Les fractures de fatigue surviennent généralement sur le dôme ou le
col de l’astragale.
Le tableau clinique est celui d’une douleur aiguë ou chronique de la
cheville.
Les radiographies standards se révèlent presque toujours
normales.
La technique scintigraphique comporte une étude en trois phases
centrée sur les pieds en incidence plantaire.
L’imagerie tardive
(temps osseux), outre le cliché de balayage du corps entier et
l’incidence plantaire, doit comporter un cliché de profil du pied.
Les
images objectivent typiquement une hyperfixation intense focalisée
au dôme astragalien.
Les diagnostics différentiels comprennent surtout l’ostéonécrose de
l’astragale, l’arthrose sous-astragalienne.
Si l’ostéonécrose ne fait
guère de doute lorsque la scintigraphie trouve une hypofixation du
dôme astragalien, il faut admettre que dans la majorité des cas,
c’est une hyperfixation assez diffuse, du dôme ou du col, qui est
observée.
Il est également nécessaire de signaler qu’une fracture
méconnue du dôme peut se compliquer d’ostéonécrose aseptique
ou d’algodystrophie.
Plus rarement, c’est l’algodystrophie de la
tibiotarsienne qui se complique de fracture ostéochondrale du dôme
astragalien.
+ Calcanéum
:
Le calcanéum, comme tous les os courts, est constitué presque
totalement d’os spongieux.
À ce titre, il est fréquemment le siège de
fractures de fatigue par insuffisance osseuse chez le sujet âgé.
La
fracture intéresse très majoritairement le corps du calcanéum,
siégeant le plus souvent à sa partie postérosupérieure.
Comme pour
la fracture de fatigue du plateau tibial, la bande de condensation
qui zèbre le corps peut manquer ou être discrète.
La technique scintigraphique comporte une étude en trois phases
centrée sur les voûtes plantaires.
L’imagerie tardive (temps osseux),
outre le cliché de balayage du corps entier et l’incidence en voûte
plantaire, doit comporter un cliché de profil du pied.
Plus rarement,
un cliché des chevilles en face postérieure peut être précieux pour
visualiser une fracture de la tubérosité postérieure de la face
inférieure du calcanéum.
Passé les 72 premières heures suivant la fracture, l’hyperfixation
devient hyperintense, elle implique la totalité du corps de l’os et se
propage en « dégradé » vers l’avant du calcanéum.
L’intensité et
l’étendue de l’hyperfixation apparaissent disproportionnées par
rapport au trait de fracture, mais il faut se rappeler que cette
hyperfixation reflète globalement l’oedème périfracturaire, la
néovascularisation et l’accroissement local du taux de
renouvellement du remodelage osseux.
Les diagnostics différentiels sont classiquement : l’ostéome ostéoïde,
l’ostéomyélite à forme ostéosclérosante (de Garré), l’ostéosarcome et
l’ostéonécrose aseptique.
Néanmoins, Marcelli estime que
l’hyperfixation calcanéenne est pathognomonique d’une fracture de
fatigue, lorsque l’anomalie scintigraphique est confrontée à l’histoire
clinique et à des radiographies normales.
+ Métatarsiens
:
La fracture par insuffisance osseuse peut affecter n’importe quel
métatarsien, mais ce sont les deuxième et troisième métatarsiens qui
sont les plus fréquemment atteints au niveau du tiers moyen ou
distal de leur diaphyse.
Plus rarement, il s’agit du premier (tiers
proximal), quatrième ou cinquième métatarsiens.
La fracture du
cinquième métatarsien (fracture de Jones) est souvent provoquée
lors d’une torsion du pied, par exemple sur le bord du trottoir, par
traction du court péronier latéral sur la base du cinquième
métatarsien.
Lechevalier, puis Chowchen ont cependant
récemment recensé un nombre significatif de fractures de fatigue
par insuffisance osseuse de la tête du deuxième métatarsien chez les
sujets âgés.
Ces observations récentes traduisent probablement
une sous-estimation de la fréquence de la localisation fracturaire
métatarsienne.
Les fractures peuvent se produire sur plusieurs
métatarsiens contigus et s’accompagner de fractures des phalanges :
il est ici capital de ne pas confondre plusieurs foyers hyperfixants
fracturaires de l’avant-pied avec une algodystrophie panrégionale.
Chez le sujet âgé, il n’est pas rare non plus que la fracture de fatigue
du métatarsien se bilatéralise secondairement par appui préférentiel
sur le pied initialement indemne.
Cet appui monopodal est d’autant
plus prolongé que le diagnostic est porté tardivement.
Pour le même
motif, la fracture de fatigue peut se compliquer d’algodystrophie
dans ses formes locorégionales ou radiales.
Le tableau clinique est défini par des métatarsalgies mécaniques.
Une tuméfaction de l’avant-pied localisée ou diffuse est fréquente ;
la palpation réveille un point douloureux exquis.
Les radiographies
standards comparatives sont normales dans 80 % des cas et le restent
tout au long de leur évolution.
La technique scintigraphique comporte une étude en trois phases,
centrée sur les voûtes plantaires, comme pour le calcanéum.
L’imagerie tardive (temps osseux) associe le cliché de balayage du
corps entier à l’incidence en voûte plantaire.
L’anomalie, constamment visible, se définit par une hyperfixation
intense focalisée au niveau de la diaphyse d’un métatarsien, plus
rarement au niveau de la base, du col ou de la tête de l’os.
En cas
d’algodystrophie à forme radiale, c’est le rayon du pied qui apparaît
hyperfixant sur toute sa longueur.
Il est capital de reconnaître le foyer fracturaire se détachant par son intensité de cette hyperfixation
radiale.
De la même façon, en cas d’algodystrophie panrégionale du
pied, il importe de reconnaître un ou plusieurs foyers fracturaires ;
ces foyers sont aisément repérables en cas de fracture de la diaphyse
ou du col d’un métatarsien.
L’identification devient beaucoup plus
difficile en cas de fracture de la base ou de la tête.
B - MALADIES INFLAMMATOIRES, DÉGÉNÉRATIVES
ET MÉTABOLIQUES :
1- Algoneurodystrophie
:
*
Position du problème
:
En cas de suspicion d’algodystrophie, le recours à la scintigraphie
peut correspondre à plusieurs objectifs.
Il peut s’agir de valider une
impression incomplètement affirmée ou d’apprécier la sévérité et
l’extension de l’algodystrophie.
La scintigraphie peut aussi déceler
une cause sous-jacente cliniquement passée inaperçue et participer
au diagnostic différentiel.
Enfin, elle a parfois pour but de disposer
d’une image objective devant la plainte d’un patient dans un cadre
médicolégal.
Dans cette pathologie, il convient de réaliser une scintigraphie
osseuse dynamique en trois phases.
Il est indispensable au préalable
de vérifier et consigner le côté atteint et le côté dominant.
Il faut
également s’enquérir des éventuels traitements en cours susceptibles
de modifier l’image scintigraphique (calcitonines, blocs
sympathiques, disphosphonates).
L’injection du traceur doit être
effectuée en embole, dans une veine à distance du membre
cliniquement suspect.
Il est nécessaire, en règle, de réaliser des
incidences de face et de profil de l’articulation douloureuse, de
compléter l’exploration par des vues antérieures des articulations
sus- et sous-jacentes.
La réalisation d’un balayage corps entier,
complémentaire des clichés segmentaires est souhaitable, en
particulier dans les cas suivants : s’il s’agit d’un enfant ou d’un
adulte de plus de 60 ans, s’il existe des antécédents néoplasiques, si
l’algodystrophie est récidivante ou plurifocale, s’il existe une image
insolite sur le cliché segmentaire.
De même, le cliché du corps entier
est souhaitable si l’on est dans un contexte médicolégal.
Dans la forme classique « chaude » (pseudo-inflammatoire)
locorégionale, l’hyperfixation apparaît dès le temps précoce
tissulaire, bien visible sur les clichés comparant les côtés droit et
gauche.
La sémiologie scintigraphique du temps osseux
tardif diffère selon qu’il s’agit d’une articulation des extrémités
(main, pied) ou d’une articulation intermédiaire (épaule, coude,
hanche, genou).
Ainsi, dans l’algodystrophie du pied pris
comme exemple type d’une articulation distale, les deux signes
fondamentaux sont :
– l’hyperfixation diffuse du tarse postérieur, du tarse antérieur, du
gril métatarsien et des phalanges ;
– le renforcement de l’hyperfixation périarticulaire des petites
articulations : tarsométatarsiennes, métatarsophalangiennes,
interphalangiennes proximales et distales.
Les signes d’appoint inconstants sont :
– la propagation de l’hyperfixation en dégradé sur la région épiphysométaphysaire, voire diaphysaire ;
En choisissant la hanche comme modèle d’articulation intermédiaire,
la sémiologie scintigraphique du temps tardif est constituée par une
hyperfixation intense centrée sur la tête fémorale, diffusant en
dégradé sur l’ensemble de l’articulation coxofémorale, se propageant
en bas jusqu’au massif trochantérien, souvent jusqu’à déborder sur
la diaphyse fémorale.
La richesse de la sémiologie pour les articulations distales,
conditionnant la spécificité, s’oppose donc à la pauvreté des données scintigraphiques pour les articulations intermédiaires.
En
conséquence, le diagnostic positif est en règle acquis pour les
articulations distales.
En revanche, les caractéristiques de
l’hyperfixation de l’algodystrophie de hanche sont insuffisantes pour
discriminer une algodystrophie et une ostéonécrose aseptique de la
tête fémorale. Le diagnostic différentiel scintigraphique
est également parfois délicat, souvent impossible, avec une
coxopathie évoluée (coxite, coxarthrose), en sachant que
l’algodystrophie peut succéder à une coxopathie aiguë ou cohabiter
avec une coxopathie chronique.
La forme froide d’emblée se caractérise par une hypofixation au
temps tardif.
Rare chez l’adulte (moins de 10 % des cas), elle devient
majoritaire chez l’enfant (plus de 70 % des cas).
Pour le membre
inférieur, elle ne doit pas être confondue avec un syndrome alterne
(limping syndrome) lié à un appui préférentiel prolongé sur le
membre inférieur indemne et/ou à l’utilisation de béquilles.
Chez
l’enfant, le tableau scintigraphique d’une algodystrophie du membre
inférieur varie d’une atténuation de l’hyperfixation physiologique
des cartilages de croissance, à l’« amputation du membre »,
équivalent scintigraphique de l’image radiographique
d’« articulation fantôme ».
La forme partielle, décrite par Lequesne, revêt deux aspects.
– L’algodystrophie obéit à une topographie métamérique,
intéressant un ou deux rayons carpo-métacarpo-phalangiens d’une
main ou tarso-métatarso-phalangiens d’un pied : c’est la forme
radiale.
La scintigraphie objective en ce cas typiquement une
hyperfixation diffuse du rayon atteint, et très souvent, une
hyperfixation focale surimposée, traduction d’une fracture de fatigue
occulte d’un métatarsien.
L’hyperfixation diffuse « algodystrophique
» est à distinguer de l’hyperfixation diffuse postfracturaire
purement réactionnelle, apparaissant au cours des 10 premiers jours
suivant la fracture.
L’hypothèse de fracture à l’origine de la réaction algodystrophique locale est plus souvent retenue que la filiation
inverse des lésions.
– Lorsque l’algodystrophie est confinée à une portion paraarticulaire
d’un os plus volumineux, par exemple une partie d’un
condyle ou de la tête fémorale, on évoque la forme zonale.
Au début,
la scintigraphie ne montre qu’une hyperfixation très intense
localisée, évidemment dépourvue de valeur d’orientation
étiologique puisque l’ostéonécrose, l’arthrose et la fracture de fatigue
se présentent fréquemment sous cet aspect.
* Analyse semi-quantitative des données de la scintigraphie osseuse
dynamique
:
À partir de la série d’images englobant l’articulation douloureuse et
l’articulation controlatérale, supposée saine, constituant la
scintigraphie osseuse dynamique dite en trois phases, les
programmes informatiques de traitement des données permettent
de construire deux courbes d’évolution de l’activité en fonction du
temps.
Ces courbes sont déduites du premier segment temporel
correspondant à l’arrivée vasculaire.
La comparaison d’indices
extraits de ces courbes définit l’analyse semi-quantitative des
données de la scintigraphie osseuse.
Celle-ci a comme objectifs :
– de préciser la phase chaude ou froide de l’algodystrophie ;
– de contribuer au diagnostic notamment des formes cliniques
atypiques comme l’algodystrophie « froide » d’emblée ;
–
éventuellement d’orienter ou d’apprécier l’effet de la
thérapeutique.
2- Ostéonécrose
:
*
Définition
:
L’ostéonécrose est la mort de tout ou partie d’un os provoquée par
un agent extérieur chimique ou physique, ou par une insuffisance
circulatoire.
Elle se distingue de l’ostéolyse où l’os est détruit de
proche en proche par un granulome inflammatoire ou par une
prolifération tumorale.
L’ostéonécrose est la mort des cellules de
l’os : elle commence par les plus fragiles, les cellules hématopoïétiques
; elle se poursuit par les cellules graisseuses et par les
ostéocytes.
La nécrose trabéculaire est associée à la nécrose
médullaire.
* Physiopathologie
:
L’irrigation artérielle de certains os, comme la tête fémorale,
provient d’un arbre vasculaire pourvu seulement d’un réseau
collatéral limité.
Cette disposition implique qu’une interruption
vasculaire à un endroit relativement distal du tronc principal du
vaisseau nourricier peut provoquer la nécrose d’une quantité
substantielle de l’os médullaire ou cortical.
L’arrêt de l’apport
sanguin et la nécrose corollaire de la moelle, de l’os médullaire ou
de l’os cortical, peuvent se produire selon au moins un des quatre
mécanismes suivants : interruption vasculaire mécanique, thromboembolie, lésion ou compression vasculaire, occlusion
veineuse.
+ Tête fémorale
:
La douleur de hanche est habituellement révélatrice.
Le patient ne
rattache pas son apparition à une circonstance macro- ou microtraumatique.
Ses caractères sont ceux d’une douleur d’origine coxofémorale. Habituellement de rythme mécanique, elle est parfois
permanente, diurne et nocturne.
Son intensité est variable.
La
douleur signale souvent déjà l’apparition d’une fracture souschondrale,
et le diagnostic s’avère ainsi tardif dès le premier
symptôme.
L’épanchement articulaire, l’oedème médullaire et,
tardivement la coxopathie dégénérative sont aussi sources de
douleur.
L’examen clinique est pauvre, ne révélant qu’une réduction
d’amplitude lors des manoeuvres de mobilité passive de la hanche.
L’interrogatoire devient essentiel en s’efforçant d’identifier un
facteur de risque d’ostéonécrose ou un antécédent d’une autre
ostéonécrose.
Les radiographies standards conservent une valeur inestimable pour
le diagnostic et l’établissement du pronostic des ostéonécroses.
Parmi les nombreuses classifications proposées, la plus utilisée reste
celle comportant quatre stades, due à Ficat et Arlet. Au stade I, les radiographies sont normales.
Au stade II, on observe des plages
hétérogènes d’ostéocondensation et/ou de radioclarté au sein de la
tête fémorale ; à ce stade, les symptômes peuvent manquer,
démontrant le caractère longtemps infraclinique du processus
d’ostéonécrose (silent hip).
Au stade III, à ces anomalies s’ajoute une
fracture sous-chondrale, tournant évolutif de l’ostéonécrose.
Cette
fracture se traduit par une perte de sphéricité de la tête fémorale.
L’interligne articulaire est encore préservé.
Le stade IV est défini par
l’apparition des signes habituels d’arthropathie dégénérative
(coxarthrose secondaire).
Quels que soient les méthodes de calcul et les systèmes de cotation,
tous dérivés de l’IRM, une ostéonécrose peu étendue (< 30 %) de la
tête fémorale, ou respectant au moins 50 % de la surface portante de
la tête fémorale, évolue exceptionnellement vers le collapsus de la
pièce osseuse.
Le risque devient majeur en cas d’ostéonécrose
étendue ou affectant plus de 50 % de la surface portante.
À partir
du stade III radiographique, quel que soit l’aspect IRM,
l’ostéonécrose conduit le plus souvent à la pose d’une prothèse
totale de hanche.
Plusieurs études prospectives ont identifié des signaux anormaux à
l’IRM, évocateurs d’ostéonécrose chez 10 à 50 % de patients à risque
élevé d’ostéonécrose strictement asymptomatiques.
On ignore la
durée de la phase infraclinique de l’ostéonécrose, vraisemblablement
comprise entre plusieurs semaines et plusieurs mois.
De plus en plus fréquemment, une ostéonécrose silencieuse est
décelée lors de l’imagerie d’une ostéonécrose controlatérale
cliniquement patente.
+ Sémiologie scintigraphique
:
L’hyperfixation de l’extrémité supérieure du fémur est l’anomalie la
plus fréquemment trouvée au cours de l’ostéonécrose de la tête
fémorale.
Cette hyperfixation peut apparaître confinée au pôle supéroexterne de la tête fémorale.
Dans cette configuration, elle est
très suggestive, à condition de ne pas la confondre avec
l’hyperfixation liée à une coxarthrose polaire supérieure agressive radiographiquement encore normale.
Au stade suivant, l’hyperfixation recouvre de façon homogène la
tête fémorale dans son intégralité : le diagnostic différentiel est celui
de l’algodystrophie partielle de la hanche.
Ce dilemme diagnostique
est généralement insoluble, sauf s’il existe une anomalie de fixation
en regard de la tête fémorale controlatérale, puisqu’il est admis que
les formes bilatérales d’ostéonécrose de la tête fémorale dépassent
50 %, et qu’au contraire l’algodystrophie bilatérale simultanée de la
hanche n’existe pas.
De rares équipes complètent l’imagerie planaire
par une TEMP, dans le but de déceler une zone hypofixante
centrocapitale, souvent dissimulée par l’hyperfixation périlésionnelle
en mode planaire, signant pratiquement l’existence d’une
ostéonécrose.
La sensibilité se trouverait alors hissée entre 85 % et
90 %.
Au stade ultérieur, l’hyperfixation poursuit son extension vers le col
fémoral et la zone intertrochantérienne. Staudenherz et al suggèrent
que la présence d’une hyperfixation intertrochantérienne oriente
plus volontiers vers l’algodystrophie.
Néanmoins, ces auteurs
reconnaissent qu’elle peut apparaître au cours des ostéonécroses
associées à un important oedème médullaire.
Il peut s’y associer une
perte de la géométrie normale de la coxofémorale.
L’hypofixation peut apparaître « pure », mais elle est alors difficile à
distinguer d’images obtenues chez le sujet normal, où la tête
fémorale peut apparaître faussement hypofixante.
L’hypofixation
peut être soulignée par une hyperfixation dite en « croissant », mais
l’aspect le plus caractéristique est la lacune de fixation centrée sur la
tête fémorale complètement entourée d’un halo hyperfixant (signe
de la cocarde ou cold-in-hot).
L’étude de la littérature concernant l’efficacité diagnostique de la
scintigraphie osseuse pour l’ostéonécrose de la hanche, en
comparaison avec l’IRM, donne des résultats variables suivant les
équipes.
Cependant, la sensibilité de l’IRM est en général supérieure
(83 à 100 % versus 60 à 90 % pour la scintigraphie). Pour la
spécificité, les valeurs sont plus proches pour les deux techniques
(de 80 à 100 %).
* Autres localisations
:
+ Condyles fémoraux et plateaux tibiaux
:
Bien que l’ostéonécrose ait été associée à de nombreux facteurs
favorisants, l’ostéonécrose du genou est habituellement considérée
comme « idiopathique », et le plus fréquemment localisée au condyle
fémoral interne.
Néanmoins, les ostéonécrose du condyle fémoral
externe, de la rotule et des plateaux tibiaux interne et externe
existent, bien que rares.
Le « terrain » de l’ostéonécrose du genou
est de façon prédominante la femme âgée de plus de 60 ans.
La
classification des ostéonécroses du condyle fémoral interne est
radiographique.
Elle comporte quatre stades de chronologie et de
gravité croissantes.
Le stade I correspondant à une image
radiologique normale au cours des 6 à 8 premières semaines suivant
l’apparition des douleurs, et le stade IV à une destruction radiographiquement patente de l’articulation fémorotibiale interne,
survenant généralement au terme de 9 mois à 1 an de l’histoire
naturelle de l’ostéonécrose.
Le risque de l’ostéonécrose du condyle
interne est l’aboutissement à une gonarthrose sévère ; c’est dire la
nécessité d’un diagnostic précoce et fiable avant l’apparition de
signes radiographiques.
La scintigraphie osseuse en trois temps se
révèle une exploration « pivot » dans cette indication. Les
phases angiographique et tissulaire révèlent une hyperhémie et une
hypercaptation du condyle, témoignant du caractère aigu de la
nécrose.
L’image scintigraphique typique consiste en un foyer
d’hyperfixation très intense du condyle fémoral interne à la phase
tardive osseuse.
Cette hyperfixation appartient bien au condyle fémoral interne, comme en atteste le cliché systématique en profil
interne, genou fléchi à 30°, chaque fois que la douleur et l’impotence
fonctionnelle l’autorisent.
Cette hyperfixation est de taille variable,
qu’il faut indiquer en raison de l’impact sur le pronostic fonctionnel :
elle peut être ponctuelle, confinée à la zone sous-chondrale du
condyle, ou étendue, épousant les contours du condyle.
Ce foyer
peut apparaître entouré d’une zone d’hyperfixation en dégradé qui
signe l’oedème périnécrotique.
L’ostéonécrose du plateau tibial interne présente des traits
épidémiologiques, physiopathologiques, radiographiques et
scintigraphiques largement analogues à ceux décrits pour le condyle
fémoral interne.
Récemment, une fracture de fatigue a été rendue
responsable de certains syndromes douloureux intitulés
« ostéonécrose du plateau tibial interne ».
Cette remise en cause d’un
certain nombre de diagnostics scintigraphiques est étayée par des
arguments cliniques, mais surtout radiographiques (apparition
retardée d’une condensation linéaire sous-chondrale évocatrice de
consolidation d’un trait de fracture) et IRM (identique à celle décrite
dans les fractures de contrainte du sujet jeune et différente de celle
de l’ostéonécrose ischémique).
Pour l’équipe de Resnick,
l’association d’une ostéonécrose d’un condyle fémoral et d’une
fracture de fatigue du plateau tibial homolatéral sur un même
genou, plus fréquente que ne le voudrait le simple hasard, suggère
que les ostéonécroses du genou procèdent d’une origine
traumatique.
+ Astragale
:
Les ostéonécroses de l’astragale se partagent en deux catégories :
post-traumatiques et atraumatiques.
Comme pour celle de la tête
fémorale, l’ostéonécrose atraumatique de l’astragale est bilatérale
dans plus de 50 % des cas, et il existe d’autres ostéonécroses
associées, que la scintigraphie osseuse peut localiser dans près de
65 % des cas.
La scintigraphie osseuse dynamique révèle une
hyperfixation plus ou moins focalisée, siégeant en règle au dôme astragalien.
+ Calcanéum
:
En raison de la disposition intraosseuse et extraosseuse de
l’irrigation artérielle, l’ostéonécrose post-traumatique implique plus
fréquemment le corps que le col ou la tête du calcanéum.
Les mêmes
facteurs favorisants que ceux incriminés dans l’ostéonécrose de la
tête fémorale et de la tête humérale ont été retrouvés dans
l’ostéonécrose atraumatique du calcanéum.
+ Scaphoïde tarsien
:
Rarement rapportée dans la littérature, l’ostéonécrose (maladie de
Köhler selon la terminologie anglo-saxonne) se traduirait
initialement par une hypofixation, remplacée ensuite par une
hyperfixation.
Les phases angiographique et tissulaire se
caractérisent par une fixation modestement augmentée ou normale.
+ Métatarsiens
:
L’ostéonécrose de la tête du premier ou du deuxième métatarsien
(maladie de Freiberg dans la littérature anglo-saxonne) se traduit à
la scintigraphie par une hyperfixation très focalisée qui pourrait
donner le change avec une fracture de fatigue.
Mais l’intensité du
foyer n’est pas aussi élevée que celle rencontrée dans la fracture de
fatigue, et il existe dans l’ostéonécrose une hyperhémie nette aux
temps angiographique et précoce de l’exploration dynamique en
trois temps.
+ Tête humérale
:
L’épaule n’étant pas soumise aux mêmes charges physiques et forces
mécaniques que la hanche, il existe des arguments démontrant que
l’histoire naturelle de cette forme topographique de l’ostéonécrose
est significativement plus favorable que celle de sa contrepartie à la
hanche.
Si l’ostéonécrose non traumatique de la tête humérale est
rare, son incidence augmente parallèlement au nombre de patients
recevant une corticothérapie au long cours pour une affection
chronique (cancers, hémopathies, maladies auto-immunes,
transplantations d’organe, entérocolopathies chroniques, etc), ainsi
qu’à l’allongement de la durée de vie de ces patients.
La
fréquence des ostéonécroses non traumatiques bilatérales de la tête
humérale est encore plus élevée (74 %) que celle des ostéonécroses
de la tête fémorale, et une très forte majorité (96 %) des patients
présentent d’autres localisations d’ostéonécrose associées.
+ Clavicule
:
La rare ostéonécrose de l’extrémité interne de la clavicule se traduit
par un foyer d’autant moins spécifique qu’il se confond souvent
avec l’articulation sternoclaviculaire.
+ Semi-lunaire
:
Dans un tiers des cas, les vaisseaux nourriciers n’atteignent l’os qu’à
sa partie inférieure, expliquant ainsi sa vulnérabilité aux macro- ou
microtraumatismes.
La scintigraphie osseuse s’avère très utile
pour identifier l’origine d’une douleur pseudo-inflammatoire
chronique du carpe à radiographies normales.
Compte tenu des
dimensions réduites des os du carpe, de la fréquence de lésions du
carpe préexistantes (par exemple : rhizarthrose bilatérale du pouce)
ou réactionnelles à l’ostéonécrose (par exemple : synovite,
algodystrophie), il est impératif d’obtenir des images d’une qualité
irréprochable : enregistrement d’un nombre de coups suffisant,
incidences spéciales supplémentaires, si possible image au pinhole.
3- Arthrose
:
Les lésions arthrosiques, par leur fréquence, sont probablement
responsables des signes les plus souvent rencontrés en scintigraphie
osseuse.
Si l’arthrose est rarement la raison de l’indication de la
scintigraphie osseuse, elle doit donc être prise en compte dans
l’interprétation des images.
Les difficultés d’interprétation
éventuelles sont le plus souvent surmontées par l’étude des
renseignements cliniques et la consultation des radiographies
simples.
D’une façon générale, les lésions arthrosiques se manifestent par une
hyperfixation, le plus souvent très modérée, mais qui, à l’occasion
de poussées inflammatoires, peut devenir plus marquée.
Les
ostéophytes, lorsqu’ils se constituent, peuvent fixer assez
intensément le traceur, mais à plus long terme deviennent isofixants,
et ne sont apparents que par leur situation débordant l’image
osseuse habituelle.
* Arthrose rachidienne
:
Le rachis cervical est très souvent le siège de lésions arthrosiques
qui se reconnaissent aisément sur la scintigraphie osseuse par la
situation latérale des hyperfixations observées (uncarthrose).
Sur le
rachis dorsal, les lésions d’arthroses se manifestent par un aspect
hétérogène de la fixation, plus que par de véritables foyers.
Une
hyperfixation modérée est assez souvent retrouvée au niveau des
articulations costovertébrales.
Le rachis lombaire, et particulièrement
la charnière lombosacrée, est très souvent remanié par des lésions
arthrosiques : l’hyperfixation de certaines zones peut être assez
intense.
Le diagnostic différentiel repose sur la confrontation avec
les radiographies, pour voir si ces foyers correspondent à des zones
d’arthrose exubérante.
On pratique volontiers dans ces cas des
images tomographiques (TEMP) qui, en précisant la localisation de
l’hyperfixation sur la vertèbre, permettent d’orienter par exemple
vers une arthrose interapophysaire postérieure, vers une
hyperfixation intéressant un ostéophyte antérieur ou, si au contraire
l’hyperfixation siège sur un pédicule, vers une image beaucoup plus
suspecte de localisation secondaire.
* Coxarthrose
:
Le diagnostic scintigraphique ne prête à confusion que dans le cas
où l’arthrose n’est pas encore éloquente radiologiquement,
notamment dans les formes agressives polaires supérieures, qui peuvent être difficiles à distinguer d’une ostéonécrose.
Une
incidence en profifl urétral de hanche ou une TEMP trouvent ici tout
leur intérêt diagnostique.
* Gonarthrose
:
L’aspect d’hyperfixation modérée, répartie de façon hétérogène, est
en général facilement reconnu.
En cas d’hyperfixation plus intense
prédominant sur un compartiment, l’atteinte simultanée du condyle
et du plateau tibial plaide en faveur de l’arthrose dans le diagnostic
différentiel avec les fractures ou les ostéonécroses.
* Autres sites
:
La rhizarthrose, l’arthrose interphalangienne, l’arthrose
acromioclaviculaire, l’articulation sternoclaviculaire, l’arthrose
omohumérale sont fréquemment repérées sur les scintigraphies mais
ne posent pas habituellement de problème d’interprétation.
4- Arthrites inflammatoires et enthésiopathies
:
Les arthrites inflammatoires, quelle que soit leur étiologie, se
manifestent par une hyperfixation des articulations concernées qui,
au moment des poussées, peut être très intense.
Cette hyperfixation
intéresse les deux versants de l’articulation, et peut s’étendre jusqu’à
la métaphyse.
Dans ces affections, la scintigraphie est parfois
pratiquée pour rechercher une pathologie supplémentaire telle
qu’une fracture de contrainte, et les anomalies de fixation liées aux
arthrites inflammatoires doivent donc être connues pour ne pas
prêter à confusion.
* Spondylarthrite ankylosante
:
La spondylarthrite ankylosante conduit parfois à pratiquer une
scintigraphie pour apprécier l’état des articulations sacro-iliaques.
La quantification de la fixation des articulations sacro-iliaques a
donné lieu à de nombreux travaux, mais les résultats restent
discutables, et elle est aujourd’hui peu utilisée en pratique : du fait
de la symétrie habituelle de l’atteinte, la scintigraphie ne donne un
résultat fiable que lorsque l’hyperfixation des sacro-iliaques est très
marquée, se manifestant notamment par une visualisation
inhabituelle de ces articulations en incidence antérieure.
Dans cette
affection, la scintigraphie peut montrer en outre les autres atteintes
d’arthrites ou d’enthésiopathies.
* SAPHO :
Ce syndrome d’étiologie inconnue associe synovite, acné, pustulose,
hyperostose, ostéite.
Il touche préférentiellement sur le squelette la région sternoclaviculaire : élargissement de l’une ou des deux clavicules
dont l’architecture est remaniée, atteinte manubriosternale, atteinte
de l’extrémité antérieure des côtes.
D’autres lésions osseuses
peuvent être rencontrées, beaucoup moins fréquemment, dans des
localisations très variées.
Ce tableau est typiquement associé à une
acné sévère et à une pustulose palmoplantaire.
À la scintigraphie, tous ces foyers osseux qui correspondent à des
foyers d’ostéite aseptique fixent fortement le traceur.
La
scintigraphie peut orienter le diagnostic lorsqu’elle découvre des
foyers claviculaires et du sternum, mais elle peut surtout être utile
pour faire le bilan des atteintes et apprécier leur évolutivité.
5- Maladie de Paget
:
La prévalence de la maladie de Paget a été évaluée à environ 3 à
4 % des individus de plus de 40 ans, touchant plus souvent l’homme
que la femme.
Elle augmente avec l’âge, pour atteindre 10 % chez
les octogénaires.
Approximativement 85 % des patients sont
asymptomatiques.
* Rappels histopathologiques
:
La maladie osseuse de Paget est une maladie focale, caractérisée par
une augmentation du remodelage osseux, une hypertrophie osseuse
et une structure osseuse anormale.
L’atteinte est habituellement plurifocale et de distribution asymétrique, mais elle apparaît
unifocale chez 20 % des patients.
L’aspect microscopique est complexe mais stéréotypé.
Il s’agit d’une
combinaison d’ostéogenèse, d’ostéorésorption, de fibrose médullaire,
de dédifférenciation corticomédullaire et de néovascularisation.
Ces
phénomènes se produisent de manière simultanée mais anarchique.
Il existe un emballement du turnover qui est accéléré d’un facteur 20 au cours de la maladie de Paget.
Les ostéoclastes pagétiques sont géants, ils
contiennent en moyenne 20 noyaux au lieu de trois ou quatre pour
les ostéoclastes normaux.
L’événement pathologique initial semble
être une explosion focalisée de la résorption par les ostéoclastes.
Corollairement, l’ostéogenèse apparaît accrue par le couplage qui lie
l’activité ostéoblastique à l’activité ostéoclastique originelle.
Cependant, contrairement à l’ostéoclaste, l’ostéoblaste apparaît
normal.
Cette surproduction d’un os de médiocre qualité est
responsable de l’hypertrophie et de l’ostéosclérose qui distinguent
la maladie.
Macroscopiquement, l’os pagétique est épaissi mais fragile.
Les
déformations des pièces osseuses, notamment les bosselures de la
voûte crânienne, et les incurvations du tibia et du fémur, font
traditionnellement partie de la maladie évoluée.
Les lésions lytiques de la maladie de Paget correspondent surtout,
mais non exclusivement, aux formes de début de l’affection, réalisant
notamment les classiques images d’ostéoporose circonscrite sur le
crâne.
Sur les os longs, l’ostéolyse prédomine sur le cortex, réalisant
une trabéculation de ce dernier, mais intéresse aussi largement l’os
spongieux, dont le segment atteint présente une limite nette avec
l’os sain adjacent, le classique front de déminéralisation de Brailsford
ou, le cas échéant, le « V » tibial.
L’évolution habituelle passe par trois stades :
– le stade 1 initial correspond à la phase de destruction ou de
résorption active.
C’est à ce stade que l’on trouve les ostéoclastes
géants polynucléés ;
– le stade 2 suivant est une phase mixte qui traduit une accélération
concomitante des processus d’ostéorésorption et d’ostéosclérose ;
– cette phase mixte est suivie par le stade 3, qui est la phase
sclérotique, marquée par un élargissement, voire une déformation,
de la pièce osseuse, un épaississement des corticales, un aspect
fibrillaire caricatural de l’os spongieux, une dédifférenciation corticomédullaire.
En réalité, les lésions d’ostéolyse s’associent aux lésions
d’ostéosclérose de façon variable dans l’espace et dans le temps,
avec possibilité de chevauchement.
Si la plurifocalité est une
caractéristique de la maladie de Paget, l’asynchronisme des lésions
en est une autre, y compris aux dépens d’une même pièce osseuse.
Certaines équipes rajoutent un quatrième stade, défini par la
dégénérescence maligne de la lésion pagétique.
* Sémiologie scintigraphique
:
La maladie de Paget se manifeste par une hyperfixation très intense
et homogène qui atteint l’os ou la portion de l’os concerné de façon
globale : cette hyperfixation est parfois telle que le reste du squelette
apparaît en comparaison « éteint ».
La seule exception à cet aspect
est l’ostéoporose circonscrite du crâne, où l’hyperfixation n’est
notable qu’à la périphérie de la lésion. L’un des signes les plus
caractéristiques de la maladie de Paget est l’élargissement localisé
ou global de l’os.
Ce phénomène n’est jamais observé dans les
autres affections ostéosclérotiques (ostéoblastiques), telles que les
métastases osseuses du carcinome de la prostate.
Lorsque
l’augmentation de taille s’accompagne d’une déformation
(déformation en « cimeterre » des tibias, aspect de leontiasis ossea
du massif facial), le diagnostic est déjà radiographiquement évident.
L’atteinte d’une vertèbre se traduit par une hyperfixation qui, en
face antérieure, montre bien l’élargissement du corps vertébral et,
en face postérieure, se traduit par une image triangulaire (apophyses
transverses et épineuse) décrite comme le signe de Mickey Mouse.
Le crâne peut être atteint en totalité en respectant la mandibule ou,
au contraire, l’ensemble de la mandibule peut être atteint isolément,
donnant l’aspect de « barbe noire ».
L’atteinte de l’os iliaque peut parfois prêter à confusion avec des
métastases d’un cancer prostatique, mais le fait qu’elle intéresse
l’ensemble de l’os ou une grande portion de celui-ci de façon
homogène, et surtout l’agrandissement de l’image osseuse,
permettent en règle d’affirmer le diagnostic.
* Indications de la scintigraphie osseuse
:
Elles sont multiples.
– Maladie connue.
La scintigraphie osseuse est le moyen le plus fiable d’identifier les lésions pagétiques et d’en déterminer l’extension.
Elle devrait être
réalisée dès le diagnostic posé.
En effet, il est admis que la maladie
ne progresse pas d’un os à l’autre, mais que tous les os atteints chez
un même patient le sont dès la phase initiale, les lésions pouvant
être plus ou moins évolutives au cours du temps ou en fonction des
traitements suivis.
– Douleurs osseuses inexpliquées.
La douleur ostéoarticulaire est le symptôme le plus fréquent.
Toutefois, plus de 50 % des sites douloureux consignés à l’étape du
diagnostic sont la conséquence d’une atteinte articulaire liée à la
maladie de Paget.
L’hypertrophie de l’os pagétique dans les zones
sous-chondrales aboutit à une altération du cartilage et à une
arthrose.
Des fissures (c’est-à-dire des fractures incomplètes) sont souvent
notées, et des fractures complètes peuvent survenir après des
traumatismes, même mineurs.
Les douleurs peuvent aussi être dues à un syndrome de compression
radiculaire ou médullaire lié à l’hypertrophie d’une vertèbre.
La dégénérescence maligne de la maladie de Paget à type
d’ostéosarcome survient dans moins de 1 % des cas.
Cette
dégénérescence atteint le plus fréquemment le bassin, le fémur et
l’humérus.
La greffe sarcomateuse complique en règle une maladie
de Paget au long cours chez des patients d’âge compris entre 50 et
80 ans.
Le tableau clinique comporte l’apparition ou la recrudescence
des douleurs et une masse palpable est fréquemment présente dès
le diagnostic.
La scintigraphie osseuse objective une hyperfixation
intense, mais peut montrer une hypofixation focale associée à une
déformation également focale de l’os hôte.
Ces caractéristiques se
démarquent des anomalies de fixation environnantes exprimées par
l’atteinte pagétique.
– Découverte fortuite de la scintigraphie osseuse, puisque seulement
15 % des sujets porteurs de la maladie de Paget sont
symptomatiques.
– Exploration d’une ascension isolée des phosphatases alcalines.
– Suivi thérapeutique.
Sous l’effet de la thérapeutique, et particulièrement des bisphosphonates, la fixation de l’os pagétique
à la scintigraphie peut être considérablement diminuée, et même
pratiquement revenir à un aspect normal.
Un os qui
initialement présentait une hyperfixation globale, peut aussi,
sous l’effet du traitement, ne laisser apparaître que des zones
d’hyperfixation plus localisées qui risquent d’être confondues
avec des métastases.
Cet aspect
doit être connu, et le traitement du patient doit être consigné
avant d’interpréter les images.
La
scintigraphie est d’ailleurs parfois utilisée pour apprécier
l’effet du traitement.
6- Ostéoarthropathie hypertrophiante
:
Décrite en 1890 par Pierre Marie, l’ostéoarthropathie
hypertrophiante (OAH) pneumique est caractérisée par un
hippocratisme digital et une périostose (prolifération du périoste)
des os longs.
Elle s’observe dans les pneumopathies chroniques
de causes diverses, et notamment les tumeurs bronchopulmonaires,
ainsi que dans les cardiopathies cyanogènes.
* Sémiologie scintigraphique
:
+ Forme typique
:
Le tableau scintigraphique caricatural associe trois signes :
– hyperfixation linéaire soulignant la corticale des os longs.
Cette
hyperfixation est plus fréquemment observée au niveau métaphysodiaphysaire distal que proximal.
L’épiphyse est respectée.
Lorsque l’hyperfixation est intense et étendue, elle dessine une
image en « rails de chemin de fer » ;
– hyperfixation périarticulaire due à la synovite associée ;
– hippocratisme digital se traduisant par une hyperfixation du corps
des métacarpiens, des phalanges proximales et moyennes.
C’est dire
la nécessité de compléter le balayage corps entier par un cliché
statique des mains à l’aide d’un collimateur très haute résolution.
+ Variantes scintigraphiques
:
Une atteinte asymétrique et irrégulière des extrémités se rencontre
chez approximativement 15 % des patients.
L’atteinte peut intéresser
le crâne (notamment les maxillaires et la mandibule), les clavicules,
les omoplates, les rotules, les calcanéum, le gril costal, la symphyse
pubienne et les ailes iliaques.
L’atteinte thoracique pariétale peut
prendre le pas sur l’atteinte du squelette appendiculaire.
Le rachis
semble néanmoins constamment épargné par l’affection.
+ Diagnostic différentiel de l’aspect scintigraphique
:
Il s’agit essentiellement de la pachydermopériostose (PDP).
La PDP
est une entité cliniquement bien définie, associant un épaississement
cutané (« cutis vertica gyrata ») à une hypertrophie périostée du
squelette appendiculaire.
La PDP est une maladie héréditaire, à
transmission autosomique dominante de pénétrance variable.
Les
traits faciaux et l’habitus sont remarquables et considérés
pathognomoniques.
Dans la description originale de Pierre Marie,
les illustrations révèlent que cinq des neuf observations rapportées
correspondent en réalité à une PDP.
Aucune anomalie pulmonaire
n’a pu être détectée dans le cadre de la PDP.
La distribution des
atteintes osseuses diffère de celle de l’OAH.
La scintigraphie osseuse
montre des hyperfixations nettement plus diffuses, impliquant
régulièrement le crâne comme les portions proximales du squelette
appendiculaire.
+ Indications
:
– Sévérité.
La sévérité de l’OAH est évaluée en combinant les termes
d’extension physaire (diaphyse, métaphyse, épiphyse), d’épaisseur
(nombre de couches, régularité ou irrégularité) de l’hypertrophie
périostée et du nombre d’os atteints (moins de 10, de 10 à 20, plus
de 20).
Ces éléments tirés de l’imagerie radioscintigraphique
permettent de classer l’OAH en trois stades : limitée, modérée et
sévère.
– Pronostic.
Dans une étude rétrospective portant sur une cohorte de 164 patients
ayant subi une scintigraphie osseuse de routine pour le bilan
d’extension d’un cancer bronchique, Morgan et al identifièrent
17 % d’OAH.
Il n’y avait pas de différence de survie significative
entre les deux groupes OAH positif et OAH négatif.
Le groupe OAH
positif comportait une incidence supérieure de tumeurs
périphériques.
– Suivi.
Les hyperfixations reflétant l’OAH secondaire régressent au cours
du premier mois si l’action thérapeutique de l’affection causale s’est
avérée efficace, alors que les anomalies observées sur les
radiographies standards apparaissent inchangées.
En fait, les
perturbations osseuses du périoste des os longs et des phalanges
distales laissent une marque caractéristique indélébile qui permet le
diagnostic des siècles après le décès de l’individu.
7- Ostéopathies métaboliques
:
La « trop belle image » scintigraphique ou superscan est un aspect
qui est commun à la grande majorité des ostéopathies métaboliques.
La sémiologie en est la suivante :
– hyperfixation diffuse des os longs sur toute leur longueur ;
– hyperfixation diffuse du squelette axial ;
– hyperfixation périarticulaire ;
– hyperfixation de la voûte crânienne ou du maxillaire inférieur ;
– hyperfixation en « chapelet » des jonctions chondrocostales ;
– sternum en « cravate » ;
– images rénales atténuées ou quasi absentes, faible activité du
contenu vésical et des tissus mous.
Fait important, l’aspect des anomalies est régulier et leur répartition
symétrique.
Cela permet le diagnostic différentiel avec les lésions
métastatiques ostéomédullaires diffuses.
Parmi les causes les plus fréquemment retrouvées, on peut citer
l’hyperparathyroïdie et l’ostéomalacie.
Dans le cas de l’ostéomalacie, d’autres signes scintigraphiques qui
rendent le diagnostic très probable peuvent s’ajouter à l’aspect de
superscan, ou même être au premier plan, car l’hyperfixation diffuse
du superscan n’est pas constante : il s’agit d’hyperfixations linéaires,
orientées perpendiculairement aux pièces osseuses des ceintures
scapulaires (bord spinal de l’omoplate) et pelviennes (branches ilioet
ischiopubiennes, bord interne du col du fémur), équivalent
scintigraphique des stries radiographiques de Looser-Milkman.
De même, l’ostéomalacie s’accompagne habituellement de pseudofractures costales qui apparaissent sous forme de multiples
foyers sur le gril costal.
Le diagnostic différentiel avec des
métastases peut être difficile et s’appuie sur l’aspect des foyers qui
est celui des fractures de côtes, même si l’alignement sur les côtes
superposées est moins net qu’en cas de fracture traumatique, et
surtout sur le fait que ces foyers costaux multiples ne
s’accompagnent pas de foyers rachidiens, ce qui rend l’étiologie
maligne très improbable.
Le superscan est également retrouvé dans l’ostéodystrophie rénale,
dans l’hypercalcémie quelle qu’en soit l’étiologie, et des causes plus
rares ont été décrites (hyperthyroïdie, acromégalie).
En revanche, l’ostéoporose s’accompagne en général d’une hypofixation
squelettique généralisée, sur laquelle apparaissent les hyperfixations
liées aux complications comme les tassements vertébraux.
C - PROTHÈSES
:
Les progrès de la chirurgie orthopédique et la fréquence de la
coxarthrose font que, de nos jours, un nombre élevé de patients sont
porteurs d’une prothèse totale de hanche.
De même, les prothèses
du genou sont aujourd’hui relativement fréquentes.
L’aspect scintigraphique obtenu chez les patients porteurs de
prothèses doit donc être connu, que l’examen soit prescrit pour une
pathologie intéressant le reste du squelette ou, a fortiori, qu’il soit
prescrit pour une douleur liée à la prothèse.
1- Prothèse de hanche
:
L’arthroplastie totale de la hanche comporte une pièce fémorale dont
la tige est insérée dans la diaphyse et un composant cotyloïdien sur
lequel s’articule la tête prothétique.
Les types de prothèse et les méthodes de fixation ont évolué au
cours des années, et il existe actuellement deux grands types de
fixation : avec ciment (résine polymétacrylate) et sans ciment.
Dans
ce deuxième cas, la surface de la prothèse au contact de l’os peut
être poreuse : les irrégularités favorisent l’ancrage de l’os sur le
matériau synthétique.
Elle peut aussi être lisse, mais recouverte de
matériaux permettant une bonne fixation du tissu osseux.
* Aspect normal
:
Le premier signe qui permet de reconnaître la prothèse lorsqu’elle
n’a pas été signalée, est l’absence de toute fixation sur la région du col du fémur et de la tête fémorale, ainsi que sur la zone
correspondant à la tige d’insertion diaphysaire.
Lorsque la pose de la prothèse est récente, une hyperfixation est
volontiers observée principalement dans la région cotyloïdienne, sur
le grand trochanter et à l’extrémité inférieure de la prothèse.
La
durée de cette hyperfixation est variable, rarement inférieure à
6 mois.
Elle peut se prolonger jusqu’à 12 mois, voire plus rarement
pendant 2 ans.
Ces fixations sont plus prolongées lorsqu’il s’agit de
prothèses sans ciment, qui provoquent une réaction osseuse plus
marquée.
Cet aspect d’hyperfixation rend difficile l’appréciation d’une
éventuelle pathologie associée pendant les premières années qui
suivent l’intervention.
* Complications
:
L’apparition d’une douleur chez un patient porteur d’une prothèse
fait suspecter une complication qui, si elle n’est pas élucidée par les
radiographies, peut conduire à la réalisation d’une scintigraphie.
Ces complications peuvent être : un descellement, une infection, une
fracture de fatigue, des ossifications périarticulaires.
Le problème le
plus fréquemment posé est celui d’un descellement et/ou d’une
infection.
Pour étudier les complications des prothèses de hanche, une
scintigraphie osseuse en trois phases est requise.
La scintigraphie
est généralement positive en cas de descellement ou d’infection, et
les anomalies consistent en une hyperfixation diffuse ou localisée
autour de la prothèse au temps osseux sur les images tardives.
L’hyperfixation est volontiers plus importante en cas d’infection.
Sur
les clichés précoces, au temps angiographique et à la phase
tissulaire, un descellement ne donne en général pas de signe, alors
qu’une infection se révèle par une hyperfixation dans plus de 80 %
des cas.
La sensibilité de cette exploration ne doit pas masquer cependant sa
faible spécificité, en particulier, dans la première année qui suit la
chirurgie, une hyperfixation est habituelle.
De plus, l’existence d’une
infection reste très difficile à affirmer sur la scintigraphie osseuse
simple.
C’est la raison pour laquelle, lorsque la question se pose, il
est plus utile de réaliser la scintigraphie en utilisant des traceurs
spécifiques de l’inflammation ou de l’infection.
Le gallium 67 a été très utilisé dans cette indication et montre en
théorie en cas d’infection un degré d’hyperfixation plus intense,
comparativement au traceur osseux.
Aujourd’hui, lorsqu’il existe une suspicion d’infection, on utilise
plus volontiers la scintigraphie aux polynucléaires marqués au
99mTc-HMPAO.
L’accumulation des polynucléaires au niveau du
foyer infectieux doit être différenciée de la présence normale des
leucocytes dans les zones de moelle osseuse active.
Pour reconnaître
ces zones médullaires actives, notamment sur les os remaniés par
l’intervention chirurgicale, on dispose d’un agent qui permet de
visualiser la moelle osseuse : les colloïdes marqués au 99mTc.
La
comparaison entre les zones de fixation des colloïdes et des
leucocytes marqués permet de déterminer celles qui correspondent
à la moelle osseuse, fixant les deux traceurs, des foyers infectieux
qui fixent uniquement ou très préférentiellement les leucocytes.
C’est le moyen qui nous paraît aujourd’hui le plus approprié dans
les cas difficiles de recherche d’infection sur prothèse.
2- Prothèse de genou
:
Les remarques ci-dessus qui concernent les prothèses de hanche
restent valables pour la prothèse de genou, mais dans ce cas, il faut
savoir que l’hyperfixation postopératoire est plus intense et plus
prolongée que dans le cas de la hanche.
Cet aspect est en outre
plus marqué pour le composant tibial que pour le composant
fémoral.
L’interprétation des anomalies scintigraphiques n’en est
que plus difficile, en particulier dans les 2 premières années qui
suivent la chirurgie.
La recherche d’infection dans des cas
particuliers avec les traceurs spécifiques dont on dispose
(polynucléaires marqués, colloïdes) reste cependant utile.
D - OSSIFICATIONS HÉTÉROTOPIQUES
:
La formation de tissu osseux dans les tissus mous peut se produire
après un traumatisme, des brûlures, une immobilisation prolongée
en particulier due à des troubles neurologiques, une intervention
chirurgicale comme la prothèse de hanche.
L’utilisation d’antiinflammatoires
non stéroïdiens dans les suites opératoires d’une
prothèse totale de hanche prévient efficacement l’apparition
d’ostéomes.
Ces ostéomes peuvent entraîner une raideur ou une limitation de la
mobilité articulaire et sont donc parfois enlevés chirurgicalement.
La phase de maturation des ostéomes périarticulaires, qui dure en
général de 6 mois à 1 an, peut s’étendre jusqu’à 5 ans.
La
scintigraphie montre une fixation élevée du traceur sur l’os en
formation.
Le risque de récidive après résection chirurgicale de ces
ostéomes est très réduit si l’intervention est faite après la phase de
maturation.
La scintigraphie est donc parfois utilisée pour apprécier
cet état, puisqu’elle montre alors une fixation sur l’ostéome
équivalente à celle que l’on observe sur l’os normal.