Pathologie des troubles circulatoires et hémodynamiques (Suite)

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Embolie :

1 – DÉFINITION :

C’est l’arrêt, dans un vaisseau trop petit pour lui livrer passage, d’un corps étranger qui chemine dans le courant circulatoire.

Ce corps étranger porte le nom d’embole.

L’adjectif qui qualifie l’embolie indique le point d’arrêt de l’embole ou la nature de l’embole.

Exemples:

• Embolie pulmonaire: arrêt de l’embole dans une artère pulmonaire ou une de ses branches;

• Embolie cérébrale: arrêt de l’embole dans une artère ou un capillaire cérébral,

• Embolie cruorique: embole constitué par un fragment de thrombus.

2 – CLASSIFICATION DES EMBOLIES :

On peut distinguer les embolies en fonction de la nature de l’embole et en fonction du trajet de l’embole.

A) SELON LA NATURE DE L’EMBOLE :

Pathologie des troubles circulatoires et hémodynamiques (Suite)

1) Dans la grande majorité des cas, l’embole est constitué par un fragment de thrombus qui a migré dans le torrent circulatoire: c’est l’embole cruorique.

2) L’embole peut être une bulle de gaz (air ou azote) constituant les embolies gazeuses multiples de la maladie des caissons ou des accidents de décompression.

L’azote progressivement dissout dans le sang chez les individus soumis à une pression élevée passe brusquement sous forme gazeuse lorsque la décompression est trop rapide.

Les bulles gazeuses dégagées dans le sang se comportent comme des corps étrangers et vont se bloquer dans un vaisseau trop petit pour leur laisser passage.

3) L’embole peut être constitué par des gouttelettes de graisse: ce sont les embolies graisseuses.

On les observe après fracture des os longs ou divers traumatismes: la graisse des lacune médullaires de l’os est liquide à la température du corps.

Elle peut pénétrer dans les sinus veineux, ne pas se dissoudre dans le sang et rester sous forme de gouttelettes qui sont autant de corps étrangers.

4) L’embole peut encore être constitué par des fragments de plaques d’athérome ou de bouillie athéromateuse: ce sont les embolies athéromateuses.

5) L’embole, enfin, peut être constitué par des cellules tumorales.

Ces embolies néoplasiques ont une importance essentielle pour la dissémination des cancers.

B) SELON LE TRAJET DE L’EMBOLE :

1) Embolie régulière :

L’embolie s’arrête dans le premier rétrécissement situé en aval de son point de départ.

Exemples: un embole parti d’une thrombose veineuse remonte vers le coeur droit, ressort par l’artère pulmonaire et se bloque dans une artériole pulmonaire.

Le siège habituel de cette thrombose est le membre inférieur ou le pelvis.

Les embolies artérielles de la grande circulation résultent de l’arrêt dans une artère ou une artériole (membre inférieur, cerveau, voire coronaire) d’un fragment de thrombus détaché d’un point situé en amont, c’est-à-dire de la paroi des cavités cardiaques gauches ou d’une artère de gros calibre (aorte, iliaque, carotide).

2) Embolie paradoxale :

L’embole court-circuite un filtre capillaire.

Un embole détaché d’un thrombus veineux peut ainsi remonter vers le coeur droit et aller se bloquer dans une artère cérébrale.

Ceci ne s’observe que lorsqu’il existe une communication anormale entre les cavités cardiaques (communication inter-auriculaire ou inter-ventriculaire).

3) Embolie rétrograde :

C’est le déplacement de l’embole à contre-courant.

Il se produirait pour quelques emboles néoplasiques de petite taille à la faveur d’une inversion du courant dans certains plexus veineux, tels les plexus pelviens ou pré-vertébraux.

C) CONSEQUENCES DES EMBOLIES :

Elles varient évidemment en fonction de la taille et du siège de l’embolie. Parmi les différentes éventualités possibles, on peut citer:

1) Mort subite :

C’est une conséquence fréquente de l’embolie pulmonaire.

2) Ischémie et infarctus :

Il peut s’agir d’une ischémie transitoire.

Exemple: éclipses cérébrales par micro-emboles partis d’un thrombus plaquettaire né sur une plaque d’athérome du sinus carotidien.

En cas d’embole plus volumineux, l’ischémie peut être définitive entraînant une nécrose.

Exemples: gangrène d’un membre inférieur par embolie artérielle fémorale, infarctus du poumon par embolie pulmonaire.

3) Suppuration :

Elle se produit lorsque l’embolie est la conséquence de la fragmentation d’un thrombus septique et suppuré.

Le phénomène d’embolie st essentiel dans la pathogénie des états septicémiques.

Lorsqu’il y a septicémie; il y a en effet toujours une thrombose au voisinage d’un foyer septique et c’est la surinfection et la fragmentation ultérieure du thrombus qui assurent le passage des germes dans la circulation.

Si les fragments sont volumineux, ils forment des emboles septiques avec suppuration au point d’arrêt (septico-pyohémie).

4) Métastases tumorales :

Les cellules qui constituent les emboles néoplasiques peuvent se multiplier au point d’arrêt pour donner un foyer tumoral secondaire.

Athérome et athérosclérose :

Ces affections ont été citées au chapitre des surcharges et infiltrations cholestéroliques, mais il s’agit clairement de maladies d’origine multifactorielles de certains secteurs des vaisseaux sanguins, au retentissement vasculaire considérable.

1 – ÉLÉMENTS DE VOCABULAIRE :

A) L’ATHÉROME :

Est une lésion élémentaire de l’intima des artères caractérisée par une nécrose grumeleuse riche en lipides (la bouillie athéromateuse).

Rarement isolé, l’athérome est le plus souvent associé à des lésions de sclérose réalisant un complexe lésionnel qui est:

B) L’ATHÉROSCLÉROSE :

La définition adoptée par l’O.M.S. en 1954 pour cette affection est la suivante: “association variable de remaniements de l’intima des grosses et moyennes artères consistant en une accumulation segmentaire de lipides, de glucides complexes, de sang et de produits sanguins, de tissu fibreux et de dépôts calcaires, le tout accompagné de modifications de la média”.

C) EN PRATIQUE :

On emploie indifféremment ces deux termes pour désigner soit les lésions que nous allons décrire, soit la maladie dans laquelle on les observe, maladie fréquente et grave qui est une des grandes causes de mortalité dans le monde occidental.

L’artériosclérose signifie littéralement durcissement des artères.

Ce terme regroupe 3 affections différentes : l’athérosclérose, la médiacalcose et l’artériolosclérose.

La médiacalcose de Monckeberg se caractérise par des dépôts calcaires dans la média des artères.

L’artériolosclérose est une lésion des petites artères et des artérioles, en général associée à un diabète ou à une hypertension artérielle. Il existe une fibrose de l’intima et de la média.

2 – PATHOGÉNIE DE L’ATHÉROSCLÉROSE :

Elle est encore très imparfaitement connue, bien qu’elle soit très étudiée.

Les principaux facteurs de risque actuellement identifiés sont : (1) l’âge, (2) le sexe masculin, (3) les antécédents familiaux, (4) les hyperlipidémies, (5) l’hypertension artérielle, (6) le tabagisme, (7) le diabète.

On peut considérer la lésion d’athérosclérose comme une maladie inflammatoire chronique de l’intima de la paroi artérielle.

L’intervention de colonisations bactériennes des plaques est actuellement un sujet de débat.

A) LA PÉNÉTRATION DES LDL DANS LA PAROI :

La pénétration des LDL (lipoprotéines de faible densité) dans la paroi intimale semble être l’étape essentielle initiale de la formation de la plaque.

Lorsque ces LDL tissulaires subissent au contact des cellules endothéliales, myocytaires ou macrophagiques une oxydation (ox-LDL) ou une attaque enzymatique (e-LDL) elles se comportent alors comme un agent de stimulation inflammatoire primaire.

La réponse d’activation des cellules endothéliales aux LDL oxydées est génétiquement déterminée (modèle des souches murines à fond génétique différent).

B) RECRUTEMENT DES MONOCYTES-MACROPHAGES ET FORMATION DES CELLULES SPUMEUSES :

L’activation endothéliale permet le recrutement intimal de monocytes circulants par adhésion et migration, puis la constitution d’une boucle cytokinique d’amplification.

Les histiocytes intimaux captent et internalisent de grandes quantités de LDL oxydées par l’intermédiaire des récepteurs « éboueurs » qui ne sont pas soumis à retro-contrôle négatif par le contenu cellulaire en cholestérol (à la différence du récepteur des LDL normales).

Ainsi se constituent les amas de macrophages spumeux piégés dans l’intima.

C) ATHÉROSCLÉROSE: MALADIE INFLAMMATOIRE CHRONIQUE :

Le taux élevé de médiateurs proinflammatoires de l’intima majore le recrutement des leucocytes (sauf les polynucléaires neutrophiles qui sont absents des plaques), déstabilise le tissu conjonctif jusqu’à la rupture de la plaque.

Les cascades thrombotiques interviennent alors et induisent les complications cliniques aiguës (accident coronarien et AVC).

La multiplication des cellules musculaires lisses en provenance de la media est plutôt considérée aujourd’hui comme un facteur bénéfique sur le plan clinique en ce qu’elle s’oppose à la déstabilisation de la plaque.

Des arguments expérimentaux récents soulignent le rôle majeur de l’IL-10 comme cytokine anti-inflammatoire locale et comme facteur de stabilisation de la plaque.

3 – TOPOGRAPHIE DES LÉSIONS DE L’ATHÉROSCLÉROSE :

L’athérosclérose débute dans l’intima et atteint exclusivement les artères de la grande circulation de gros et moyen calibre.

On ne l’observe dans l’artère pulmonaire que sous forme ébauchée et uniquement en cas d’hypertension artérielle pulmonaire.

Les lésions d’athérosclérose sont segmentaires.

Elles ont des localisations préférentielles au niveau des bifurcations artérielles et du point de départ des collatérales, zones où s’observent à la fois des turbulences circulatoires et des efforts de cisaillement au niveau de l’endothélium vasculaire.

4 – STADES INITIAUX DE LA LÉSION D’ATHÉROSCLÉROSE :

Les premières lésions que l’on puisse observer sont le point lipidique ou la strie lipidique et la plaque gélatineuse:

A) LE POINT OU LA STRIE LIPIDIQUE :

Sont des lésions très précoces et réversibles qui constituent de petites élevures jaunâtres de l’endothélium des artères et correspondant histologiquement à des amas de cellules spumeuses d’origine myocytaire ou histiocytaire contenant du cholestérol estérifié.

B) LA PLAQUE GÉLATINEUSE :

Est une élevure grisâtre et translucide de moins d’un centimètre de diamètre qui correspond à une lésion d’oedème intimal avec modification de la substance fondamentale du tissu conjonctif (induction de l’expression des métalloprotéinases capables de dégrader les protéines de la matrice extracellulaire).

5 – LES LÉSIONS DE L’ATHÉROSCLÉROSE CONSTITUÉE :

A) LA PUSTULE ATHÉROMATEUSE :

Est le résultat de l’évolution fibreuse d’un strie lipidique ou de la surcharge en lipides d’une plaque gélatineuse.

C’est une lésion lenticulaire lisse et brillante, jaunâtre ou blanchâtre, de 0,5 cm de diamètre sur 2 mm d’épaisseur environ, plus ou moins saillante. Histologiquement, le centre est constitué de lipides intra-cellulaires et extra-cellulaires entourés d’une coque de fibrose élaborée par les cellules myocytaires et myofibroblastiques qui prolifèrent sous l’influence des facteurs plaquettaires.

B) LA PLAQUE ATHÉROMATEUSE :

Est le stade suivant: il s’agit d’une lésion arrondie de consistance cartilagineuse mesurant de 1 à 3 cm de diamètre pour 3 ou 4 mm d’épaisseur et située dans la partie profonde de l’intima.

Le centre est occupé par une infiltration de lipides au sein d’une plage de nécrose grumeleuse éosinophile riche en cristaux lancéolés dont le nombre augmente avec l’ancienneté de la lésion.

Les débris apoptotiques issus des cellules inflammatoires sont abondants dans la bouillie et à son pourtour.

6 – LES LÉSIONS DE L’ATHÉROSCLÉROSE COMPLIQUÉE :

Une plaque athéromateuse comme celle que nous venons de décrire peut déjà réduire de façon très importante la lumière d’un vaisseau lorsque celui-ci est de petit calibre.

On parle d’athérosclérose compliquée lorsque la plaque athéromateuse subit diverses modifications:

A) CALCIFICATION DE LA PLAQUE :

La plaque devient alors rigide et peut se décoller de la paroi restée plus souple.

B) HÉMORRAGIE INTRA-PARIÉTALE :

Elle naît des vaisseaux néoformés sous la plaque par bourgeonnement des vasa vasorum.

Elle peut être à l’origine d’une augmentation de volume brutale de la plaque avec aggravation d’une sténose vasculaire.

C) L’ULCÉRATION DE LA PLAQUE :

Peut aboutir à la migration dans le courant circulatoire de la bouillie athéromateuse dont les débris peuvent provoquer des embolies distales (embolies athéromateuses).

D) THROMBOSE :

Celle-ci peut également survenir à l’occasion de l’ulcération d’une plaque; elle aura pour conséquence la formation d’un thrombus mural qui pourra être la source d’embolies distales parfois répétées.

E) ANÉVRYSME :

Il s’agit de la dilatation de l’artère dans le cas de plaque épaisse avec destruction de la média sous-jacente.

La média perd ses propriétés mécaniques et se laisse distendre par l’ondée sanguine.

L’anévrysme lui-même peut se compliquer de thrombose de sa lumière ou de rupture.

L’athérome peut être compris comme une maladie inflammatoire chronique débutant dans l’intima en réaction aux dépôts de lipides oxydés non métabolisables.

On reconnaît une section d’artère de grand calibre, du type artère fémorale.

Certaines préparations sont constituées d’une lamelle transversale d’aorte.

Voici une vue générale de la paroi artérielle là où elle est peu modifiée.

À plus fort grossissement on retrouve l’adventice, la média et l’intima.

Chez le sujet jeune l’intima est 3 à 4 fois moins épaisse.

L’important est de comprendre qu’une intima normale est tellement mince qu’elle échappe à l’analyse au microscope de travaux-pratiques.

La lésion consiste en un épaississement intimal considérable, réparti par secteurs.

Cet épaississement qui soulève l’endothélium est largement constitué d’un tissu collagénique peu cellulaire.

Mais en fait on y repère des images négatives lancéolées qui correspondent à des amas de cholestérol extra-cellulaire.

Dans les zones les plus épaisses on retrouve des plages franchement nécrotiques, où les images négatives de dépôts lipidiques sont majeures, bordées des macrophages spumeux parce qu’en surcharge.

Des débris nucléaires attestent de la mort cellulaire par apoptose des éléments inflammatoires.

Des plages anhistes, parfois colorées en bleu par l’hématoxyline, répondent à des calcifications métamorphiques au sein de ce tissu nécrotique.

Des amas éosinophiles témoignent de l’incorporation de protéines plasmatiques et de fibrine lors d’accident évolutifs antérieurs de cette plaque athéromateuse.

On analysera enfin le degré d’atrophie de la média induit à la longue par le développement de cette plaque intimale.

Au niveau de l’Aorte, c’est l’affaiblissement de la media qui fera céder le vaisseau, constituant alors un anévrysme fusiforme.

Dans tous les secteurs artériels athéromateux une autre complication redoutable sera la rupture brutale de la plaque dans une zone de fragilité appelée épaulement.

Il en résultera des accidents ischémiques dus aux emboles cholestéroliques.

Ischémie :

1 – DÉFINITION :

L’ischémie est la diminution ou l’abolition de l’apport du sang artériel dans un territoire limité de l’organisme.

Elle provoque une anoxie, c’est-à-dire une diminution de l’oxygène délivré aux tissus dans la zone intéressée.

Il faut bien avoir conscience qu’ischémie et anoxie ne sont pas synonymes.

L’ischémie est incomplète ou relative lorsque l’apport sanguin n’est que diminué.

Elle est complète lorsque l’apport sanguin est aboli.

2 – ISCHÉMIE RELATIVE :

C’est la diminution de l’apport sanguin artériel dans un territoire limité de l’organisme.

A) ÉTIOLOGIE :

La cause essentielle de l’ischémie relative est l’athérosclérose.

L’épaississement de l’intima par les dépôts lipidiques et la sclérose rétrécit la lumière du vaisseau, cette sténose peut être la cause d’un thrombus, le plus souvent mural.

B) CONSÉQUENCES DE L’ISCHÉMIE RELATIVE :

Ces conséquences varient selon les territoires.

L’expression habituelle est une souffrance tissulaire sans nécrose qui apparaît essentiellement à l’effort. Cette souffrance se traduit cliniquement par une douleur.

Exemples: claudication intermittente de l’athérosclérose du membre inférieur, angine de poitrine de l’athérosclérose coronarienne.

L’ischémie relative a pour conséquence anatomique la constitution d’une circulation collatérale de suppléance, celle-ci se forme par le développement et la dilation des systèmes collatéraux préexistants; elle sera d’autant plus développée et efficace que l’ischémie relative se sera aggravée lentement.

Cette circulation collatérale n’empêche pas toujours l’apparition d’une atrophie et d’une sclérose progressive des territoires ischémiques.

3 – ISCHÉMIE COMPLÈTE :

A) ÉTIOLOGIE :

Elle résulte d’une obstruction brutale de la lumière artérielle, elle-même due:

• à une embolie artérielle,

• à une thrombose: cette thrombose, nous l’avons vu, survient le plus souvent sur une lésion d’athérome.

Dans ce cas, l’ischémie complète succède généralement à une ischémie incomplète déjà chronique.

Il peut y avoir plusieurs épisodes de thrombose murale avant qu’il n’y ait une thrombose oblitérante.

• exceptionnellement, l’ischémie complète est due à la compression d’une artère (garrot, hématome, oedème localisé dans une loge musculaire inextensible).

B) CONSÉQUENCES DE L’ISCHÉMIE COMPLÈTE :

Il n’ y a parfois aucune conséquence visible, soit que l’artère obstruée ne soit pas terminale et qu’une suppléance fonctionnelle soit possible, soit qu’une ischémie relative préexistante ait permis le développement d’une circulation collatérale efficace.

Dans les autres cas, la conséquence habituelle est une nécrose ischémique du territoire qui n’est plus irrigué:

1) La nécrose d’un segment de membre, le plus souvent du membre inférieur, s’appelle gangrène ischémique.

2) La nécrose d’une portion d’un viscère s’appelle infarctus.

Infarctus, infarcissement hémorragique, choc :

1 – DÉFINITION DE L’INFARCTUS :

C’est un foyer circonscrit de nécrose ischémique d’un viscère secondaire à une obstruction artérielle.

Cette définition est classique, elle doit être nuancée car il existe, en particulier au niveau du myocarde, d’authentiques infarctus sans obstruction artérielle.

Il y a deux variétés d’infarctus: les infarctus blancs, les infarctus rouges.

2 – INFARCTUS BLANC OU ANÉMIQUE :

C’est l’effet de l’obstruction d’une artère terminale dans un organe à simple circulation, habituellement par thrombose ou embolie artérielle.

A) SIÈGE :

Les infarctus de la rate et du rein sont fréquents, ils n’ont habituellement aucune traduction clinique, ni aucune conséquence grave.

Les infarctus du myocarde et les infarctus cérébraux sont fréquents, ils représentent une cause importante de mort dans le monde occidental.

B) ASPECT MACROSCOPIQUE DES INFARCTUS BLANCS :

A la phase d’infarctus constitué, la zone nécrosée est exsangue, elle se présente comme un territoire circonscrit, d’aspect blanc ivoire ou jaunâtre et qui s’entoure rapidement d’une zone congestive où va se dérouler une réaction inflammatoire.

C) ÉVOLUTION DES INFARCTUS :

Tout infarctus passe par plusieurs étapes:

La première étape est la nécrose ischémique: elle n’est manifeste histologiquement qu’en 24 h environ.

Le plus souvent, c’est une nécrose de coagulation: le tissu est homogène, éosinophile, les noyaux ont disparu et il ne persiste plus que des fantômes de cellules dont on devine la silhouette.

Dans le système nerveux central, le tissu nerveux étant riche en lipides, la nécrose prend un type particulier et se liquéfie.

Cette liquéfaction entraîne une diminution notable de la consistance de la zone de nécrose.

C’est pour cette raison que les infarctus du système nerveux central sont appelés ramollissements.

La nécrose induit très rapidement une réaction inflammatoire dans le tissu qui entoure la zone de nécrose.

Celui-ci va progressivement s’enrichir en polynucléaires puis en macrophages qui vont successivement migrer vers le foyer nécrosé.

Ces éléments phagocytaires vont assurer la détersion des zones nécrosées, tandis qu’à la périphérie de l’infarctus se produit une pousse capillaire destinée à former un tissu conjonctif qui va remplacer les tissus nécrosés et donner une cicatrice.

L’évolution normale d’un infarctus est donc la constitution d’une zone de fibrose mutilante.

Il n’y a pas de régénération des éléments épithéliaux ou musculaires qui ont subi une nécrose ischémique.

On est en présence d’un organe plein en prélèvement partiel comme en atteste des limites rectilignes de recoupe macroscopique.

L’élément caractéristique du diagnostique est la reconnaissance, sous la convexité périphérique de l’organe, de structures vasculaires arrondies, les glomérules.

Ils signalent le cortex rénal, ils représentent la partie la plus proximale du néphron dont les sections tubulaires épithéliales constituent l’essentiel du volume de ce cortex.

Une riche vascularisation artérielle irrigue et est issue de ces glomérules, des capillaires entourent les structures tubulaires (réabsorption proximale), les veines sont en rapport.

La lésion se repérera d’abord à faible grossissement par une ou plusieurs plages à contours polyédriques de cortex rénal où la couleur du tissu est modifiée.

Il est plus éosinophile, ce qui s’explique à grossissement moyen: ces plages sont dépourvues de figures de noyau cellulaire colorable en bleu-noir par l’hématoxyline.

Cependant on devine encore le contour des cellules épithéliales, interstitielles et vasculaires initiales sous forme de fantômes éosinophiles.

Ces cellules sont en fait en état de nécrose de coagulation et sont devenues uniformément colorables par l’éosine.

Cette mort tissulaire en plages homogènes est la conséquence d’une ischémie du secteur cortical rénal correspondant par oblitération d’un rameau terminal d’une branche de division corticale de l’artère rénale.

La persistance des contours cellulaires nécrotiques signale que cet accident vasculaire aigu est survenu peu de temps avant le prélèvement tissulaire, ne laissant pas le temps à une réaction tissulaire de détersion et d’organisation de se développer.

Cependant l’analyse des limites entre la plage d’infarctus et le tissu rénal cortical resté sain montre un liseré infiltré de cellules.

Ce sont des hématies extravasées du réseau capillaire nécrotique microanastomosé avec le lit capillaire distal de l’artère terminale contiguë restée perméable.

Ce sont aussi des amas de polynucléaires attirés par chimiotactisme vers le foyer nécrotique qui diffuse des substances phlogogènes.

On sait qu’à l’échelon de l’analyse macroscopique ce foyer récent de nécrose ischémique cortical rénal apparaît clair, d’où le nom d’infarctus blanc.

Ce phénomène s’explique par le fait qu’au moment de l’interruption brutale de la perfusion artérielle le lit capillaire a pu se drainer dans le système veineux resté perméable.

L’infarctus du myocarde consiste en la nécrose irréversible de zones d’un seul tenant de cellules musculaires et des capillaires nourriciers adjacents.

Dans les semaines qui suivent le tissu musculaire détruit est remplacé par une cicatrice fibreuse collagénique stable.

La coupe histologique concerne une paroi ventriculaire gauche du coeur.

L’épicarde est tapissé du mesothélium péricardique viscéral.

Il est constitué d’un tissu conjonctif et adipeux où circulent les rameaux artériels coronariens extramuraux, ainsi que les veines coronaires de drainage.

A l’autre extrémité le myocarde est séparé de la cavité ventriculaire par la couche cellulaire et conjonctive de l’endocarde. Dans la région medio murale on recherche des plages myocardiques histologiquement normales.

La lésion consiste en l’existence d’une ou plusieurs plages de tissu conjonctif fibreux qui remplace le tissu contractile.

Cette fibrose s’étale au mépris de l’architecture histologique d’origine des faisceaux de myocytes.

La zone de raccordement avec le myocarde maintenu est arbitraire.

C’est une fibrose mutilante.

Cette cicatrice fibreuse mutilante est stable et persistera pendant toute la vie du sujet.

La maladie artérioscléreuse des artères coronaires dans leur trajet épicardique est à l’origine de la très grande majorité des infarctus du myocarde.

D) – ÉVOLUTIONS INHABITUELLES :

Elles sont relativement rares par rapport à la cicatrisation conjonctive:

1) Suppuration :

De la zone nécrosée par surinfection ou ensemencement direct par un embole septique.

2) Kystisation :

Le tissu nécrosé se liquéfie et s’entoure d’une coque fibreuse.

Il en résulte un pseudo-kyste.

Cette éventualité est plus fréquente dans les ramollissements.

3) Calcification :

De la nécrose sans organisation conjonctive, c’est une calcification dystrophique .

3 – INFARCTUS ROUGES OU INFARCTUS HÉMORRAGIQUES :

C’est le résultat de l’obstruction d’une artère terminale dans un viscère à double circulation.

A) SIÈGE :

Les infarctus rouges du foie existent mais ils n’ont aucune traduction clinique, ni aucune importance pratique.

Pour l’essentiel, les infarctus rouges sont des infarctus du poumon dont l’étiologie est dans la quasi-totalité des cas une embolie pulmonaire.

B) REMARQUE NOSOLOGIQUE :

Le fait le plus saillant dans l’infarctus rouge du poumon est l’infiltration du tissu nécrosé par du sang.

Laënnec qui a décrit la lésion il y a plus de 150 ans l’avait observée macroscopiquement et avait vu l’infiltration sanguine mais non la nécrose.

Il proposa donc le terme d’infarctus (lésion farcie de sang).

C) ASPECT ANATOMIQUE DE L’INFARCTUS ROUGE :

• La lésion est systématisée au territoire de la distribution d’une branche plus ou moins volumineuse de l’artère pulmonaire, c’est-à-dire à un sous-segment, un segment ou même un lobe entier.

• A la phase d’infarctus constitué, la zone atteinte est noire, dure et sèche, ceci permet de la distinguer d’une hémorragie interstitielle du tissu pulmonaire.

D) ÉVOLUTION DES INFARCTUS ROUGES :

C’est la même que celle des infarctus blancs avec cette particularité d’une importante hémosidérose localisée au niveau de la cicatrice.

L’infarctus rouge peut présenter les mêmes évolutions inhabituelles que l’infarctus blanc.

4 – PHYSIOPATHOLOGIE DES INFARCTUS :

Si la physiopathologie de l’infarctus blanc se comprend aisément, puisque la nécrose tissulaire est secondaire à l’ischémie non compensée, il n’en est pas de même pour l’infarctus rouge. Plusieurs théories ont été évoquées successivement.

Nous n’en retiendrons qu’une qui a le mérite d’expliquer pourquoi l’obstruction d’une artère pulmonaire n’est pas nécessairement suivie d’infarctus.

Il y a deux circonstances différentes dans lesquelles on peut observer une embolie pulmonaire:

A) Embolie pulmonaire survenant chez un sujet à coeur et à poumons sains (traumatisé, accouchée).

L’occlusion artérielle peut provoquer une mort subite par phénomène réflexe.

Si ce n’est pas le cas, le tissu pulmonaire normalement vascularisé par l’artère occluse va être pris en charge par les artères bronchiques.

Ce territoire sera perdu pour l’hématose mais il ne va pas se nécroser: il n’y aura pas d’infarctus pulmonaire.

B) Embolie pulmonaire survenant chez un sujet ayant une stase pulmonaire ( insuffisance ventriculaire gauche).

L’occlusion artérielle va ici survenir sur un tissu déjà anoxique en raison de la stase; il y a rupture d’un équilibre fragile et nécrose du territoire vascularisé par l’artère occluse.

La perfusion par les artères bronchiques n’empêchera pas la nécrose, elle injectera du sang dans le territoire nécrosé d’où l’aspect hémorragique de l’infarctus.

5 – INFARCISSEMENT HÉMORRAGIQUE :

Définition: c’est une lésion de nécrose tissulaire liée à l’obstruction d’une veine de drainage de ce tissu.

C’est le degré maximum de l’anoxie provoquée par la stase.

A) SIÈGE :

C’est une lésion relativement rare qui survient soit dans le poumon, soit plus souvent dans le cerveau: on parle alors de ramollissement hémorragique.

B) ÉTIOLOGIE :

C’est habituellement une thrombose veineuse, plus rarement une compression veineuse.

C) ASPECT ANATOMIQUE :

Il est semblable à celui de l’infarctus rouge avec quelques différences, en particulier la limitation moins nette de la lésion car les territoires de drainage des veines ne se superposent pas exactement aux territoires de distribution des artères et ont généralement des contours plus flous.

6 – CHOC :

Définition: on entend sous le nom de choc un ensemble de syndromes caractérisés par une insuffisance circulatoire à bas débit de perfusion aboutissant à un déséquilibre entre les besoins métaboliques des organes vitaux et les apports sanguins disponibles.

Il en résulte habituellement une souffrance et éventuellement une mort cellulaire dans différents organes, sans oublier la possibilité de thromboses capillaires multiples.

Les organes touchés par le choc sont les suivants:

• le cerveau: c’est l’encéphalopathie anoxique.

• le coeur: il présente des hémorragies sous endocardiques et des nécroses parcellaires du myocarde.

• le poumon: les lésions sont essentiellement oedémateuses.

• le rein: on peut observer une nécrose tubulaire aiguë.

• les surrénales: les lésions vont jusqu’à la nécrose avec hématome surrénalien.

• le tractus gastro-intestinal avec lésions de nécrose hémorragique de la muqueuse.

• le foie avec une stéatose et une nécrose centrolobulaire.

On distingue habituellement trois grands types de choc:

• choc cardiogénique,

• choc hypovolémique ou hémorragique (traumatique),

• choc septique On distingue encore, plus accessoirement, le choc neurogénique et le choc anaphylactique.

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