Des travaux récents ont apporté d’importantes précisions sur
l’anatomie de l’épiphyse humérale et sur sa vascularisation.
A - ANATOMIE DE L’ÉPIPHYSE HUMÉRALE :
1- Sphéricité :
La tête humérale est classiquement assimilée au tiers d’une sphère
de 22,5 à 30 mm de rayon.
En fait, cette sphéricité n’existe qu’au
centre de la surface articulaire qui est elliptique en périphérie.
La
tête est légèrement aplatie d’avant en arrière avec un rayon de
courbure horizontale plus petit de 0 à 2mm que le rayon de
courbure verticale.
2- Déport médial et postérieur de la tête humérale
:
Le centre de la tête humérale n’est pas situé sur l’axe du cylindre
diaphysaire mais en dedans (déport médial) et le plus souvent en
arrière (déport postérieur) de lui.
Le déport médial est relativement constant d’environ 5 mm.
Le déport postérieur est très
variable, de 12 mm en arrière à 3 mm en avant, avec une moyenne
voisine de 5 mm.
La distance moyenne entre le centre de la tête
humérale et l’axe diaphysaire constitue le déport combiné médial et
postérieur.
3- Angle cervicodiaphysaire
:
Si cet angle avoisine classiquement 130°, il est en fait variable d’un
sujet à l’autre, de 125° à 140°.
4- Hauteur du trochiter
:
La distance verticale entre le sommet de la tête humérale et le
sommet du trochiter est en moyenne de 8 mm (3 mm, avec des
extrêmes de 3 à 20mm).
Le trochiter n’est jamais au-dessus
du sommet de la tête humérale.
Pour restituer la longueur humérale
lors d’une ostéosynthèse ou d’une arthroplastie, il convient de
rétablir la hauteur exacte du trochiter, en se basant sur les repères
de réduction avec la diaphyse et la tête humérale (ou prothétique)
et lorsqu’ils font défaut sur la hauteur du trochiter opposé appréciée
en préopératoire sur un cliché de face en rotation neutre.
5- Rétroversion humérale
:
Pour les anatomistes, la valeur moyenne de la rétroversion
humérale, angle entre l’axe de la surface articulaire et la ligne épicondyle-épitrochlée, est de 20° à 25°.
Elle est beaucoup plus faible
que la valeur de rétroversion souvent conseillée dans la littérature
pour une arthroplastie humérale, qui est de 30°, voire 45°.
L’explication de cette discordance réside dans le fait que la
rétroversion humérale est fonction des plans de référence choisis,
tant à l’extrémité supérieure de l’humérus (orientation de la surface
articulaire ou orientation du col anatomique) qu’à l’extrémité
inférieure de l’humérus (ligne épicondyle-épitrochlée, axe de flexion
du coude, tangente à la surface articulaire antérieure du coude, ou
perpendiculaire à l’axe de l’avant-bras).
La rétroversion humérale est en fait sujette à de très importantes
variations de 0° à 55°, d’un sujet à l’autre et même d’une épaule à
l’autre chez un même sujet, avec une rétroversion un peu plus
importante de 5° à 7° du côté dominant.
Au cours d’une arthroplastie humérale, il faut en principe
reproduire la rétroversion humérale.
En cas de fracture, on ne
devrait théoriquement se baser que sur celle de l’épaule
controlatérale, mesurée par TDM, et la corriger en fonction du côté
dominant du patient.
Il faut également tenir compte de l’existence
ou non d’une luxation associée.
B - VASCULARISATION CÉPHALIQUE
:
Les fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus peuvent
compromettre la vascularisation de l’épiphyse humérale supérieure
et un taux élevé de nécrose ischémique a été rapporté en cas de
fracture articulaire à grand déplacement.
La connaissance de la vascularisation de l’épiphyse humérale
supérieure est un préalable indispensable à l’appréciation du risque
de nécrose céphalique post-traumatique.
De plus, elle permet de ne
pas aggraver les lésions vasculaires par un abord ne respectant pas
les vaisseaux nourriciers de la tête humérale.
Les classiques travaux
anatomiques ont montré l’importance de l’artère antéroexterne issue
de l’artère circonflexe antérieure.
Des études récentes, utilisant
également des injections cadavériques intra-artérielles sélectives, ont
permis de quantifier la contribution des différentes branches
émanant de l’anneau artériel formé par les circonflexes antérieure et
postérieure à l’état normal et au cours de fractures
expérimentales.
Plus récemment encore, des artériographies
sélectives pratiquées dans des fractures récentes ont apporté leur
contribution.
Il ressort de ces études le rôle prépondérant de la
branche antéroexterne issue de l’artère circonflexe humérale
antérieure.
Cette artère croise la gouttière bicipitale sous le
tendon du long biceps, monte accolée au périoste sur la berge
externe de la gouttière bicipitale, passe sous le ligament transverse
de Brodie, puis pénètre dans l’épiphyse humérale à l’extrémité
supérieure de la gouttière bicipitale.
Dans l’épiphyse, elle prend une
direction postéro-interne avec un trajet arciforme expliquant son
nom d’artère arquée, le plus souvent unique, parfois multiple.
Pour
Gerber, elle vascularise à elle seule pratiquement toute l’épiphyse
humérale.
Brooks, en revanche, a démontré après interruption de
l’artère antéroexterne, la possibilité de revascularisation céphalique
à partir du pédicule postéromédial issu de l’artère circonflexe
postérieure.
Ainsi, les traits de fracture du col anatomique, qui
passent en dedans à distance du cartilage et respectent ce pédicule,
laissent espérer la préservation de la vitalité céphalique.
Le rôle des artères venant de la coiffe des rotateurs est douteux car
les classiques anastomoses entre le système vasculaire céphalique et
celui de la coiffe n’ont pas été retrouvées dans les travaux récents.
En fait, les variations anatomiques sont très fréquentes.
Celles-ci
rendent illusoire une systématisation précise de la cartographie
vasculaire de l’épiphyse humérale supérieure.
Elles expliquent les
difficultés d’interprétation des injections cadavériques intraartérielles
sélectives et des artériographies obtenues dans les
fractures complexes.
Elles ne permettent pas de déterminer avec
certitude le pronostic vasculaire des fractures.
Quoi qu’il en soit, l’abord et les manoeuvres de réduction doivent
respecter la vascularisation pour ne pas aggraver le risque de
nécrose.
L’artère antéroexterne, qui joue très fréquemment un rôle
essentiel, apparaît particulièrement menacée en raison de son trajet.
Épidémiologie
:
Les études épidémiologiques récentes sont rares, notamment en
France, et dominées par les études scandinaves et américaines.
L’étude suédoise de Horak sur 729 fractures considérait
I’ostéoporose comme un dénominateur commun aux fractures du
poignet, de l’extrémité supérieure du fémur et de l’humérus
proximal.
Il existait également une corrélation significative entre le
déplacement des fractures de l’extrémité proximale de l’humérus et
l’âge.
La fréquence de ces fractures est en augmentation, ce que
confirme une seconde étude suédoise de Bengner : leur taux s’est
multiplié par trois dans les tranches d’âge au-delà de 60 ans au cours
des 30 dernières années, probablement en raison de l’allongement
de la durée de vie.
L’étude danoise de Lind comptait, sur 730 fractures, 553 fractures
chez la femme (75,8 %), 177 chez l’homme (24,2 %), soit un sex-ratio de 3/1 avec une moyenne d’âge de 65,6 ans.
L’incidence annuelle
globale, excluant les fractures-luxations (8,6 %), était de 73/100 000
avec un maximum de 409/100 000 chez la femme.
L’étiologie
habituelle était la simple chute dans 79 % des cas. Parmi les 28 %
des patients hospitalisés, 75 % avaient plus de 60 ans et 75 % étaient
des femmes.
Environ 80 % des fractures de l’humérus proximal
étaient peu ou pas dépIacées et ne nécessitaient qu’un traitement
orthopédique, ce qui rejoint très exactement les constatations de
Neer.
L’étude américaine de Rose montrait, sur 274 fractures proximales
de l’humérus, une incidence annuelle chez l’homme de 30,5/100 000
contre 63,3/100 000 chez la femme.
Elle confirmait l’incidence
croissante avec l’âge chez la femme après 50 ans, atteignant un pic
de 439,4 fractures pour 100 000 à l’âge de 80 ans avec un sex-ratio
de 2,1/1.
Anatomopathologie
:
De très nombreuses classifications ont été proposées selon le siège
des traits par rapport à la surface articulaire et aux tubérosités, le
nombre de fragments, le déplacement, l’association ou non à une
luxation glénohumérale.
Neer a été le premier, en 1953, à démembrer les diverses variétés
de fractures articulaires, jusqu’alors qualifiées de comminutives et
parfois associées à une luxation, et a proposé le terme de fractures
« à quatre fragments ».
Cette classification repose sur les travaux de Codman qui a distingué, en 1934, quatre structures que Neer a
ensuite intitulées « segments », séparées par les lignes de
calcification des cartilages de conjugaison : la tête humérale, le
trochiter ou tubercule majeur, le trochin ou tubercule mineur et la
diaphyse.
Codman avait observé que les traits de fracture suivent
fréquemment les anciens cartilages de croissance et avait
individualisé des fractures à deux, trois ou quatre fragments dans
lesquelles chaque fragment portait, selon la fracture, une, deux ou
trois des quatre structures.
Neer a précisé en 1970 sa classification
dite « des quatre segments », en tenant compte de la situation des
traits, du nombre de fragments et de leur déplacement.
Il avait
individualisé six groupes, le groupe I étant celui des fractures dites
peu ou pas déplacées, dans lesquelles aucun segment ne présente
un déplacement angulaire de plus de 45° ou linéaire de plus de 1 cm.
Le traitement de ces fractures, qualifiées de fractures « en une partie
» (ou « à un fragment ») est orthopédique et leur pronostic en règle
favorable, car elles ne comportent pratiquement pas de risque de
nécrose.
Neer a modifié en 1975 cette classification qui ne considère
plus que les fractures déplacées.
Les fractures « à deux fragments »
comprennent les fractures du col anatomique, du col chirurgical, du
trochiter ou du trochin.
Les fractures « à trois fragments » associent
une fracture du col chirurgical à une fracture d’une tubérosité.
Les
fractures « à quatre fragments » détachent la tête et les deux
tubérosités.
Toutes ces fractures peuvent être associées à une
luxation de l’épaule et il existe en outre de rares fractures de la
surface articulaire (par impaction ou cisaillement). Fracturesluxations
et fractures de la surface articulaire forment le groupe VI
de l’ancienne classification.
Chaque « partie » (ou « fragment ») peut
donc porter un ou plusieurs segments.
En outre, les traits de
fractures ne suivent pas exactement les anciens cartilages de
croissance et traversent parfois un segment qui est ainsi situé sur
deux fragments.
Fragments et segments ne sont donc pas
équivalents.
Duparc a proposé une classification reposant sur une terminologie
anatomopathologique en introduisant le terme explicite de fractures céphalotuberculaires pour les fractures articulaires séparant tête
humérale, diaphyse et tubérosités, équivalent des fractures « à
quatre fragments » de Neer.
La classification actuelle de Bichat
oppose les fractures extra-articulaires aux fractures articulaires.
Elle
distingue, parmi les fractures extra-articulaires, les fractures isolées
des tubercules intéressant le trochin ou le trochiter et les fractures
sous-tuberculaires, isolées ou associées à une fracture d’un des
tubercules.
Les fractures articulaires comprennent les fractures du
col anatomique, les fractures céphalotuberculaires et les fractures
issues des encoches céphaliques dues aux luxations.
Muller a proposé, en 1987, la classification de l’AO/ASIF qui
définit trois grands groupes A, B et C selon que le trait est
extracapsulaire, partiellement ou totalement intracapsulaire.
Le
risque de nécrose augmente considérablement du groupe A au
groupe C.
Chaque groupe est lui-même divisé en trois sous-groupes
de gravité croissante, selon un codage alphanumérique permettant
un classement informatique.
Cette classification isole les fractures céphalotuberculaires engrenées en valgus, ignorées par Neer, en
raison de leur déplacement souvent peu important.
Elle est
difficilement utilisable.
En 1989, Habermeyer et Schweiberer ont proposé leur propre
classification en trois groupes, inspirée de la classification de Neer
et de l’AO :
– groupe A : fractures extracapsulaires de deux à quatre fragments
non déplacées ;
– groupe B : fractures extracapsulaires de deux à quatre fragments
avec luxation ;
– groupe C : fractures intracapsulaires avec ou sans luxation.
Plus récemment, Gerber a insisté sur un facteur important, négligé
dans toutes les classifications qui n’incluent que des critères
morphologiques : la fragilité osseuse, qui n’est pas toujours
superposable à l’âge.
Il s’agit en effet d’un facteur essentiel de
l’indication, car il permet d’envisager ou non la possibilité d’une
ostéosynthèse.
La même fracture chez un sujet à l’os solide et chez
un sujet ostéoporotique ne devrait pas être classée de la même
manière tant elle est différente sur les plans thérapeutique et
pronostique.
Tous s’accordent sur la nécessité de classer ces fractures afin
d’améliorer leur prise en charge et de pouvoir comparer les résultats
des séries.
Toutes les classifications décrivent à peu près les mêmes
fractures et des équivalences peuvent être établies entre les
classifications de Neer et de Duparc et, à un moindre degré, de l’AO.
Cependant, l’unanimité ne s’est pas faite sur le choix
d’une classification commune.
La classification de Neer est celle qu’utilisent les Anglo-Saxons et
elle est celle le plus largement diffusée.
Ceux qui l’utilisent
confondent volontiers les termes de « fragments » et « segments »,
ce qui est à l’origine d’erreurs d’interprétation.
On peut faire
quelques reproches à cette classification :
– une fracture céphalotubérositaire détachant trois fragments, le
segment céphalique, la diaphyse et un fragment portant le trochiter
et le trochin est inclassable ;
– certaines fractures « non déplacées » pour Neer peuvent
néanmoins faire discuter un traitement chirurgical : fracture déplacée
du trochin, fracture déplacée de 5 à 10mm du trochiter, fracture
céphalotubérositaire engrenée en valgus ;
– les fractures issues des encoches des luxations ne sont
pratiquement pas décrites ;
– une fracture céphalotubérositaire peu ou pas déplacée paraît
bénigne alors qu’elle peut se compliquer de nécrose céphalique dans
un pourcentage de cas non négligeable.
La classification de l’AO/ASIF, bien qu’assez exhaustive, nous paraît
complexe, peu évocatrice et d’un usage peu aisé, car elle nécessite
pour étiqueter une fracture d’avoir sous les yeux l’ensemble de la
classification en raison du nombre important de sous-groupes.
Nous n’avons pas l’expérience de l’usage de la classification
d’Habermeyer.
La reproductibilité de ces classifications a été évaluée et est
médiocre.
Toutes les classifications peuvent donner lieu à des
interprétations différentes selon les chirurgiens lors de la lecture des
mêmes clichés et même par le même chirurgien lors de deux lectures
différentes.
Le problème n’est pas tant de classer les fractures que de préciser la
situation des traits par rapport aux quatre segments, d’identifier les divers fragments osseux et de préciser leur déplacement, ce qui
suppose une imagerie de qualité.
Or celle-ci fait souvent défaut, ce
qui explique au moins en partie les différences d’interprétation.
Quoi
qu’il en soit, toute méta-analyse est sujette à caution car il est plus
que probable que des fractures classées de la même manière ne sont
pas des fractures identiques et ne sont donc pas comparables.
De
même, il est très vraisemblable que de nombreuses séries de
fractures d’un type donné comportent en fait des fractures d’autres
types, ce qui pourrait expliquer des différences entre les résultats,
notamment entre les taux de nécrose céphalique.
Nous sommes restés fidèles à la classification de Duparc, dont la
terminologie est logique et facile à retenir et qui individualise tous
les types fracturaires.
Elle a été utilisée en 1997 pour le symposium
de la Sofcot sur le traitement conservateur des fractures de
l’extrémité supérieure de l’humérus.
Elle individualise deux
grands groupes de fractures extra- et intra-articulaires.
A - FRACTURES EXTRA-ARTICULAIRES
:
Extracapsulaires, elles comprennent les fractures des tubercules et
les fractures sous-tuberculaires, isolées ou associées à une fracture
d’un des deux tubercules.
1- Fractures tuberculaires
:
*
Fractures du tubercule majeur ou trochiter
:
Ces fractures peuvent être la conséquence d’un choc direct ou d’une
contraction musculaire violente.
Elles sont associées, dans 16 à 66 %
des cas selon les séries, à une luxation antéro-interne qu’elles
peuvent rendre incoercible.
Dans cette éventualité, elles peuvent être
la propagation d’une encoche postérosupérieure située à la jonction
de la tête et du tubercule majeur, souvent mieux visible après
réduction de la luxation sur le cliché de face en rotation interne.
Les fractures parcellaires détachent l’insertion d’un ou deux muscles,
le supraspinatus, parfois le supra- et l’infraspinatus, plus rarement
l’infraspinatus et le teres minor, exceptionnellement l’infraspinatus.
Les fractures totales emportent les insertions des trois muscles.
Olivier a ainsi proposé de distinguer quatre types lésionnels selon la
localisation et l’importance du fragment osseux et a précisé leur
répartition sur 40 cas :
– type I : ce sont les fractures du sommet du trochiter ou de
l’insertion du supraspinatus (15 %) ; le diagnostic peut être difficile
lorsque le fragment détaché est très petit (fracture operculaire) ;
– type II : ce sont les fractures respectant le sommet mais intéressant
la partie postérosupérieure du trochiter et correspondant à
l’insertion de l’infraspinatus (5 %) ;
– type III : ce sont les fractures détachant les deux tiers supérieurs
du trochiter emportant à la fois les insertions du supra- et de
l’infraspinatus (50 %) ;
– type IV : ce sont les fractures emportant tout le massif trochitérien
(30 %).
Intéressante sur le plan didactique, cette classification est
difficilement utilisable en pratique car la distinction entre les types III et IV emportant ou non l’insertion du teres minor est difficile et
l’identification des rares fractures du type II est problématique.
Il
est plus aisé de distinguer les fractures dites totales, supposées
emporter les surfaces d’insertion des trois muscles (ou au moins de
deux) en raison de la taille importante du fragment, et les fractures
partielles intéressant au moins le supraspinatus et qui se
caractérisent par leur déplacement supéromédial.
Le récent
symposium de la Sofcot a également montré l’intérêt de distinguer
les fractures détachant un fragment unique, « monobloc », et celles,
plus fréquentes, détachant un fragment refendu qui se prêtent mal à
un vissage.
Le déplacement dépend de la direction des muscles insérés sur le
fragment.
Dans les fractures détachant l’insertion du supraspinatus,
le déplacement est caractéristique, avec migration supéromédiale du
fragment, venant s’interposer entre la tête humérale et l’acromion.
Dans les fractures détachant l’insertion des supra- et infraspinatus,
le fragment se déplace en dedans.
Dans les fractures totales, le
fragment se déplace en arrière et en dedans du fait de la direction
divergente des trois muscles qui s’y insèrent.
Sur le plan fonctionnel, une fracture déplacée du trochiter peut
altérer la mobilité de l’épaule tant active que passive : active, car
cette fracture est l’équivalent d’une rupture de la coiffe des
rotateurs ; passive, car le déplacement supérieur du fragment osseux
en haut risque d’entraîner un conflit sous-acromial en élévation et
son déplacement postérieur un conflit avec la glène en rotation
externe.
Une fracture même peu déplacée du trochiter peut être
exceptionnellement associée à une rupture tendineuse de la coiffe.
La taille du fragment, souvent petite, ne préjuge pas de l’étendue de
la rupture.
Il s’agit en fait d’une solution de continuité de la coiffe
essentiellement tendineuse et en faible partie osseuse.
La fracture
est la partie radiologiquement visible de la rupture.
Il faut distinguer
ces ruptures des déchirures longitudinales associées aux fractures
du trochiter déplacées, habituellement situées entre le supraspinatus
et le subscapularis et qu’il convient de suturer.
* Fractures du tubercule mineur ou trochin
:
Beaucoup plus rares que les précédentes, elles détachent l’insertion
du muscle subscapularis et parfois une partie de la surface
articulaire.
Elles se déplacent en dedans sous l’effet de la contraction
musculaire.
Elles intéressent la berge externe de la coulisse du
tendon bicipital qui peut se subluxer ou se luxer lorsque la fracture
est déplacée et secondairement devenir inflammatoire, voire se
rompre en cas de conflit avec des irrégularités du plancher de la
coulisse.
Elles peuvent être isolées ou associées à une luxation
postérieure qu’elles rendent volontiers incoercible.
Elles sont
souvent méconnues car le fragment détaché se superpose avec le
reste de l’épiphyse humérale sur le cliché de face.
Leur diagnostic
nécessite un cliché de face en rotation externe (qui risque de déplacer
la fracture ou d’aggraver son déplacement) ou mieux en rotation
interne, et surtout un cliché de profil axillaire ou une TDM, qui
permettent en outre de mesurer le déplacement médial.
* Fractures sous-tuberculaires
:
Classiques fractures du col chirurgical, ce sont les plus fréquentes
des fractures humérales supérieures.
Elles peuvent être isolées ou
associées à une fracture du tubercule majeur ou plus rarement
mineur.
+ Fractures sous-tuberculaires isolées
:
Elles représentent à elles seules près des deux tiers des fractures de
l’extrémité supérieure de l’humérus.
Elles surviennent fréquemment
chez les sujets âgés à l’os fragile, à la suite d’une chute sur l’épaule.
Chez les sujets jeunes, elles sont dues à un traumatisme violent et
peuvent être associées à d’autres lésions traumatiques, notamment
thoraciques.
Le trait, situé par définition sous les tubercules, est donc
toujours extracapsulaire.
Il est néanmoins plus ou moins haut situé
et on peut distinguer des sous-tuberculaires basses et hautes.
Dans celles-ci, le trait se rapproche du col anatomique et le fragment
proximal est de petite taille, offrant peu de prise aux matériaux
d’ostéosynthèse.
La fracture peut être simple ou comminutive, avec
des difficultés de réduction.
Le déplacement, élément essentiel de la
décision thérapeutique, est variable.
La fracture peut être engrenée,
avec un contact plus ou moins important entre les deux fragments,
ou désengrenée.
Le fragment proximal se déplace en rotation externe
et élévation sous l’effet de la contraction des muscles de la coiffe
tandis que le fragment distal se déplace en dedans et en arrière,
sous l’effet de la traction du pectoralis major.
Dans les fractures
engrenées, l’impaction est donc postérieure.
Les termes de fracture
en abduction ou en adduction doivent être abandonnés car une
même fracture peut se déplacer dans les deux sens selon la position
donnée au bras au moment de la radiographie et peut même, pour
une position donnée du bras, paraître déplacée en adduction ou en
abduction selon que l’épaule est en rotation externe ou interne.
Les
fractures déplacées peuvent être irréductibles en cas d’interposition
du long biceps dans le foyer de fracture ou lorsque le fragment
proximal embroche le deltoïde.
Les fractures à grand déplacement
peuvent se compliquer de lésions vasculonerveuses.
L’association
d’une fracture sous-tubérositaire isolée à une véritable luxation
glénohumérale est possible mais d’une grande rareté.
Le
pronostic est bon puisque la tête humérale garde ses insertions
capsulaires et reste solidaire des deux segments tuberculaires.
+ Fractures sous-tuberculaires avec fracture
du tubercule majeur ou mineur
:
Ce sont les fractures « à trois fragments » de Neer.
– Fractures sous-tuberculaires et du tubercule majeur
Ce sont les fractures cervicotrochitériennes de Kocher associant un
trait sous-tubérositaire plus ou moins haut situé à un refend
détachant la totalité du tubercule majeur.
Chacune des deux
fractures est plus ou moins déplacée.
La fracture du tubercule majeur peut être méconnue lorsqu’elle est peu ou pas déplacée.
En
cas de déplacement, la tête humérale bascule sous l’effet de la
traction exercée par le subscapularis et sa surface articulaire regarde
en arrière.
Lorsque le trait sous-tuberculaire est haut situé et se
rapproche du col anatomique, il est difficile d’affirmer que le
tubercule mineur est situé sur le même fragment que la tête
humérale et la confusion est possible avec une fracture
céphalotuberculaire à quatre fragments.
L’association à une luxation
antérieure est peu connue, responsable d’une confusion
diagnostique avec les fractures céphalotuberculaires avec luxation
antérieure.
Quoi qu’il en soit, l’apport vasculaire de la tête humérale
s’amoindrit car elle n’est plus solidaire que du segment trochinien.
En outre, le trait de refend passe à proximité de l’artère ascendante antéroexterne qui pourrait être lésée par le traumatisme et
d’éventuelles manoeuvres chirurgicales.
Le risque de nécrose n’est
pas négligeable et justifie, pour les auteurs anglo-saxons, la prothèse
humérale chez les sujets âgés à l’os fragile.
– Fractures sous-tuberculaires et du tubercule mineur
Elles sont beaucoup plus rares.
La fracture du tubercule
mineur peut être méconnue car celui-ci se projette sur l’épiphyse
sur la radiographie de face.
Lorsqu’il est déplacé, la tête humérale
bascule sous l’effet non contrarié de la traction exercée par les
muscles insérés sur le tubercule majeur et sa surface articulaire
regarde en avant.
Ces fractures peuvent se compliquer de luxation
postérieure.
L’apport vasculaire de la tête humérale est amoindri
mais le trait de refend tubérositaire passe à distance de l’artère
antéroexterne.
Ces fractures sont trop rares pour que le risque de
nécrose céphalique puisse être apprécié.
B - FRACTURES ARTICULAIRES
:
Elles sont largement dominées par les fractures céphalotuberculaires.
Les fractures du col anatomique sont exceptionnelles et les fractures
issues des encoches céphaliques dues aux luxations sont beaucoup
plus rares.
Ce sont des fractures en partie ou en totalité intracaspulaires.
1- Fractures du col anatomique
:
Il s’agit d’exceptionnelles fractures dont le trait est situé au niveau
du col anatomique, réalisant une véritable décapitation de
l’extrémité supérieure de l’humérus.
Les tubérosités sont intactes et
solidaires de la diaphyse.
La fracture peut être engrenée ou
non.
Dans les fractures engrenées, le fragment céphalique se déplace
en bas et en dedans, avec un aspect de tubercule majeur saillant.
La
fracture peut s’associer à une luxation postérieure ou une luxation
antérieure.
Le risque de nécrose céphalique est majeur.
En effet, l’artère
nourricière de la tête humérale est interrompue là où elle pénètre
dans la tête et celle-ci, séparée de la diaphyse et des tubérosités,
n’est au mieux irriguée que par quelques attaches capsulopériostées.
Lorsque le trait de fracture passe en dedans à plus de 1 cm du
cartilage, les afférences vasculaires provenant du pédicule postérointerne
sont respectées et le risque de nécrose est moins important.
Le risque de nécrose, en revanche, est sans doute accru dans
les fractures désengrenées et a fortiori en cas de luxation, par le biais
de lésions capsulaires associées.
Quoi qu’il en soit, cette fracture est le dénominateur commun à
toutes les fractures céphalotuberculaires.
2- Fractures céphalotuberculaires
:
Les fractures céphalotuberculaires selon Duparc ou « à quatre
fragments » selon Neer sont les fractures articulaires les plus
fréquentes.
Elles frappent parfois l’adulte jeune à la suite d’un
traumatisme violent mais beaucoup plus fréquemment le sujet âgé à
l’os ostéoporotique fragile.
Elles comportent un fragment céphalique, un fragment diaphysaire
et un ou plus souvent deux fragments tuberculaires.
Il s’agit donc
de fractures comportant habituellement quatre fragments, mais
parfois trois seulement lorsque le trochiter et le trochin sont situés
sur un même fragment.
Dans cette éventualité, le terme de fracture
« à quatre fragments » de Neer n’est donc pas adapté.
Néanmoins,
les conséquences pour la vascularisation céphalique sont identiques,
que les deux tubérosités soient séparées l’une de l’autre ou non.
Le trait de fracture détachant la tête humérale passe en effet par le
col anatomique.
Il peut plus rarement passer dans le cartilage, la
partie externe de la tête restant solidaire du tubercule majeur ou la
partie antérieure solidaire du tubercule mineur.
Ces variétés transcéphaliques correspondent vraisemblablement aux headsplitting
fractures de Neer.
Elles se caractérisent par un double contour
céphalique sur les radiographies.
Le risque de nécrose du fragment
céphalique est le même que dans les fractures du col anatomique.
La partie basse des fractures tuberculaires réalise une solution de
continuité, passant cette fois par le col chirurgical.
Le segment
osseux métaphysaire interne et postérieur situé entre les deux cols
est donc minime et parfois absent en cas d’impaction importante.
Dans cette éventualité, les deux cols paraissent confondus l’un avec
l’autre.
Il existe le plus souvent deux fragments tuberculaires,
séparés par un trait vertical passant rarement par la gouttière
bicipitale ou plus souvent un peu en dehors d’elle, laissant le trochin
emporter la coulisse bicipitale et le long biceps.
La fracture intertuberculaire est plus ou moins déplacée, avec parfois une
continuité périostée entre les deux fragments.
Chaque tubercule peut
être lui-même refendu en plusieurs fragments réunis par des
connexions périostées.
On peut penser que la fracture est due à un
impact brutal de la tête sur la voûte ostéoligamentaire acromiocoracoïdienne, lors d’une chute sur la main dans une
position d’élévation et de rotation variable du bras.
Le fragment
céphalique s’impacte sur la diaphyse en écartant les deux tubercules.
Le tubercule mineur est en outre attiré en dedans par le subscapulaire et le tubercule majeur en arrière par les autres muscles
de la coiffe.
Duparc distingue quatre types selon l’importance du
déplacement.
– Dans le type I, la fracture est peu ou pas déplacée.
– Dans le type II, il existe un déplacement mais la tête reste engrenée
. Le fragment céphalique s’impacte sur la diaphyse avec une
pénétration plus importante en arrière et en dehors, ce qui
l’horizontalise.
Ce sont les fractures « à quatre fragments » impactées
en valgus, décrites par Jakob.
Une fois l’énergie du traumatisme
épuisée, la diaphyse reprend sa position anatomique et
l’horizontalisation céphalique se traduit par un élargissement de la
partie supérieure de l’interligne glénohuméral, caractéristique.
Le
tubercule majeur paraît ascensionné alors qu’il est peu ou pas
déplacé : il s’agit d’une ascension relative par rapport à la tête
impactée sur la diaphyse.
Lorsque le trait est transcéphalique, la
partie de la tête solidaire du tubercule majeur (ou du tubercule
mineur) réalise un éperon arciforme qui forme, avec le reste de la
tête humérale, un double contour articulaire de face (ou de profil).
Nous avons observé des fractures engrenées en varus qui
pourraient être en fait des fractures initialement engrenées en valgus
et se déplaçant secondairement en varus.
Leur pronostic semble
particulièrement mauvais.
– Dans le type III, la fracture est désengrenée mais le fragment
céphalique reste intracapsulaire.
– Dans le type IV, la tête luxée est énucléée en dehors de la cavité
articulaire à travers une brèche ou une désinsertion capsulaire
: il s’agit d’une fracture-luxation céphalotuberculaire.
La
luxation peut être antérieure (type IV A) ou postérieure (type IV B).
La fracture du col anatomique peut être engrenée ou non.
Ces fractures posent d’importants problèmes diagnostiques.
– Les fractures engrenées des types I et II peuvent être confondues
avec une fracture sous-tuberculaire haute et du tubercule majeur qui
peut simuler parfaitement une fracture de type II engrenée en valgus
sur le cliché de face.
La différence réside dans le fragment du
tubercule mineur qui n’est plus ici solidaire de la tête humérale.
– La fracture-luxation céphalotuberculaire engrenée peut être
confondue avec une luxation antéro-interne avec fracture du
tubercule majeur, car la fracture céphalique, engrenée et peu visible,
n’est parfois révélée qu’après la tentative de réduction qui la
désengrène.
Il faut en faire le diagnostic avant la réduction, devant
l’horizontalisation de la tête humérale sur la diaphyse, caractéristique des fractures céphalotuberculaires engrenées.
Il faut
en fait la suspecter devant toute luxation antérieure avec fracture du
tubercule majeur.
– La fracture-luxation céphalotuberculaire antérieure désengrenée
peut être confondue avec une fracture sous-tuberculaire et du
tubercule majeur associée à une luxation antérieure et la fractureluxation
céphalotuberculaire postérieure désengrenée avec une
fracture issue de l’encoche antérieure d’une luxation postérieure.
C’est la fracture sous-tuberculaire et du tubercule majeur
que l’on peut le plus facilement confondre avec la fracture soustuberculaire.
Or, leur pronostic et leur traitement sont très différents.
Le risque de nécrose céphalique augmente du type I au type IV, par
le biais du désengrènement de la fracture, des lésions capsulaires et
parfois vasculaires associées.
3- Fractures issues des encoches céphaliques
:
Duparc a été le premier à bien individualiser ce type de fractures,
surtout dans leur variété issue de l’encoche postérieure des luxations
antérieures.
Elles représentent une entité anatomopathologique
particulière.
Elles résultent en effet de l’impact de la tête humérale
sur le rebord glénoïdien.
Il s’agit de fractures partiellement intracapsulaires. Duparc leur a donné le nom de « fractures
céphalométaphysaires ».
Elles sont l’équivalent des impression
fractures de Neer.
Muller les a dénommées « fractures verticales cervicométaphysaires », mais les a curieusement classées dans les
fractures extra-articulaires.
* Fractures céphalométaphysaires secondaires
aux luxations antérieures
:
Au cours d’une luxation antérieure, la tête humérale peut s’impacter
sur le bord antérieur de la glène qui s’enfonce comme un coin dans
l’épiphyse, créant une encoche plus ou moins profonde.
Cette
encoche, appelée fracture de Malgaigne (1847) ou lésion de Hill-Sachs (1940) pour les Anglo-Saxons, est située à la face postérieure
de la jonction du tubercule majeur et de la tête humérale ou, plus en
dedans, au niveau de la tête elle-même.
Il s’agit d’une fracturetassement
céphalique qui peut se poursuivre vers l’avant et détacher
le tubercule majeur, la tête humérale ou les deux.
Le trait de fracture
céphalique est vertical et détache avec la tête un éperon cortical métaphysodiaphysaire interne, sur lequel la capsule reste insérée.
Toutefois, l’éperon est d’autant moins important et le trait
d’autant plus proche du col anatomique que le bras est plus en
abduction lors du traumatisme.
Le tubercule mineur reste solidaire
du fragment céphalique et le tubercule majeur de la diaphyse, à
moins qu’il ne soit lui-même fracturé.
La fracture céphalométaphysaire
peut en effet être isolée ou associée à une fracture du
trochiter.
Dans les deux cas, l’intégrité du trochin et l’importance de
l’éperon cervical préservent la vascularisation épiphysaire.
Cette
fracture peut poser un problème diagnostique avec la fracture céphalotubérositaire luxée en avant.
La direction verticale du trait,
l’existence d’un éperon cervical et d’une encoche postérieure
permettent de l’en différencier.
En cas de doute, une TDM peut être
nécessaire pour préciser la situation du trochin, solidaire du segment
céphalique.
Confondre cette fracture avec une luxation-fracture
céphalotubérositaire et proposer une prothèse serait une erreur.
Un
bilan lésionnel peropératoire soigneux permet néanmoins de la
corriger, sous réserve que le subscapulaire ne soit pas sectionné en
peropératoire.
* Fractures céphalométaphysaires secondaires
aux luxations postérieures
:
Elles sont encore plus rares que les précédentes.
La luxation
postérieure associée est malheureusement parfois méconnue.
Il
existe une filiation pathogénique connue entre luxation postérieure
et fracture-luxation postérieure de l’épaule.
Les luxations
postérieures de l’épaule s’accompagnent d’une encoche antérointerne,
décrite par Mac Laughlin, située juste en dedans du
tubercule mineur, due à l’impaction de la tête sur le rebord
glénoïdien postérieur.
Lorsque l’énergie cinétique du traumatisme
ne s’est pas totalement épuisée, une fracture peut survenir à partir
du fond de cette encoche, faisant passer du stade simple de luxation
postérieure, à celui plus complexe de fracture-luxation postérieure.
On peut donc considérer que les fractures-luxations
postérieures sont des fractures de Mac Laughlin complétées.
En cas
d’encoche importante, celle-ci peut fracturer le trochin, soit en
l’enfonçant dans le spongieux épiphysaire, soit en le détachant.
Il
est tentant de considérer que ces fractures-luxations réalisent un
équivalent postérieur des fractures-luxations antérieures.
Il existe en effet une certaine analogie avec les fractures céphalométaphysaires
issues de l’encoche postérieure.
Néanmoins, il existe une troisième
association lésionnelle possible : fracture céphalique et fracture du
col chirurgical.
Trois principaux types fracturaires peuvent être distingués :
– le premier groupe est le plus fréquent (42 %) ; l’encoche détache un
fragment céphalique postérieur ; celui-ci comporte un éperon
cortical plus ou moins important, mieux visible sur l’incidence de
profil, rappelant l’éperon cortical des fractures-luxations antérieures ;
le fragment céphalique postérieur est basculé vers l’arrière autour
d’une charnière située à la partie postérieure du trochiter, un peu en
avant de sa jonction avec le cartilage ;
– le second groupe est le plus rare (25 %) ; la fracture verticale de la
tête est associée à une fracture du trochin.
Il est impossible de
préciser les traits si on ne dispose pas d’une TDM ;
– le troisième groupe, moins connu (33 %), avait été identifié par Vichard.
Il associe à la fracture verticale de la tête une fracture du
col chirurgical ; nous n’avons pas rencontré cette association
lésionnelle dans les fractures issues de l’encoche postérieure des
luxations antérieures.
Il ne faut pas confondre ces fractures avec les fractures céphalotuberculaires luxées en arrière, confusion d’autant plus facile
qu’il existe probablement des formes de passage entre les deux.
Les
fractures issues de l’encoche antérieure s’en distinguent par
l’existence de l’encoche, d’un éperon cortical d’autant plus important
que le bras est plus en adduction lors du traumatisme, et par le fait
que trochin et trochiter sont situés sur un même fragment, ce qui est
possible mais peu fréquent dans les fractures céphalotuberculaires.
Une TDM est toujours nécessaire.
Cet examen nous paraît également
indispensable dans toute luxation postérieure pour préciser
l’importance de l’encoche, rechercher une fracture du trochin ou un
trait de refend céphalique partant du fond de l’encoche et pouvant
se compliquer de fracture déplacée lors d’une tentative de réduction
de la luxation.
Sur le plan vasculaire, la capsule reste insérée sur le
fragment céphalométaphysaire mais les tubérosités ne sont pas
solidaires du segment céphalique et le risque de nécrose est sans
doute plus important que dans les fractures précédentes.
C - FRACTURES-LUXATIONS
:
Ce terme est à lui seul imprécis et insuffisant.
Il est indispensable,
avant d’envisager un traitement, de préciser le type de fracture
d’une part et le sens de la luxation d’autre part.
Nous nous sommes
efforcés, lors du symposium de la Sofcot de 1997, de classer ces
fractures-luxations dont il existe de nombreuse variétés.
Les fractures du tubercule majeur peuvent s’associer à une luxation
antérieure et celles du trochin à une luxation postérieure. Les
fractures sous-tuberculaires avec luxation sont rares alors que celles
avec fracture du tubercule majeur et luxation antérieure ne sont pas
exceptionnelles.
La logique voudrait qu’une fracture soustubérositaire
avec fracture du trochin puisse s’associer à une luxation
postérieure, mais nous ne l’avons jamais observé.
Les rares fractures du col anatomique peuvent se compliquer de
luxation postérieure ou antérieure.
Les fractures céphalotuberculaires
du type IV sont, par définition, des fractures-luxations
dont il existe divers types selon le sens de la luxation (antérieure ou
postérieure) et le déplacement de la fracture (engrenée ou non).
Les
fractures issues des encoches, postérieure des luxations antérieures
ou antérieure des luxations postérieures, sont, par définition, des fractures-luxations et il en existe divers types.
Ces fracturesluxations
posent des problèmes diagnostiques difficiles à résoudre
que nous avons évoqués et des problèmes thérapeutiques
spécifiques.
Clinique
:
Les patients consultent habituellement pour une impotence
fonctionnelle douloureuse de l’épaule et présentent l’attitude
caractéristique des traumatisés du membre supérieur.
L’interrogatoire fait préciser l’âge, le côté dominant, les circonstances
du traumatisme, d’éventuels antécédents locaux et les besoins
fonctionnels professionnels ou sportifs.
Il s’agit le plus souvent
d’accidents de la voie publique ou même domestiques, parfois de
traumatismes sportifs ou de polytraumatismes.
Il faut s’efforcer de
déterminer le mécanisme. Le traumatisme est souvent minime,
notamment chez les sujets âgés et ostéoporotiques.
À l’opposé, chez
les sujets jeunes victimes de traumatismes à haute énergie, les fractures-luxations avec lésions nerveuses sont plus fréquentes.
La
notion de crises convulsives, d’électrocution, d’électrochoc est à elle
seule évocatrice de luxation ou fracture-luxation postérieure de
l’épaule, parfois même bilatérale.
La douleur est le symptôme
dominant.
Elle peut être localisée mais elle est souvent diffuse, avec
des irradiations cervicales et vers le bras.
L’invalidité peut être
totale, mais peut être parfois relative dans certaines fractures
parcellaires ou non déplacées.
La recherche d’antécédents, parfois
signalés spontanément, doit être systématique (antécédents de
luxation récidivante glénohumérale, douleurs nocturnes ou
mécaniques de l’épaule évoquant une atteinte de la coiffe des
rotateurs).
Un important hématome brachiothoracique d’apparition rapide doit
faire rechercher une complication vasculaire.
La classique ecchymose brachiothoracique de Hennequin apparaît fréquemment 24 à
48 heures après le traumatisme.
Elle inquiète souvent les personnes
âgées en raison de son ampleur et elle est parfois le motif qui les
pousse à consulter.
Elle se résorbe spontanément en 2 à 3 semaines
sans aucune séquelle.
Il est difficile de diagnostiquer les fracturesluxations
en raison de l’hématome et l’oedème.
Dans les fracturesluxations
antérieures, il existe une saillie antérieure et la face
postérieure de l’articulation est aplatie.
À l’inverse, dans les fractures-luxations postérieures, il existe un aplatissement antérieur
et une saillie postérieure.
Un examen vasculonerveux soigneux doit
être pratiqué systématiquement.
Il existe en effet des lésions vasculonerveuses dans 5 à 30% des fractures complexes de
l’humérus en raison de la proximité du plexus brachial et de l’artère
axillaire.
Les lésions nerveuses et notamment du nerf axillaire ne
sont souvent décelées que secondairement, ce qui pose le problème
de savoir si la lésion préexistait au traumatisme ou est due au
traitement (ostéosynthèse, manoeuvres de réduction, immobilisation
dans un appareillage).
Ces lésions sont beaucoup plus fréquentes
qu’on ne l’imagine, surtout dans leurs formes purement électromyographiques.
Chez les polytraumatisés, le traumatisme de I’épauIe peut même
être totalement méconnu initialement.