La présentation clinique, biologique et les données de l’imagerie
concernant les affections biliaires pour lesquelles une procédure
d’imagerie interventionnelle peut être réalisée sont à connaître, non
seulement dans le cadre de l’évaluation préthérapeutique, mais
également pour juger de l’efficacité du geste.
Ces affections biliaires se présentent dans un tableau de cholestase
obstructive ou de fuite biliaire.
Pathologies rencontrées
:
A - OBSTRUCTION BILIAIRE
:
1- Présentation clinique et biologique
:
Le tableau de cholestase ictérique correspond à une obstruction
biliaire franche.
Il comprend, du point de vue clinique, un ictère cutanéomuqueux, un prurit, des selles décolorées et des urines foncées.
Sur le plan biologique, on retrouve une augmentation de la
bilirubine conjuguée, des phosphatases alcalines, des gammaglutamyl transpeptidases (gamma-GT).
En cas de cholestase
d’installation brutale, les transaminases peuvent être augmentées.
Le tableau de cholestase anictérique s’observe en cas d’obstacle
précoce, incomplet, segmentaire, intermittent (lithiase), dans le cas
d’un dysfonctionnement d’anastomose biliodigestive, d’un drainage
biliaire imparfait.
Sur le plan clinique, la symptomatologie peut se
résumer à un prurit isolé, et sur le plan biologique, à une
augmentation isolée des phosphatases alcalines ou des gamma-GT.
Une cholestase prolongée, que l’on peut observer en cas de
cholangite, de lithiase intrahépatique, peut aboutir à la constitution
d’une cirrhose biliaire secondaire conduisant à l’insuffisance
hépatocellulaire.
Cette évolution peut expliquer la persistance d’un
ictère malgré un drainage efficace.
La biologie montre une
augmentation de la bilirubine libre, une baisse du taux de
prothrombine du fait de la diminution des facteurs vitamines Kdépendants,
la vitamine K étant mal absorbée en l’absence de sels
biliaires.
Ces troubles de coagulation nécessitent, avant toute
procédure percutanée, l’administration intraveineuse de vitamine K
48 heures avant ou de plasma frais congelé immédiatement avant la
procédure.
Le drainage ramène, en cas de cirrhose biliaire, une bile
abondante, peu colorée.
Le tableau d’angiocholite s’observe en cas d’infection de la bile en
rétention.
Il associe un syndrome septique, douloureux, une fièvre,
un ictère et une altération de l’état général.
La biologie montre
souvent, en association à la cholestase, une augmentation des
transaminases.
Les patients ayant une angiocholite sont fragiles,
réclament des mesures de réanimation avant, pendant, après le
drainage biliaire qui doit s’effectuer en urgence.
Le drainage doit être complet, multisegmentaire si nécessaire.
Un
prélèvement de bile doit être effectué pour adapter l’antibiothérapie.
Chez ces patients, il faut limiter les manoeuvres endobiliaires et la
quantité de produit de contraste administrée dans les voies biliaires
pour limiter les risques de septicémie.
2- Imagerie diagnostique
:
L’échographie et la tomodensitométrie sont indispensables avant
tout geste interventionnel pour préciser l’indication et définir au
mieux la stratégie thérapeutique.
L’obstruction des voies biliaires se traduit par une dilatation des
voies biliaires en amont de l’obstacle.
Le diagnostic est plus difficile
si le contenu biliaire, au-dessus de la sténose, est échogène ou dense,
en particulier en cas de sludge, de caillots, de calculs ou d’aérobilie.
La dilatation peut être absente dans le cadre du dysfonctionnement
d’une anastomose, d’une cholangite sclérosante et d’une obstruction
récente ou intermittente.
La survenue d’une dilatation de la voie biliaire principale après
cholécystectomie est discutée.
Selon Graham et al, la dilatation de la
voie biliaire principale peut être mise sur le compte d’une perte de
la contractilité des fibres élastiques séquellaire d’une distension
ancienne, ou être en rapport avec l’âge.
Une dilatation segmentaire intéressant un ou plusieurs segments
s’observe en cas d’obstacle hilaire ou segmentaire.
Ces tableaux radiologiques atypiques de dilatation sont à connaître.
Dans tous les cas, une confrontation des données d’imagerie aux
données cliniques et biologiques est indispensable pour décider de
la conduite à tenir.
Le niveau de l’obstacle est défini par la topographie de la dilatation :
une dilatation isolée des voies biliaires intrahépatiques témoigne
d’un obstacle hilaire, alors qu’une dilatation globale est en rapport
avec un obstacle bas situé, plus accessible aux investigations
endoscopiques.
Une dilatation segmentaire témoigne d’une obstruction localisée, le
drainage devant être dirigé sur la ou les branches segmentaires
dilatées.
La nature tumorale ou lithiasique de l’obstacle peut être déterminée
par l’échographie et la tomodensitométrie.
En l’absence d’obstacle
identifié, certaines procédures interventionnelles peuvent être
envisagées à but diagnostique (cholangioscopie, prélèvements
endobiliaires).
L’imagerie doit en plus réaliser le bilan locorégional et d’extension
d’une tumeur, indispensable pour décider de la conduite à tenir
ultérieure (simple drainage palliatif ou traitement plus complexe
avec mise en oeuvre de procédures complémentaires), rechercher la
présence d’une collection (abcès, bilome) pouvant nécessiter un
traitement spécifique, l’existence de remaniements morphologiques
pouvant influencer en particulier le côté à drainer
préférentiellement.
La cholangio-imagerie par résonance magnétique (IRM) est un
moyen efficace, rapide et non invasif pour visualiser l’arborisation
biliaire.
Dans le cas d’une obstruction biliaire, la cholangio-IRM,
dans de bonnes conditions, précise l’importance de la dilatation et
le siège des sténoses.
Elle comble les carences de l’opacification rétrograde, qui ne permet
souvent pas d’obtenir une opacification optimale au-dessus d’une
sténose, et de l’opacification percutanée qui peut méconnaître des
voies biliaires exclues si elles n’ont pas été ponctionnées.
Dans le cas du cholangiocarcinome, des études complémentaires
sont nécessaires pour savoir si l’IRM peut se substituer aux
opacifications pour préciser l’extension exacte des lésions.
Dans le cas des sténoses anastomotiques, la cholangio-IRM peut
contribuer au diagnostic lorsqu’elle montre une dilatation associée à
un rétrécissement de l’anastomose ; elle peut montrer des calculs,
des aspects de cholangite, mais il existe des dilatations sans sténose
et des sténoses sans dilatation et la cholangio-IRM ne fournit pas
d’information dynamique sur le passage de la bile au niveau de
l’anastomose.
Le degré de sténose est surestimé.
Au total, la cholangio-IRM occupe une place importante dans
l’évaluation préthérapeutique des sténoses biliaires.
Elle fournit chez
certains patients des informations permettant de choisir l’option
thérapeutique la plus adaptée (choix de la voie percutanée par
rapport à la voie rétrograde), dans le cas de sténose hilaire complexe.
L’IRM guide la réalisation des gestes plus invasifs (choix des voies
biliaires à ponctionner en vue d’un drainage).
B - FUITES BILIAIRES
:
Elles s’observent dans un contexte postopératoire d’une chirurgie
hépatobiliaire ou dans un contexte traumatique.
1- Présentation clinique et biologique
:
Suivant l’importance et le mécanisme de la fuite, elles se traduisent,
sur le plan clinique, dans les heures ou les jours qui suivent la plaie
biliaire, par un écoulement postopératoire de bile par la cicatrice ou
les drains chirurgicaux, un syndrome septique et douloureux de
l’hypocondre droit.
Le bilan biologique révèle parfois une cholestase.
2- Imagerie diagnostique
:
Dans ce contexte, l’imagerie en coupes est indiquée en première
intention.
Elle montre une collection liquidienne périhépatique dont
il est difficile de préciser la nature biliaire ou sérohématique.
Le
caractère pathologique de la collection est suspecté en cas de prise
de contraste périphérique.
C’est la ponction avec analyse chimique
qui affirme la nature biliaire de la collection.
Bien que de bons
résultats aient été cités par Tang dans l’évaluation des fuites
anastomotiques par cholangio-IRM, celle-ci reste en évaluation dans
cette indication et une opacification rétrograde ou percutanée reste
indiquée suivant l’importance de la fuite en vue d’un geste
thérapeutique pour préciser le siège de la lésion et l’existence
éventuelle d’un obstacle associé pérennisant la fuite.
Conditions de prise en charge
des patients :
A - PRISE EN CHARGE MULTIDISCIPLINAIRE
:
Une collaboration multidisciplinaire étroite constitue la base de la
prise en charge des patients porteurs d’une affection biliaire.
Le but
de cette collaboration est de proposer une thérapeutique adaptée, la
moins invasive possible.
La prise en charge du patient est au mieux
réalisée par des spécialistes ayant l’expérience des différentes
procédures.
Cette collaboration s’illustre aussi dans la réalisation de procédures
combinant différentes approches et dans la prise en charge des
échecs et des complications de chacune des méthodes.
B - LOCAUX ET MATÉRIEL
:
Les conditions d’asepsie et la prise en charge anesthésique sont au
mieux réalisées dans une salle de radiologie interventionnelle
spécialisée.
Celle-ci dispose du matériel anesthésique et apparaît
plus confortable pour l’opérateur qui peut avoir accès aux deux
côtés du patient.
Le personnel doit respecter des conditions d’asepsie les plus proches
possibles de celles du bloc opératoire.
En ce sens, la manipulation
de cassette radiographique doit être évitée et l’utilisation d’une
scopie numérisée doit être préférée.
Une scopie de bonne qualité est
primordiale, un procédé de soustraction non indispensable et un
arceau préférable, en particulier pour les ponctions et le cathétérisme
de sténoses difficiles.
Un échographe disponible dans la salle permet
immédiatement avant le geste d’apprécier la morphologie du foie,
de localiser les voies biliaires et de guider la ponction des voies
biliaires.
Le matériel de ponction, de cathétérisme et de drainage dérive en
partie du matériel à utilisation vasculaire.
De plus en plus, du
matériel à usage spécifiquement biliaire est disponible.
À ce matériel de base peut être adjoint le matériel d’endoscopie
(source lumineuse, cholangioscope, duodénoscope), de lithotripsie
électrohydraulique ou laser pour la réalisation de techniques
combinées, de procédures complexes endobiliaires.
C - ANESTHÉSIE-RÉANIMATION
:
Les procédures de radiologie interventionnelle biliaire sont
potentiellement longues, douloureuses et itératives.
Pour le confort
du patient et indirectement de l’opérateur, une prise en charge
anesthésique doit permettre une sédation, une amnésie et une
analgésie.
En fonction de la complexité et du caractère douloureux
du geste, la prise en charge anesthésique va de la simple
prémédication orale par un sédatif (hydroxyzine : Atarax), à
l’anesthésie générale avec intubation, en passant par la diazanalgésie
associant benzodiazépine et morphinique.
Une prise en charge par des mesures de réanimation peut être
indiquée avant et après la procédure.
Un patient porteur d’un ictère
obstructif développe à plus ou moins longue échéance des troubles
intercurrents, qu’il s’agisse de problèmes rénaux, de coagulation,
nutritionnels et hydroélectrolytiques, infectieux.
La prise en charge
de ces patients fragiles par un réanimateur conditionne en grande
partie le pronostic à court terme.
D - ANTIBIOTHÉRAPIE
:
Une antibioprophylaxie à large spectre couvrant les germes à Gram
négatif est instaurée par voie intraveineuse 1 heure avant le geste,
dans la plupart des centres (céphalosporine de troisième génération :
Rocéphine).
Cette attitude, justifiée par la fréquence de l’infection
de la bile en rétention, est d’autant plus nécessaire que le terrain est
fragile.
Un prélèvement de bile pour analyse bactériologique doit être réalisé
systématiquement en début de procédure. Après le drainage, la
poursuite de l’antibiothérapie est non systématique.
Elle est
nécessaire s’il existe des problèmes infectieux, et adaptée aux
résultats des hémocultures et des prélèvements biliaires.
Les patients
présentant une angiocholite doivent être soumis à une
antibiothérapie précoce, efficace et prolongée.
E - SUIVI
:
Le suivi médical et rad
iologique du patient porteur d’un drain ou
d’une endoprothèse est une évidence.
Le patient doit être éduqué sur les signes devant l’amener à
consulter : des urines foncées, des selles décolorées, la réapparition
du prurit, l’apparition de fièvre, la fuite de bile à la peau autour
d’un drain interne-externe font suspecter une interruption du
drainage.
Une échographie et/ou une opacification du drain doivent
être réalisées au moindre doute.
La présence d’un drain biliaire impose des soins infirmiers
quotidiens, avec rinçage avec 10 mL de sérum physiologique et des
soins cutanés aux points de ponction.
Le changement d’un drain interne-externe s’effectue toutes les 4 à
12 semaines.
Une occlusion partielle nécessite le changement du
drain.
La prescription d’une échographie systématique tous les 3 mois
permet au radiologue de ne pas perdre de vue les patients.
Procédures interventionnelles
:
A -
CHOLANGIOGRAPHIE TRANSHÉPATIQUE (CTH)
:
C’est l’opacification des voies biliaires par ponction transhépatique.
L’opacification reste la méthode de référence pour le diagnostic des
anomalies élémentaires des voies biliaires.
Aujourd’hui, la CTH est
le plus souvent réalisée en préalable aux techniques de radiologie
interventionnelle.
1- Technique
:
* Préparation du patient
:
Le patient est positionné en décubitus dorsal, le bras droit en
abduction.
Une désinfection chirurgicale de la paroi abdominale doit être
réalisée ; l’examen se déroule dans des conditions d’asepsie strictes.
Une voie veineuse est mise en place et un monitoring des fonctions
vitales assuré.
Après éventuelle prémédication, une anesthésie à la lidocaïne est
effectuée au niveau des plans cutanés et de la capsule de Glisson.
La ponction est effectuée sous repérage fluoroscopique ou
échographique, avec une aiguille métallique de 15 cm de long,
22 G de calibre (Chiba).
* Choix de la voie d’abord
:
La ponction des voies biliaires en vue de leur opacification peut
porter sur les voies biliaires intrahépatiques droites ou gauches,
exceptionnellement sur la vésicule.
N’importe quelle voie biliaire
peut être ponctionnée.
Le choix du côté à ponctionner est dicté par le dossier pathologique
du patient (siège de la ou des lésions et des dilatations, déterminé
sur les examens d’imagerie antérieurs réalisés [échographie,
tomodensitométrie, cholangio-IRM]).
En cas d’obstacle siégeant en dessous de la bifurcation (dilatation de
l’ensemble des voies biliaires intrahépatiques) ou en l’absence
d’obstacle (cholangite, fistule), la ponction peut porter
indifféremment sur les voies droites ou gauches.
Si l’obstacle se situe au-dessus de la bifurcation, la ponction porte
sur la ou les voies biliaires dilatées.
Si plusieurs segments sont exclus par une lésion hilaire, la ponction
peut intéresser plusieurs voies biliaires intrahépatiques.
L’opacification des voies biliaires par ponction de la vésicule est
exceptionnellement réalisée au cours d’une cholécystostomie.
* Ponction des voies droites
:
Elle peut s’effectuer sous repérage fluoroscopique ou échographique.
Le repérage scopique a été le premier utilisé.
Le point de ponction
se situe sur la ligne axillaire moyenne, en dessous du cul-de-sac
pleural repéré en inspiration, le plus souvent en intercostal, en souscostal
en cas de débord hépatique sous-costal.
La progression de l’aiguille, suivie sous scopie, se fait dans un plan
horizontal, parallèle à la table, en direction du col de la 12e côte
droite, en dessous du tiers interne de la coupole diaphragmatique
droite, près de l’angle cardiophrénique.
Après avoir
retiré le mandrin et adapté une seringue de 20 mL de produit de
contraste hydrosoluble, celui-ci est injecté à faible
pression en retirant l’aiguille.
Trois types d’image sont alors obtenus.
Une image opaque persistant
après injection correspond à une opacification parenchymateuse
(cette opacification conduit à une opacification lymphatique se
dirigeant vers la région coeliaque).
Une image opaque disparaissant
avec l’arrêt de l’injection correspond à une opacification vasculaire
(les vaisseaux portes, sus-hépatiques et artériels sont souvent
traversés par l’aiguille de ponction).
Les images opaques persistant
après injection dessinant des structures canalaires, l’injection
devenant plus facile, correspondent à l’opacification des canaux
biliaires.
L’abord intercostal permet l’opacification des voies biliaires
segmentaires supérieures (VII ou VIII), l’abord sous-costal,
l’opacification des segments inférieurs (V ou VI).
Si aucune voie biliaire n’a été opacifiée sur tout le trajet de l’aiguille,
il faut renouveler la ponction sans modifier le point d’entrée
hépatique mais l’orientation de l’aiguille de 10°.
En cas de nouvel échec, il convient de changer l’orifice d’entrée
cutanée pour un point plus antérieur par rapport à la ligne axillaire
moyenne.
Dans tous les cas, il est préférable d’éviter la région du hile du foie
repérée approximativement lors des opacifications précédentes.
Le nombre de ponctions doit être limité ; la plupart des auteurs se
limitent à 14-16 ponctions.
Le repérage échographique est plus facile à gauche mais peut
également faciliter la ponction des voies biliaires intrahépatiques
droites.
La méthode de ponction est la même que celle utilisée pour
une lésion tumorale.
La cible est une voie biliaire dilatée, un calcul,
une image d’aérobilie. Si les voies biliaires ne sont pas dilatées, la
ponction est orientée sur les voies biliaires hilaires.
L’échographie
permet d’orienter la ponction sur une voie biliaire précise.
* Ponction des voies gauches
:
Elle peut se faire sous repérage fluoroscopique mais elle est au
mieux réalisée sous échographie.
Le point de ponction cutané est
épigastrique antérieur sous-xiphoïdien.
Les voies biliaires gauches,
étant antérieures, sont proches de la paroi abdominale, et de ce fait
plus faciles à ponctionner sous échographie que les voies droites.
Ce
mode de repérage doit être privilégié à gauche.
* Opacification et prise de clichés
:
La quantité de produit de contraste injectée doit être limitée au
minimum, en particulier dans un contexte infectieux, l’augmentation
de la pression endocanalaire favorisant le passage de germes dans
la circulation sanguine.
Les clichés doivent être réalisés au fur et à mesure de l’injection
sous différentes incidences pour dégager les sténoses pouvant être
masquées par les superpositions.
L’incidence oblique antérieure
droite permet en particulier de dégager la convergence biliaire
supérieure.
L’opacification des voies biliaires gauches plus
antérieures permet l’opacification des voies droites par migration
déclive du contraste.
2- Aspects normaux
:
L’opacification de l’arbre biliaire est obtenue dans 98 % des cas
lorsque les voies biliaires sont dilatées, et dans 70 % des cas
lorsqu’elles ne sont pas dilatées.
Le repérage échographique permet de limiter le nombre de
ponctions effectuées.
Ce mode de repérage doit être recommandé
systématiquement.
L’arborisation biliaire est superposable à celle des vaisseaux portes
et artériels.
Les variantes de réunion des canaux sous-segmentaires
et segmentaires sont innombrables.
La forme type réalise la réunion d’un canal hépatique droit constitué
de la réunion des canaux sectoriels latéral ou postérieur (segments VI et VII) et paramédian (secteurs V et VIII) et d’un canal hépatique
gauche constitué de la réunion des canaux du secteur paramédian
(segment IV) et ceux du lobe gauche (segments II et III).
Le drainage
du segment I s’effectue le plus souvent dans le canal droit et dans le
canal gauche, plus rarement et avec une fréquence identique
uniquement dans le canal droit ou uniquement dans le canal gauche.
Ce canal segmentaire est rarement vu sur les opacifications.
Les variations anatomiques biliaires concernent le plus souvent le
secteur postérieur.
3- Sémiologie cholangiographique
:
La cholangiographie va objectiver des sténoses plus ou moins
importantes, des images de soustraction ou d’addition.
Ces images
sont à elles seules rarement spécifiques d’un diagnostic et doivent
être confrontées au reste du bilan d’imagerie.
* Sténoses
:
La CTH reste la méthode de référence pour le diagnostic des
sténoses.
Elles se traduisent par un rétrécissement plus ou moins important,
s’accompagnant le plus souvent d’une dilatation sus-jacente.
Une
sténose est soit bénigne, inflammatoire (cholangite plus ou moins
associée à une lithiase biliaire, sténose du bas cholédoque au cours
d’une pancréatite chronique), iatrogène (sténose d’une anastomose),
soit maligne (cholangiocarcinome, atteinte extrinsèque responsable
d’une compression ou d’un envahissement par contiguïté).
La lésion
siège au niveau des voies biliaires intrahépatiques, de la convergence ou des voies biliaires extrahépatiques.
Le caractère
régulier, centré, progressif de la sténose, bien qu’il soit en faveur du
caractère bénin, est loin d’être formel et est insuffisant pour porter
un diagnostic de certitude.
Le cholangiocarcinome hilaire est la cause la plus fréquente de
sténose de la convergence.
Cette lésion pose le problème de
son bilan d’extension locale conditionnant les possibilités
chirurgicales.
L’échographie et la tomodensitométrie apprécient mal
l’extension de la lésion sur les voies biliaires périhilaires.
La cholangiographie reste l’examen le plus sensible pour apprécier
l’extension canalaire de la lésion et la classer selon la classification
de Bismuth-Cornette.
Il faut effectuer plusieurs clichés lors de
l’opacification et les réaliser sous différentes incidences pour
démasquer les sténoses dont l’appréciation peut être gênée par les
superpositions.
Une sténose complète ou une impaction lithiasique peuvent être à
l’origine d’une exclusion des voies biliaires d’amont si celles-ci ne
sont pas celles qui ont été ponctionnées pour l’opacification.
Cette
exclusion ne doit pas faire porter un faux diagnostic de normalité
du cholangiogramme.
Il faut toujours vérifier le caractère « complet
» de la cholangiographie et se méfier des pseudoexclusions dues
au non-remplissage pour des raisons de non-déclivité ou de
variantes anatomiques (exemple : secteur latéral droit non opacifié
en amont d’une sténose hilaire du fait de l’abouchement de celui-ci
sous la convergence).
Les données des autres examens d’imagerie,
en particulier de la cholangio-IRM, peuvent dans ces cas aider à
interpréter le cholangiogramme.
Une cholangite peut être focale, mais plus souvent diffuse.
Elle se
traduit sur la cholangiographie par un aspect irrégulier et pauvre
de l’arborisation biliaire (aspect en « arbre mort »).
Les dilatations
alternent avec des sténoses. Parfois les sténoses ou les dilatations
sont isolées.
* Images de soustraction
:
Une image lacunaire doit faire évoquer en priorité une lithiase radioclaire ou une tumeur.
La lithiase apparaît typiquement arrondie
ou polyédrique, mobile.
Le diagnostic devient difficile entre
une lithiase impactée non mobile et une lésion tumorale à
développement endobiliaire.
L’aérobilie ne pose pas de problème
diagnostique, l’hémobilie donne des images de moulage des canaux
d’aspect caractéristique.
Le reflux de débris alimentaires au
niveau d’une anastomose digestive, des lésions parasitaires, peuvent
également être responsables d’images lacunaires.
* Images d’addition
:
Elles peuvent être de nature infectieuse, traumatique, congénitale.
Les abcès intrahépatiques compliquant une angiocholite sont de
taille variable, plus ou moins nombreux, communiquent le plus souvent avec le système canalaire.
Ils sont parfois de très petite taille,
difficiles à mettre en évidence.
L’injection à forte pression
accroît le risque de complications infectieuses par passage de germes
dans la circulation sanguine.
Quand il est plus volumineux, l’aspect
d’un abcès est identique à celui d’un kyste hydatique ou d’un kyste
biliaire compliqué, fistulisé dans les voies biliaires.
Les fistules
biliaires post-traumatiques conduisent à la formation de bilomes
intra- ou extrahépatiques, parfois de fistules cutanées.
4- Complications
:
L’analyse des complications a été faite par Harbin à partir de
3 596 examens colligés.
La fréquence globale des complications est
de 3,2 %.
Une injection extrahépatique se traduit par de violentes douleurs
épigastriques à irradiation dorsale, parfois associées à un syndrome
vagal.
La résolution est en général spontanée en 15 à 30 minutes.
L’infection est la complication la plus fréquente s’expliquant par la
fréquence de l’infection de la bile en rétention.
La contamination
peut se faire au niveau de communications directes entre les
canalicules et les sinusoïdes, ou de communications créées entre les
vaisseaux et les voies biliaires au niveau du trajet de ponction.
L’augmentation de la pression dans le système canalaire créée par
l’injection favorise le passage des germes dans la circulation.
L’infection se traduit soit par une simple bactériémie (fièvre
transitoire), soit par une septicémie à expression immédiate ou
différée s’observant dans 1,84 % des cas.
Une antibiothérapie
prophylactique systématique est préconisée pour toute CTH.
En cas
d’obstacle, le drainage des territoires exclus, opacifiés, est
obligatoire.
Les complications hémorragiques sont plus rares.
L’hémopéritoine
est rare si l’on a pris soin de corriger les troubles de l’hémostase.
Les hématomes sous-capsulaires (0,6 %) ou intrahépatiques sont
latents, d’évolution favorable.
Le cholépéritoine est secondaire à une fuite biliaire.
Sa fréquence est
de 1,03 %.
Dans plus de la moitié des cas, il est asymptomatique ;
dans la moitié des cas, il se manifeste par un tableau de péritonite
biliaire.
Les décès surviennent presque toujours au décours d’une
intervention chirurgicale précipitée par une angiocholite, une
péritonite biliaire ou un hémopéritoine.
Les contre-indications de la CTH sont l’ascite importante, les
troubles non contrôlables de l’hémostase.
B - DRAINAGE PERCUTANÉ DES VOIES BILIAIRES
:
1- Drainage externe et interne-externe
:
*
Principes
:
Le drainage des voies biliaires par voie transhépatique vise à obtenir
une décompression des voies biliaires en amont d’un obstacle grâce
à un cathéter muni d’orifices latéraux mis en place dans les canaux
biliaires par voie percutanée transhépatique.
Quand le cathéter peut
être avancé à travers la sténose jusqu’au duodénum, les orifices
latéraux, positionnés en amont et en aval de l’obstacle, permettent
un drainage antérograde vers le duodénum, assurant ainsi un
drainage à la fois interne et externe.
Un ou deux cathéters drainant 30 % du foie sont suffisants pour faire
régresser un ictère cholestatique.
Le reste du foie peut être laissé
non drainé, à moins qu’un sepsis n’impose un drainage de tous les
canaux dilatés potentiellement infectés.
Une analyse rigoureuse du siège des lésions à partir des documents
iconographiques et en particulier de la cholangiographie obtenue,
soit par IRM, soit par voie transhépatique ou rétrograde, est
nécessaire pour décider des voies biliaires à drainer.
Lorsque l’obstacle se situe en dessous de la bifurcation, un seul
cathéter permet le drainage de l’ensemble de l’arbre biliaire.
La
question qui se pose dans ce cas est le choix de la voie d’abord droite
ou gauche.
Les voies droite et gauche ont chacune deux avantages.
À droite, le
radiologue est plus à l’aise par rapport à l’arceau, et l’angle de
pénétration dans les voies biliaires est plus adéquat pour
l’introduction des guides et des cathéters.
À gauche, le guidage
échographique est aisé.
Le cathéter qui ne traverse pas les espaces
intercostaux est mieux toléré.
En revanche, en utilisant cette voie,
d’une part l’irradiation des mains de l’opérateur est difficilement
évitable, d’autre part le trajet ascendant quasi inévitable du cathéter
lors de la ponction et la direction descendante qu’il doit adopter
ensuite pour rejoindre la lésion peuvent gêner la mise en place du
matériel de drainage.
En pratique, les avantages théoriques sont
moins évidents que les inconvénients.
La décision doit se faire sur
chaque cas.
Lorsque l’obstacle est proximal, la technique est plus compliquée.
Il
est important d’analyser l’anatomie des canaux droits et gauches, en
particulier la longueur respective des canaux hépatiques droit et
gauche.
Le canal hépatique droit est habituellement court, drainant
les branches segmentaires droites.
Le canal hépatique gauche est
plus long, mesurant 2 à 3 cm. Ceci est important pour juger de
l’influence qu’a un cathéter dans le cas d’une tumeur de la bifurcation.
L’augmentation de taille d’une tumeur de la bifurcation
va rapidement occlure les canaux segmentaires droits, et le drainage
qui concernait au départ le foie droit ne va plus concerner qu’un
segment, ceci pouvant devenir insuffisant pour maintenir la fonction
hépatique.
À moins que le foie gauche soit atrophique, le seul
drainage du lobe gauche est habituellement suffisant.
Toutes choses
étant égales par ailleurs, le drainage gauche est sensé apporter plus
de bénéfices au patient lorsque les canaux hépatiques droits et
gauches sont atteints.
Une tumeur envahissant les différentes voies droites épargnant le
foie gauche rend la décision aisée, de même qu’un foie gauche
atrophique.
Une extension au-delà des canaux segmentaires
nécessite deux cathéters pour drainer suffisamment le foie,
généralement un dans un segment droit, un dans un segment
gauche.
* Technique
:
Un bilan biologique comprenant numération-formule sanguine,
plaquettes et bilan de coagulation est indispensable.
La procédure est potentiellement longue et douloureuse, en
particulier si la dilatation d’une sténose est envisagée pour mettre
en place un drain interne-externe.
Une diazanalgésie, voire une
anesthésie générale, sont nécessaires.
+ Ponction et cathétérisme
:
Il faut définir non seulement la voie biliaire à ponctionner, mais
également le point d’entrée du cathéter.
Parfois, ce point coïncide
avec le point de ponction utilisé pour réaliser la cholangiographie,
parfois il faut changer l’orientation de l’aiguille ; le but est de piquer
dans l’axe de la voie biliaire et non selon un angle perpendiculaire
ou aigu, de façon à faciliter le passage des guides et des cathéters.
Le point de ponction ne doit également pas être trop proche du site
d’obstruction, de manière que le nombre de trous latéraux se
trouvant dans la voie biliaire sus-sténotique soit suffisant.
Cela
permet d’avoir une marge suffisante pour manipuler les cathéters,
et enfin facilite la mise en place d’un drainage externe temporaire si
la sténose ne peut pas être franchie immédiatement.
Une deuxième aiguille, de 18 G, admettant un guide de 0,035 inch,
est mise en place en parallèle de l’aiguille 22 G ayant servi à réaliser
la cholangiographie, si le cholangiogramme montre la position
adéquate de celle-ci.
Sinon, une nouvelle ponction est réalisée sous
scopie avec l’orientation voulue directement avec l’aiguille 18 G.
Une incidence sagittale permet d’apprécier la position
antéropostérieure de l’aiguille.
Une déformation visible de la voie
biliaire survient lorsque l’aiguille est à son contact.
Il faut éviter les
injections tests pouvant conduire à une opacification
parenchymateuse susceptible de gêner les ponctions suivantes.
Lorsque l’on perçoit la déformation, l’aiguille est avancée pour
franchir la paroi.
Un écoulement de bile, si la voie biliaire est
suffisamment dilatée, témoigne de la position endocanalaire de
l’aiguille.
Un guide de 0,035 inch est introduit puis avancé dans la voie biliaire.
Sur celui-ci est mis en place un cathéter 5 ou 6 F.
Une courbure
adéquate et un bon torque facilitent les manoeuvres endocanalaires
jusqu’au niveau de la sténose.
Les guides hydrophiles sont plus
efficaces pour passer les sténoses serrées.
Le cathétérisme de la
sténose est plus facile lorsque celle-ci est incomplète et qu’une partie
de la voie biliaire sous-jacente est opacifiée.
Lorsque la sténose est
franchie, le cathéter est poussé, le guide retiré. Une opacification est
réalisée et la hauteur de la sténose appréciée par la méthode du
retrait du guide.
Les tentatives de cathétérisme de la sténose se révèlent parfois
infructueuses.
Ceci est particulièrement le cas lorsque l’obstacle est
complet ou qu’il se situe au niveau de la bifurcation et que les voies
biliaires sont très dilatées ; la superposition des voies biliaires rend
difficile le repérage de la sténose.
Un cathéter de 8 F est laissé en
place dans les voies biliaires intrahépatiques, le patient est
reconvoqué 24 à 48 heures après.
Dans la plupart des cas, la
sténose finit par être cathétérisée après un certain temps de drainage
externe.
Chez un patient porteur d’une angiocholite, les manoeuvres endobiliaires et l’administration de contraste augmentent les risques
de septicémie.
Les tentatives de cathétérisme de la sténose sont
entreprises lorsque le sepsis a disparu.
Seul un drainage externe par
un cathéter de 8 F doit être réalisé dans un premier temps.
+ Drainage :
Une fois la sténose passée, le guide et le cathéter sont poussés à
travers la papille jusqu’au niveau du troisième duodénum.
La
réalisation d’un drainage interne nécessite un cathéter de 12 F.
Un
cathéter de 8 F n’a habituellement pas un calibre suffisant pour
assurer un drainage interne et son utilisation doit être réservée au
drainage externe.
Les cathéters de drainage sont munis de trous latéraux présents sur
une plus ou moins grande longueur.
Les propriétés mécaniques et
la tolérance varient suivant le matériel.
La mise en place du cathéter de drainage de 12 F nécessite la
dilatation du trajet intrahépatique et de la sténose au moyen d’un
ballonnet de dilatation (ballon 4 mm de diamètre et 4 cm de
longueur) ou de dilatateurs vasculaires de calibres croissants, moins coûteux.
La sonde à ballonnet ou les dilatateurs sont mis en place
sur un guide rigide (Amplatz super stiff, guide de Lunderquis). Une
anesthésie est indispensable pour la dilatation.
La dilatation avec les dilatateurs vasculaires peut être difficile en cas
de sténose serrée et distale ; du fait du long trajet intrahépatique, le
dilatateur boucle à l’intérieur et à l’extérieur du foie.
Ceci provoque
des douleurs importantes et diminue la force soumise à l’extrémité
du cathéter nécessaire pour franchir la sténose.
La distance entre les trous distaux et proximaux présents sur le
cathéter de drainage doit être supérieure à la hauteur de la sténose.
Les trous distaux doivent se trouver en aval de la sténose.
L’extrémité inférieure du cathéter en « queue de cochon » permet de
l’ancrer dans le duodénum afin qu’il ne bouge pas avec les
mouvements respiratoires.
Les trous proximaux doivent se trouver au-dessus de la sténose, au
sein des voies biliaires, et non dans le parenchyme hépatique ;
l’injection d’une petite quantité de contraste doit opacifier les voies
biliaires au-dessus de la sténose et non le parenchyme.
La mauvaise
position du drain expose à une hémobilie, à une fuite biliaire sur le
trajet de ponction et dans la cavité péritonéale.
Une fois le cathéter en place et fixé, tout le contraste et la bile sont
aspirés.
Le cathéter est raccordé à un sac de drainage avec 10 mL de
solution antiseptique pour maintenir le système stérile.
Un repos au
lit, une analgésie parentérale si nécessaire sont prescrits pour le reste
de la journée.
La surveillance des paramètres vitaux est effectuée
toutes les 4 heures.
Après mise en place d’un drainage interne-externe, le drainage
externe est maintenu en général 24 heures pour éliminer les caillots
et diminuer les risques d’obstruction précoce.
Un rinçage triquotidien est réalisé avec 10 mL de sérum physiologique.
Le drain
est clampé au bout de 24 heures.
Les pertes hydroélectrolytiques
sont compensées dans l’intervalle.
Une bonne contention du drain et la surveillance de sa position sont
capitales ; bon nombre de complications précoces et tardives
(hémobilie, fuite biliaire, infection) peuvent être dues à la
mobilisation du drain.
Un contrôle radiologique de la position du drain est effectué avant clampage.
Une échographie est réalisée au moindre problème :
fièvre, hémobilie persistante, fuite de bile autour du drain.
L’éducation du patient doit lui permettre de déclamper le drain en
cas de problèmes.
* Résultats
:
Un drainage externe efficace ramène 600 mL de bile par 24 heures et
200 mL lorsqu’il est couplé à un drainage interne. Il permet la
régression plus ou moins complète de l’ictère.
Le taux de bilirubine
diminue de 20 à 30 mg/L/24 h.
L’échec du drainage interne peut provenir d’une obstruction
intestinale (extension tumorale digestive, iléus métabolique ou
neurologique, carcinose péritonéale).
Un drainage externe au-dessus
de l’obstruction biliaire est nécessaire pour éviter la stagnation de
bile dans le tube digestif.
* Complications
:
+ Infections
:
La mortalité à 30 jours est de 20 % ; 5 % des décès sont directement
en rapport avec le geste, 15 % en rapport avec une défaillance multisystème.
Les complications infectieuses sont les plus fréquentes, survenant
précocement ou à distance de la procédure.
Un sepsis, défini par
une température supérieure à 38 °C après la procédure, survient
dans 5 à 7% des cas. Un choc septique, survenant au cours ou
immédiatement après la procédure, s’observe dans 1 % des cas.
La présence d’une infection des voies biliaires avant le geste, les
manoeuvres endocanalaires, l’élévation de la pression dans les voies
biliaires créée par l’injection de contraste favorisent un passage
vasculaire de germes à l’origine de bactériémie et d’endotoxinémie.
Pour prévenir ces complications infectieuses précoces, il faut utiliser
le moins de contraste possible, réduire au maximum le temps passé
à manoeuvrer guides et cathéters dans et en dehors des voies
biliaires, ne pas trop insister pour passer une sténose lors de la
première procédure.
Elles justifient une antibiothérapie
prophylactique débutée avant, poursuivie éventuellement quelques
jours après la procédure.
Le traitement de ces complications infectieuses nécessite une
antibiothérapie adaptée et un drainage efficace.
Les complications
infectieuses tardives peuvent provenir des voies biliaires drainées
ou des voies biliaires non drainées.
Ces complications peuvent être
le fait d’une obstruction partielle, complète, ou d’une mobilisation
du drain interne-externe rendant le drainage inefficace.
Il faut
repositionner ou changer le drain.
Si le sepsis persiste, le problème
peut se situer sur une voie biliaire non drainée.
Les sténoses hilaires
ou sus-hilaires sont fréquemment à l’origine de ces complications,
imposant un drainage complémentaire par la mise en place d’un ou
de plusieurs autres drains.
+ Hémorragies
:
La survenue d’un saignement est banale au cours de la procédure.
La mise en place d’un cathéter à travers le foie engendre
obligatoirement un saignement, car de multiples vaisseaux sont
lacérés sur le trajet transhépatique.
Une hémorragie significative,
définie comme nécessitant transfusion, embolisation ou chirurgie,
survient dans 1 % des cas.
Les saignements d’origine veineuse cèdent le plus souvent
spontanément grâce au tamponnement exercé par le drain.
Constatés après la mise en place du drain, ils imposent de vérifier
qu’un orifice latéral ne se trouve pas à proximité d’une veine lacérée
durant la procédure ; il convient alors de mobiliser le drain et de
positionner les trous latéraux strictement dans les voies biliaires.
La survenue d’un saignement actif sur le trajet transhépatique
traduit en général une plaie artérielle et impose de mettre en place
rapidement un cathéter sur le trajet transhépatique.
Celui-ci, clampé
pendant 20 minutes, tamponne le saignement dans la plupart des
cas et évite d’autres gestes.
Le cathéter n’est plus manipulé pendant
48 heures, laissé en drainage externe.
La survenue d’une hémobilie
est surveillée attentivement.
Si aucune récidive ne survient, la
procédure est reprise de façon habituelle.
Si l’hémobilie persiste ou
si survient une hémorragie gastro-intestinale, une cholangiographie
est réalisée pour s’assurer que tous les orifices du drain sont situés
au sein de l’arbre biliaire et qu’un orifice latéral ne se trouve pas à
proximité d’un vaisseau lacéré durant la procédure.
Si c’est le
cas, le drain est repositionné.
Si le cholangiogramme est normal, une
angiographie hépatique est réalisée, à la recherche d’un
pseudoanévrisme et/ou d’une extravasation.
Dans ce cas, une embolisation est réalisée.
Si l’hémorragie persiste, la chirurgie est
nécessaire.
+ Fuites biliaires
:
Les fuites biliaires cutanées et intrapéritonéales surviennent lorsque
les voies biliaires ont été ponctionnées mais non drainées. Une fuite
intrapéritonéale de bile peut entraîner une péritonite.
L’échographie
montre une collection liquidienne périhépatique.
La présence d’une fuite nécessite une vérification du drain par cholangiographie.
La fuite peut être en rapport, soit avec une
obstruction par des caillots ou des débris imposant un changement
de drain, soit avec un déplacement du cathéter imposant sa
mobilisation.
Ce sont souvent les trous distaux qui s’obstruent en premier et un
drainage externe reste possible.
Une ouverture du drain doit être
réalisée par le patient devant la constatation d’une telle fuite (il
convient de donner les instructions et le matériel au moment de
l’insertion du cathéter).
Lorsqu’un drain s’arrache, il est parfois possible de recathétériser le
trajet transhépatique, à condition que la capsule ait eu le temps
d’adhérer aux plans cutanés.
Dans le cas contraire, une nouvelle
ponction est indispensable, parfois difficile si les voies biliaires ne
sont plus dilatées.
Toutes les complications tardives sont en rapport avec une
obstruction du cathéter due aux dépôts de matériel amorphe
provenant des germes intestinaux.
2- Drainage interne-externe par drains siliconés
:
Offrant une meilleure tolérance en raison de leur biocompatibilité,
ils sont utilisés lorsque le drain doit être laissé en place plusieurs
mois.
Ils autorisent un accès facile et permanent aux voies biliaires
en cas d’obstruction du drain.
* Indications
:
– Calibrage des sténoses iatrogènes.
– Traitement définitif des sténoses en alternative aux endoprothèses
dans le cas de sténoses bénignes ou malignes d’évolution lente.
L’abord permanent aux voies biliaires autorisant un changement
facile du drain permet de se soustraire au problème du changement
itératif des endoprothèses plastiques dû à leur obstruction.
– Création d’une fistule biliocutanée en vue de la réalisation de
procédures diagnostiques et thérapeutiques percutanées.
* Technique
:
Le choix de la voie d’abord et du point d’entrée cutané doit prendre
en compte le confort à long terme du patient et la configuration du
trajet transhépatique qui doit éviter les angulations susceptibles de
rendre difficile la mise en place du matériel.
La voie épigastrique est
plus confortable pour le patient que la voie intercostale, le drain
n’étant pas sollicité par les mouvements respiratoires.
Après dilatation progressive du trajet au calibre du drain, une gaine
d’introduction pelable est insérée sur un guide rigide au travers de
la sténose ; celle-ci facilite l’insertion de ces drains souples.
Le calibre
du drain est choisi en fonction de l’indication : plus important pour
le calibrage d’une sténose ou la création d’une fistule biliocutanée.
Des drains de calibre croissant (Laboratoire Cook) sont
mis en place successivement, avant d’arriver au calibre définitif.
Un drain impose des soins infirmiers consistant en un rinçage
hebdomadaire ou bihebdomadaire, des soins cutanés au point
d’entrée.
* Résultats et complications
:
L’insertion d’un drain siliconé, de plus gros calibre, plus souple, est
souvent plus difficile que l’insertion d’un drain en polyéthylène.
Les
complications immédiates sont les mêmes que celles des drains
classiques.
Si la tolérance cutanée et digestive est meilleure, les drains siliconés,
malgré leur calibre plus important, n’échappent pas au risque
d’obstruction.
Celle-ci débutant souvent au niveau de l’extrémité
inférieure, le flux biliaire peut initialement être mis en dérivation
externe.
L’éducation des patients et/ou du personnel infirmier doit
viser à leur apprendre à déclamper le drain en cas de fièvre, de
récidive de l’ictère ou de fuite cutanée.
L’obstruction du drain
nécessite son remplacement qui s’effectue sans problème.
En l’absence de problème spécifique, le changement d’un drain
siliconé s’effectue toutes les 4 à 12 semaines, plus fréquemment dans
le cas de la création d’une fistule.
3- Drainage interne, endoprothèses
:
Totalement internes, ces dispositifs rétablissent un flux antérograde
de la bile sans les inconvénients des drains internes-externes
(inconfort psychologique, soins infirmiers de rinçage, risques de
fuites, infections et douleurs au point d’entrée).
En revanche, ils
posent le problème de leur obstruction prématurée et de leur
changement qui est plus difficile, voire impossible.
Le choix des matériaux tient compte de la biocompatibilité, de la
stabilité, de la facilité de manipulation.
* Prothèses plastiques
:
Les modèles diffèrent par le matériel utilisé, la configuration et le
calibre.
La prothèse idéale doit avoir une longueur minimale de 10 cm pour
couvrir du canal hépatique à la papille, de multiples trous latéraux
pour favoriser l’écoulement, des extrémités renflées pour éviter sa
mobilisation.
Le calibre des prothèses utilisées est en général de
12 F.
Les endoprothèses plastiques les plus utilisées sont :
– la prothèse de Lammer en polyuréthane possédant un renflement
à une extrémité ;
– la prothèse double champignon en polyuréthane ;
– la prothèse de Carey-Coons en percuflex et la prothèse de Roche
en polyuréthane, qui possèdent un système de fixation par un
disque silicone sous-cutané relié à la prothèse par un fil de rappel
permettant la fixation et le repositionnement de la prothèse ;
– la prothèse de Lunderquist-Owman en Téflont.
+ Technique
:
La mise en place d’une endoprothèse de 12 F nécessite une dilatation
du trajet.
Pour diminuer les complications liées à la dilatation, Lammer recommande la mise en place de l’endoprothèse 5 jours
après la mise en place initiale d’un drain interne-externe de 8,3 F,
quand le trajet transhépatique est mature et que la capsule de
Glisson est accolée aux plans cutanés.
Le choix du point d’entrée est important, de façon à éviter une
angulation du trajet transhépatique préjudiciable pour la mise en
place du matériel.
Dans ce sens, la voie droite offre une meilleure
trajectoire et a l’avantage d’un confort supérieur et d’une irradiation
moindre pour l’opérateur.
La voie épigastrique doit être cependant
choisie si la lésion siège au niveau du hile ou s’il existe une
extension tumorale dans le foie droit.
Après passage d’un guide rigide type Amplatz ou Lunderquist à
travers la sténose et dilatation du trajet, une gaine d’introduction
pelable est mise en place au-delà de la sténose.
Celle-ci permet
d’insérer plus facilement, sans frottement au niveau de la sténose,
les prothèses souples en polyuréthane.
La mise en place de la
prothèse se fait sous scopie, par retrait de la gaine sur un pousseprothèse.
La mise en place transpapillaire, accusée de favoriser la colonisation
bactérienne et l’occlusion, a l’avantage de permettre le changement
de la prothèse par voie rétrograde en cas d’obstruction.
La technique du « rendez-vous» permet l’insertion d’une prothèse de
gros calibre, sans l’inconvénient d’une dilatation du trajet transhépatique.
La procédure débute par l’insertion par voie transhépatique d’un
guide long de 3,50 m, ressorti à la bouche par le canal opérateur
d’un endoscope.
La prothèse est insérée sur le guide par voie orale,
puis mise en place au niveau de la sténose à l’aide d’un pousse-prothèse.
Un drain externe de sécurité est laissé en place au-dessus de
l’endoprothèse pendant 48 heures, clampé au bout de 24 heures en
fonction de l’importance de la dilatation du trajet, de l’état de
décompression des voies biliaires et de l’hémobilie.
Celui-ci permet
de réduire les fuites biliaires cutanées et péritonéales, de diminuer
le risque d’occlusion prématurée par les caillots, de vérifier la
position de la prothèse avant retrait de tout matériel percutané (au
besoin rectifier la position de la prothèse avec un ballon de
dilatation).
Les migrations de prothèse surviennent en général dans
les 48 heures.
Une embolisation à la colle biologique du trajet transhépatique a été
proposée chez des patients porteurs d’une ascite.
Les sténoses hilaires nécessitent en général la mise en place de
plusieurs prothèses en « bouquet ».
Le choix des sténoses à traiter et
de la voie d’abord se fait à partir des images cholangiographiques.
Plusieurs abords sont en général nécessaires.
Les extrémités des prothèses plastiques sont placées en parallèle
dans la voie biliaire principale.
L’insertion en parallèle de plusieurs
prothèses plastiques nécessite la mise en place première de tous les
guides, car l’introduction d’une prothèse entrave la mise en place
des autres prothèses en parallèle.
En raison des frottements
engendrés par les prothèses plastiques déjà en place, la technique
du « rendez-vous » facilite la mise en place des autres prothèses.
+ Résultats
:
La mise en place est quasiment toujours possible lorsque la sténose
a été franchie.
La technique du « rendez-vous » autorise la
transmission d’une force axiale plus importante et évite une
dilatation importante du trajet transhépatique.
Ainsi peuvent être
mises en place une prothèse de gros calibre (15 F) au niveau de la
voie biliaire principale et plusieurs prothèses en parallèle en cas de
sténose hilaire complexe.
L’efficacité sur l’ictère se traduit par une baisse de la bilirubine de
1 mg/L/24 heures.
L’augmentation du calibre des prothèses visant à retarder leur
obstruction majore le caractère traumatisant de la procédure
percutanée.
Le taux de complications liées à la procédure, en particulier à la
dilatation du trajet transhépatique, est relativement élevé.
Il peut
s’agir d’une hémobilie cédant spontanément le plus souvent, d’une
hémorragie intraparenchymateuse de gravité variable, d’un
cholépéritoine, d’une pleurésie, d’un abcès intra- ou périhépatique,
d’une cholangite, d’une perforation duodénale.
Selon Lammer, la mise en place de l’endoprothèse en deux temps
diminue la fréquence de ces complications précoces.
La mortalité à 30 jours est de l’ordre de 24 %, doublant chez les
sujets à risques.
La mise en place d’une prothèse métallique en un
temps est recommandée chez ces patients.
Une obstruction ou une mobilisation précoces peuvent se traduire
par une récidive de l’ictère, une angiocholite, une fuite biliaire
cutanée ou péritonéale, voire un cholépéritoine nécessitant une
reprise urgente du drainage.
L’obstruction tardive de la prothèse est la principale complication à
long terme.
L’incrustation de la prothèse, consécutive à la
contamination bactérienne puis à la décomposition de la bile,
dépend de ses caractéristiques chimiques et mécaniques, de
l’environnement chimique et de la population bactériologique.
La
fréquence est diversement appréciée, de 11 à 23 % dans l’étude de Lammer.
Cette obstruction survient en moyenne entre 3 et
6 mois.
Le changement de la prothèse est effectué par voie
endoscopique lorsque l’extrémité se trouve dans le duodénum, ou
par voie percutanée en recréant un nouveau trajet transhépatique
en amont de la prothèse obstruée.
En cas d’impossibilité de retirer la
prothèse, une nouvelle prothèse peut en général être insérée en
parallèle.
L’administration de quinolones ne prolonge pas la perméabilité des
prothèses plastiques, malgré une certaine efficacité sur l’adhérence
bactérienne constatée in vitro.
* Prothèses métalliques
:
Les modèles diffèrent par leur force radiale, leur aptitude à épouser
les courbures, leur radio-opacité, la technique d’insertion.
Initialement prévues pour une utilisation vasculaire, trois types sont
utilisés au niveau des voies biliaires.
Malgré un système de mise en
place variable suivant les fabricants, le mode de largage de ces
prothèses utilise le principe du retrait d’une gaine à l’intérieur de
laquelle la prothèse est comprimée.
Les prothèses sont
disponibles en plusieurs calibres et longueurs.
Les prothèses les plus utilisées sont la prothèse Wallstent de
Schneider, le Z-A stent de Cook, le Memotherm de Bard.
La gaine
porteuse a un calibre de 7 F (Wallstent, Memotherm) ou 8 F
(Z-A stent).
Pour prévenir l’obstruction tumorale des prothèses métalliques, des
prothèses couvertes ont été expérimentées ; l’adjonction d’une
membrane biocompatible recouvrant la prothèse vise à prévenir la
colonisation tissulaire à travers les mailles de la prothèse.
+ Technique
:
Le calibre de la gaine d’introduction doit permettre la mise en place
de la prothèse en une procédure, permettant d’éviter les
inconvénients du drain externe (contamination bactérienne externe,
douleurs, risque de déplacement) et de raccourcir la durée
d’hospitalisation.
Après mise en place d’un guide rigide, un introducteur de 7 à 8 F
est positionné en amont de la sténose.
Celui-ci prévient les
traumatismes du parenchyme lors de la mise en place de la prothèse,
prévient les fuites biliaires intrapéritonéales, permet une
opacification par la voie latérale, permet de retirer une prothèse
partiellement ouverte en cas de problème.
Les gaines d’introduction
possèdent des repères permettant de positionner la prothèse de part
et d’autre de la sténose.
Le largage de la prothèse s’effectue sous
scopie en retirant la gaine maintenant la prothèse comprimée, tout
en maintenant le pousseur en position fixe (Z-A stent et Wallstent).
Le raccourcissement du Wallstent lors du largage impose de débuter
celui-ci 2 à 3 cmen aval du pôle inférieur de la sténose.
Le Wallstent
peut être recomprimé dans sa gaine, même lorsqu’il est
partiellement largué pour rectifier sa position.
En début de largage,
il est possible avec les différents modèles de prothèses de les
repositionner légèrement plus en amont en tirant sur la gaine
d’introduction.
Les différents modèles possèdent une voie latérale
pour opacifier les voies biliaires et contrôler la position de la
prothèse en cours de mise en place.
Suivant la longueur de la sténose, une ou plusieurs prothèses sont
mises en place, une au-dessus de l’autre, en les faisant légèrement
chevaucher.
En fin de procédure, la voie latérale de l’introducteur permet un
contrôle de la position et de l’expansion de la prothèse (une
dilatation pneumatique complémentaire est éventuellement réalisée)
et permet de réaliser un « flushage » des caillots.
Un drain de sécurité est laissé 24 à 48 heures en amont de la
prothèse en cas d’hémobilie sévère.
Il permet d’effectuer des
rinçages et de vérifier par une cholangiographie de contrôle la
perméabilité et l’expansion du stent avant retrait de tout matériel
percutané.
Les sténoses hilaires nécessitent en général la mise en place de
plusieurs prothèses en « bouquet ».
Le fenêtrage des prothèses
métalliques permet de préserver la perméabilité des collatérales.
Le choix des sténoses à traiter et de la voie d’abord se fait à partir
des images cholangiographiques.
Plusieurs abords sont en général
nécessaires, bien qu’il soit possible de mettre en place deux
prothèses par une seule voie d’abord (montage en « T », en « Y »).
Les prothèses métalliques sont placées en parallèle dans la voie
biliaire principale.
L’insertion en parallèle de plusieurs prothèses
métalliques nécessite la mise en place première de tous les guides,
voire des gaines d’introduction, car l’introduction d’une prothèse
entrave la mise en place des autres prothèses en parallèle.
La mise en place par voie jugulaire d’une prothèse métallique est
possible en cas d’ascite.