L’IRM a été relativement peu employée ces dernières années pour
étudier le tube digestif, et seulement quelques rares publications ont
décrit la sémiologie IRM des pathologies du tractus digestif.
Cela est
tout d’abord lié au développement du scanner dans l’évaluation des
affections du tractus digestif.
La faible disponibilité des appareils
d’IRM, les coûts élevés de ces examens, l’absence de produit de
contraste endoluminal fiable et la médiocre qualité de la résolution
spatiale des parois digestives sont également des éléments importants
de ce faible intérêt.
Cependant, le développement futur de nouveaux
produits de contraste ainsi que la mise au point de nouvelles séquences
devraient permettre, dans les prochaines années, l’emploi fréquent de
cette méthode en pathologie digestive.
Considérations techniques
:
Toute technique qui diminue les effets des mouvements respiratoires sur
les images d’IRM de l’abdomen améliore l’évaluation du tractus digestif.
Les mouvements respiratoires donnent naissance à un aspect
flou aux contours des structures digestives et à des artefacts fantômes
qui dégradent l’image du tube digestif et des organes de l’abdomen
supérieur.
Le péristaltisme intestinal est également à l’origine
d’une dégradation de la résolution spatiale.
Plusieurs moyens permettent
de réduire ces difficultés.
A - Réalisation des séquences
:
Le péristaltisme intestinal peut être réduit par les antispasmodiques
intraveineux comme le glucagon et ainsi améliorer la netteté des
contours du tube digestif.
Les hypotoniants favorisent également la
distension du tube digestif.
D’autres artifices techniques sont utilisés
pour réduire les effets des mouvements comme la synchronisation
respiratoire et cardiaque, la diminution des temps d’écho (TE) et de
répétition (TR) sur les séquences pondérées en T1, ainsi que
l’augmentation du nombre d’excitations et d’acquisitions.
En fait, les techniques les plus efficaces sont celles qui réduisent de
façon très importante les temps d’acquisition en permettant
l’obtention d’images en apnée.
Ce sont, pour les séquences
pondérées en T1, les séquences en écho de gradient rapides avec des
acquisitions variant entre 20 et 30 secondes (type FMSGPR 60°).
Ces séquences permettent des études dynamiques au cours de
l’injection en bolus de contraste endoveineux (chélate de gadolinium)
, rendant possibles des études en soustraction.
Pour les
séquences pondérées en T2, il s’agit de séquences en écho de spin très
rapides obtenues à l’aide d’une seule excitation, avec un temps
d’excitation effectif très long et de nombreux échos (64 à 128),
combinée à la lecture de la moitié ou de la totalité du plan de Fournier.
Ces séquences sont dénommées HASTE et FSE single shot
(Siemens), TSE single shot (Philips) et SSFSE (single shot fast spin
echo) (General Electric).
Ce sont ces séquences qui sont utilisées lors
de cholangiopancréatographies IRM.
B - Utilisation d’agents de contraste
:
Comme pour toute étude du tractus digestif, il est nécessaire
d’examiner celui-ci en distension.
Celle-ci peut être obtenue par
l’administration intraluminale de liquides ayant ou non des capacités particulières de contraste magnétique.
L’air agit comme contraste
négatif, il peut être administré par comprimés effervescents ou par
insufflation.
Mais il est difficile, en dehors de l’estomac et du rectosigmoïde, d’obtenir une distension aérique bien répartie.
D’autres opacifiants ont été successivement utilisés : composés ferreux et
ferriques, citrate ammonium ferrique, sulfate de baryum, gadolinium-DTPA (diethylene triamine pentaacetic acid), composés organiques
perfluorylbromide.
Certains auteurs ont préconisé un
remplissage du grêle par entéroclyse avec un produit de contraste
positif (gadolinium-DTPA).
D’autres, notamment afin de réaliser
une coloscopie virtuelle par IRM, remplissent le côlon avec une
solution diluée de gadolinium.
Actuellement, il est difficile de savoir
si les contrastes négatifs ou positifs sont très utiles pour l’exploration
IRM du tube digestif.
Dans notre pratique, nous employons
systématiquement un remplissage oral du tractus digestif par
absorption d’eau ou d’un composé hydrique en évaluation, le Calscant.
Il est également facile defaire absorber au patient du
sulfate de baryum dilué à 2 %.
Comme le tractus digestif est
partout entouré de tissu graisseux, le signal habituel de la graisse sur
les séquences pondérées en T2 permet de bien délimiter les contours
externes du tractus digestif.
Sur les séquences pondérées en T1,
l’hypersignal de la graisse gêne l’évaluation du tube digestif, il est
donc préférable de supprimer ce signal (SAT FAT).
Enfin, la
résolution spatiale est améliorée par le recours à des matrices de
haute résolution (512 x 512).
D’une manière générale, il est possible de classer les affections du tube
digestif explorables par IRM en quatre groupes : pathologie
inflammatoire ou non tumorale, processus tumoraux, lésions
extrinsèques ou mésentériques, et enfin syndromes obstructifs.
Pathologie inflammatoire ou non tumorale
:
L’anomalie principale des processus pathologiques non tumoraux
identifiables sur le tractus digestif par IRM est un épaississement de la
paroi digestive.
Un épaississement pariétal supérieur à 5 mm peut être
visible en IRM, notamment si le segment digestif est bien distendu et
contient du liquide ou du contraste.
Les études utilisant les séquences
rapides en apnée avec injection intraveineuse en bolus fournissent des
informations supérieures au scanner dans 84 % des cas.
Il est possible
de réaliser une excellente évaluation de l’extension des lésions,
notamment dans les affections multisegmentaires comme la maladie de
Crohn.
Comme dans cette affection, les atteintes sont souvent transmurales avec des extensions mésentériques sous forme d’abcès ou
de fistules, celles-ci étant bien appréciées par les coupes multiplanaires
de l’IRM.
La maladie de Crohn bénéficie depuis plusieurs années déjà
d’une bonne analyse des lésions anopérinéales ; les artefacts
respiratoires sont négligeables au niveau du périnée.
Le rehaussement
dynamique des parois intestinales apporte un paramètre évolutif sur les
lésions chroniques.
Néanmoins, l’IRM ne permet pas de
caractérisation spécifique pour le diagnostic différentiel des différentes
atteintes pariétales intestinales inflammatoires.
Il n’est pas possible
notamment de différencier une colite infectieuse d’une colite granulomateuse ou d’une rectocolite ulcérohémorragique.
Néanmoins, dans les pathologies ischémiques, il est possible de mettre
en évicence une absence de rehaussement après injection intraveineuse
de gadolinium.
La distinction entre processus tumoral et affection inflammatoire n’est
possible que par l’étude des anomalies morphologiques : épaississement
pariétal intestinal régulier, circonférenciel, symétrique, progressif et
homogène pour les atteintes inflammatoires, et à l’inverse,
épaississement pariétal intestinal irrégulier, nodulaire, asymétrique,
abrupt et non homogène pour les processus tumoraux.
Processus tumoraux
:
La mise en évidence de tumeurs malignes oesophagiennes, gastriques ou rectosigmoïdiennes, a été largement documentée dans la littérature.
Il
est possible maintenant, avec les nouvelles séquences, de les déceler sur
le grêle.
La détection des lésions dépend surtout de leur taille. Le
signal sur les séquences pondérées en T1 ou T2 ne permet pas de
caractériser les lésions.
Ce sont uniquement les anomalies
morphologiques qui orientent vers une pathologie tumorale.
Pour mettre
en évidence des épaississements pariétaux localisés, il est nécessaire de
bien distendre la cavité digestive ; pour faciliter cette distension, le
recours à des antispasmodiques endoveineux, notamment pour
l’estomac, est nécessaire.
L’IRM ne permet pas la distinction des différentes couches de la paroi
digestive, contrairement à l’échographie.
Néanmoins, une étude IRM
expérimentale de pièces opératoires de gastrectomie a permis de mettre
en évidence les différentes couches pariétales gastriques et ainsi
d’apprécier l’extension intramurale de cancer gastrique.
En revanche,
l’extension tumorale à la graisse péridigestive peut être décelée
facilement grâce au bon signal IRM de la graisse.
Ce signal favorable
de la graisse permet également une détection facile des adénopathies péritumorales, avec une sensibilité de 75 % et une spécificité de 100 % pour un diamètre supérieur à 8 mm.
Néanmoins, pour les cancers
rectaux, cette évaluation de l’extension transmurale est inférieure à celle
permise par le scanner.
Les acquisitions multiplanaires fournissent une bonne approche
anatomique des extensions tumorales.
Pour les cancers rectaux
opérés, les récidives postopératoires sont distinguées d’une fibrose
résiduelle grâce à un signal élevé sur les séquences pondérées en T2 et
un rehaussement net de la fibrose après gadolinium.
Lorsqu’on utilise
la technique de soustraction, la sensibilité, la spécificité et les valeurs
prédictives négatives et positives sont respectivement de 97 %, 81 %,
93 % et 100 %.
Atteintes extrinsèques et mésentériques
:
Comme le scanner, l’IRM permet une étude de la paroi digestive et
de son environnement.
Il est ainsi possible d’apprécier l’extension
digestive de processus pathologique touchant l’environnement du
tube digestif.
Plusieurs études ont ainsi porté sur les
atteintes inflammatoires du mésentère (panniculite) car, en
raison de son signal IRM très favorable, la graisse mésentérique est bien
appréciée, notamment lorsqu’elle présente une atteinte inflammatoire.
L’administration de chélates de gadolinium en intraveineuse peut
faciliter le diagnostic positif et étiologique.
Néanmoins, c’est la carcinomatose péritonéale qui a été l’objet de plusieurs publications sur
des séries comparatives.
Ainsi, en utilisant les nouvelles séquences
en IRM, la sensibilité, la spécificité et la fiabilité de l’IRM pour la
détection de la carcinomatose péritonéale sont respectivement de 84 %,
87 % et 86 %, alors que les valeurs respectives du scanner sont 54 %,
91 %et 74 %.
L’IRM est capable de déceler les implants tumoraux ayant
plus de 10 mm de diamètre.
Enfin, l’IRM a également été l’objet de
quelques travaux sur la pathologie d’urgence comme les appendicites
aiguës et les pancréatites aiguës.
Syndromes obstructifs intestinaux
:
Les pathologies qui touchent directement ou indirectement le tube
digestif peuvent se manifester par un syndrome obstructif.
L’IRM
peut, comme le scanner, fournir des informations intéressantes pour
le diagnostic positif, topographique, étiologique et de gravité.
Les
anses grêles distendues, pleines de liquide, sont bien analysables en IRM.
La zone transitionnelle est facilement identifiable,
notamment sur les coupes coronales.
L’analyse de cette zone
transitionnelle entre un segment intestinal distendu et un segment
intestinal collabé permet de préciser l’étiologie de l’obstruction : sténose
inflammatoire, tumeur avec ou sans invagination, adhérence
péritonéale...
Le rehaussement de la paroi intestinale après injection de
gadolinium intraveineuse permet d’affirmer l’absence de souffrance
ischémique des anses distendues.
Même si l’IRM du tractus digestif reste en évaluation, le
développement de nouvelles séquences très rapides permet
d’envisager des progrès notables dans l’avenir, car l’IRM possède
des avantages non négligeables, notamment par rapport au
scanner, que sont l’absence d’irradiation, le caractère moins
agressif des produits de contraste endoveineux et enfin des
acquisitions d’emblée multiplanaires.