L’infection urinaire est une pathologie fréquente chez l’enfant : 3 %des
filles et 1 %des garçons présentent au moins une infection urinaire avant
l’âge de 10 ans, 0,31 %des filles et 0,17 % des garçons présentent au
moins un épisode par an pendant l’enfance.
Chez le nouveau-né
, l’infection urinaire est assimilée à une septicémie et peut mettre en
jeu le pronostic vital.
L’infection urinaire est un problème de santé
publique puisque la néphropathie tubulo-interstitielle chronique
postinfectieuse représente encore 12 % des insuffisances rénales
terminales de l’enfant.
Le défi de l’imagerie, dans le cadre de cette
pathologie, est d’aider à la prévention des cicatrices potentiellement
responsables d’hypertension artérielle ou d’insuffisance rénale.
Classiquement, on pensait que le risque de développement de telles
cicatrices était accru pendant la période de croissance rapide du rein
(avant l’âge de 2 ans), mais cette notion est actuellement remise en
question.
Il semble que des cicatrices peuvent se constituer à
n’importe quel âge pendant l’enfance.
L’imagerie intervient à des niveaux multiples dans la problématique des
infections urinaires.
L’échographie prénatale excelle dans le dépistage
des uropathies obstructives.
Elle est moins performante dans le
diagnostic du reflux.
Le diagnostic de la pyélonéphrite aiguë
(PNA) peut être fait par la scintigraphie au DMSA 99mTc, la TDM avec
injection, l’échographie doppler ou même l’IRM.
Le couple échographie-cystographie est la base du diagnostic de l’éventuelle uropathie sous-jacente.
Par le drainage échoguidé des collections
suppurées, l’imagerie peut participer au traitement.
Enfin, la
scintigraphie permet l’appréciation des séquelles mieux que
l’urographie.
Diagnostic clinique et biologique
:
Les signes cliniques de l’infection urinaire sont d’interprétation difficile
chez l’enfant.
La fièvre est peu discriminante et la distinction entre
infection haute et basse est délicate.
Les signes digestifs sont souvent au
premier plan chez le nourrisson (douleurs abdominales, vomissements,
troubles de l’appétit, perte de poids).
Chez l’enfant et l’adolescent,
l’existence d’une douleur pelvienne intense, d’une fièvre peu élevée,
d’une dysurie ou d’une hématurie sont des arguments en faveur d’une
cystite.
La PNA se manifeste habituellement par l’association d’une
fièvre élevée, de douleurs lomboabdominales, d’une hyperleucocytose
avec élévation de la protéine C réactive.
L’absence de dysurie est banale
en cas de PNA et ne doit pas faire réfuter le diagnostic.
L’examen
cytobactériologique des urines (ECBU) reste essentiel devant toute
fièvre inexpliquée.
Le résultat est positif si la leucocyturie est supérieure
à 10/mm3 et la bactériurie supérieure à 105/mL avec une seule unité
formant colonie pour les germes banals.
La présence d’une hématurie
est fréquente en cas d’infection basse, rare en cas de pyélonéphrite.
La
technique de recueil des urines au sac ou la mise en route trop précoce
d’une antibiothérapie aveugle peuvent être la cause d’erreurs
d’interprétation.
Si les espoirs fondés sur certains signes biologiques tels
que les anticorps fixés à la paroi des bactéries n’ont pas été vraiment
confirmés, l’élévation du rapport urinaire interleukines 6 et
8/créatinine semble être un bon argument en faveur d’une PNA.
De
même, l’élévation de la procalcitonine sérique, témoin d’une infection
sévère, paraît intéressante.
Le diagnostic de PNA est souvent posé par excès devant une infection
basse ou une virose avec douleurs abdominales en raison des
difficultés cliniques et biologiques.
La biantibiothérapie parentérale peut
paraître excessive dans certains cas.
Le risque du développement de souches résistantes, le coût et la toxicité des antibiotiques incitent au
développement d’une imagerie performante au stade aigu, qui pourrait
affiner l’approche thérapeutique des infections urinaires.
Anatomie pathologique
:
La voie ascendante (reflux) à point de départ urétrovésical est le plus
courant mode d’infestation.
L’infection peut se limiter à la vessie
(cystite), à l’urothélium (urétérite, pyélite), ou au sinus du rein.
Elle peut
s’étendre au parenchyme (néphrite interstitielle), se collecter (abcès) ou
s’étendre à la loge rénale (phlegmon périnéphrétique).
La pyélonéphrite
peut évoluer sur un mode subaigu et aboutir à une pyélonéphrite
chronique.
La voie hématogène est plus rare, sauf chez le nouveau-né
où elle prédomine chez le garçon.
En cas de PNA, les bactéries qui atteignent le rein entraînent une
activation du complément, suivie d’une agrégation des leucocytes et
d’une obstruction capillaire.
L’obstruction tubulaire par des débris fibrinoleucocytaires ralentit aussi le flux sanguin intrarénal.
L’ischémie
rénale focale est probablement la base de toutes les modalités d’imagerie
de la PNA (scintigraphie, TDM, échographie-doppler).
Au moment de
la revascularisation, des dégâts cellulaires se produisent et peuvent
entraîner la formation de cicatrices.
Ces séquelles sont d’autant moins
importantes que l’antibiothérapie est administrée de façon précoce.
La fréquence élevée d’une uropathie sous-jacente constitue une
caractéristique essentielle de l’infection urinaire de l’enfant ; elle justifie
la réalisation d’un bilan systématique après une PNA.
Toute dilatation
de l’appareil excréteur, qu’elle soit secondaire à un reflux (associé dans
environ 50 % des cas) ou d’origine obstructive, favorise l’infection.
Imagerie à la phase aiguë de l’infection
:
L’urographie intraveineuse n’a pas d’intérêt à la phase aiguë de la PNA.
Les signes classiques (gros rein, mauvais remplissage des cavités, pyélourétérite
striée) sont peu spécifiques.
Le bilan commence en pratique par
une exploration échographique.
A - Échographie et doppler
:
Chez un enfant suspect de PNA, on réalise une échographie
précocement (souvent en urgence) dans le but essentiel d’éliminer une
uropathie ou une rétention d’urines infectées.
L’échographie peut
détecter une lithiase.
En cas de forme sévère (phlegmon périnéphrétique,
pyélonéphrite xanthogranulomateuse, PNA pseudotumorale ou abcès
parapyélique), la réalisation d’une TDM en complément est
indispensable.
Jusque récemment, la sensibilité de
l’échographie bidimensionnelle en échelle de gris était jugée
insuffisante par comparaison aux techniques de référence.
Les
variations de sensibilité trouvées dans la littérature s’expliquent par la
qualité variable de l’équipement, la fréquence des sondes utilisées,
l’expérience des examinateurs et leur intérêt dans le domaine.
La
sémiologie échographique de la PNAen échelle de gris est subtile.
Cette
sémiologie est d’autant mieux identifiée que l’examen est réalisé à l’aide
de sondes de haute fréquence sur un patient calme en procubitus.
L’analyse de la paroi vésicale cherche des signes de cystite.
Le signe le plus fréquent de la PNA est la néphromégalie, globale ou
focale, qui impose des mesures des reins sur plusieurs plans.
Un
triangle hyperéchogène, une dédifférenciation corticomédullaire
focale, une zone arrondie hypoéchogène sont les signes de la
néphrite.
Quant à l’épaississement pyélique et à
l’augmentation de l’échogénicité du hile, ils témoignent d’une
pyélite et d’une péripyélite.
Par définition, les deux catégories de signes
peuvent être associées en cas de PNA.
Le doppler couleur ou énergie (par codage d’amplitude)
augmente la sensibilité de l’échographie bidimensionnelle.
Ces
techniques permettent une étude fine de la vascularisation du
parenchyme rénal, malheureusement sensible aux mouvements du
patient dont la coopération est indispensable.
Normalement, les artères interlobaires sont radiaires, rectilignes, tant en coupe axiale qu’en coupe
longitudinale.
Leur répartition est homogène au sein du rein et elles se
résolvent en un blush sous-cortical correspondant aux vaisseaux arqués
et interlobulaires.
L’aspect d’une PNA en doppler couleur ou énergie est
constitué par un triangle hypovasculaire.
Les artères interlobaires situées
en périphérie de ce triangle perdent leur trajet rectiligne et apparaissent
encorbellées autour de la lésion.
L’épaisseur pariétale (obésité) et
l’agitation sont les deux principales limites de la technique.
B - Scintigraphie au DMSA 99mTc
et tomodensitométrie avec injection
:
L’imagerie de référence de la PNA de l’enfant est la scintigraphie au
DMSA 99mTc alors que chez l’adulte, il s’agit plutôt de
la TDM avec injection d’iode.
La plus grande quantité de tissu
adipeux chez l’adulte améliore la qualité du diagnostic scanographique
par rapport à l’enfant.
En TDM, la PNA apparaît sous la forme d’une
hypodensité corticomédullaire au temps néphrographique, une minute
après injection intraveineuse d’iode.
La même zone apparaît
hyperdense par rapport au parenchyme adjacent si l’acquisition est
réalisée 30 minutes après l’injection car le contraste iodé parvenu
en retard au sein des zones inflammatoires y stagne aussi plus
longtemps.
La TDM semble plus sensible quand elle est pratiquée de
façon retardée.
En scintigraphie, une hypofixation focale de l’isotope est
observée.
Les sensibilités des deux techniques sont voisines mais il n’y a pas eu
d’étude comparative chez les mêmes patients. TDM et scintigraphie
peuvent être pris en défaut quand la néphrite est absente.
Une pyélite
sans néphrite peut donner un tableau clinique et biologique de PNA.
Actuellement, le même traitement est proposé indifféremment pour une
pyélite ou pour une PNA.
Cependant, les données d’imagerie (ischémie
focale) laissent penser que le risque de constitution d’une cicatrice serait
moindre en cas de pyélite isolée.
À l’avenir, on pourrait imaginer
l’application d’un traitement différent pour les formes avec ischémie
focale et les formes limitées à l’urothélium.
Les inconvénients des deux techniques lourdes sont comparables : la
scintigraphie délivre une dose d’irradiation inférieure à celle de la TDM,
la scintigraphie consomme plus de temps, les deux techniques
nécessitent une voie veineuse, une injection et parfois une sédation.
Les
deux techniques sont coûteuses.
Il peut être difficile, en scintigraphie,
de distinguer une pyélonéphrite aiguë et une pyélonéphrite
chronique.
Un second examen après quelques semaines permet de
considérer comme aiguës les lésions qui ont disparu et comme cicatrices
les lésions persistantes.
En TDM, les lésions chroniques sont facilement
identifiables sous la forme d’une zone rétractile avec diminution de
l’index cortical.
C - Indications de l’imagerie en phase aiguë
:
Il n’y a actuellement pas de consensus sur la prise en charge des
infections urinaires.
Cette prise en charge dépend beaucoup des
conditions locales d’équipement.
Quand le tableau clinique de PNA
est typique, il n’est pas nécessaire de réaliser de modalité lourde et
irradiante d’imagerie telle que TDM ou scintigraphie. Nous réservons la
scintigraphie aux formes douteuses, aux pyélonéphrites aiguës
décapitées, et la TDM, aux formes graves ou résistant au traitement.
La TDM est également préférée quand un nouvel épisode de PNAse greffe
sur un rein déjà cicatriciel. Dans tous les cas, nous réalisons une
échographie pendant les premières heures du traitement.
Cette
échographie permet d’exclure une pyonéphrose, une lithiase ou toute
autre forme sévère qui nécessiterait une TDM complémentaire.
Après
ce temps échographique standard, on place l’enfant en procubitus et on
réalise un examen en haute fréquence du parenchyme rénal, couplé à une
étude en doppler couleur et doppler énergie.
Cet examen permet
d’orienter le diagnostic vers une infection basse, une pyélite sans
néphrite ou une authentique PNA.
Les résultats des examens d’urine et
de sang, confrontés à ces données échographiques, permettent d’orienter
au mieux le traitement.
Imagerie et bilan étiologique de l’infection
:
Le diagnostic de l’infection urinaire à la phase aiguë ne dispense pas de
l’évaluation ultérieure à visée étiologique.
Cette évaluation
systématique en cas de PNA est en revanche discutable en cas
d’infection basse, sauf quand celle-ci se répète.
Nous avons l’habitude
d’explorer les filles comme les garçons dès la première infection haute.
Une étude récente a démontré que la rentabilité de la cystographie après
l’âge de 9 ans chez la fille est très faible.
L’échographie initiale est
essentielle pour décrire et chiffrer une éventuelle dilatation pyélique
et/ou urétérale.
Cette dilatation n’a pas de valeur spécifique et peut
correspondre à un reflux ou à une pathologie obstructive.
Elle peut
éventuellement être aggravée pendant la phase aiguë de l’infection.
L’échographie doit être complétée par une cystographie.
Cet examen est
réalisé en général après la fin du traitement antibiotique de l’infection.
Il
n’y a cependant pas de preuve que la cystographie soit plus sensible visà-
vis du reflux pendant ou à distance de la période infectieuse.
Le
sondage urétral est plus souvent pratiqué que la ponction sus-pubienne
qui nécessite une anesthésie des plans cutanés et un repérage
échographique.
Avant l’âge de la propreté, il est essentiel de réaliser une
cystographie cyclique (plusieurs cycles de remplissage vésical).
Cette technique permet de sensibiliser la cystographie pour la détection
du reflux.
Quand un reflux est identifié, il est nécessaire d’analyser
l’anatomie des cavités et de grader le reflux selon la classification
internationale.
Les formes graves (reflux associé à un syndrome de la
jonction pyélo-urétérale homolatéral, syndrome de mégavessie-mégauretère
par reflux, reflux intraparenchymateux de grade 5, reflux et
valves urétrales) doivent être reconnues.
Les enfants qui en sont porteurs
doivent être orientés vers une consultation spécialisée : ils sont à haut
risque d’infection postcystographique.
En cas de dilatation à l’échographie sans reflux en cystographie, le
diagnostic d’obstruction est évoqué.
Le bilan peut alors être complété
par une urographie et/ou par une scintigraphie au MAG-3-furosémide.
Le méga-uretère idiopathique (ou syndrome de la jonction
urétérovésicale) est plus souvent cause d’infection que le syndrome de
la jonction pyélo-urétérale.
À l’occasion, l’imagerie peut mettre en évidence une pathologie
fonctionnelle vésicale, volontiers intriquée avec des infections
urinaires.
La forme typique est celle d’une fillette de 4 à 10 ans qui
présente des infections basses à répétition, et a une ou plusieurs
pyélonéphrites aiguës dans ses antécédents.
L’interrogatoire orienté
montre parfois des signes d’instabilité vésicale avec des fuites diurnes.
Parfois, au contraire, il s’agit d’une enfant constipée et urinant rarement.
Le bilan échographique est normal en cas d’instabilité vésicale isolée.
La phase dynamique de la cystographie montre des arrêts de remplissage
inopinés anormaux chez un enfant calme, en rapport avec des
contractions désinhibées du détrusor.
La miction survient de façon
brutale, opacifiant un urètre en « toupie ».
En cas d’instabilité, compliquée d’une dyssynergie
vésicosphinctérienne, le tableau est plus complexe associant un
épaississement vésical en échographie, une vessie piriforme et
trabéculée en cystographie.
La débitmétrie mictionnelle montre un débit
irrégulier et la persistance d’une activité électrique permictionnelle.
Des diverticules para-urétéraux sont possibles.
Surtout, un reflux vésico-urétéral de bas grade peut être présent.
Ce reflux est
secondaire à l’hyperpression endovésicale et n’a pas d’explication
malformative.
Il est difficile de différencier un reflux congénital d’un
reflux secondaire par dyssynergie.
Il existe toutefois des arguments
différentiels.
Le reflux congénital est découvert chez le petit nourrisson,
voire chez le nouveau-né, après le diagnostic prénatal d’une dilatation.
Il a tendance à s’amender et disparaît souvent spontanément.
Quand il
ne disparaît pas, le traitement chirurgical (réimplantation) donne
d’excellents résultats.
Au contraire, le reflux secondaire survient chez
l’enfant plus grand, plus volontiers chez la fille, et s’accompagne du
cortège clinique particulier de l’instabilité vésicale.
Il est le plus souvent
de bas grade, et apparaît rarement isolé sur la cystographie.
Il n’a pas
tendance à s’améliorer spontanément.
Son traitement de choix est le
traitement du trouble mictionnel causal (éducation ou physiothérapie)
qui peut nécessiter une investigation urodynamique.
Le traitement
chirurgical isolé d’un reflux secondaire à un dysfonctionnement vésical
est rarement couronné de succès.
Séquelles
:
Il est indispensable de dépister l’hypertension et des anomalies
fonctionnelles rénales après une PNA.
Un examen clinique orienté est
indispensable, surtout après une néphrite avérée en imagerie.
L’urographie peut détecter une cicatrice rétractile séquellaire d’une
infection antérieure mais elle est de plus en plus remplacée, dans cette
indication, par la cartographie au DMSA 99mTc.
L’imagerie occupe une place de choix dans le bilan des infections
urinaires.
En phase aiguë, l’échographie éventuellement
complétée par une technique lourde comme la scintigraphie ou la TDM permet un diagnostic topographique précis, palliant ainsi
aux insuffisances de la clinique et de la biologie.
L’imagerie devrait
permettre, dans les années prochaines, une rationalisation de
l’utilisation des antibiotiques.
Lors du bilan étiologique, le couple échocystographie est
essentiel.
Il permet le dépistage des uropathies mais aussi
celui des troubles mictionnels fonctionnels parfois méconnus
par le clinicien.
Le bilan étiologique d’imagerie permet
d’orienter la prise en charge (prophylaxie antibiotique,
chirurgie, physiothérapie ou simple surveillance).
La
scintigraphie au DMSA 99mTc reste l’examen de référence en
phase aiguë chez l’enfant.
Elle constitue le moyen le plus
efficace de dépistage des cicatrices.