le traitement chirurgical comprend des prélèvements
bactériologiques, le traitement de l’abcès (mise à plat, drainage externe), la
recherche et le traitement de l’éventuel foyer infectieux responsable.
La voie d’abord la plus employée est la transpéritonéale sous-costale
droite. Les AF sont facilement repérés lorsqu’ils sont souscapsulaires.
Dans le cas desAF profonds, l’échographie peropératoire permet
un repérage précis.
Il faut citer dans ce cadre l’utilisation de la chirurgie laparoscopique pour l’évacuation et le drainage des AF.
Exceptionnellement, en cas d’abcès volumineux, une résection hépatique
peut être indiquée (lobectomie gauche).
En cas d’AF multiples, les abcès
superficiels sont mis à plat puis drainés et les abcès profonds évacués par
ponction après repérage échographique.
3- Traitement percutané
:
Dès 1953, McFadzean et al utilisaient l’aspiration fermée et l’antibiothérapie
comme traitement de l’AF unique.
Cependant, c’est avec l’avènement des
techniques d’imagerie modernes que l’intérêt de cette modalité thérapeutique
a été revalorisé.
Actuellement, avec des taux de succès de 85 à 100 %,
son efficacité n’est plus contestable mais l’utilité de l’association du drainage
à la simple ponction est discutée.
4- Technique
:
Ces méthodes thérapeutiques sont réalisées sous anesthésie locale.
Le choix
de la voie d’abord est un facteur important d’innocuité et d’efficacité.
La
ponction est soit échoguidée, soit réalisée après repérage par TDM.
Le
principe général est l’utilisation d’une aiguille fine en évitant les anses
digestives, les gros vaisseaux, les culs-de-sac pleuraux et la vésicule biliaire.
Elle permet dans un premier temps de pratiquer des prélèvements
bactériologiques.
L’opacification de la cavité, déconseillée par certains en
raison de fuite péritonéale, précise ses limites, ses cloisonnements et ses
éventuelles communications.
Si le drainage supplémentaire est décidé, un
cathéter de calibre approprié est acheminé par un guide souple.
Le matériel
habituellement utilisé consiste en des drains de 12 à 14 F ou plus si le pus est
très épais avec des débris.
Après avoir lavé au sérum physiologique et vidé
totalement l’abcès, la perméabilité est maintenue par des irrigations
intermittentes.
5- Surveillance
:
L’amélioration clinique et l’apyrexie sont obtenues en 24 à 48 heures.
Le
choix de la date d’ablation du drain peut être délicat, surtout avec la
diminution progressive de la quantité drainée sur 5 à 7 jours.
On exige
habituellement une dizaine de jours de drainage sous surveillance clinicoradiologique.
Une épreuve de clampage du drain sur 48 heures permet
de vérifier la constance de l’apyrexie et l’absence de reproduction de l’AF
grâce aux contrôles échographiques ou tomodensitométriques.
Lorsque
l’amélioration clinique n’est pas patente, il faut répéter l’examen
échographique ou tomodensitométrique à la recherche d’autres AF non
drainés, après avoir exclu, par des lavages successifs et un drainage prolongé,
le mauvais drainage lié à l’épaisseur du pus.
Si la technique de drainage est
rigoureuse, la récidive de l’AF est exceptionnelle. Après l’ablation du
drain, l’involution complète des séquelles échographiques ou
tomodensitométriques peut durer quelques semaines à 1 an.
B - Indications et résultats
:
Le bras pharmacologique du traitement est toujours indiqué.
L’antibiothérapie est instituée immédiatement après les prélèvements et
encadre les gestes invasifs percutanés ou chirurgicaux.
Aucun argument
pharmacocinétique et/ou microbiologique avéré ne permet de fixer
précisément la durée optimale de l’antibiothérapie, mais un traitement
prolongé de 4 à 6 semaines, dont 1 ou 2 semaines par voie parentérale, est
conseillé.
L’antibiothérapie seule peut guérir l’AF.
L’aspiration sans drainage
adjointe à l’antibiothérapie peut aboutir au même résultat favorable.
Le taux de succès du drainage percutané oscille autour de
90 % avec une mortalité globale de 5 %.
La ponction-drainage
percutanée est actuellement le traitement standard de l’AF indépendamment
du nombre des AF.
Quant à l’utilisation de l’aspiration seule, sans drainage,
elle ne devrait se confirmer qu’après des études prospectives randomisées qui
manquent jusqu’à présent.
Certains ont recommandé de réserver le drainage percutané aux seuls AF
solitaires, les abcès multiples ou compliqués étant traités
chirurgicalement.
Cependant, le taux de succès du drainage percutané
semble similaire dans les AF uniques et multiples.
Certes, les AF
compliqués de rupture, qui sont très rares, ne peuvent qu’être traités
chirurgicalement.
À noter que les taux de récidive élevés après drainage
percutané ont été rapportés dans les AF d’origine biliaire, les AF dits
cryptogénétiques ayant les taux de récidive les plus bas (15 %contre 2 %).
On a reproché à la ponction-drainage percutané de ne pas pouvoir s’adresser
à la pathologie sous-jacente quand celle-ci est patente (lithiase biliaire,
diverticulite).
Ainsi, de tels malades nécessitent une intervention chirurgicale
et/ou endoscopique précédée ou non du traitement percutané de l’AF.
Traitement étiologique
:
A - Causes biliaires
:
Selon la nature bénigne ou maligne, les gestes seront différents :
– malignes : drainage biliaire externe, endoprothèse ou anastomose
biliodigestive voire exérèse à visée curative lorsque le syndrome infectieux
est contrôlé.
Pour les suppurations sur endoprothèse, l’ablation de celle-ci est
indiquée ;
– bénignes : cure chirurgicale ou endoscopique d’une lithiase biliaire
compliquée ou non d’angiocholite aiguë, réparation biliaire en cas de sténose
postopératoire.
B - Causes portales
:
Le traitement en est habituellement chirurgical.
Une résection est nécessaire
lorsque ce foyer est d’origine digestive, ce qui élimine l’entretien de
l’infection.
Par exemple, en cas de diverticulite compliquée ou de cancer
colique infecté, une résection colique avec ou sans colostomie est indiquée.
En cas de suppuration intra-abdominale postopératoire, la réintervention
précoce peut être nécessaire.
C - Autres causes
:
Ce sont les suivantes :
– causes artérielles : traitement d’un foyer urinaire, génital, dentaire ou ORL,
cutané, osseux, cardiaque ;
– abcès par contiguïté : traitement chirurgical du foyer responsable ;
– causes traumatiques : le traitement chirurgical dépend des lésions
responsables et de l’étendue de la séquestration hépatique.