Tumeurs bénignes épithéliales et conjonctives

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Tumeurs bénignes (TB) épithéliales :

Intéressent les différents tissus épithéliaux :

• des revêtements : épiderme et muqueuses

• des organes pleins (parenchymes).

Ces épithéliums étant de 2 types : épidermoide (ou malpighien) et glandulaire.

Nomenclature :

• TB d’un épithélium malpighien : papillome

• TB d’un épithélium glandulaire : adénome.

A – Papillomes :
Tumeurs bénignes épithéliales et conjonctives

Ce sont des tumeurs bénignes de l’épiderme et des muqueuses épidermoides.

1- Siège :

– peau – muqueuses :

– tube digestif : bouche, pharynx, oesophage, anus

– moitié supérieure du larynx – vagin et partie externe du col utérin.

NB : l’épithélium des voies urinaires est proche, mais un peu différent de l’épithélium épidermoide. il est appelé « transitionnel » ou urothélial.

2- Histologie normale des épithéliums épidermoides :

Ce sont des épithéliums pluristratifiés comportant :

• une couche de petites cellules basales, reposant sur la membrane basale

• une couche de cellules intermédiaires, avec un cytoplasme plus abondant

• une couche de cellules superficielles qui désquament.

• Au niveau de la peau, les cellules superficielles sont kératinisées.

• Au niveau des muqueuses, elles sont riches en glycogène.

3- Macroscopie :

• Tumeurs habituellement petites, en saillie, d’aspect framboisé.

• Parfois plus volumineuses, avec un aspect en chou-fleur : condylome, en particulier au niveau des muqueuses génitale et anale, où elles ont une origine virale (papillomavirus) : « crêtes de coq ».

Les condylomes génitaux sont parfois plans et parfois multiples : papillomatose (génitale, laryngée, fosses nasales)

4- Histologie :

L’épithélium malpighien forme des replis, correspondant aux papilles vues à l’oeil nu.

Au niveau de chacune des papilles, l’organisation des couches épithéliales est bien conservée.

La membrane basale est intacte.

La couche des cellules intermédiaires est épaissie.

Dans les papillomes cutanés, la couche de kératine est épaissie (papillomes cornés).

Aspect cytologique : toutes les cellules sont d’aspect normal, sans atypies des noyaux, sans mitose anormale.

5- Evolution :

La plupart de ces tumeurs sont bénignes et ne récidivent pas après éxérèse.

Certaines cependant constituent des états précancéreux et peuvent évoluer vers un cancer : carcinome épidermoide : condylomes plans génitaux certaines papillomatoses des voies aériennes supérieures les papillomes « transitionnels » de la vessie sont très rarement de véritables tumeurs bénignes.

Ils récidivent et évoluent vers un carcinome.

Un grading histologique, estimant leur potentiel malin, leur est appliqué.

B – Adénomes :

Il s’agit des tumeurs bénignes des épithéliums glandulaires.

1- Siège et histologie normale :

a- Muqueuses :

– tube digestif : estomac, duodénum, intestin grêle, colon, rectum

– appareil génital féminin : trompes utérines, endomètre, endocol

– voies aériennes : fosses nasales, trachée, bronches

Leur structure histologique les opposent aux épithéliums épidermoides : épithélium unistratifiés présentant une sécrétion de mucus et des flexuosités, de profondeur variable, qui s’enfoncent dans le tissu conjonctif : cryptes glandulaires ou glandes.

La muqueuse glandulaire est constitué par l’ensemble : cryptes + tissu conjonctif (chorion).

Sa structure est donc plus complexe que celle d’une muqueuse épidermoide.

b- Parenchymes :

2 types

• Glandes exocrines : sein, pancréas exocrine, prostate, glandes salivaires.

Les cellules glandulaires forment des acinus : elles siègent autour d’une cavité drainée par un canal

• Glandes endocrines : surrénale, pancréas endocrine, parathyroide, thyroide, foie.

Les cellules forment des travées séparées par des capillaires, sauf dans la thyroide où elles sont arrangées en vésicules.

2- Adénomes des muqueuses :

a- Macroscopie :

Aspect de polype : tumeur arrondie rattachée à la paroi par un pédicule plus ou moins bien individualisé.

Remarque :

Le terme de polype est en fait purement macroscopique : « tumeur pédiculée développée dans un organe creux ».

Tous les polypes ne sont pas des adénomes : il existe des polypes inflammatoires, des polypes rétentionnels, des polypes d’origine dysgénétiques. Siège des polypes adénomateux :

– Surtout, tube digestif : colon +++

– Plus rarement : estomac, duodénum, intestin grêle

– Parfois multiples, ayant dans certains cas un caractère familial : polypose rectocolique familiale ou adénomatose familiale.

– Plus rarement, col utérin, endomètre, bronches.

b- Histologie et évolution :

Augmentation du nombre des cavités glandulaires, séparées par un chorion conjonctif plus ou moins abondant.

Les cellules des adénomes sont en théorie normales

En fait, certains adénomes (colon +++) sont des lésions précancéreuses, et sont constitués de cellules glandulaires comportant des anomalies cytologiques, appréciées par un grading (dysplasie).

Ce potentiel malin justifie le dépistage endoscopique et l’exérèse des polypes adénomateux du colon, surtout dans les familles à risque.

Dans l’adénomatose colique familiale, la transformation en cancer survient dans 100% des cas le traitement préventif est la colectomie, à l’adolescence.

3- Adénomes des parenchymes :

a- macroscopie :

Nodules uniques ou multiples (adénomatose) arrondis, bien limités, facilement clivables Siège :

– Sein : fibro-adénome: les cavités adénomateuses sont entourées d’une prolifération de fibroblastes, avec production de collagène

– Prostate : adénomyome: association à une prolifération de fibres musculaires lisses.

– Glandes salivaires : adénomes pléomorphes : association à des proliférations conjonctives variées: cellules myoépithéliales, cartilage …

b- histologie :

Augmentation du nombre des cavités glandulaires, parfois dilatées.

Les cellules sont normales.

• Dans les glandes exocrines : les adénomes sont souvent associés à une prolifération du tissu conjonctif: Remarque : un déséquilibre hormonal est à l’origine des fibroadénomes du sein et des adénomyomes prostatiques, considérés par certains comme des « lésions pseudo-tumorales », hyperplasiques.

• Dans les glandes endocrines : les adénomes gardent l’architecture trabéculaire normale.

Les cellules ne comportent pas d’anomalies.

Il peut ainsi être très difficile, voire impossible, de distinguer histologiquement une hyperplasie d’un adénome, mieux individualisé par la macroscopie.

Les adénomes endocriniens peuvent être : non sécrétants, révélés par l’augmentation de volume de l’organe sécrétants: révélés par un syndrome clinique d’hypersécrétion hormonale :

Exemples : adénome parathyroidien : hypercalcémie adénome corticosurrénalien : hypercorticisme (syndrome de Cushing) adénome ante-hypophysaire : acromégalie …

Tumeurs bénignes conjonctives :

– Histologie normale :

• Tissu conjonctif commun (fibroblastes et collagène), présent dans tout l’organisme.

• Tissus conjonctifs différenciés, ayant des fonctions différentes: tissu adipeux, vaisseaux, os, cartilage, muscle …

Nomenclature :

La diversité des tissus conjonctifs spécialisés ne permet pas une appellation commune.

Pour désigner une tumeur conjonctive bénigne, on ajoute le suffixe ome, au nom de la structure histologique normale.

La tumeur maligne du même tissu est désignée en ajoutant le suffixe sarcome.

A – Fibromes :

Tumeurs bénignes du tissu conjonctif commun.

1- Macroscopie :

Nodules bien limités

Siège :

– Derme

– Chorion des muqueuses

– Rein Siège variable.

En particulier, paroi abdominale.

2- Histologie :

Faisceaux de cellules fusiformes, avec un cytoplasme peu abondant, collagène abondant, nombreux vaisseaux.

Absence d’anomalies des cellules et de mitoses.

Variantes :

• Myxomes : tumeurs molles, gélatineuses, correpondant à une prolifération de fibroblastes associés à une substance intercellulaire très abondante. Récidive fréquente.

• Fibromatoses : proliférations fibroblastiques infiltrantes ou comportant des nodules multiples.

Evolution : récidives habituelles.

B – Lipomes :

Tumeurs bénignes du tissu adipeux.

• Siége: trés variable. Le plus souvent, tissu sous-cutané

• Macroscopie : nodules mous, jaunâtres ; de taille très variable, parfois volumineux.

• Histologie : adipocytes normaux groupés en lobules. Ils sont parfois, associés à du tissu fibreux ou des vaisseaux.

C – Angiomes :

Tumeurs bénignes des vaisseaux.

TB des vaisseaux sanguins : hémangiomes TB des vaisseaux lymphatiques : lymphangiomes

• Macroscopie : lésions mal limitées.

• Siège : tissu sous-cutané ou viscères.

• Histologie : 2 types d’hémangiomes :

– hémangiomes caverneux : formés de cavités vasculaires de grande taille

– hémangiomes capillaires : constitués de petits vaisseaux accolés.

Les lymphangiomes sont de type caverneux.

Les angiomes sont en fait considérés comme des malformations congénitales, plutôt que comme des tumeurs.

Ils sont parfois multiples : angiomatoses.

On les rencontre dans des maladies congénitales (Von Hippel Lindau …)

Gravité des hémangiomes cérébraux, responsables d’hémorragies.

D – Leiomyomes :

Tumeurs bénignes du muscle lisse.

Assez fréquents

• Macroscopie : nodules bien limités, blanchâtres, fasciculés.

• Siège:utérus surtout (myomètre) plus rarement, paroi digestive, ou derme.

• Histologie : faisceaux de cellules fusiformes comportant un cytoplasme éosinophile assez abondant. pas d’anomalies des cellules.

Il s’agit au niveau de l’utérus, d’une lésion hormonodépendante (oestrogènes), de nature dystrophique plutôt que tumorale.

E – Rhabdomyomes :

Tumeurs bénignes du muscle strié Très rares Siège : larynx, pharynx et coeur (enfant).

F – Chondromes :

Tumeurs bénignes du cartilage

Siège : petits os des mains et des pieds.

Nodules intra-osseux, constitués de cartilage d’aspect normal. Parfois multiples : chondromatose.

G – Ostéomes :

Tumeurs bénignes du tissu osseux.

Rares : os de la face

H – Schwannomes :

Tumeurs bénignes des cellules de Schwann

Siège : très variable : trajet d’un nerf.

Nodule blanchâtre, fasciculé.

Histologie: faisceaux de cellules fusiformes.

La disposition des noyaux « en palissade » permet de différencier un schwannome d’un fibrome ou d’un leiomyome.

Problèmes du classement des tumeurs conjonctives :

de 2 types :

A – détermination du type histologique exact :

Parfois très difficile à préciser par la morphologie seule.

Le diagnostic est possible grâce à l’immunohistochimie, qui permet de détecter l’expression de marqueurs tissulaires :

– vimentine (filament intermédiaire commun aux cellules conjonctives)

– actine α musculaire lisse

– myosine

– protéine S100 (cellules de Schwann).

B – distinction d’une tumeur maligne (sarcome) :

Parfois difficile, car certains sarcomes ont peu d’atypies cellulaires et de mitoses.

Les tumeurs bénignes existent-elles réellement ?

Plusieurs types de TB épithéliales et conjonctives sont considérés comme :

• des lésions dystrophiques (hyperplasies) dues à un déséquilibre hormonal : adénomyome de la prostate, fibroadénome du sein, leiomyome utérin

• des malformations congénitales : angiomes

• des hyperplasies épithéliales d’origine virale : papillomes, condylomes

• des états précancéreux : adénomes coliques, condylomes génitaux.

Le groupe classique des « tumeurs bénignes » est donc probablement constitué de lésions hétérogènes : certaines n’étant pas de véritables tumeurs d’autres correspondant à des stades précoces de cancers. Leur ressemblance morphologique et évolutive (lésions bien limitées, d’évolution habituellement locale) justifie cependant encore leur regroupement, leur physiopathologie exacte n’étant pas encore totalement connue.

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