Pathologie des troubles circulatoires et hémodynamiques

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Congestion :

1 – DÉFINITION :

C’est l’augmentation de la quantité de sang présente dans un organe ou un territoire de l’organisme, associée à la dilatation d’une partie du lit vasculaire correspondant.

* Remarque: Les deux termes de la définition sont importants; l’augmentation de la quantité de sang contenue dans un organe ne suffit pas à définir la congestion.

Cette quantité peut en effet varier physiologiquement selon les exigences fonctionnelles du moment et peut, par exemple, s’accroître considérablement au niveau du muscle strié lors de l’exercice musculaire.

Elle est réglée par le jeu des sphincters pré-capillaires et des anastomoses artério-veineuses.

Il y a deux types de congestion: la congestion active et la congestion passive.

2 – CONGESTION ACTIVE OU CONGESTION ARTÉRIELLE :

C’est la conséquence d’une vasodilatation active artériolo-capillaire qui est soit d’origine chimique, soit d’origine nerveuse.

* Les agents chimiques responsables de la congestion active sont les médiateurs chimiques de l’inflammation dans la très grande majorité des cas; congestion active est synonyme de congestion inflammatoire.

Il est exceptionnel que cette congestion soit un phénomène pur.

Elle s’accompagne en effet habituellement d’une augmentation de la perméabilité de la paroi vasculaire ce qui a pour conséquence un oedème, une diapédèse, etc. …

Dans la congestion active, les vaisseaux sont caractérisés histologiquement par une turgescence de leurs cellules endothéliales.

* Les congestions actives d’origine nerveuse sont celles que l’on voit après la section de certains nerfs sympathiques.

Ce phénomène a été utilisé en thérapeutique pour pallier certains cas d’ischémie .

3 – CONGESTION PASSIVE OU CONGESTION VEINEUSE :

Il s’agit d’une vasodilatation passive par obstacle au retour veineux.

Elle s’accompagne toujours d’un ralentissement circulatoire dans le territoire congestif.

Ce ralentissement est la stase, terme souvent employé comme synonyme de congestion passive.

A) ÉTIOLOGIE ET FORMES TOPOGRAPHIQUES DE LA CONGESTION PASSIVE :

1) Congestion veineuse localisée :

Pathologie des troubles circulatoires et hémodynamiques

L’exemple le plus banal est celui qu’on peut observer quotidiennement en posant un garrot au niveau d’un membre.

On peut voir la situation analogue dans le territoire d’une veine variqueuse ou d’une veine obstruée. Autre exemple: compression d’une veine iliaque par une tumeur pelvienne avec stase et congestion veineuse du membre inférieur homolatéral.

2) Congestion veineuse régionale :

Exemples: stase de la moitié supérieure du corps dans le syndrome de la veine cave supérieure provoqué par la compression ou l’obstruction de cette veine, le plus souvent par une tumeur médiastinale.

3) Congestion veineuse systématisée :

A la grande ou à la petite circulation, ou généralisée.

Exemples: grande circulation: stase veineuse systémique de l’insuffisance ventriculaire droite; petite circulation: stase veineuse pulmonaire de l’insuffisance ventriculaire gauche pure ou du rétrécissement mitral.

4 – CONSÉQUENCES GÉNÉRALES DE LA CONGESTION VEINEUSE :

Le ralentissement du courant sanguin a pour conséquence une désaturation accrue en oxygène du sang veineux avec anoxie locale, ce qui entraîne une souffrance de la région en état de stase et de la paroi des vaisseaux eux-mêmes.

La conjonction de lésions anoxiques de l’endothélium et d’une hyperpression dans la lumière du vaisseau aboutit à la constitution d’un oedème de stase (ou d’épanchements des séreuses qui en sont l’équivalent).

De plus, la stase favorise les thromboses.

Les organes atteints de congestion veineuse seront donc plus lourds parce qu’ils sont oedémateux et de coloration bleu-violacé (cyanique) parce qu’ils sont anoxiques.

A long terme, les effets hypoxiques de la stase prolongée se traduiront par une atrophie des éléments nobles des parenchymes avec une sclérose systématisée de l’organe atteint.

5 – EXEMPLES DE RETENTISSEMENT VISCÉRAL DE LA CONGESTION VEINEUSE :

A) LE FOIE DE STASE :

On l’appelle foie cardiaque, ceci parce que son étiologie habituelle est une insuffisance cardiaque droite ou globale.

Il faut bien comprendre cependant qu’une image analogue peut s’observer lorsque la stase est purement loco-régionale et due à une obstruction d’une veine sus-hépatique.

L’aspect est un peu différent selon que la stase est aiguë, sub-aiguë ou chronique.

1) Stase aiguë :

Le foie est gros, violacé, les veines centrolobulaires visibles sur la tranche de section sont béantes et laissent écouler un sang abondant.

Histologiquement, il y a une dilatation des veines centrolobulaires et des capillaires sinusoïdes qui les entourent.

Si la stase est importante et brutale, les hépatocytes de la région centrolobulaire se nécrosent.

Cette lésion peut régresser très rapidement: le foie récupère un volume normal sous l’influence du traitement, c’est en clinique le foie « accordéon”.

2) Stase sub-aiguë :

Macroscopiquement le foie est gros, il est brun-jaune, mou et parsemé de petites taches hémorragiques qui correspondent aux régions centrolobulaires.

C’est le foie muscade. Histologiquement, ces zones centrolobulaires sont congestives avec une nécrose éventuelle des hépatocytes.

La zone médiolobulaire est occupée par une stéatose qui témoigne d’une anoxie relative.

Si la stase est très importante, les zones de nécrose centrolobulaire convergent en pont d’un lobule à l’autre et finissent par isoler les territoires hépatocytaires intacts qui sont situés autour des espaces portes.

On a alors l’impression que c’est l’espace porte qui constitue le centre du lobule: c’est l’image du lobule interverti.

3) Stase chronique :

Les phénomènes de congestion s’atténuent, ce qui a pour conséquence une diminution relative du poids du foie.

Il apparaît une sclérose de la paroi de la veine centrolobulaire et des capillaires sinusoïdes qui l’entourent.

Les hépatocytes ont disparu dans cette zone scléreuse où l’on peut observer une pigmentation ferrique témoignant de la destruction des hématies extravasées (c’est un exemple d’hémosidérose localisée).

B) LE POUMON DE STASE :

Ou poumon cardiaque: alors que dans le foie on observe une prédominance des lésions hépatocytaires anoxiques, dans le poumon les lésions anoxiques sont beaucoup moins évidentes et ce sont les lésions d’oedème qui prédominent.

1) Stase aiguë :

C’est l’oedème pulmonaire hémodynamique, inondation du poumon par un liquide riche en protéines et en hématies qui passe dans l’alvéole pulmonaire à partir des capillaires et des veinules dilatés, après un bref transit dans l’épaisseur de la cloison inter-alvéolaire.

Les poumons oedémateux sont des poumons lourds, crépitant à la palpitation.

Ils laissent écouler à la coupe un liquide spumeux. Histologiquement, les protéines du liquide d’oedème sont visibles sous forme d’une coloration rose du contenu alvéolaire qui ne contient que de rares cellules en dehors des hématies.

2) Stase sub-aiguë :

L’oedème a tendance à s’atténuer, les poumons sont moins lourds et moins crépitants, ils commencent à avoir une consistance dure en raison d’une sclérose débutante. Histologiquement: sclérose systématisée aux parois inter-alvéolaires.

Liquide d’oedème avec souvent de nombreux macrophages dans la lumière des alvéoles.

3) Stase chronique :

L’oedème diminue encore, la sclérose s’aggrave.

Le poumon est scléreux et dur et de coloration brune. Histologiquement, sclérose systématisée et importante hémosidérose au sein des macrophages alvéolaires qui ont digéré les hématies sorties des vaisseaux avec le liquide d’oedème.

Hémorragies :

1 – DÉFINITION :

C’est l’issue du sang hors des conduits ou des cavités qui le contiennent à l’état normal.

La nomenclature et la classification des hémorragies sont du domaine du langage et de la pratique clinique.

L’Anatomie Pathologique permet d’étudier plus précisément le mécanisme des hémorragies et le devenir du sang extravasé.

2 – MÉCANISME DES HÉMORRAGIES :

Le sang qui s’écoule peut provenir des cavités cardiaques, de la lumière d’une artère, d’une veine ou de capillaires.

* L’hémorragie peut résulter d’une brèche dans la paroi d’un vaisseau ou dans la paroi du coeur: c’est l’hémorragie par rupture.

Cette rupture peut être le fait d’un traumatisme sur un vaisseau ou un organe sain.

Elle peut également se produire sur une lésion préexistante.

Exemple: une hémorragie par rupture de la paroi cardiaque peut résulter soit d’un coup de couteau qui perfore le ventricule, soit d’une rupture dite spontanée du coeur au niveau d’une zone nécrosée, c’est-à-dire d’un infarctus.

* Dans d’autres cas, les hématies traversent par érythrodiapédèse une paroi anormalement perméable.

Cette hémorragie se voit exclusivement au niveau des capillaires. Les étiologies en sont multiples.

Certaines hémorragies par érythrodiapédèse peuvent survenir dans un territoire étendu et entraîner une spoliation sanguine importante.

C’est le cas, par exemple, dans les gastrites hémorragiques.

3 – CONSÉQUENCES LOCALES DES HÉMORRAGIES ET ÉVOLUTION DES FOYERS HÉMORRAGIQUES CONSÉQUENCES LOCALES DES HÉMORRAGIES :

Ces conséquences varient selon le siège de l’hémorragie, selon son abondance, selon la pression sous laquelle le sang s’écoule. Dans le cas d’hémorragie interstitielle, c’est-à-dire au sein d’un tissu, plusieurs éventualités sont possibles.

Si l’hémorragie est minime et la pression faible, les hématies vont s’infiltrer dans les interstices du tissu conjonctif.

Par contre, lorsque le sang s’écoule de façon abondante et sous une certaine pression, variable selon le lieu du saignement, les tissus alentour peuvent être dissociés et il se forme une cavité remplie de sang liquide.

C’est ce que l’on appelle un hématome.

Lorsque l’hémorragie se produit au sein d’une cavité séreuse, les conséquences mécaniques sont variables en fonction de l’importance de l’hémorragie et du type de la cavité.

Dans un certain nombre de cas, les hémorragies vont entraîner rapidement la mort ou des délabrements importants par deux mécanismes:

* destruction d’un tissu vital dilacéré par une hémorragie interstitielle.

Exemples: hématome intra-cérébral; hématome des surrénales avec insuffisance surrénale aiguë

* compression d’un viscère.

Exemples: compression du cerveau par un hématome extra-dural développé entre la dure-mère et la paroi osseuse crânienne inextensible: hémopéricarde comprimant le coeur et provoquant un syndrome d’insuffisance cardiaque par adiastolie (tamponnade).

A) ÉVOLUTION D’UN FOYER HÉMORRAGIQUE INTRA-TISSULAIRE :

Une fois l’hémorragie tarie, le sang va se dégrader localement et il se produira une sclérose et une hémosidérose localisée.

Dans le cas d’un hématome, le sang peut demeurer liquide, s’appauvrir progressivement en hématies et s’entourer d’une coque de sclérose, c’est l’enkystement.

Il peut également se produire une surinfection et une suppuration des hématomes.

Il peut dans certains cas y avoir une précipitation locale du cholestérol contenu dans le sang.

B) ÉVOLUTION DES ÉPANCHEMENTS SANGUINS DES SÉREUSES :

Le sang épanché dans les séreuses devient rapidement incoagulable, car il est défibriné.

La fibrine va se déposer à la surface des séreuses et subira une organisation conjonctive.

Le tissu conjonctif qui se forme sur les deux faces de la séreuse aura tendance à confluer en une masse unique qui va souder les deux feuillets.

Le résultat de cette soudure s’appellera une symphyse.

Exemple:

Dans le cas d’un hémothorax, on intervient pour évacuer les caillots contenus dans la plèvre et éventuellement tarir la source du saignement.

En l’absence d’évacuation de l’épanchement sanguin, le poumon aurait adhéré à la paroi par symphyse de la plèvre avec les conséquences que l’on imagine sur la physiologie respiratoire.

Thrombose :

1 – DÉFINITION :

C’est un processus pathologique qui aboutit à la coagulation du sang dans un secteur du système cardio-vasculaire chez un sujet vivant.

Le caillot formé s’appelle un thrombus.

Remarque importante:

Un caillot découvert à l’autopsie peut être le résultat d’une coagulation du sang après la mort; il ne s’agit pas alors d’un thrombus mais d’un caillot cadavérique.

Les caractères macroscopiques et histologiques permettent dans la majorité des cas de distinguer les deux types de caillots.

2 – DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE THROMBOSES :

On peut classer les thromboses de différentes manières:

• selon la cavité atteinte: il y a les thromboses veineuses, artérielles, cardiaques ou capillaires,

• selon l’extension du thrombus dans la lumière: la thrombose est oblitérante lorsqu’elle obture totalement la cavité où elle se développe; elle est pariétale ou murale lorsque le thrombus est plaqué à la paroi et laisse subsister une partie de la lumière.

3 – FACTEURS ÉTIOLOGIQUES GÉNÉRAUX DES THROMBOSES :

Trois facteurs interviennent dans le déclenchement du processus de thrombose.

Il s’agit du facteur pariétal, du facteur hémodynamique et du facteur sanguin.

L’importance respective de chacun de ces facteurs peut varier dans chaque cas déterminé.

A) FACTEUR PARIÉTAL :

Il s’agit d’une lésion de la paroi du vaisseau, de nature et d’étiologie variables mais aboutissant toujours à une interruption de l’endothélium.

Ce facteur pariétal est le seul qui soit absolument nécessaire à la constitution d’une thrombose et qui soit suffisant à lui seul pour déclencher le processus.

B) FACTEUR HÉMODYNAMIQUE :

Il s’agit de la stase ou d’une turbulence du courant sanguin.

C) FACTEUR SANGUIN :

C’est ce que l’on désigne sous le nom d’hypercoagulabilité.

Les causes d’hypercoagulabilité sont beaucoup moins bien connues que les causes d’hypocoagulabilité.

Des déficits précis, tel le déficit en anti-thrombine III, n’expliquent qu’une faible minorité des thromboses.

Pour le reste, on est réduit à des constatations empiriques, et on sait depuis très longtemps que la tendance accrue aux thromboses s’observe dans des états pathologiques variés.

On peut citer parmi ceux-ci: le syndrome néphrotique, le diabète sucré, les défaillances cardiaques, les cardiopathies rhumatismales avec fibrillation auriculaire, les traumatismes sévères ou les brûlures, les états post-opératoires ou le post-partum, la fin de la grossesse, les cancers disséminés et notamment le cancer gastrique mucosécrétant (phlébite de Trousseau), l’alitement et l’immobilisation.

Les facteurs étiologiques de l’hypercoagulabilité sont d’une analyse extrêmement difficile.

On a accusé des oestrogènes et singulièrement les oestrogènes utilisés à des fins contraceptives d’être des facteurs favorisant des thromboses.

Ceci a été démontré par des études rétrospectives.

Les études prospectives n’ont cependant rien confirmé et ont suggéré que le traitement contraceptif n’était pas sûrement la cause unique de l’augmentation fréquente des thromboses de la femme jeune: le tabac est probablement un facteur pathogène surajouté important et il est même manifeste que la fréquence des thromboses spontanées chez les femmes n’utilisant pas une contraception hormonale est supérieure, à âge égal, à celle des hommes.

4 – CONSTITUTION ET ASPECT ANATOMIQUE DES THROMBUS. ÉVOLUTION DES THROMBOSES :

La morphologie et l’évolution varient dans une certaine mesure selon le type de cavité où se développe la thrombose.

Nous décrirons en détail la thrombose veineuse qui est la plus fréquente et la plus importante, nous verrons ensuite à propos des autres localisations les différences que l’on peut observer par rapport au type de description.

A) THROMBOSE VEINEUSE :

C’est un processus pathologique extrêmement banal et important.

1) Facteurs étiologiques :

Le facteur hémodynamique joue un rôle essentiel: l’étiologie majeure des thromboses veineuses est la stase.

Le simple ralentissement du courant veineux lié à l’interruption des mouvements musculaires des jambes (alitement, plâtre) peut suffire à provoquer une thrombose des veines des membres inférieurs.

La lésion pariétale est elle-même, sans doute, secondaire à la stase: c’est une lésion anoxique de l’endothélium veineux.

2) Constitution du thrombus :

Le point de départ du processus se trouve habituellement au niveau de la concavité d’une valve veineuse.

Le thrombus se constitue en plusieurs temps:

a) Premier temps la lésion endothéliale provoque l’adhérence des plaquettes et l’activation des facteurs plasmatiques de la coagulation.

Les plaquettes commencent à libérer localement le contenu de leurs granulations (sérotonine, thromboxane A2, etc.).

Il y a ensuite agrégation des plaquettes et formation d’un thrombus plaquettaire mêlé de fibrine.

Ce thrombus est de couleur blanche, il adhère à l’endothélium, on l’appelle thrombus blanc.

Le premier temps de la coagulation se déroule en quelques secondes, quelques minutes au maximum.

b) Deuxième temps coagulation progressive de la fibrine qui enserre dans ses mailles les éléments figurés du sang.

Les turbulences créées par le thrombus blanc vont déterminer en aval un train d’ondes stationnaires et la coagulation se fera sous forme de stries alternées blanches (plus riches en fibrine) et rouges (plus riches en hématies).

Ce sont les stries de Zahn qui caractérisent le thrombus mixte.

c) Troisième temps le thrombus mixte oblitère plus ou moins complètement le vaisseau et le sang coagule en masse en aval de l’obstacle: ainsi se forme le thrombus rouge ou thrombus de coagulation constitué de fibrine en réseau contenant les éléments figurés du sang.

Il complète l’oblitération de la veine.

Un thrombus veineux complètement constitué est ainsi formé de trois parties:

• le thrombus blanc ou tête de thrombus,

• le thrombus mixte ou corps du thrombus,

• le thrombus rouge ou queue du thrombus.

Le corps et la queue sont en aval de la tête et peuvent s’étendre sur plusieurs centimètres et même plusieurs dizaines de centimètres.

La constitution d’un thrombus complet demande plusieurs heures.

3) Évolution spontanée du thrombus :

a) Lyse c’est la destruction du thrombus par les enzymes fibrinolytiques du plasma avec restauration de la perméabilité vasculaire.

C’est une éventualité favorable mais rare. Une autre variété de lyse est le ramollissement puriforme par les enzymes des polynucléaires.

b) Migration c’est la rupture de tout ou partie de la queue du thrombus qui est libérée dans le courant sanguin où elle va se déplacer constituant un embole.

Ce phénomène de migration fait toute la gravité des thromboses veineuses.

Il est précoce, survenant dès les heures suivant la constitution du thrombus.

c) Suppuration on l’observe dans les thrombus infectés; le thrombus suppuré se fragmente et les différents débris vont se disperser dans le courant sanguin, disséminant les germes à distance.

d) Organisation c’est la plus fréquente des évolutions du thrombus.

Elle débute en 48 h environ, si le thrombus n’a pas suivi une des évolutions précédentes.

L’organisation est la colonisation du thrombus par le tissu conjonctif de la paroi veineuse.

Ce tissu va proliférer et former un véritable bourgeon charnu qui sera l’équivalent de celui que l’on observe au cours des phénomènes de réparation.

Les vaisseaux du bourgeon charnu progressent à l’intérieur du réseau de fibrine; ils vont amarrer solidement le thrombus.

Dès que l’organisation débute, il n’y a donc plus de migration possible.

Le bourgeon charnu remplace progressivement la totalité du thrombus, les capillaires qu’il contient peuvent s’ouvrir dans la lumière du vaisseau en amont et en aval de l’obstruction.

Il se forme ainsi des petits chenaux qui vont d’une extrémité à l’autre du thrombus et permettent un certain passage du sang.

Ce phénomène est la reperméation.

Les chenaux peuvent s’élargir et réduire les vestiges du thrombus à un réseau de brides entrecroisées qui s’intriquent avec les restes des valvules de la veine.

Il n’y a jamais de restauration d’une lumière absolument normale et il persiste le plus souvent une stase résiduelle.

B) THROMBOSES D’AUTRES SIÈGES :

1) Thrombose cardiaque :

Facteurs étiologiques:

• la stase joue un rôle important.

Exemple: rétrécissement mitral; le thrombus est en amont du rétrécissement dans l’oreillette gauche.

• une lésion pariétale primitive peut intervenir.

Exemple: infarctus du myocarde; le thrombus est dans le ventricule gauche à la surface de la zone myocardique nécrosée.

Le thrombus cardiaque est un thrombus mural. Les différentes possibilités évolutives sont les mêmes que pour les thromboses veineuses, y compris la possibilité de migration, source d’embolies artérielles.

L’organisation peut se faire d’une façon particulière par un phénomène de hyalinisation: les éléments figurés du sang disparaissent du thrombus qui n’est plus formé que de fibrine dégradée d’aspect hyalin.

Cette fibrine sera progressivement plaquée sur la paroi et restera longtemps reconnaissable sans être colonisée par le tissu conjonctif sous-jacent.

2) Thrombus artériel :

Facteurs étiologiques:

Le facteur pariétal a ici un rôle essentiel.

Les thromboses artérielles surviennent souvent sur des plaques d’athérome.

Elle peuvent survenir sur une artère apparemment saine.

On pense qu’elles sont alors déclenchées par une brèche de l’endothélium qui pourrait être due soit à l’action du tabac par le biais d’une hypoxie endothéliale, soit à une fragilisation de l’endothélium par un taux élevé de cholestérol, soit même à des dépôts de complexes-immuns circulants.

Le thrombus est un thrombus mural ou oblitérant selon le calibre de l’artère intéressée.

Le thrombus est habituellement moins volumineux et moins achevé qu’un thrombus veineux.

Le courant circulatoire, en effet, est rapide et le thrombus peut se détacher et migrer alors qu’il est encore au stade de petit thrombus blanc fibrino-plaquettaire ou que le thrombus rouge est de petite taille.

L’évolution ultérieure possède quelques particularités:

• la lyse spontanée est possible: c’est surtout pour les thromboses artérielles qu’on essaye de provoquer par les enzymes fibrinolytiques (streptokinase, urokinase, …) des lyses thérapeutiques,

• l’organisation avec reperméation partielle est possible,

• la hyalinisation est fréquente, les vestiges du thrombus laminés contre la paroi vont constituer une sténose artérielle ou, plus souvent, aggraver une sténose préexistante.

3) Thrombus capillaire :

Les facteurs étiologiques sont la stase capillaire et les lésions endothéliales d’origine anoxique ou toxique (dans les chocs endotoxiniques, par exemple).

Le thrombus est fibrino-plaquettaire et d’emblée oblitérant étant donné le tout petit calibre des vaisseaux.

Les thrombus sont généralement multiples, réalisant des états de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD).

Ces thrombus multiples immobilisent tant de plaquettes et de fibrine qu’il en résulte un déficit de ces facteurs avec des hémorragies paradoxales: c’est la coagulopathie de consommation.

Différentes préparations sont soumises à l’attention des étudiants.

Elles correspondent en fait à des étapes temporelles différentes du processus de thrombose fibrino-cruorique et de son organisation.

Les lames de thrombose très récente se repèrent à l’existence d’un vaisseau dilaté dont la lumière est remplie d’une masse assez homogène vue à faible grossissement et vivement colorée en rouge, c’est à dire éosinophile.

On peut chercher à identifier la nature artérielle ou veineuse de la paroi.

Mais l’essentiel est de rapporter cette masse éosinophile à un caillot fibrino-cruorique.

A fort grossissement on peut reconnaître des fantômes d’hématies emprisonnées dans un réseau fibrillaire éosinophile lui aussi, la fibrine.

Ces hématies sont mortes, comme le sont les quelques leucocytes en rapport incorporés dans le réseau fibrineux.

Afin de distinguer cette thrombose récente vraie d’un caillot sanguin artéfactuel (post-mortem, per-chirurgical, dû au fixateur coagulant) on doit identifier sur une partie au moins de la circonférence vasculaire intimale une lésion destructrice cellulaire des cellules endothéliales.

A ce niveau le caillot thrombotique adhère fermement au tissu conjonctif intimal, c’est un élément diagnostic nécessaire et suffisant.

Sur d’autres lames le vaisseau est oblitéré là encore par le matériel fibrino-cruorique thrombotique.

Mais, généralement dans le secteur d’adhésion au tissu conjonctif de l’intima, on repère les éléments histologiques particuliers qui signent le début de l’organisation.

On reconnaît alors les capillaires néoformés d’un processus d’angiogenèse issu de la paroi vasculaire artérielle ou veineuse.

Ces capillaires sont dilatés, avec un endothélium proéminent, ils sont accompagnés dans les espaces intervasculaires de quelques fibroblastes et de macrophages.

Ce sont les éléments de séméiologie histologique d’un bourgeon charnu qui sera l’instrument de la détersion progressive du matériel thrombotique nécrotique.

Enfin certaines préparations illustrent le processus d’organisation du caillot dans son achèvement.

Une ancienne paroi vasculaire, amincie et en dystrophie fibreuse, comporte dans la zone où se tenait la lumière un tissu conjonctif oedémateux riche en capillaires de reperméabilisation.

Les amas de fibrine et les cellules sanguines nécrotiques ont disparu.

Dans ce cas particulier on comprendra que l’organisation complète du thrombus, en tant qu’une des évolutions possibles, n’a pas permis le rétablissement d’un courant sanguin fonctionnel systémique.

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