Les tumeurs primitives malignes des voies biliaires sont rares avec
une incidence à l’autopsie de 0,01 à 0,05.
Elles pourraient être plus
importantes chez l’homme que chez la femme et s’observent surtout
aux alentours de 60 ans.
Les tumeurs primitives des voies biliaires
se développent sur toute la hauteur de l’arbre biliaire et sont plus
fréquentes sur les voies biliaires plus volumineuses.
Elles se situent
dans 8 à 13% sur les voies biliaires intrahépatiques, de 10 à 26 % au
niveau de la convergence des canaux hépatiques, de 15 à 30 % sur la
portion proximale du canal hépatique commun et de 30 à 36 % au
niveau de la partie distale de la voie biliaire extrahépatique.
Il ne
semble pas qu’il y ait de variation géographique dans l’incidence
des voies biliaires extrahépatiques, alors que l’incidence du
cholangiocarcinome intrahépatique est dix fois plus élevée au Japon
et en Asie par rapport aux pays européens et à l’Amérique du
Nord.
Généralités
:
Le cholangiocarcinome intrahépatique, encore appelé périphérique
ou anciennement carcinome cholangiocellulaire, prend son origine
sur l’épithélium des voies biliaires intrahépatiques.
Il s’agit de la
deuxième tumeur primitive maligne du foie qui représente 5 à 30% des tumeurs malignes primitives.
Le développement du cholangiocarcinome intrahépatique s’observe plus souvent chez des
sujets ayant une cholangite sclérosante, une maladie de Caroli, une
lithiase intrahépatique ou qui ont eu une exposition au thorotrast.
Dans les pays asiatiques, l’incidence est particulièrement élevée avec
infection concomitante parasitaire par Clonorchis sinensis, la
contamination humaine se faisant après ingestion de poisson.
Le
parasite se localise dans les voies biliaires intrahépatiques et entraîne
obstruction biliaire et stagnation de bile.
Plus rarement, d’autres
causes ont été rapportées comme les dilatations kystiques du
cholédoque et les hamartomes biliaires encore appelés complexes
de von Meyenburg.
A - ANATOMOPATHOLOGIE
:
Histologiquement, le cholangiocarcinome intrahépatique est un
adénocarcinome.
Macroscopiquement, le groupe d’étude des cancers
du foie du Japon propose une classification en trois types :
prolifératif, infiltration péricanalaire et développement
endocanalaire.
Les deux principaux types sont le syndrome de
masse et l’infiltration péricanalaire.
Microscopiquement, les tumeurs
sont principalement des adénocarcinomes avec des degrés différents
de différenciation cellulaire, de production de mucines et de réponse
stromale desmoplastique.
Les plus fréquents sont des
adénocarcinomes papillaires.
Beaucoup plus rarement, il s’agit
d’adénocarcinome à cellules claires, d’adénocarcinome mucineux ou
encore de lymphome ou de tumeur mésenchymateuse maligne.
B - CLINIQUE
:
Les symptômes initiaux sont habituellement non spécifiques et se
composent de douleurs abdominales, d’inconfort et de fatigue.
L’ictère est rare, le taux sérique de bilirubine est habituellement dans la normale, mais les phosphatases alcalines sont fréquemment
élevées.
Le cholangiocarcinome périphérique est diagnostiqué à un
stade tardif, avec un diamètre initial de 6 à 10 cm, lié à la pauvreté
des symptômes.
Imagerie diagnostique
:
A - ÉCHOGRAPHIE
:
Les signes échographiques du cholangiocarcinome périphérique sont
peu spécifiques.
La tumeur peut être hypoéchogène, isoéchogène,
mixte ou hyperéchogène.
La forme hyperéchogène est rencontrée
dans la moitié des cas. Un halo hypoéchogène s’observe dans
environ un tiers des cas.
Les anomalies s’accompagnent d’une
dilatation des voies biliaires intrahépatiques dans environ un tiers
des cas.
Le type macroscopique correspondant à une masse est
beaucoup plus facile à identifier que la forme infiltrante, en
échographie.
B - TOMODENSITOMÉTRIE
:
En TDM, le cholangiocarcinome périphérique est une lésion
hypodense, non encapsulée ; quelques calcifications peuvent
s’observer au centre de la tumeur lorsque la sécrétion mucoïde est
importante.
La cinétique de cette tumeur après injection
intraveineuse de produit de contraste et sur les coupes tardives est
très importante à étudier.
Dans la majorité des cas, il
existe un rehaussement fin, peu intense et incomplet à la périphérie
de la lésion sur l’hélice artérielle et portale.
Plus rarement, le
rehaussement périphérique est épais et continu ou encore marqué et
homogène.
Enfin, une absence de rehaussement ou un
rehaussement totalement homogène peuvent être observés.
De façon
très caractéristique, cette tumeur a un rehaussement modéré ou
important sur les coupes tardives dans 74 % des cas. Celui-ci
est maximal entre 10 et 20 minutes.
Parfois, le syndrome tumoral
n’est visible que sur les coupes tardives.
La comparaison du
rehaussement après injection intraveineuse de l’hépatocarcinome et
du cholangiocarcinome montre que dans la plupart des cas les
courbes du rehaussement des tumeurs en fonction du temps
diffèrent suffisamment pour poser peu de problèmes
diagnostiques.
En effet, dans la majorité des carcinomes
hépatocellulaires, le rehaussement maximal est à la phase artérielle
et est suivi d’une diminution progressive de l’atténuation tumorale
alors que dans le cholangiocarcinome, l’atténuation tumorale
augmente au cours du temps.
Ainsi, dans les cas douteux, la
réalisation de coupes tardives peut se révéler très intéressante.
C - IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
:
En IRM, le cholangiocarcinome intrahépatique est une lésion non
encapsulée avec fréquemment des contours lobulés.
Il est en hyposignal T1 et le signal est variable en T2, tantôt iso- ou
discrètement hyperintense par rapport au foie, tantôt fortement
hyperintense.
Les différences en termes d’intensité de
signal en T2 sont vraisemblablement en rapport avec la composition
tumorale.
Une tumeur fortement fibreuse avec peu de mucines et de
nécrose a un signal modéré en T2 alors qu’une formation
nécrotique ou avec une prédominance de sécrétions mucoïdes est
fortement hyperintense.
Certains auteurs ont rapporté
l’existence d’une cicatrice centrale hypo-intense en T1 et
hyperintense en T2.
Bien que l’on puisse mettre en évidence des pseudocicatrices en imagerie, il n’y a pas véritablement de cicatrice
centrale en anatomopathologie, il s’agit en fait de plages contenant
plus de fibrose que les autres.
Après injection intraveineuse de
produit de contraste, le rehaussement est similaire à celui qui est
décrit en TDM : prédominant à la partie périphérique de la lésion
au temps artériel et veineux et s’accompagnant d’une prise de
contraste centrale le plus souvent hétérogène au temps tardif.
La cinétique du rehaussement peut simuler celle de l’hémangiome,
néanmoins, le caractère globuleux et discontinu ne s’observe que
dans ce dernier.
D - SIGNES INDIRECTS
:
En dehors des signes directs de la tumeur, il existe souvent des
signes indirects qui sont très importants pour le diagnostic :
– l’envahissement vasculaire.
À la différence du carcinome
hépatocellulaire, l’envahissement vasculaire endoluminal est rare et
il s’agit le plus souvent d’un engainement vasculaire prédominant
au niveau des branches portes intrahépatiques.
Cette atteinte portale
s’observe dans 50 % des cas ;
– des modifications de la morphologie ou de rehaussement
hépatique.
Il s’agit d’une atrophie lobaire ou segmentaire,
homolatérale à la tumeur, surtout visible lorsque la tumeur est
volumineuse.
Elle peut être observée dans 12 à 43 % des cas.
L’atrophie peut s’accompagner d’une hypertrophie controlatérale,
surtout s’il existe un engainement portal ;
– des modifications du rehaussement hépatique avec artérialisation
du foie adjacentes à la tumeur lors de l’acquisition hélicoïdale à la
phase artérielle.
Il s’agit d’une compensation artérielle lorsque la
tumeur s’accompagne d’un engainement des veines portales ;
– une rétraction capsulaire dans environ 20 % des cas.
Ce
signe n’est pas spécifique au cholangiocarcinome intrahépatique et
a été décrit dans d’autres tumeurs malignes primitives, notamment
l’hémangioendothéliome épithélioïde du foie ;
– une dilatation des voies biliaires dans 20 à 30 % des cas et surtout
si la tumeur est localisée au centre du foie.
L’artériographie n’est pas indiquée pour le diagnostic de la lésion,
mais si elle est réalisée dans un but préopératoire, elle peut mettre
en évidence une hypervascularisation tumorale dans 30 % des cas et
un engainement de branches portales dans environ la moitié des
cas.
Valeur diagnostique des examens
:
L’échographie est habituellement le premier examen réalisé qui met
en évidence le syndrome tumoral habituellement volumineux.
Lors
de la suspicion d’un cholangiocarcinome intrahépatique, il faut
penser à réaliser au scanner ou en IRM une acquisition tardive qui
améliore la caractérisation tumorale ; la comparaison du scanner et
de l’IRM retrouve des performances égales pour la détection de la
tumeur.
Il semble que le scanner soit supérieur pour mettre en
évidence l’atteinte biliaire et l’extension extrahépatique.
En IRM,
le rehaussement tumoral est plus facilement apprécié.
Bien qu’il existe des signes très évocateurs du cholangiocarcinome
périphérique, la sémiologie n’est pas totalement spécifique et des
tumeurs fibreuses, en particulier des métastases, peuvent simuler le
cholangiocarcinome intrahépatique.
C’est la raison pour laquelle
certaines équipes proposent systématiquement la réalisation d’une
fibroscopie gastrique, d’une coloscopie et d’une mammographie
chez les femmes, à la recherche d’une tumeur primitive à l’origine
de métastases fibreuses intrahépatiques comme les métastases
d’origine digestive ou les métastases du cancer du sein.
De même,
le rôle de la biopsie est souligné ; cependant, il est souvent difficile
pour les anatomopathologistes d’aller plus loin que le diagnostic
d’adénocarcinome et notamment d’affirmer la nature biliaire de cet
adénocarcinome.
Un fort contenu en mucines ou une importante
richesse en fibrose sont des éléments évocateurs du diagnostic de cholangiocarcinome intrahépatique.
Bilan d’extension
:
Le bilan d’extension du cholangiocarcinome intrahépatique est intraet
extrahépatique.
Il recherche l’existence de nodules satellites qui
sont fréquents, estimés à 50 % sur les pièces opératoires mais
retrouvés en imagerie dans 15 à 35 % des cas.
L’extension extrahépatique est essentiellement ganglionnaire au niveau du
pédicule hépatique, de la région rétropancréatique et autour du
tronc coeliaque.
La fréquence de l’atteinte ganglionnaire est
extrêmement variable en fonction des séries (18 à 68 % des cas).
La carcinose péritonéale ou d’autres métastases sont beaucoup plus
rares.
Formes particulières
:
A - DÉGÉNÉRESCENCE KYSTIQUE
:
La dégénérescence kystique est une forme rare de cholangiocarcinome périphérique.
En échographie, la tumeur est
principalement hypoéchogène avec renforcement postérieur.
Des
portions périphériques hyperéchogènes peuvent être observées.
Au scanner, la lésion est homogène et hypodense et on peut mettre
en évidence des portions solides qui se rehaussent après injection
de produit de contraste.
Le diagnostic différentiel se pose surtout
avec un cystadénocarcinome et les éléments sémiologiques en faveur du cholangiocarcinome à forme kystique sont l’absence de cloison
interne et l’irrégularité des limites de la lésion avec le parenchyme
hépatique.
B - CHOLANGIOCARCINOME INTRAHÉPATIQUE
PRODUISANT ABONDAMMENT DES MUCINES :
L’abondante mucosécrétion représente environ 10 % des
cholangiocarcinomes intrahépatiques.
Cliniquement, il existe dans
80 % des cas des symptômes évoquant une angiocholite.
En
imagerie, cette forme se caractérise par une dilatation plus fréquente
et plus sévère des voies biliaires intrahépatiques, s’accompagnant
dans 30 % des cas d’une dilatation des voies biliaires
extrahépatiques en aval de la tumeur.
Cette dilatation d’aval est
expliquée par le passage de mucines de la tumeur vers les voies
biliaires.
C - CHOLANGIOCARCINOME PÉRIPHÉRIQUE
ENDOBILIAIRE :
La forme purement endobiliaire du cholangiocarcinome
périphérique est rare.
En imagerie, on observe une dilatation
kystique et tubulaire des voies biliaires intrahépatiques sans tumeur
visible. En anatomopathologie, la prolifération tumorale est limitée
aux voies biliaires sans syndrome tumoral en dehors.
Dans cette
forme, l’extension tumorale est intrabiliaire et l’invasion de la paroi
des voies biliaires est très faible.
D - CHOLANGIOCARCINOME ASSOCIÉ À L’INFECTION
À « CLONORCHIS »
:
La localisation endobiliaire du parasite entraîne un obstacle et une
stase biliaire.
L’aspect en imagerie est celui d’une dilatation diffuse
et modérée des voies biliaires périphériques avec une voie biliaire extrahépatique non dilatée.
L’association d’un syndrome tumoral
évoquant un cholangiocarcinome et des dilatations à distance des
voies biliaires intrahépatiques avec une normalité de la voie biliaire
extrahépatique peut faire suggérer cette atteinte parasitaire.
E - FORME COMBINÉE CARCINOME HÉPATOCELLULAIRE
ET CHOLANGIOCARCINOME :
Il s’agit d’une forme rare qui associe des portions tumorales
correspondant à un carcinome hépatocellulaire et des portions
tumorales correspondant à un cholangiocarcinome.
Une cirrhose est
retrouvée dans 60 % des cas, les marqueurs tumoraux sont souvent
élevés : alpha-foetoprotéine dans 25 %, antigène carcinoembryonnaire
(ACE) dans 47 % des cas.
En imagerie, différentes
formes peuvent être observées en fonction des combinaisons
tumorales :
– forme avec rehaussement uniquement périphérique ;
– rehaussement global prédominant à la phase artérielle ;
– absence de rehaussement.
Il n’existe habituellement pas de calcification ou de dilatation des
voies biliaires.