Les MICI, rectocolite ulcérohémorragique (RCH) et maladie de
Crohn (MC), peuvent survenir à tout âge mais atteignent plus
fréquemment l’adolescent et l’adulte jeune.
Leur étiologie est
inconnue, vraisemblablement multifactorielle.
L’évolution se fait par
poussées entrecoupées de phases de rémission.
L’incidence de la MC
est actuellement en augmentation dans les pays développés.
Certaines caractéristiques histologiques et topographiques
différencient ces deux pathologies :
– les atteintes de la MC sont transmurales alors qu’elles sont
limitées à la muqueuse dans la RCH (en dehors des poussées
sévères). Un infiltrat inflammatoire de la muqueuse comprenant des
polynucléaires neutrophiles est toutefois observé lors des poussées
évolutives dans ces deux affections ;
– la RCH atteint pratiquement constamment le rectum et s’étend de
manière continue sur le côlon, sur une distance variable, sans
intervalle de muqueuse saine, et présente classiquement une limite
proximale nette.
L’atteinte épargne l’intestin grêle.
À l’inverse, la
MC peut toucher n’importe quel segment digestif, les localisations
les plus fréquentes concernant l’iléon terminal, le côlon et l’anus.
Les atteintes digestives sont discontinues, entrecoupées de segments
digestifs non atteints.
L’utilisation des leucocytes marqués dans le diagnostic des
pathologies inflammatoires a connu un intérêt croissant au cours des
20 dernières années, en particulier pour l’évaluation de ces
pathologies pour lesquelles leur utilité clinique est aujourd’hui bien
établie.
B - MÉTHODOLOGIE
:
Les leucocytes sont séparés des érythrocytes et des plaquettes à
partir du sang veineux périphérique, par sédimentation puis
centrifugation.
Certaines équipes se contentent d’une population
leucocytaire mixte, alors que d’autres préfèrent une population
enrichie en polynucléaires neutrophiles, obtenue par centrifugation
sur gradient, afin de minimiser l’activité liée au marquage d’autres
populations leucocytaires.
Le marquage s’effectue par incubation en
présence du radio-isotope : 111In ou complexe de HMPAO-99mTc.
Le
99mTc est aujourd’hui le traceur de choix, en raison d’une dosimétrie
favorable, d’une meilleure qualité de l’imagerie liée aux
caractéristiques physiques de ce radioélément, d’une disponibilité
constante et d’un moindre coût.
Les leucocytes autologues marqués sont ensuite réinjectés au patient.
Les images sont réalisées 3 heures après la réinjection.
On note une
fixation physiologique au niveau du foie, de la rate et de la moelle
osseuse. Une fixation pathologique est observée au niveau des sites
inflammatoires, présentant un afflux local de polynucléaires.
L’intensité de la fixation est appréciée visuellement semiquantitativement
avec une bonne reproductibilité, en comparant
l’intensité de la fixation d’un segment digestif avec la fixation
hépatique et pour certains, médullaire.
C - RÉSULTATS
:
L’intensité de la fixation des polynucléaires est faiblement corrélée
aux indices de sévérité de la MC, tel que l’indice de Best.
Cette
discordance s’explique par le fait que la fixation des polynucléaires
reflète non pas la gravité de la maladie dans sa globalité, mais
l’activité inflammatoire.
Les valeurs de sensibilité et de spécificité
de la scintigraphie aux polynucléaires marqués (SPM) au 99mTc pour
la présence d’une inflammation active au cours d’une MICI sont
supérieures à 95 %.
Ce reflet de l’activité, associé à l’excellente
acceptabilité de la SPM, confère à cet examen une place de choix
pour juger de l’efficacité d’une thérapeutique.
Lorsque le marquage est effectué avec du 99mTc, une élimination
rénale et hépatobiliaire de complexes secondaires hydrophiles
d’HMPAO-99mTc a lieu.
La visualisation des cavités rénales, des
uretères et de la vessie peut rarement entraîner des fixations artéfactuelles préoccupantes ou masquer une fixation pathologique
intestinale limitée, en particulier pelvienne.
Plus gênante est
l’élimination hépatobiliaire qui entraîne, chez environ 20 % des
patients, une visualisation du tractus intestinal dès la 3e heure après
la réinjection, à l’origine de faux positifs.
Cette élimination
physiologique s’observe préférentiellement au niveau de la région
iléocæcale et est, dans la majorité des cas, résolue par une
acquisition complémentaire précoce à 1 heure.
En revanche, cette
élimination digestive physiologique avec le marquage technétié rend
impossible une acquisition tardive après la 4e heure, parfois
nécessaire, et fait préférer dans certaines indications limitées un
marquage par l’indium.
La présence d’une fixation digestive des polynucléaires marqués
n’est pas spécifique de MICI, mais peut être observée dans toute les
pathologies inflammatoires, particulièrement les entérites et colites
infectieuses, toxiques ou ischémiques, au niveau des hématomes, en
présence de saignement digestif et au cours de traitements par
anti-inflammatoires.
D - STRATÉGIE DIAGNOSTIQUE
:
Le diagnostic initial de MICI repose sur la coloscopie permettant
l’exploration visuelle de la totalité du côlon et, le plus souvent, de
l’iléon terminal, et permettant des biopsies étagées, ainsi que sur le
transit du grêle.
La SPM est placée dans une position
complémentaire de ces explorations, visualisant l’inflammation
intestinale et son intensité de manière non invasive, permettant
parfois de diriger les biopsies et surtout fournissant un examen de
référence bien toléré et facilement renouvelable pour l’appréciation
de l’évolution de l’inflammation.
Lorsqu’il existe une contreindication
à la coloscopie et au transit du grêle, atteinte grave en
particulier, la SPM est un examen non invasif de choix apportant un
diagnostic rapide.
L’échographie et la TDM auraient certainement
également une place dans cette situation.
Une SPM normale rend très improbable mais n’élimine pas
totalement le diagnostic de MICI active.
L’utilité de la SPM
isolément pour le dépistage de MICI est plus discutée, en raison de
sa non-spécificité et de la possibilité d’une élimination physiologique
digestive.
Dans un contexte clinique évocateur, une fixation
anormale est toutefois très évocatrice du diagnostic de MICI.
L’aspect scintigraphique peut orienter vers le diagnostic de RCH
(atteinte du côlon gauche continue et relativement homogène)
ou vers une MC (atteinte discontinue, hétérogène, atteinte
de la région iléocæcale, atteinte du grêle, atteinte colique épargnant
le rectum).
La SPM est une excellente technique pour apprécier l’étendue des
atteintes coliques.
Elle semble moins performante pour les
localisations du grêle, vraisemblablement du fait de la mobilité
des anses.
Le marquage technétié est toutefois supérieur au
marquage par l’indium pour ces localisations.
La SPM a une place limitée dans la stratégie diagnostique des
complications en dehors des syndromes obstructifs.
En effet, au
cours d’un syndrome obstructif, les explorations endoscopiques et
radiologiques ne permettent parfois pas de différencier l’origine
d’une sténose : poussée inflammatoire congestive (pouvant
bénéficier d’un traitement médical) ou origine cicatricielle non
inflammatoire (chirurgicale ou dilatable).
Cette situation est donc
une excellente indication de la SPM, qui permet cette distinction.
La SPM permet également d’évaluer l’extension de l’inflammation en
amont d’une sténose serrée infranchissable endoscopiquement.
La TDM et l’échographie sont les explorations de choix pour le
diagnostic des abcès abdominaux.
La présence d’un abcès se traduit scintigraphiquement par une hyperfixation intense focale fixe,
augmentant d’intensité au cours du temps, pouvant dans les cas
difficiles orienter les explorations morphologiques précédentes.
En conclusion, les inconvénients de la SPM (nécessité d’un personnel
entraîné et d’un équipement spécialisé) sont faibles par rapport à
ses bénéfices (reflet de l’activité inflammatoire), son caractère peu
invasif et son excellente acceptabilité.
Ces caractéristiques font de la SPM un examen à part entière dans la stratégie diagnostique des
MICI, que ce soit pour le diagnostic, le bilan topographique ou le
suivi thérapeutique.
Les apports de la SPM sont plus limités dans
l’exploration de ses complications, en dehors de l’évaluation de
l’activité inflammatoire de sténoses où la SPM apparaît
particulièrement utile.
Exploration isotopique des voies
biliaires :
A - DIAGNOSTIC DES CHOLÉCYSTITES AIGUËS
:
1- Rappels cliniques et position du problème
:
La cholécystite aiguë est une inflammation de la vésicule provoquée
par l’obstruction aiguë du canal cystique, par un calcul le plus
souvent.
La clinique comprend une douleur épigastrique ou de
l’hypocondre droit, associée à une fièvre.
Le diagnostic est facile
lorsque la clinique et l’échographie sont évocatrices.
Ailleurs, le
diagnostic est plus difficile à poser et l’indication opératoire reste
discutée en sachant qu’une cholécystectomie réalisée en urgence
entraîne une mortalité inférieure à celle d’une cholécystectomie en urgence différée.
2- Méthodologie
:
* Radiopharmaceutique
:
On réalise une injection intraveineuse de 200 MBq de 99mTc-tBIDA.
* Protocole d’examen
:
Le but de l’examen étant d’apprécier l’existence ou non d’une
fixation vésiculaire, il est possible d’utiliser deux protocoles
différents :
– soit séquence classique avec acquisition dynamique sur
60 minutes ;
– soit réalisation d’images statiques toutes les 15 minutes jusqu’à
60 minutes, ou arrêt préalable de l’examen si la vésicule est
visualisée.
Si la vésicule n’est toujours pas visible à 60 minutes :
– soit réalisation d’images statiques à 2 et 4 heures ;
– soit injection de 0,04 mg/kg de morphine sur plus de 3 minutes et
de 80 à 120 MBq (2 à 3 mCi) de 99mTc-tBIDA avec nouvelle
acquisition dynamique (30 images de 60 secondes) ou images
statiques à 15 et 30 minutes.
La durée totale maximale de l’examen
est de 90 minutes.
L’examen est réalisé chez un patient à jeun depuis au moins 4 heures
(mais pas plus de 24 heures) afin que la vésicule soit dans les
meilleures conditions de remplissage.
3- Résultats
:
Lorsqu’un jeûne d’au moins 4 heures est respecté, la vésicule est
visualisée entre la 15e et la 40e minute après l’injection chez le sujet
normal.
À l’inverse, l’absence de visualisation de la vésicule biliaire
à la 60e minute est pathologique (sans être synonyme de cholécystite
aiguë).
Si la vésicule n’apparaît toujours pas sur les images tardives,
il s’agit d’une cholécystite aiguë ; l’apparition tardive de la vésicule
évoque une cholécystite chronique.
La sensibilité et la spécificité de la scintigraphie sont excellentes
puisqu’elles se situent respectivement entre 96 et 100 %, et entre 82
et 100 % suivant les études.
Une étude américaine (Wm Beaumont
Hospital-Royal Oak) menée sur 1 000 patients entre 1980 et 1984 a trouvé une sensibilité égale à 98 % et une spécificité égale à
95,5 %.
Toujours dans cette indication, la valeur prédictive
positive de la scintigraphie était égale à 90,5 %, avec une valeur
prédictive négative calculée à 99,1 %.
L’injection de morphine ne
modifie pas la sensibilité et améliorerait la spécificité.
Un signe de gravité rim sign ou « signe de l’anneau » est présent
dans 35 % des cas.
Il s’agit d’une hyperfixation relative,
observable entre la 45e et la 60e minute sur le parenchyme hépatique
en regard de la vésicule, et traduisant une inflammation du
parenchyme hépatique.
Les faux positifs sont rares : cholécystite chronique, non-respect du
jeûne de 4 à 6 heures, jeûne prolongé (plus de 24 heures ou
bénéficiant d’une alimentation parentérale), maladie grave
intercurrente, pancréatite aiguë, insuffisance hépatique sévère.
Les
faux négatifs sont également rares, s’expliquant par l’augmentation
de pression forçant l’obstacle (mécanique ou fonctionnel), en
particulier dans les cholécystites alithiasiques.
Une confusion entre
fixation vésiculaire et fixation duodénale ou fixation sur un canal
cystique dilaté peut faire conclure à tort à une négativité de
l’examen.
4- Stratégie diagnostique
:
Le premier examen morphologique destiné à confirmer l’hypothèse
d’une cholécystite est l’échographie.
Sa sensibilité dans le diagnostic
de cholécystite aiguë se situe entre 86 et 97 % suivant les auteurs.
Cependant, sa spécificité est relativement basse et varie de 53 à 70 %,
ces fluctuations ayant été attribuées essentiellement à des
prévalences différentes.
La recherche systématique du signe de
Murphy échographique améliorerait la spécificité (calculée à 85,3 %
dans l’étude de Laing) mais cette technique est très opérateurdépendante
et les bons résultats observés n’ont pas été retrouvés au
cours des études ultérieures.
Si la sensibilité de la scintigraphie hépatobiliaire est comparable ou
à peine supérieure à celle de l’échographie, c’est sa plus grande
spécificité qui lui confère sa supériorité.
La scintigraphie est certes
un examen non invasif, mais il s’agit malgré tout d’un examen
supplémentaire, pas toujours disponible en urgence, et dont la
réalisation doit déboucher sur une attitude pratique.
Bien que
certains auteurs américains préconisent la scintigraphie
hépatobiliaire en première intention, celle-ci est aujourd’hui
totalement méconnue en France dans cette indication, mais pourrait
trouver sa place dès qu’il existe un doute diagnostique, en
particulier dans ces trois circonstances :
– la clinique est évocatrice (douleur, fièvre, hyperleucocytose…)
mais l’échographie est atypique ;
– la clinique est fruste (simple gêne abdominale) mais l’échographie
est typique (zone hyperéchogène avec cône d’ombre acoustique,
épaississement vésiculaire, halo périvésiculaire, etc) ;
– en cas de suspicion de cholécystite alithiasique.
La présence d’un rim sign est un argument supplémentaire pour un
acte opératoire en urgence.
B - ÉTUDE DES DYSFONCTIONS ODDIENNES
:
1- Rappels cliniques et position du problème
:
Les dysfonctions oddiennes représentent une pathologie rare, plus
volontiers décrite au décours des cholécystectomies.
La clinique est
relativement superposable à celle de la colique hépatique (douleur
déclenchée par l’alimentation) ; il existe une prédominance féminine.
Le diagnostic repose sur l’élévation transitoire des phosphatases
alcalines et des transaminases glutamiques pyruviques dans le
sérum (SGPT) ainsi que sur l’opacification des voies biliaires par
voie rétrograde (CPRE : cathétérisme de la papille par voie
rétrograde endoscopique) et la manométrie biliaire.
Non invasive, la
scintigraphie hépatobiliaire (SHB) a été proposée pour le diagnostic
et pour l’appréciation de l’efficacité de la sphinctérotomie
endoscopique.
2- Méthodologie
:
Elle comporte une scintigraphie hépatobiliaire au tBIDA avec la
séquence classique, et la détermination des paramètres fonctionnels
(Tmax, T 1/2, coefficient d’extraction) à partir de ROI correspondant
aux territoires intéressés.
3- Résultats et stratégie diagnostique
:
C’est en 1983 que Pace décrivait pour la première fois
l’allongement des paramètres quantitatifs (Tmax et T 1/2) obtenus
par une ROI couvrant le foie et les voies biliaires d’une SHB au
cours de sténoses papillaires prouvées par CPRE.
La sensibilité était
de 100 % mais la spécificité n’était pas précisée.
Ces bons résultats
ont ensuite été confirmés par d’autres études prenant en
compte des critères quantitatifs, visuels (hyperactivité dans la voie
biliaire principale) ou les deux.
En prenant en compte le temps de
transit entre hile et duodénum, Cicala trouvait une sensibilité de
100 % et une spécificité de 100 %.
Un score établi à partir de
critères visuels et numériques aboutit aux mêmes résultats.
Si la SHB possède une excellente sensibilité et une bonne spécificité,
l’opacification rétrograde des voies biliaires reste indispensable pour
le diagnostic différentiel (ampullome vatérien, lithiase) et le
traitement par sphinctérotomie endoscopique.
Après sphinctérotomie
endoscopique, la SHB se révèle un examen parfaitement
adapté pour apprécier l’efficacité thérapeutique qui montre une
normalisation des paramètres fonctionnels ainsi qu’une cinétique
normale.
En conclusion, en cas de suspicion de dysfonction oddienne, la
scintigraphie peut être proposée immédiatement après une
échographie abdominale (pratiquée dans le cadre d’une exploration
d’une douleur abdominale) ; la CPRE est indiquée pour le diagnostic
différentiel et l’aspect thérapeutique ; la manométrie devrait être
réservée aux cas particulièrement difficiles.
La scintigraphie reste un
examen de choix dans le suivi de la sphinctérotomie endoscopique.
C - ÉVALUATION DE LA PERMÉABILITÉ
DES ANASTOMOSES BILIODIGESTIVES :
1- Rappels cliniques et position du problème
:
Les anastomoses biliodigestives sont destinées à rétablir la continuité
entre les voies biliaires et le tube digestif dans diverses circonstances : obstacle du bas cholédoque gênant l’écoulement du
liquide biliaire, sténose biliaire directe, lésion traumatique du
cholédoque…
Les complications à distance sont marquées par la possibilité de
survenue d’angiocholites, volontiers conséquence d’une sténose
anastomotique (en particulier en cas de cholédocoduodénostomie)
ou d’une lithiase résiduelle.
La SHB, en visualisant le transit biliaire, permet d’apprécier une
sténose anastomotique ou une dilatation d’une voie biliaire
intrahépatique et ainsi d’orienter le diagnostic.
2- Méthodologie
:
Elle compte les temps suivants :
– injection de 200 MBq de tBIDA (Cholecis) ;
– séquence classique ;
– détermination des paramètres fonctionnels (Tmax, T 1/2,
coefficient d’extraction) à partir de ROI correspondant aux territoires
intéressés.
3- Résultats et stratégie diagnostique
:
La SHB est proposée depuis plus d’une quinzaine d’année dans cette
indication.
Lorsque l’anastomose est perméable, le produit
gagne le tube digestif et s’élimine normalement.
À l’inverse, en cas
de sténose, le produit s’accumule dans l’anse anastomotique.
Il existe une classification en fonction du degré de sténose :
– stade A ou normal : passage digestif au cours de la première heure
sans dilatation des voies biliaires sus-jacentes ;
– stade B : passage digestif au cours de la première heure mais avec
dilatation des voies biliaires sus-jacentes ;
– stade C : passage intestinal supérieur ou égal à 1 heure ;
– stade D : obstruction totale ;
– stade E : fuite biliaire.
Cette classification a été proposée à partir de scintigraphies réalisées
à l’aide de l’HIDA.
Or ce radiopharmaceutique a des paramètres
pharmacocinétiques plus longs que le tBIDA disponible en France
(respectivement 16 ± 3,5 min et 29 ± 16 min pour l’HIDA contre
12,5 ± 2,5 et 20 ± 5 min pour le tBIDA).
Avec le tBIDA, le produit
pénètre plus rapidement l’anastomose et son franchissement doit
être plus rapide.
Aucune étude n’a permis d’actualiser cette
classification, et c’est pourquoi son utilisation doit rester prudente
avec le produit disponible.
En dehors de l’aspect purement diagnostique, la SHB constitue un
outil capable d’apprécier l’efficacité d’un traitement agissant sur la
contractilité de l’anse.
Enfin, le reflux de liquide biliaire dans l’estomac (reflux biliodigestif)
peut être mis en évidence par les dérivés de l’acide iminodiacétique
(IDA).
Sa présence ne traduit pas forcément un processus
pathologique.
En revanche, sa mise en évidence chez un patient
porteur d’une anastomose cholédocoduodénale avec une gastrite
connue est hautement évocatrice.
Le reflux se recherche sur les
dernières images de la séquence (45 à 60 minutes) ou sur des images
tardives.
La fixation gastrique étant généralement faible, il est parfois
nécessaire de réaliser un « masque » sur l’intestin afin de faire
ressortir l’estomac.
D - DIAGNOSTIC PRÉCOCE DES CHOLANGITES
SCLÉROSANTES :
1- Rappels cliniques et position du problème
:
Les cholangites sclérosantes sont des maladies inflammatoires
chroniques et sténosantes des voies biliaires relativement rares
(prévalence un à quatre cas pour 100 000 habitants).
Le diagnostic
est évoqué devant un tableau clinique de cholestase avérée ou
devant une élévation des phosphatases alcalines avec ou sans
élévation de la bilirubine chez des patients à risque (rectocolite
hémorragique, syndrome de l’immunodéficience acquise [sida],
anomalie connue sur les voies biliaires).
Le diagnostic repose sur
l’histologie et surtout la CPRE, qui montre l’alternance de sténoses
de canaux biliaires et d’ectasies poststénotiques mais qui comporte
un risque important de complications sur ce terrain.
2- Méthodologie
:
Elle comporte les temps suivants :
– injection de 200 MBq de tBIDA (Cholecis) ;
– séquence classique ;
– détermination des paramètres fonctionnels (Tmax, T 1/2,
coefficient d’extraction) à partir de ROI correspondant aux territoires
intéressés ;
– images tardives souhaitables.
3- Résultats et stratégie diagnostique
:
Toutes les études réalisées chez des malades présentant une cholangite sclérosante, qu’elle soit primitive ou secondaire, diffuse
ou segmentaire, ont montré pratiquement au moins une anomalie
sur la SHB.
Différentes lésions ont donc été décrites :
– la stase hétérogène sur plage correspond à un aspect de cholestase
hétérogène, avec un foie d’aspect moucheté et ce dès les premières
minutes ;
– la stase intrahépatique diffuse représente un aspect de cholestase
homogène ;
– la visibilité persistante d’un canal, en particulier sur les images
tardives, est évocatrice bien que non spécifique (simple obstruction
du canal, quelle que soit l’étiologie) ;
– dans les formes segmentaires, a été décrite une asymétrie
d’excrétion entre les lobes droit et gauche.
Il a été rapporté
également l’exclusion fonctionnelle d’un groupe de segments dont
l’exérèse chirurgicale a amélioré la symptomatologie ; une atteinte
de type endartérite inflammatoire a été incriminée pour expliquer
cette sémiologie de l’image.
Ces différentes anomalies peuvent être isolées ou associées.
C’est essentiellement au stade précoce, devant une simple élévation
des phosphatases alcalines chez un sujet à risque, que la SHB
pourrait être proposée, pouvant orienter la démarche diagnostique
et thérapeutique (l’acide ursodésoxycholique serait d’autant plus
efficace au stade initial de la maladie, lorsque les phénomènes
inflammatoires sont importants et donc avant le stade irréversible
de fibrose et de cirrhose) :
– l’aspect de stase hétérogène sur plage décrit par Hecht et al
traduit la présence de sténoses à disposition aléatoire,
caractéristiques des cholangites sclérosantes.
Un aspect comparable
n’a été observé dans cette série qu’en cas de maladie de Caroli,
affection rarissime, correspondant à des dilatations kystiques
(généralement diffuses) des canaux biliaires intrahépatiques et
d’origine héréditaire.
Le diagnostic est généralement posé dans
l’enfance ou chez l’adulte jeune devant des épisodes d’angiocholite
récidivants.
Lorsque cet aspect relativement spécifique est observé
chez un sujet à risque (RCH ou sida essentiellement), il existe une
très forte probabilité de cholangite sclérosante ;
– les autres aspects décrits en scintigraphie (stase intrahépatique
diffuse, visibilité persistante d’un canal, asymétrie d’excrétion entre
lobes droit et gauche, etc) montrent qu’il existe un processus
pathologique au niveau hépatique, et qu’il est nécessaire de
pratiquer une opacification rétrograde pour affirmer ou éliminer une
cholangite ;
– la scintigraphie est normale (aspect morphologique et paramètres
fonctionnels).
Aucun cas de cholangite sclérosante avec SHB
normale n’a été décrit à notre connaissance ; l’hypothèse d’une
cholangite sclérosante pourrait être éliminée et la démarche devrait
s’orienter vers une autre pathologie.
Pour le suivi des cholangites sclérosantes, la surveillance
scintigraphique n’offre aucun bénéfice par rapport aux méthodes
biologiques concernant la surveillance des cholangites sclérosantes
diffuses.
En revanche, elle présente un intérêt réel pour la
surveillance des cholangites sclérosantes segmentaires, en
permettant d’explorer spécifiquement la région atteinte, en
particulier lorsque les altérations biologiques sont minimes.
E - DIAGNOSTIC NÉONATAL DES ATRÉSIES BILIAIRES
:
1- Rappels cliniques et position du problème
:
L’atrésie des voies biliaires (AVB) se définit comme une oblitération
plus ou moins complète de la voie biliaire principale entraînant un
remaniement inflammatoire de l’ensemble de l’arbre biliaire.
Elle
concerne environ un nouveau-né pour 10 000 naissances.
L’AVB extrahépatique se traduit presque toujours par une cholestase
du nouveau-né, avec urines foncées et selles décolorées (tout ictère
supérieur à 2 semaines est pathologique).
Le diagnostic doit être
posé en urgence car le succès de l’intervention de type Kasaï
(hépato-porto-entérostomie) dépend de la précocité de l’intervention.
L’évolution vers la cirrhose biliaire peut alors être ralentie,
permettant à certains enfants d’avoir une croissance staturale et
pondérale satisfaisante et d’atteindre la puberté sans thérapeutique
spécifique.
2- Méthodologie
:
Elle comporte les temps suivants :
– injection de 1,85 MBq/kg de 99mTc-tBIDA avec une dose minimale
de 37 MBq ;
– protocole d’imagerie classique ou images statiques ;
– images tardives éventuelles à 2, 4, 6 ou 24 heures ;
– possibilité d’un deuxième examen après stimulation par
5 mg/kg/j de phénobarbital par voie orale pendant 5 jours.
3- Résultats
:
En cas d’AVB extrahépatiques, il existe une atteinte associée
d’intensité variable des voies biliaires intrahépatiques et des voies
biliaires extrahépatiques.
Cet aspect physiopathologique a deux
conséquences en scintigraphie hépatobiliaire :
– s’il existe un passage du produit dans le tube digestif : l’hypothèse
d’une AVB peut être rejetée ;
– si l’on visualise les voies biliaires intrahépatiques, il existe un
blocage en aval et l’hypothèse d’une AVB peut là encore être rejetée.
En revanche, lorsqu’on ne visualise pas les voies biliaires intrahépatiques ou en l’absence de passage digestif à l’issue de la
première heure, il est impossible de conclure.
Un passage digestif
différé reste possible, et c’est pourquoi il est indispensable de réaliser
des images tardives (2, 4, 6 voire 24 heures) avant de conclure à la
positivité de l’examen.
En cas de négativité, il est possible de recommencer l’examen une
semaine plus tard, en ayant stimulé pendant cette période la
sécrétion biliaire par un traitement comprenant 5 mg/kg/j de
phénobarbital par voie orale, car ce produit stimule la sécrétion
biliaire.
Une nouvelle scintigraphie est alors réalisée suivant les
mêmes modalités.
S’il n’existe là encore aucun passage, l’examen
permet de conclure à une AVB.
La captation du produit n’est normalement pas ou peu diminuée au
cours des 2 premiers mois, car la fonction hépatique est relativement
conservée.
En revanche, si la scintigraphie est réalisée sur un foie
déjà cirrhotique (le Tmax est élevé et le coeur visible tardivement), la
scintigraphie ne permet aucune conclusion, car le tBIDA reste dans
le compartiment vasculaire et ne permet donc pas d’apprécier le
transit biliaire.
Il est utile de calculer des paramètres fonctionnels,
en particulier ceux obtenus après « déconvolution » (coefficient
d’extraction) afin de permettre une meilleure appréciation du degré
de dysfonction et de cholestase et une meilleure approche des
pathologies cholestatiques pédiatriques.
En particulier, au cours
de l’AVB avec fonction normale, le coefficient d’extraction présente
une valeur normale alors que la période d’élimination (T 1/2) est
allongée.
À l’inverse, en cas de cholestase intrahépatique, le
coefficient d’extraction est généralement diminué.
En prenant en compte des critères visuels (présence d’activité dans
le tube digestif), la sensibilité de la scintigraphie hépatobiliaire est
de 97 % et la spécificité de 82 %.
La précision diagnostique est
évaluée à 91 %. Le nombre de faux positifs et de faux négatifs est
estimé à 6 % dans une étude récente.
Ces performances seraient
améliorées par la détermination des paramètres fonctionnels.
4- Stratégie diagnostique
:
La démarche diagnostique est d’abord clinique.
La constatation
d’une décoloration complète et franche des selles oriente en premier
lieu vers une cholestase extrahépatique et en particulier vers la plus
fréquente d’entre elles, l’AVB extrahépatique.
L’examen clinique
peut, lui aussi, apporter des éléments d’orientation étiologique.
Outre la recherche d’une hépatomégalie et/ou d’une splénomégalie,
il faut chercher avec attention des anomalies cliniques pouvant
orienter vers un syndrome d’Alagille.
L’échographie abdominale est l’examen réalisé en première
intention.
En effet, si la voie biliaire principale n’est normalement
pas visible en échographie chez le nouveau-né, cet examen peut
toutefois apporter des éléments d’orientation importants.
La
présence d’une vésicule biliaire fait rediscuter l’hypothèse d’une AVB, alors qu’une polysplénie est un argument indirect orientant
vers ce diagnostic (10 % des AVB).
En règle, l’échographie permet
aussi de mettre en évidence un kyste du cholédoque et/ou de
suspecter une perforation spontanée des voies biliaires en présence
d’une ascite observée précocement.
La SHB peut être utile lorsqu’il existe un doute entre l’origine intraou
extrahépatique d’une cholestase du nourrisson.
Elle peut
permettre d’orienter le diagnostic et d’éviter la réalisation d’une ponction-biopsie du foie, qui reste un geste invasif chez le jeune
nourrisson.
F - EXPLORATION DE LA FONCTION HÉPATIQUE
SEGMENTAIRE :
1- Rappels cliniques et position du problème
:
L’évaluation de la fonction hépatique ne bénéficie pas d’un test
biologique simple procurant une mesure précise, mais nécessite une
prise en compte de données cliniques et biologiques qui sont
généralement le reflet indirect de cette fonction.
Le score de Child-Pugh est parfois complété par des études de clairance.
Les tests
respiratoires utilisant l’amidopyrine marquée au 14C ne sont pas,
pour l’instant, commercialisés en France.
Ces méthodes d’évaluation renseignent en outre exclusivement sur
la valeur fonctionnelle globale, et ne permettent pas d’apprécier la
valeur fonctionnelle d’un lobe ou d’un ensemble de segments de
manière indépendante.
Concernant les volumes hépatiques, les
techniques d’imagerie mesurent avec précision les volumes
anatomiques, alors que la scintigraphie permet d’apprécier les
volumes fonctionnels.
2- Méthodologie
:
Elle comprend les opérations suivantes :
– scintigraphie hépatobiliaire au tBIDA avec la séquence classique ;
– détermination des paramètres fonctionnels (Tmax, T 1/2,
coefficient d’extraction) à partir de ROI correspondant aux territoires
intéressés ;
– calcul de la proportion fonctionnelle par moyenne arithmétique
du nombre de coups déterminés à partir de ROI tracées sur des
images parenchymateuses (3 à 5 minutes) faces antérieure et
postérieure.
3- Résultats et stratégie diagnostique
:
* Greffes auxiliaires
:
Les greffes hépatiques auxiliaires consistent à laisser une partie du
foie du receveur en place, et à transplanter dans l’espace laissé libre
un greffon constitué d’un foie réduit.
Elles sont réalisées en cas
d’hépatite fulminante (infectieuses, toxiques ou autres) afin d’obtenir
la survie sans séquelle neurologique, et lorsque le foie natif possède
une chance de régénérer.
Lorsque le foie défaillant récupère sa
fonction initiale, le greffon peut alors être « neutralisé », soit par
exérèse chirurgicale, soit par involution spontanée après arrêt des
immunosuppresseurs.
Après transplantation, le suivi thérapeutique repose sur des critères
cliniques, morphologiques et biologiques qui permettent d’évaluer
la fonction hépatique.
L’examen visuel des sécrétions biliaires par
les deux drains est un bon indicateur fonctionnel.
L’apparition d’une
sécrétion biliaire, et surtout son aspect foncé, inaugurent le plus
souvent une reprise fonctionnelle du foie natif.
L’analyse
histologique peut montrer la disparition des hépatocytes nécrosés
par des cellules normales en cas de régénération ainsi que l’existence
d’une fibrose portale, d’interprétation discutée.
L’échographie et le
scanner spiralé permettent d’apprécier les modifications des
volumes hépatiques.
L’angiographie hépatique par le biais de la
distribution portale semble également refléter la fonction de chaque
entité séparée, mais il s’agit d’une méthode invasive, inapplicable
de manière séquentielle.
La SHB permet d’apprécier séparément et simultanément la fonction
du greffon et du foie natif.
En réalisant des ROI séparées sur
le foie natif et le greffon, il est possible d’une part d’apprécier la
qualité respective de ces deux entités par le calcul du Tmax ou du
coefficient d’extraction, d’autre part de calculer la proportion
fonctionnelle respective revenant au greffon ou au foie natif.
Dans
une étude récente, tous les patients chez lesquels avait été décidé
l’arrêt des immunosuppresseurs avaient une fonction hépatique
normale et un pourcentage d’au moins 30 % attribuable au foie natif.
Non invasive, non traumatique et très peu irradiante, la SHB peut
être répétée autant de fois que nécessaire dans cette indication.
Compte tenu de ses bonnes performances diagnostiques et de sa
facilité de réalisation, cet examen semble réellement contributif pour
apprécier la reprise fonctionnelle du foie natif.
* Résections hépatiques majeures
:
L’exérèse hépatique partielle représente la thérapeutique de choix
des tumeurs malignes du foie (80 % des indications d’hépatectomie),
qu’elles soient primitives (carcinome hépatocellulaire, cholangiocarcinome) ou secondaires (métastases colorectales
essentiellement).
Les principales complications des résections
hépatiques sont l’insuffisance hépatocellulaire (IHC) postopératoire
et l’hémorragie.
L’IHC est fonction du volume et des capacités fonctionnelles du foie
restant.
Elle est prévenue et traitée par des apports parentéraux de facteurs de coagulation et d’albumine, ainsi que par le maintien
d’une hémodynamique et d’une oxygénation efficaces.
La durée de
cette IHC postopératoire dépend des capacités de régénération du
parenchyme hépatique résiduel.
En 3 semaines-1 mois, à raison de
100 mL/24 h, un volume de parenchyme hépatique égal à celui qui
existait en préopératoire est restauré à partir du foie résiduel.
Un
volume résiduel de foie sain de 20 % du volume initial est suffisant
pour couvrir les besoins de l’organisme avant la phase de
régénération.
Le foie cirrhotique a, en revanche, une capacité de
régénération réduite, voire absente, d’où une prolongation et une
aggravation de l’IHC postopératoire.
Afin d’apprécier au mieux le risque d’IHC postopératoire, il est donc
nécessaire d’estimer la réserve fonctionnelle du foie (en cas de foie
cirrhotique) avant l’exérèse et de calculer, en fonction du type
d’intervention prévue, la proportion de foie fonctionnel qui
subsistera.
L’appréciation des volumes d’exérèses est effectuée de plusieurs
manières :
– estimation anatomique : les segments I et IV occupent environ
20 % du volume hépatique, les segments II et III 15 %, les segments
VI et VII 35 % et les segments V et VIII 30 % ;
– le scanner hélicoïdal permet une approche anatomique
extrêmement précise en mesurant les volumes exacts du foie, de
la tumeur et des segments d’exérèse.
Il est ensuite possible
d’effectuer une soustraction du volume tumoral (non fonctionnel)
du volume d’exérèse calculé, afin d’apprécier la quantité de tissu
hépatique sain qui sera effectivement réséqué.
Cependant, le
scanner hélicoïdal ne permet pas d’apprécier la qualité
fonctionnelle du tissu hépatique ;
– la scintigraphie mesurant l’activité hépatocytaire procure non
pas tant une détermination des volumes anatomiques mais une
mesure des « volumes fonctionnels ».
Ces valeurs doivent
ensuite servir à estimer le risque d’insuffisance hépatique
postopératoire en rapportant la proportion fonctionnelle restante
calculée à une valeur fonctionnelle globale de référence (clairance
d’ICG) afin d’évaluer la fonction hépatique postopératoire
immédiate.
En pratique, la SHB est utile lorsqu’il existe un doute sur le risque
d’IHC postopératoire, ce qui se vérifie en cas d’exérèse majeure sur
foie sain ou en cas d’exérèse sur foie cirrhotique.
Enfin, lorsque le volume hépatique restant est estimé en trop faible
quantité, il est possible de réaliser une embolisation portale sur le
lobe controlatéral (pathologique) afin d’entraîner une hypertrophie
compensatrice du lobe sain.
En déterminant la proportion
fonctionnelle avant puis un mois après l’embolisation, la
scintigraphie hépatobiliaire présente le double intérêt d’apprécier
l’efficacité de l’embolisation portale et de calculer la proportion
fonctionnelle de foie restant.