Depuis maintenant plus de 30 ans, l’artériographie conventionnelle
est considérée comme examen de référence dans l’exploration
vasculaire cervicale et cérébrale.
Il s’agit d’une technique
parfaitement maîtrisée par les radiologues et par les médecins
prescripteurs.
Cependant, cette méthode d’imagerie nécessite une
ponction artérielle et une injection de produit de contraste iodé qui
la rendent éminemment invasive.
Selon les séries, le taux de
morbimortalité imputable à l’artériographie conventionnelle oscille
entre 1 et 4 %.
Grâce à l’avènement des nouvelles méthodes d’explorations telles
que l’échographie-doppler, le scanner (tomodensitométrie [TDM]) et
l’imagerie par résonance magnétique (IRM), la tendance est à
l’utilisation d’examens à visée vasculaire, non invasifs et fiables, qui
apportent aux patients un confort indiscutable.
L’exploration
vasculaire procurée par un scanner s’appelle un angioscanner
hélicoïdal (ASH) ou spiralé et l’exploration vasculaire procurée par
une IRM s’appelle une angiographie par résonance magnétique
(ARM).
Angiographie par résonance
magnétique :
C’est une méthode basée sur les principes mêmes de l’IRM et qui ne
fait que privilégier les protons mobiles (protons vasculaires) par
rapport aux protons immobiles (protons tissulaires).
Malgré de
nombreuses publications démontrant son intérêt, l’ARM a tardé à
trouver sa place au sein de l’arsenal diagnostique dont disposaient
les radiologues, les cliniciens et les chirurgiens pour explorer les
vaisseaux cervicocérébraux.
Les causes à ce retard étaient multiples (nécessité d’un délai de mise au point de la technique, de résoudre
les problèmes de fiabilité engendrés par de nombreux artefacts,
concurrence directe de l’ASH...) mais la cause la plus évidente était
certainement la difficulté que nous éprouvions tous à remettre en
cause notre habitude d’utilisation ou de prescription de
l’artériographie conventionnelle.
Les images fournies par l’ARM sont morphologiquement proches
de celles de l’artériographie conventionnelle.
Pourtant, ses principes
d’acquisition sont différents et leur connaissance est un prérequis
indispensable à l’utilisation routinière de cette nouvelle méthode
d’imagerie vasculaire.
A - TECHNIQUES D’ANGIOGRAPHIE PAR RÉSONANCE
MAGNÉTIQUE
:
Les techniques les plus anciennes sont appelées « temps de vol » ou
time of flight et « contraste de phase » ou phase contrast.
Ces
techniques mises au point dès le milieu des années 1980,
bénéficient d’un recul suffisant pour être évaluée de façon fiable.
La
technique temps de vol est une technique robuste et fiable qui a
permis d’imposer l’ARM comme examen de référence dans certaines
pathologies cervicocérébrales.
La technique contraste de phase est
de principe et de mise au point plus complexes et d’interprétation
plus difficile.
Son seul réel avantage est d’apporter des informations
quantitatives sur la vitesse circulatoire sanguine.
Ces deux
techniques ont l’avantage de procurer une imagerie vasculaire sans
recourir à une injection d’un produit de contraste.
Ceci rend l’ARM
totalement non invasive et sans risque si les contre-indications
habituelles de l’IRM sont respectées (pacemaker, clips chirurgicaux
ferromagnétiques, corps étrangers ferriques intraoculaires).
Récemment, une nouvelle technique d’ARM appelée « angiographie
en contraste T1 avec injection de gadolinium » ou CE MRA (contrast
enhanced magnetic resonance angiography) est apparue.
Elle
nécessite une injection de produit de contraste (gadolinium) et a
permis d’étendre les applications de l’ARM à d’autres territoires que
le territoire cervicocérébral (aorte thoracoabdominale, artères des
membres inférieurs...).
Son évaluation dans différentes indications
est en cours.
Le principal inconvénient des techniques d’ARM est qu’elles sont
sources d’artefacts qui peuvent gêner l’interprétation et amener à
des erreurs diagnostiques.
Pour les techniques de temps de vol et de contraste de phase, les artefacts dus au flux sanguin sont les plus
problématiques.
La technique CE MRA semble moins sujette à ce
type d’artefacts mais possède actuellement une résolution spatiale
limitée.
B - PROTOCOLE D’EXPLORATION
:
Il varie en fonction de l’indication et dépend des possibilités de
l’appareil dont on dispose.
Sur les nouveaux appareils, toutes les
techniques sont réalisables et le protocole fait appel :
– soit à une ou plusieurs séquences temps de vol ;
– soit à une séquence CE MRA ;
– soit à la conjonction des deux techniques.
Il est évidemment possible d’associer des séquences standards
d’IRM (T1, T2, T1 gadolinium...) aux séquences d’ARM.
Le temps
d’examen est pour le patient de 20 minutes, si l’on ne fait que des
séquences d’ARM, et de 30 minutes si on y associe des séquences
d’IRM.
Toutes ces méthodes d’ARM font appel à un post-traitement
différé de réalisation simple et rapide et qui donne des
reconstructions vasculaire tridimensionnelles.
Les logiciels les plus
utilisés sont le maximum intensity projection (MIP) ou le volume
rendering technique (VRT).
Le post-traitement est automatisé et ne
prend que 15 minutes au radiologue pour obtenir les images
vasculaires.
Toutes ces images sont fournies sur un support « film »
habituel.
C - ANGIOGRAPHIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
ET ANATOMIE VASCULAIRE CERVICOCÉRÉBRALE :
Il est possible de dépister des variantes anatomiques artérielles
cervicocérébrales avec l’ARM :
– les anomalies d’allongement telles que les sinuosités, les
boucles et les plicatures particulièrement fréquentes au niveau des
artères carotides internes et des artères vertébrales ;
– les absences congénitales ou les hypoplasies artérielles
carotidiennes ou vertébrales ;
– les anastomoses carotidobasilaires telles que les artères
trijéminées, hypoglosses ou proatlantales ;
– les variantes du cercle anastomotique de Willis.
Dans cette
indication, l’ARM est particulièrement intéressante pour évaluer les
artères communicantes antérieures ou postérieures dans
l’hypothèse d’une occlusion thérapeutique d’une artère carotide
interne.
Pour l’étude des artères cervicales, on utilise la technique temps de
vol ou la technique CE MRA.
En revanche, pour l’étude des artères
cérébrales, on n’utilise que la technique temps de vol.
D - ANGIOGRAPHIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
ET STÉNOSES CAROTIDIENNES ATHÉROSCLÉREUSES :
Dans les études NASCET (étude nord-américaine) et ECST (étude
européenne), les lésions athéroscléreuses des bifurcations
carotidiennes sont cotées en quatre stades en fonction du degré de
sténose de l’artère carotide interne :
– sténose de bas grade de 0 à 29%;
– sténose de grade intermédiaire de 30 à 69 % ;
– sténose de haut grade de 70 à 99 % ;
– occlusion (100 %).
Les études confrontant l’ARM et l’artériographie conventionnelle
dans l’évaluation des sténoses carotidiennes symptomatiques
utilisent les techniques temps de vol ou CE MRA.
Dans
cette indication précise, l’ARM temps de vol confrontée à
l’artériographie conventionnelle possède une sensibilité de 89 à
100 % et une spécificité de 64 à 100 % selon les études.
La technique CE MRA apporte aussi des résultats très
proches de ceux de l’artériographie conventionnelle.
Dans les dépistages des occlusions carotidiennes, les techniques
temps de vol (surtout en deux dimensions [2D]) et CE MRA
possèdent d’excellentes sensibilité et spécificité.
Compte tenu des excellentes performances de l’ARM, il est possible
de considérer cette méthode d’imagerie comme complément
préchirurgical indispensable à l’échographie-doppler dans la prise
en charge des sténoses carotidiennes symptomatiques.
E - ANGIOGRAPHIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
ET DISSECTION DES ARTÈRES CERVICALES :
La dissection des artères cervicales est définie par la survenue d’un
hématome dans la paroi artérielle.
Il existe schématiquement trois
formes : la forme sténosante, la forme occlusive et la forme
anévrismale.
Cette dissection peut concerner les artères carotides
internes et/ou les artères vertébrales.
Le diagnostic des dissections carotidiennes dans le premier mois
après leur survenue, fait maintenant appel à l’ARM (temps de vol)
qui a démontré de telles performances (sensibilité 95 %, spécificité
100 %), que l’artériographie conventionnelle n’est généralement plus
indiquée.
En revanche, le diagnostic avec l’ARM des
dissections vertébrales à la même phase pose plus de problèmes car
ces artères possèdent un segment endothoracique (segment V1), un
autre segment dans le canal transversaire (segment V2) et présentent
un calibre variable et plus petit que celui des artères carotides
internes.
Dans cette indication, la spécificité de l’ARM temps de vol
est excellente (100 %) mais sa sensibilité est faible (25 %).
F - ANGIOGRAPHIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
ET ANÉVRISMES INTRACRÂNIENS :
Récemment plusieurs études ont démontré que l’ARM pouvait jouer
un rôle majeur dans le dépistage des anévrismes intracrâniens grâce
à des séquences temps de vol.
Le seuil de détection des
anévrismes semble être aux alentours de 3 mm.
La majorité des
hémorragies méningées survenant avec des anévrismes dont la taille
excède 5 mm, on peut considérer que l’ARM temps de vol est
actuellement l’examen idéal pour la recherche d’anévrismes
asymptomatiques chez des patients à risque (polykystose rénale,
antécédents familiaux de rupture anévrismale).
Angioscanner hélicoïdal
:
A - PRINCIPES
:
Le principe de la technique hélicoïdale regroupe une rotation
continue du tube à rayons X autour du patient et le déplacement
concomitant et à vitesse constante de la table d’examen.
Le profil d’acquisition des données a une forme en « hélice » ou en « spirale »
et les coupes sont obtenues dans un second temps grâce à
l’utilisation d’un logiciel de post-traitement.
La somme des coupes
donne un volume à partir duquel on peut reconstruire des images
en 2D ou 3D.
Dans le domaine vasculaire, les logiciels de
reconstruction les plus utilisés sont : pour les images 2D, le multiplanar reconstruction (MPR) ; pour les images 3D, le surface
shaded display (SSD), le MIP et le VRT.
Pour opacifier les artères, une injection de produit de contraste iodé
est indispensable.
Les contre-indications à l’ASH sont uniquement
celles de l’injection d’iode : allergie vraie, insuffisance rénale.
B - PROTOCOLE D’EXPLORATION
:
Les coupes réalisées doivent être les plus fines possibles (1 mm)
pour obtenir une résolution spatiale optimale.
La quantité totale de
produit de contraste injecté est aux alentours de 100 mL (entre 1,5 et
2 mL/kg).
Une parfaite synchronisation entre l’apparition du pic
artériel et l’acquisition des images est indispensable.
Après la
réalisation de l’ASH, un scanner cérébral peut être pratiqué dans le
même temps afin d’étudier le parenchyme cérébral à la recherche de
séquelles ischémiques ou de zones de rupture de la barrière
hématoencéphalique qui contre-indiqueraient temporairement une
endartérectomie carotidienne.
L’examen dure pour le patient
20 minutes.
En revanche, pour le radiologue, le temps de posttraitement
des images est plus long (30 minutes) pour obtenir toutes
les reconstructions vasculaires souhaitables.
C - ANGIOSCANNER HÉLICOÏDAL ET STÉNOSES
CAROTIDIENNES ATHÉROSCLÉREUSES :
La concordance entre ASH et artériographie conventionnelle est
évaluée entre 85 et 90 % selon les séries, tous degrés de
sténose confondus.
Elle est de 100 % pour les occlusions, de 90 à
100 % pour les sténoses de haut grade, et de 60 à 80%
pour les sténoses de grade modéré ou faible.
L’existence d’une
calcification circonférentielle de la plaque athéromateuse rend
difficile l’analyse de la sténose et peut être responsable d’une
surestimation de son degré par phénomène de durcissement de
rayon.
L’étude des siphons carotidiens est délicate en ASH.
En effet, la
proximité des os de la base du crâne et le rehaussement précoce des
plexus veineux des sinus caverneux gênent considérablement
l’analyse de leurs contours ; cela constitue une des limites majeures
de l’ASH dans cette indication.
D - ANGIOSCANNER HÉLICOÏDAL ET ANÉVRISMES
INTRACRÂNIENS :
Il peut être utilisé pour l’étude du polygone de Willis et des artères
intracrâniennes.
Il détecte les anévrismes dont la taille est
supérieure à 3 mm avec une sensibilité de 96 % et une spécificité de
100 % comparé à l’artériographie conventionnelle.
Il peut être
proposé dans le cadre d’un dépistage systématique d’anévrismes
intracrâniens dans une population à risques (forme familiale, polykystose rénale).
En effet, si l’ARM temps de vol constitue
actuellement l’examen de choix dans cette indication, cette méthode
d’imagerie n’est pas toujours réalisable (contre-indication, nondisponibilité
d’une IRM) et l’ASH peut alors être une bonne
alternative.
Certaines équipes l’utilisent même à la phase
aiguë d’une rupture anévrismale dans le but d’éviter la réalisation
d’une artériographie conventionnelle.
Conclusion
:
De nos jours, la prise en charge des pathologies vasculaires cervicocérébrales doit faire appel en première intention à des méthodes
d’imagerie non invasives telles que l’échographie-doppler, l’ARM ou
l’ASH.
L’ARM a déjà démontré une fiabilité incontestable dans
l’exploration des sténoses et occlusions carotidiennes athéromateuses,
dans l’exploration des dissections carotidiennes et dans la recherche
d’anévrismes intracrâniens.
L’ASH a démontré des performances
comparables à celles de l’ARM dans l’analyse des sténoses et occlusions
carotidiennes et dans la recherche d’anévrismes intracrâniens.
En outre,
ces deux méthodes d’imagerie vasculaire permettent aussi l’exploration
du parenchyme cérébral dans le même temps d’examen.
Les indications
de l’artériographie conventionnelle ont donc toutes les raisons, à
l’avenir, de délaisser le versant diagnostique pour se focaliser sur les
problèmes thérapeutiques.