La démarche analytique de Mendel, reprise dans le cadre de la théorie chromosomique
de l’hérédité, conduit à conclure qu’un couple de phénotypes différenciant
deux souches pures est sous la dépendance d’un couple d’allèles, c’est-à-dire d’un
seul gène, si l’analyse de la méiose chez un hétérozygote issu du croisement de ces
deux souches pures présente une ségrégation 2/2, c’est-à-dire deux gamètes d’un
type parental et deux gamètes de l’autre type parental.
De ce fait, l’absence de ségrégation 2/2 conduit à la conclusion contraire que les
deux souches pures étudiées diffèrent pour plus d’un seul gène.
Le cas le plus simple
est celui de deux gènes conduisant, chez le double hétérozygote issu du croisement
entre les deux souches pures, à une méiose impliquant deux couples d’allèles.
Dans
ce cas, la méiose peut produire quatre types de gamètes, deux sont dits parentaux, les
deux autres sont recombinés. Les gamètes recombinés résultent d’un processus de
recombinaison génétique.
Cependant ces deux couples d’allèles, ces deux gènes peuvent être physiquement
indépendants (localisés sur des chromosomes différents), ou bien physiquement liés
(localisés sur un même chromosome).
Il est alors très important de comprendre que
le mécanisme de la recombinaison génétique produisant les gamètes recombinés
n’est pas du tout le même quand les deux gènes sont physiquement indépendants ou
physiquement liés.
Dans le premier cas, la recombinaison génétique est le produit du « brassage interchromosomique » résultant de la disposition aléatoire des paires de
chromatides appariées à la métaphase de la méiose I; dans le deuxième cas, la
recombinaison génétique résulte des « crossing-over » survenant entre chromatides
non soeurs, lors de la prophase de la méiose I, entre les locus des deux gènes.
La
recombinaison génétique par brassage chromosomique :
Si on considère deux gènes physiquement indépendants (le couple d’allèles A et a
étant localisés sur un chromosome différent de celui portant le couple d’allèles B, b),
le croisement de deux souches pures (A//A, B//B) et (a//a, b//b) donne un double
hétérozygote (A//a B//b).
La méiose, chez ce double hétérozygote, conduira à deux dispositions métaphasiques
possibles et équifréquentes (fig. 3.1).
• Dans une première moitié des méioses, les centromères unissant les deux paires de
chromatides originaires d’un même parent sont d’un même côté de l’équateur
(fig. 3.1, gauche), si bien que la ségrégation allélique sépare A et B, d’une part, de a
et b, d’autre part.
Cette méiose conduit alors à quatre gamètes parentaux (identiques
à ceux des parents du double hétérozygote étudié).
• Dans une seconde moitié des méioses, les centromères unissant les deux paires de
chromatides originaires d’un même parent sont de part et d’autre de l’équateur
(fig. 3.1, droite), si bien que la ségrégation allélique sépare A et b, d’une part, de a
et B, d’autre part.
Cette méiose conduit alors à quatre gamètes recombinés par
rapport au gamètes parentaux.
Au total, comme les deux dispositions sont équifréquentes, on peut conclure que
la méiose, pour deux couples d’allèles physiquement indépendants, conduit statistiquement
à 50 % de gamètes parentaux et 50 % de gamètes recombinés (chaque
méiose individuelle ne suivant qu’un seul des scénarios possibles).
On dit que les
locus de deux gènes sont génétiquement indépendants si la ségrégation de deux
couples d’allèles de ces gènes donnent des gamètes parentaux et recombinés équifréquents.
L’indépendance physique de deux gènes conduit donc à leur indépendance
génétique.
Remarque. La figure 3.1 est en fait simplifiée au point de masquer la réalité
des événements survenant à la méiose.
En effet, elle oublie l’éventualité de
crossing-over pouvant survenir entre le locus d’un gène et le centromère du
chromosome, cas qui sera détaillé dans l’analyse de tétrades.
Dans l’éventualité d’un tel crossing-over, la méiose pourra produire à la fois
deux gamètes parentaux et deux gamètes recombinés.
Mais au bout du
compte, avec ou sans crossing-over, les fréquences des gamètes parentaux et
recombinés, issus d’un grand nombre de méioses, sont toujours égales entre
elles, c’est-à-dire égales à 1/2.