L’adénocarcinome exocrine représente
environ 85 % des tumeurs malignes solides
du pancréas.
C’est une tumeur dont le taux
augmente, atteignant la cinquième place de
mortalité de cause de décès par cancer aux États-Unis.
C’est une tumeur qui reste très
mystérieuse du point de vue de son
épidémiologie et, en dehors de la pancréatite
chronique et du tabac, peu de facteurs
favorisants sont connus.
Son pronostic est
redoutable. Ses signes cliniques tardifs et son
extension extrapancréatique précoce à
travers les gaines nerveuses et les vaisseaux
en font une tumeur extrêmement agressive.
Cette agressivité s’était traduite par un
abandon progressif des moyens
thérapeutiques, à tel point que le diagnostic
de cancer du pancréas entraînait la plupart
du temps l’abstention chirurgicale.
Récemment, cette attitude a été remise en
cause.
Si l’on observe la survie globale des
cancers du pancréas, celle-ci a peu évolué et
se situe autour de 7 mois, toutes tumeurs
confondues et quel que soit le traitement.
Au moment du diagnostic, 50 % des patients
présentent des métastases hépatiques ou
péritonéales, et encore 40 % ont des contreindications
locales à la résection.
Il reste
donc environ 10 % de malades qui peuvent
subir une chirurgie.
Si l’on s’intéresse
uniquement à ce groupe, les progrès de la
chirurgie et de la sélection des malades font
que la survie moyenne est de 18 à 20 mois
après chirurgie.
La survie globale est
d’environ 10 % à 5 ans.
Une étude montre
même une survie de 100 % à 5 ans pour les
carcinomes in situ.
Ces chiffres sont donc de très forts arguments pour essayer d’obtenir
un diagnostic le plus précoce possible et une
attitude passive défaitiste n’est plus de mise.
Des progrès sont réalisés dans tous les
domaines histologiques, biologiques,
radiologiques et thérapeutiques.
Le
diagnostic clinique est pourtant toujours
tardif.
Les tableaux réalisant l’ictère
obstructif du cancer de la tête, le syndrome
solaire du cancer du corps où l’altération
progressive de l’état général de la tumeur
caudale sont toujours d’actualité.
Ceci fait
que les tumeurs sont cliniquement révélées
à des stades très évolués, la plupart du
temps inextirpables.
Un des problèmes
majeurs est donc de déterminer comment
effectuer une sélection des malades chez qui
les explorations complémentaires sont
nécessaires.
Ce problème est difficile car
nous ignorons encore presque tout de
l’épidémiologie de cette tumeur et des
groupes à risque.
Des facteurs cliniques et
biologiques simples peuvent être utilisés : le
couple douleur abdominale-hyperamylasémie
pourrait avoir une bonne valeur.
Plusieurs marqueurs tumoraux ont été
proposés : CA 19,9, antigène carcinoembryonnaire
(ACE), élastase 1.
Le plus utilisé
est le CA 19,9 qui montre une sensibilité
proche de 85 % mais une spécificité basse
aux alentours de 65 %.
Ce manque de
spécificité fait que ces marqueurs ne sont
pas utilisables isolément mais doivent être
obligatoirement couplés à l’imagerie.
Le
dernier-né de ces marqueurs est l’activité télomérase, mais il semble lui aussi peu
spécifique du pancréas.
Parallèlement, les
traitements chimiothérapiques e t radiothérapiques présentent maintenant des
résultats encourageants.
B - ACTUALITÉS EN IMAGERIE
:
L’imagerie ne peut prétendre au diagnostic
des cancers in situ. Son but est donc de
diagnostiquer les tumeurs aux stades les
plus précoces (en dessous de 2 cm si
possible) et de déterminer l’extension.
L’examen idéal doit permettre de visualiser
la tumeur intrapancréatique, à un stade le
moins évolué possible, d’analyser ses
retentissements canalaires pancréatiques et
biliaires, ainsi que ses envahissements
vasculaires, ganglionnaires et à distance,
pour pouvoir orienter correctement les
patients vers la chirurgie d’emblée ou vers
un traitement radio-chimiothérapique
préalable ou vers les traitements purement
palliatifs.
Le diagnostic de l’adénocarcinome
pancréatique repose actuellement sur
l’échographie, le scanner et la wirsungographie.
L’échographie montre une image
nodulaire mal limitée, hypoéchogène.
Sa
sensibilité est d’à peine 60 %.
Le scanner met
en évidence une image nodulaire mal
limitée, hypodense, mal limitée par les
contrastes.
Sa sensibilité est d’environ 85 %.
La wirsungographie montre une
compression, une sténose ou un arrêt brutal
du canal de Wirsung.
Sa sensibilité est de
95 %.
La démarche diagnostique habituelle
est de débuter par l’échographie qui élimine
les tumeurs volumineuses avec extension
évidente, de poursuivre par un scanner pour
faire un bilan vasculaire local et régional
précis, et de réserver la wirsungographie
aux malades dont le diagnostic n’est
toujours pas établi après ces deux premiers
examens.
Le cathétérisme du canal de
Wirsung permet de faire de plus un brossage
cytologique avec dosage de l’antigène Kiras.
De nouvelles techniques sont en train
de s’intégrer à cet algorithme.
L’échoendoscopie
est probablement la méthode la plus
précise, avec une sensibilité supérieure à
90 %, mais avec une spécificité inférieure à
75 % dans la détection des petites tumeurs.
Elle est également efficace pour la
détection des petites adénopathies péripancréatiques.
Le scanner, en acquisition
hélicoïdale, a permis d’améliorer très
nettement la détection des petites tumeurs intraparenchymateuses.
À noter que, du
fait de la petite taille des tumeurs détectées,
l’existence de remaniements inflammatoires péritumoraux fait que l’aspect des petits
adénocarcinomes n’est pas toujours
identique à la description classique de
l’hypodensité mal rehaussée par le contraste.
Il existe environ 30 % de formes iso-, voire
hyperdenses en phase parenchymateuse
précoce.
Le scanner hélicoïdal permet
également un bilan précis de l’envahissement
local, ganglionnaire, vasculaire et
mésentérique.
L’imagerie par résonance
magnétique (IRM) pancréatique a également
été proposée dans le bilan de diagnostic de
l’adénocarcinome.
Les différentes études ont
été réalisées en comparaison avec le scanner,
l’échographie, voire la wirsungographie.
Les résultats initiaux étaient légèrement
inférieurs au scanner il y a quelques années,
mais les dernière études montrent des
chiffres tout à fait comparables aux scores
diagnostiques du scanner.
L’IRM, à la
recherche d’un adénocarcinome, comprend,
pour l’étude du parenchyme, l’injection d’un
contraste qui pour l’instant reste le
gadolinium.
Les séquences de cholangiopancréatographie
par IRM permettent
maintenant une étude des canaux précise, à
tel point que l’on peut se demander si cette
technique ne va pas remplacer la
cholangiopancréatographie endoscopique.
À noter également que la tomographie
par émission de positrons a été évaluée dans
le diagnostic des adénocarcinomes
pancréatiques avec une sensibilité de 85 %.
L’envahissement vasculaire est un des points
essentiels du bilan local.
L’artériographie
pancréatique est actuellement remplacée par
plusieurs autres examens.
Le doppler
couleur est parfois suffisant pour mettre en
évidence cet envahissement.
Le scanner,
grâce à l’acquisition hélicoïdale et les
reconstructions vasculaires après injection,
permet également de déterminer, aussi bien
que l’artériographie, l’envahissement des
vaisseaux péripancréatiques.
L’IRM est
également performante pour ce diagnostic
, qu’il s’agisse de séquences
d’acquisition avec injection de gadolinium
et reconstruction vasculaire ou de séquences
d’acquisition de type angiographique.
Enfin,
l’échoendoscopie, performante dans le
diagnostic des petites tumeurs, a été
également décrite comme une méthode
intéressante dans le diagnostic des
vaisseaux.
En ce qui concerne l’envahissement
à distance, l’échographie, le scanner
et l’IRM étudient au mieux les métastases
ganglionnaires péritonéales et hépatiques.
Au total, en l’absence de groupes à risque
bien déterminés, l’échographie reste
l’examen de débrouillage.
C’est un examen
qui va sélectionner les malades qui vont être
explorés et ceux pour qui le traitement sera
uniquement palliatif.
On affirme alors le
diagnostic grâce à un prélèvement
cytologique.
Ensuite, le scanner et l’IRM sont
en concurrence pour le bilan d’extension.
Il
faut signaler cependant que l’IRM, grâce aux
techniques de cholangiopancréatographie,
d’acquisition vasculaire et parenchymateuse,
permet dans le même temps de voir à la fois
des images parenchymateuses vasculaires et
canalaires.
Elle semble donc l’examen
d’avenir pour l’adénocarcinome.
Les
techniques endoscopiques sont réservées à
un troisième temps préopératoire ou aux
thérapeutiques palliatives.
Tumeurs kystiques
:
A - GÉNÉRALITÉS
:
Les tumeurs kystiques sont mieux connues
depuis leur classification en tumeurs
microkystiques séreuses et tumeurs
macrokystiques mucineuses.
L’imagerie
permettait, jusqu’à présent, de distinguer les
tumeurs séreuses toujours bénignes que l’on
peut négliger, des tumeurs mucineuses à
potentiel malin qui nécessitent un traitement
chirurgical.
L’intérêt des tumeurs kystiques
du pancréas a rebondi ces dernières années
avec l’identification de nouvelles tumeurs mucineuses.
Ces tumeurs, appelées tumeurs
papillaires intracanalaires à sécrétion
mucineuse, sont affiliées aux tumeurs
kystiques mucineuses mais sont
communicantes avec les canaux.
Elles
peuvent toucher le canal de Wirsung (ancien
adénome et adénocarcinome villeux du
Wirsung), les branches secondaires (forme
décrite par Itai en 1986) ou les branches
périphériques donnant un aspect de kyste
communicant.
Ces tumeurs partagent les
caractères anatomopathologiques et évolutifs
des tumeurs mucineuses kystiques et
nécessitent un traitement chirurgical.
Ce
dernier point est remis en question dans une
publication récente qui apparente ces
tumeurs aux adénocarcinomes canalaires.
Le concept de tumeurs séreuses toujours
bénignes a également été remis en question
il y a quelques années avec la description de
deux adénocarcinomes séreux.
Le caractère microkystique a été lui aussi remis en cause
plus récemment avec la description
d’adénomes séreux macrokystiques.
B - IMAGERIE
:
Même si la distinction entre tumeurs mucineuses et séreuses n’est pas toujours
facile, les critères de diagnostic restent bien
établis.
En revanche, les difficultés que
l’on peut rencontrer en imagerie sont dues
aux nouvelles tumeurs mucineuses
intracanalaires et au diagnostic d’une masse
kystique isolée.
Les tumeurs mucineuses papillaires
intracanalaires ont d’abord été étudiées grâce
à l’échographie et au scanner.
Des
publications étudiant l’intérêt de
l’échoendoscopie et de l’IRM ont ensuite
complété ces descriptions.
La lésion
élémentaire est constituée par une dilatation
importante, sans sténose le plus souvent
visible, d’un canal pancréatique.
Le contenu canalaire apparaît mucoïde, créant des
defects lors de l’opacification et bien visible
lors de l’endoscopie.
La sensibilité
diagnostique des différents examens est en
moyenne l a suivante : 65 % pour
l’échographie, 75 à 80 % pour le scanner,
85 % pour la wirsungographie et 75 % pour
l’échoendoscopie.
L’IRM semble d’un apport
très intéressant par les séquences de cholangiopancréatographie et devrait
pouvoir faire mieux que la wirsungographie
directe car elle permet, comme le scanner,
une étude des formations kystiques
périphériques.
Comme dans
l’adénocarcinome, la pancréatographie par
IRM pourrait remplacer la pancréatographie
rétrograde endoscopique.
Le deuxième problème reste le diagnostic
des masses kystiques uniloculaires.
Le
problème essentiel est de distinguer un pseudokyste ou un kyste rétentionnel d’une
tumeur mucineuse.
Plusieurs études ont
comparé les différents examens d’imageries
échographique, tomodensitométrique
(TDM), échoendoscopique et IRM, avec des
résultats très discordants de 10 à 100 % de
corrélation histologique !
En pratique, il
s’agit d’un diagnostic toujours difficile pour
lequel on a proposé l’utilisation de ponction
et d’aspiration du liquide kystique avec
dosage de plusieurs facteurs (amylase, ACE,
CA 19,9, mucine), des taux élevés d’amylase
ou bas de marqueurs tumoraux étant en
faveur d’une lésion pseudokystique ou
kystique vraie ou séreuse.
En définitive, l’échographie et le scanner
restent les examens de base, même si l’IRM
semble d’un intérêt grandissant.
On se
référera à une récente et très large étude de
l’Association française de chirurgie sur les
tumeurs kystiques.
Tumeurs endocrines
:
Il existe assez peu de publications récentes
concernant l’imagerie des tumeurs
endocrines, et il y a peu de nouveautés,
malgré l’apparition des nouvelles
techniques.
A - GÉNÉRALITÉS
:
Les tumeurs endocrines ou nésidioblastomes
représentent 15 à 30 % des tumeurs solides
du pancréas.
Deux types peuvent se
rencontrer : les tumeurs fonctionnelles
possédant une sécrétion biologiquement
active et les tumeurs non fonctionnelles.
La
majorité des tumeurs endocrines sont
fonctionnelles : insulinome, gastrinome,
glucagonome, vipome, somatostatinome...
Leur diagnostic est d’abord biologique.
En
effet, les dosages hormonaux montrent des
valeurs élevées, non régulées par les tests
dynamiques.
L’élévation du taux sanguin de
l’hormone est indispensable au diagnostic et
constitue un marqueur fiable, tout comme la
neurone specific enolase (NSE).
Le but de
l’imagerie est de confirmer la tumeur
pancréatique, d’en déterminer le nombre et
la localisation dans un but préopératoire.
B - IMAGERIE
:
La multiplicité des techniques utilisées
traduit leur peu de sensibilité.
L’échographie percutanée garde une
sensibilité faible, variable selon les tumeurs.
L’utilisation du doppler couleur a été
proposée mais semble limitée du fait des
vitesses circulatoires faibles.
L’utilisation
d’un produit de contraste pourrait améliorer
les performances du doppler.
L’échoendoscopie
s’impose comme la méthode la plus
précise et tend à devenir la méthode de
référence.
Elle permet la visualisation des
tumeurs de moins de 5 mm.
L’apport de
l’acquisition hélicoïdale au scanner a permis
d’améliorer sa sensibilité.
Il faut, pour cela,
utiliser des coupes fines et un bolus optimal
de produit de contraste.
Après injection, le
rehaussement de la tumeur est très
important, supérieur à celui du parenchyme
pancréatique normal, au temps artériel, ce
qui nécessite une acquisition adaptée.
Mais
la TDM reste globalement décevante car
malheureusement ce caractère d’hypervascularisation
n’est ni constant, ni toujours
précoce.
Le scanner permet également
d’identifier des métastases hépatiques hypervascularisées.
Des publications
récentes utilisant l’IRM tendent à prouver
que celle-ci possède une meilleure sensibilité
que le scanner pour la détection des tumeurs
endocrines.
Ces études restent à confirmer.
L’IRM apparaît également plus sensible que
la TDM pour la détection des métastases
hépatiques.
Comme la tumeur primitive, ses
métastases sont bien étudiées sur les
séquences en T2 ou après injection de
gadolinium.
La scintigraphie à l’octréotide
est décevante sur la localisation de la tumeur
pancréatique mais représente un test
intéressant pour la recherche des métastases
à distance, en particulier extrahépatiques.
Signalons encore dans la littérature récente,
une intéressante mise au point sur le vipome
reprenant les 241 cas de la littérature.