Le diagnostic d’une tumeur osseuse repose sur la confrontation des
données cliniques, radiologiques et anatomopathologiques.
La
collaboration doit donc être totale entre le chirurgien orthopédiste,
le radiologiste et l’anatomopathologiste, toute approche séparée
pouvant induire une erreur de diagnostic et/ou d’orientation.
Trois éléments sont fondamentaux à prendre en compte dans cette
approche :
– l’âge ;
– la localisation ;
– l’aspect radiologique.
La première étape repose sur la clinique et l’analyse des clichés
radiologiques simples.
Elle apporte un ensemble d’informations qui
permettent d’apprécier l’agressivité de la lésion, en se rappelant que
dans la grande majorité des cas, une lésion non agressive est
bénigne, une lésion agressive est, soit maligne, soit infectieuse, et
qu’une lésion intermédiaire est douteuse ; ceci n’est cependant pas
toujours vrai.
L’orientation diagnostique ainsi prise permet de
décider de la stratégie diagnostique et de l’indication des autres
techniques d’imagerie : scintigraphie, tomodensitométrie (TDM) et
imagerie par résonance magnétique (IRM).
La seconde étape, après cette étude analytique, est une étape de
synthèse : les propositions de diagnostic doivent tenir compte des
caractères radiologiques de la lésion et des données
épidémiologiques (âge, localisation) qui sont disponibles dans les
principaux ouvrages de référence.
Cette synthèse :
– permet parfois un diagnostic de certitude et il faudra alors décider
de la nécessité ou non d’une biopsie, d’un traitement et de leurs
modalités ;
– ne donne, le plus souvent, qu’une orientation plus ou moins
précise.
La biopsie est alors impérative, mais il faut discuter de la
meilleure technique de prélèvement, une biopsie incorrecte pouvant
modifier le diagnostic et hypothéquer la prise en charge
thérapeutique.
L’examen anatomopathologique doit tenir compte des mêmes
données cliniques et épidémiologiques.
Le radiologiste et le
pathologiste doivent confronter leurs résultats car :
– des lésions très différentes peuvent correspondre à une même
image radiologique ;
– le pathologiste ne dispose souvent que d’un fragment limité dans
un territoire choisi par le chirurgien, alors que le radiologiste a une
vision beaucoup plus globale, souvent tridimensionnelle de la
lésion.
Une fois le diagnostic obtenu, la stratégie de la prise en charge
thérapeutique et de l’éventuelle surveillance qui en découle sera
décidée avec le chirurgien et éventuellement l’oncologue
responsables.
Malgré tous les moyens dont nous disposons aujourd’hui, le
diagnostic peut rester incertain et l’évolution du patient être le seul
élément de critère final.
Étude analytique des lésions osseuses
:
La première analyse doit définir le nombre, le siège, l’étendue et
l’aspect de la ou des lésions osseuses.
A - NOMBRE
:
Lors de la découverte d’une lésion osseuse, il faut préciser si cette
lésion est unique ou multiple.
La meilleure technique pour cela est la scintigraphie.
Si celle-ci
montre plusieurs zones d’hyperfixation, l’idéal est de compléter
l’exploration par des radiographies centrées sur les points
d’hyperfixation afin d’éliminer une autre pathologie et en particulier
l’arthrose chez les patients âgés.
Des localisations multiples orientent
essentiellement, chez l’adulte de plus de 50 ans, vers un processus
métastatique ou un myélome, et chez l’enfant vers des métastases
de neuroblastome, une histiocytose X et une hémopathie.
La
scintigraphie peut être prise en défaut ou donner des informations
incomplètes en cas de lésions isofixiantes.
Cette insuffisance se
rencontre essentiellement dans deux maladies à localisations
multiples :
– le myélome chez l’adulte ;
– l’histiocytose X chez l’enfant.
Dans ces cas, les radiographies simples du squelette restent la
technique la plus fiable pour le dépistage de lésions multiples.
B - SIÈGE
:
Il faut définir :
– l’os atteint en séparant les os longs, les os courts et les os plats ;
– la localisation dans l’os :
– pour les os longs, il faut préciser le siège dans le plan
longitudinal, diaphysaire, métaphysaire, épiphysaire ou mixte ;
– pour tous les os, il faut préciser le siège dans le plan axial, intraspongieux, intracortical ou juxtacortical :
– pour le diagnostic entre lésion intraspongieuse et
intracorticale, sur les clichés simples, il faut bien regarder la
corticale au point de raccordement avec la lésion : si celle-ci est
amincie, elle est intraspongieuse ; si celle-ci est
élargie, elle est intracorticale ;
– pour les lésions juxtacorticales ou parostéales, il
faut essayer de différencier les lésions qui naissent de la face
interne du périoste (sous-périostées) de celles qui naissent de sa
face externe ou à son contact (juxtapériostées).
Cette distinction
est très souvent difficile, voire impossible, même en s’aidant de
la TDM ou de l’IRM.
Dans ce cas, il faut employer le terme
général de lésion parostéale, juxtacorticale, ou de surface.
C - ÉTENDUE
:
Une lésion localisée a de grandes chances d’être tumorale alors
qu’une lésion étendue a de grandes chances d’être dysplasique ou
infectieuse, mais ceci n’est pas toujours vrai.
En cas de lésion
localisée, des critères de taille ont été proposés par Lodwick : au
moment de la découverte, une taille inférieure à 6 cm est plutôt en
faveur d’une lésion bénigne et, inversement, une lésion supérieure à
6 cm est plutôt maligne, mais ce critère est souvent pris en défaut.
D - MORPHOLOGIE
:
Les anomalies morphologiques osseuses induites sont liées au
développement de la tumeur et à la réaction de l’os sain vis-à-vis de
celle-ci.
Leur analyse repose sur une sémiologie rigoureuse, avec une
terminologie qui doit être la même pour tous.
L’analyse se fait en deux grandes étapes :
– évaluation de l’agressivité de la lésion par l’étude de ses bords et
du type de réaction corticopériostée ;
– analyse de la matrice tumorale qui peut aider à la caractérisation
tissulaire et participer à l’orientation étiologique.
Nous étudierons successivement :
– les modifications structurales de l’os ;
– les différents types de réaction corticopériostée ;
– l’aspect de la matrice tumorale ;
– l’extension tumorale.
1- Modifications structurales de l’os
:
La lésion peut se manifester par une ostéolyse, une ostéocondensation ou un processus mixte.
* Ostéolyses
:
L’ostéolyse est liée à la destruction de l’os par le processus tumoral
mais aussi à l’hyperpression secondaire à la stimulation des
ostéoclastes et à l’hyperhémie.
La perception d’une ostéolyse sur les clichés simples n’est pas
toujours facile et dépend de la charge calcique de la zone atteinte :
– l’ostéolyse de l’os cortical compact est lente mais elle est dépistée
plus précocement à cause de la très forte différence de densité entre
l’os sain et l’os pathologique.
En cas d’hésitation, la TDM
est ici le meilleur complément du cliché simple ;
– l’ostéolyse de l’os spongieux est plus rapide, mais difficile à voir
car il faut une perte de la masse osseuse de 50 à 70 % pour que la
lésion devienne visible.
Cette limite est encore plus importante chez
les gens âgés où l’os trabéculaire est raréfié par l’ostéoporose.
Ceci
rend compte de la difficulté pour dépister les métastases des cancers ostéophiles qui surviennent surtout chez des gens âgés qui sont
essentiellement médullaires.
La scintigraphie donne un niveau
lésionnel mais n’a pas de spécificité.
La TDM est plus sensible que
les clichés simples, surtout pour les os plats et courts, mais c’est
aujourd’hui l’IRM qui est la technique la plus fiable pour le
diagnostic de ces ostéolyses de l’os trabéculaire, en montrant le
remplacement du signal graisseux par un signal anormal, variable
en fonction de l’étiologie.
Les différents types d’ostéolyse ont été parfaitement décrits par Lodwick et repris par d’autres auteurs.
Aucun de ces
aspects n’est pathognomonique d’un type donné de tumeur, mais
ils donnent des informations capitales sur l’agressivité de la lésion.
Il y a trois grands types d’ostéolyse : géographique, « mitée » et perméative.
+ Ostéolyse géographique (type I de Lodwick)
:
C’est une lacune osseuse dont les contours arrondis ou lobulés
ressemblent à ceux d’une carte de géographie.
Trois sous-types sont
décrits en fonction de l’aspect des bords, la lésion étant d’autant
plus évolutive qu’elle est plus mal limitée.
– Type I A : ostéolyse géographique avec sclérose marginale.
Les bords de la plage d’ostéolyse sont marqués par un liseré
dense de condensation.
Plus le liseré est épais, moins la tumeur est
évolutive. Cette sclérose périlésionnelle traduit une réaction
ostéoblastique de l’os porteur.
Ce type d’ostéolyse correspond à une
lésion de croissance lente, très faiblement agressive et donc bénigne.
– Type I B : ostéolyse géographique, à bords nets, sans sclérose
marginale.
Les bords de la plage d’ostéolyse sont nets, à l’« emporte-pièce », mais sans sclérose.
La lésion est donc
plus évolutive que celle du type I A sans que l’os sain de voisinage
ait pu développer une réaction ostéoblastique condensante.
Ce type
d’image correspond donc à une lésion d’évolutivité moyenne.
L’aspect est donc douteux et peut correspondre à une lésion bénigne,
mais aussi à une lésion maligne (plasmocytome) ou infectieuse.
– Type I C : ostéolyse géographique à bords mal définis.
Les
bords de la plage d’ostéolyse sont flous, avec une zone
transitionnelle mal définie.
L’agressivité du processus pathologique
dépasse les possibilités de réaction ostéoblastique de l’os porteur.
C’est en faveur d’une lésion rapidement évolutive, agressive, qui
peut donc être maligne ou infectieuse.
+ Ostéolyse « mitée » (type II de Lodwick)
:
Elle est caractérisée par la présence de nombreuses petites lacunes
rondes, ovales ou à bords déchiquetés, parfois confluentes en plages
à bords flous, l’ensemble étant comparé à un tricot « mangé par les
mites ».
Elle traduit une lésion agressive qui est donc le plus souvent
maligne ou infectieuse, mais elle peut se voir dans
certaines lésions bénignes (granulome éosinophile).
+ Ostéolyse perméative ou ponctuée (type III de Lodwick)
:
Elle est caractérisée par de très petites images lacunaires, rondes ou
ovales, à bords flous.
Compte tenu de la taille des lésions, elle se
voit essentiellement dans l’os compact.
C’est la traduction d’une
réaction ostéoclastique intense en faveur d’une lésion très agressive.
Elle se rencontre aussi dans les tumeurs malignes où elle
traduit une extension transcorticale du processus médullaire vers
l’espace sous-périosté et les parties molles et dans les infections,
mais elle peut aussi se voir dans certains processus bénins de
résorption osseuse rapide (algodystrophie, hyperparathyroïdie).
+ Association des types I, II, III
:
– L’association du type II (ostéolyse mitée) et du type III (ostéolyse
perméative) est fréquente et la différenciation entre les deux types
peut être très subtile.
Cette association est en faveur d’une lésion
agressive.
– L’ostéolyse de type I C est parfois associée avec des types II et III,
en périphérie, traduisant là aussi un processus agressif.
– Des lésions de type II ou III peuvent également apparaître à la
périphérie d’une lésion de type I B, traduisant alors l’accélération
de l’évolutivité de la lésion (transformation maligne d’un processus
bénin, changement de stade d’une tumeur maligne de bas grade, ou
d’une tumeur à cellules géantes).
– L’ostéolyse de type I A n’est jamais associée aux autres types
puisqu’elle traduit une lésion lentement évolutive et donc bénigne.
* Ostéocondensation
:
Trois mécanismes isolés ou associés peuvent provoquer une
condensation :
– la réponse de l’os sain porteur à l’agression par stimulation ostéoblastique.
C’est le cas des ostéoscléroses qui entourent le nidus
de l’ostéome ostéoïde et du liseré de sclérose des ostéolyses de type
I A ;
– une matrice tumorale ossifiante comme dans les tumeurs
ostéogéniques bénignes et malignes ;
– une ostéonécrose connue dans les infarctus et les séquestres des
ostéomyélites.
* Aspects mixtes
:
Les réactions mixtes lytiques et condensantes peuvent prendre des
aspects complexes ou alternant des plages d’ostéolyse et
d’ostéocondensation quand l’aspect de l’ostéolyse est de type agressif ; ces
aspects mixtes relèvent le plus souvent des tumeurs malignes
sarcomateuses ou d’ostéomyélites évoluées.
2-
Différents types de réponses corticopériostées :
Le périoste répond a une agression par une ostéogenèse dont
l’intensité dépend de la rapidité évolutive de la lésion initiale
responsable.
Cette réaction périostée n’est visible que lorsqu’elle est
le siège d’une minéralisation qui apparaît toujours avec retard par
rapport à la stimulation initiale, mais d’autant plus tôt que le sujet
est plus jeune (15 jours à 3 mois après le début).
Ceci explique qu’en
pathologie tumorale d’évolution relativement lente, ces lésions
soient toujours présentes lors des premières radiographies alors qu’en cas de pathologie infectieuse plus bruyante, elles ne sont pas
présentes lors des premiers clichés et apparaissent secondairement.
– Sur les os longs : les clichés simples de face, de profil et en oblique,
avec petit foyer et films à grains fins, ou cassettes photostimulables,
avec au besoin agrandissement, sont presque toujours suffisants
pour le diagnostic.
L’examen TDM n’apporte pas d’élément
supplémentaire convaincant en dehors des hyperostoses corticales
où il met mieux en évidence un éventuel nidus d’ostéome ostéoïde.
– Sur les os plats et courts : les clichés simples sont plus difficiles à
réaliser et à lire, et la TDM devient alors utile pour l’analyse de la
corticale.
Dans tous les cas, l’IRM est un mauvais examen pour l’analyse de la
corticale qui ne contient pas de protons et qui se manifeste par un hyposignal, quelles que soient les séquences.
L’ossification souspériostée
n’est également pas visible.
L’IRM reste capitale, nous le
verrons, pour l’analyse de l’os spongieux et des parties molles en
regard.
Selon que l’ostéogenèse périostée limite la lésion en périphérie ou
est débordée par elle, la réaction périostée peut être continue ou
rompue (discontinue).
* Réaction périostée continue
:
Elle peut s’accompagner d’un respect ou d’une destruction de la
corticale.
+ Réaction périostée continue avec conservation de la corticale
:
C’est une ostéogenèse sous-périostée sur le versant externe d’une
corticale continue.
Elle revêt plusieurs aspects, en fonction de l’évolutivité de la lésion,
qui vont de l’agressivité la plus faible à l’agressivité la plus forte.
– Réaction périostée homogène pleine : c’est un épaississement de
la corticale (ou hyperostose corticale) par incorporation sur son
versant externe d’une couche d’os compact néoformé.
Elle
correspond à une lésion très lentement évolutive et donc bénigne.
Elle peut être :
– régulière et homogène, mince ou épaisse, convexe en dehors,
avec une surface lisse.
C’est l’aspect typique de la réponse à un
ostéome ostéoïde intracortical.
Quand cette
hyperostose est très marquée, elle peut masquer la lésion
responsable et il faut alors réaliser des coupes TDM
millimétriques avec une fenêtre très largement ouverte de 2 000 à
4 000 pour mettre en évidence un éventuel nidus ;
– irrégulière et ondulée, hétérogène, souvent très étendue sur une
diaphyse ; elle évoque alors plutôt une insuffisance vasculaire
veineuse, une ostéomyélite chronique, une périostite primitive ou
dans le cadre d’un syndrome Sapho (synovite, acné, pustulose,
hyperostose, ostéite).
– Réaction périostée unilamellaire : c’est une seule couche
plus ou moins épaisse (1 à 3 mm) d’os néoformé,
séparée de la corticale externe par un fin liseré clair mais rattachée à
celle-ci par ses deux extrémités.
Elle se voit dans les tumeurs
bénignes si elles sont le siège de fracture pathologique, et surtout
dans les ostéomyélites au début et les fractures de fatigue.
Il y a plusieurs lamelles osseuses parallèles séparées les unes des autres et de la corticale externe par
des liserés clairs et qui fusionnent entre elles aux deux points de
raccordement supérieur et inférieur avec la corticale.
Histologiquement, les lamelles correspondent à de l’os compact et
les espaces clairs à du tissu ostéoïde avec des vaisseaux dilatés.
Les lamelles osseuses visibles correspondent à des bandes
d’ostéogenèse sous-périostées successives qui n’ont pas eu le temps
d’être assimilées par l’os.
Cette réaction plurilamellaire traduit un processus rapidement
évolutif qui peut être tumoral malin (tumeur d’Ewing) ou bénin
(granulome éosinophile), infectieux ou
traumatique (cal en formation).
– Spiculation sous-périostée : quand le périoste est décollé
de la corticale par un processus pathologique de l’espace souspériosté,
ou par un processus agressif venant de l’os médullaire à
travers l’os cortical, il entraîne avec lui dans l’espace décollé des
fibres de Sharpey et les vaisseaux portés par celles-ci.
L’ostéogenèse
va se faire autour de ces lames conjonctives, donnant de fins spicules
ossifiés plus ou moins perpendiculaires à la corticale.
Le périoste
périphérique peut être visible en cas d’ostéogenèse sous-périostée
sous forme d’une fine ligne calcifiée couvrant les spicules et se
raccordant avec la corticale.
Quand il n’est pas visible, il correspond
à la ligne virtuelle joignant le sommet des spicules.
Le respect de sa
continuité peut alors être confirmé par TDM ou IRM.
Lodwick a distingué cinq types de spiculation sous-périostée :
en « poils de brosse », en « rayons de miel », en « velours », régulière
et indescriptible, mais cette sémiologie ne permet pas une
orientation étiologique fiable vers tel ou tel type de tumeur.
La spiculation sous-périostée traduit une lésion rapidement
évolutive.
Elle est très fréquente dans les tumeurs malignes
primitives (ostéosarcome, tumeur d’Ewing, chondrosarcomes)
, assez rare dans les tumeurs malignes secondaires et
très exceptionnelle dans les processus infectieux.
Elle peut se voir dans certains processus bénins sous-périostés
(tumeurs vasculaires, kystes anévrismaux, kystes synoviaux), mais
les spicules sont en général plus rares et plus grossiers, souvent
accompagnés d’érosions régulières de la corticale externe.
+ Réaction périostée continue avec destruction de la corticale
:
Cet aspect est également décrit sous le nom de « soufflure » auquel
il faut préférer le terme de lésion expansive.
Le processus
pathologique naît dans l’os spongieux ou dans la corticale profonde.
Il érode la face endostéale de la corticale (érosion endostéale), puis
la détruit progressivement en provoquant la rupture de la continuité
corticale.
Stimulé par la croissance de cette lésion, le périoste construit une
couche d’os néoformé sur sa face profonde au contact de la corticale
externe.
Si la corticale est totalement détruite et la lésion reste limitée en périphérie par le périoste, l’ostéogenèse sous-périostée va être
responsable de la formation d’une coque périphérique fine en cas
de processus assez rapidement évolutif, et épaisse en cas de
processus lentement évolutif.
Il ne faut pas confondre, comme c’est l’usage, cette coque souspériostée
avec une corticale amincie et refoulée.
– Les coques minces sont observées dans les processus expansifs
bénins moyennement évolutifs : kystes anévrismaux,
tumeurs à cellules géantes, ostéoblastomes, fibromes
chondromyxoïdes...).
L’épaisseur est proportionnelle à l’évolutivité
de la lésion responsable.
En cas de tumeur assez rapidement
évolutive (tumeur à cellules géantes, kyste anévrismal, plasmocytome solitaire), la coque est si mince qu’elle peut ne pas
être visible sur les clichés simples.
La TDM et/ou l’IRM sont alors
d’une grande utilité pour la mise en évidence.
Ces coques sont fréquemment le fait d’une fracture pathologique à
cause de leur fragilité et peuvent alors s’accompagner d’une
apposition périostée unilamellaire.
– Les coques épaisses correspondent à des processus lentement
évolutifs et donc sûrement bénins.
Elle est régulière si la
lésion exerce une pression régulière sur la corticale.
Elle est
irrégulière et prend un caractère lobulé si la pression qui s’exerce
sur la paroi est irrégulière.
Des zones d’érosion osseuse avec
corticale amincie et refoulée, ou détruite, sont séparées par des zones
plus épaisses qui forment des crêtes.
Ceci est le cas des tumeurs
lobulées fibreuses ou cartilagineuses.
Ces crêtes osseuses traversent
la clarté tumorale sous forme de lignes épaisses arciformes, souvent
entrecroisées, donnant un aspect trabéculé grossier.
Cette trabéculation grossière, secondaire à la présence de crêtes pariétales,
ne doit pas être confondue avec la trabéculation très fine provoquée
par les tumeurs avec architecture en logettes séparées par des septa
ossifiés.
– L’arc-boutant est une formation triangulaire d’os compact qui fait
corps avec la corticale aux points de raccordement d’une coque périostée en regard d’une corticale détruite.
La coque
associée peut être invisible sur les clichés simples, ce qui peut faire
discuter la rupture de la continuité périostée, mais le caractère
homogène et dense est en faveur d’un processus lentement évolutif.
En cas de doute, la TDM et/ou l’IRM permettent de montrer la
coque mince, périphérique, associée.
Cet arc-boutant est fréquemment rencontré dans les tumeurs
cartilagineuses expansives (chondrome, fibrome chondromyxoïde).
* Réaction périostée discontinue
:
Une lésion rapidement évolutive qui vient de la médullaire ou de la
corticale induit une réaction corticopériostée qui, compte tenu de l’agressivité, est une réaction de type plurilamellaire ou une
spiculation.
La corticale est alors le plus souvent le siège d’une
ostéolyse « mitée » et/ou perméative.
Si le potentiel évolutif de la tumeur est supérieur à la capacité
d’ostéogenèse du périoste, la réaction périostée va être rompue au
point d’activité tumorale la plus forte.
Cette rupture de la continuité périostée se manifeste par :
– le triangle de Codman ou éperon périosté : c’est une
réaction périostée plurilamellaire triangulaire, située à la face externe
de la corticale, à la limite entre la tumeur et l’os sain.
Cet éperon
correspond à une réaction plurilamellaire initialement continue,
secondairement détruite et rompue en son centre, et dont il ne
persiste que les points de raccordement avec l’os sain à la périphérie
de la lésion.
Il correspond au maximum d’agressivité lésionnelle et
ne se voit pratiquement que dans les tumeurs malignes.
Son
caractère lamellaire l’oppose au caractère compact et homogène de
l’arc-boutant qui se voit dans certaines tumeurs bénignes,
expansives, lentement évolutives ;
– l’interruption de la spiculation : la réaction spiculaire,
organisée et régulière, est interrompue en un ou plusieurs endroits
et prend un aspect désorganisé et irrégulier, le plus souvent associé
à une importante opacité des parties molles.
Cet aspect correspond
également au maximum d’agressivité lésionnelle et signe l’existence
d’une tumeur maligne.
3- Analyse de la matrice tumorale
:
La matrice correspond au tissu tumoral proprement dit ; son analyse
macroscopique par l’imagerie vise à approcher la caractérisation de
la nature tissulaire de la tumeur.
Si les clichés simples restent fondamentaux pour l’analyse des
anomalies structurales corticales et de la réponse corticopériostée, la
TDM est le meilleur outil d’analyse des calcifications intratumorales
et l’IRM la meilleure technique pour l’analyse de l’architecture
interne de la lésion.
En TDM : il faut systématiquement réaliser une analyse en fenêtre
osseuse et en fenêtre de parties molles :
– les calcifications sont étudiées par des coupes millimétriques en
haute résolution en fenêtre osseuse ;
– la densité de la matrice est toujours évaluée dans plusieurs
secteurs de la lésion ;
– le degré de vascularisation de la tumeur est analysé par
comparaison des coupes en fenêtre de parties molles avant et après
injection de produit de contraste ; l’évaluation optique du degré de
rehaussement étant toujours précisée par une prise de densité.
En IRM : il faut systématiquement réaliser des séquences en écho
de spin pondérées en T1 et en T2, les séquences T2 pouvant être
sensibilisées par une suppression du signal de la graisse.
Le degré
de vascularisation est apprécié sur des séquences en écho de spin
pondérées en T1 par comparaison entre les coupes sans et avec
injection de produit de contraste.
* Matrices ossifiantes
:
Elles traduisent la présence de tissu osseux et orientent vers une
tumeur de la lignée ostéogénique.
L’ossification de la matrice se
traduit par des plages denses homogènes, à bords nets ou flous,
uniques ou multiples.
Par ordre d’intensité, on décrit :
– des aspects en « verre dépoli » :
– sur les clichés simples, la lésion est une plage d’ostéolyse, de
type géographique, dont la transparence est moins marquée que
celle des lésions kystiques avec un aspect « gris » plus ou moins
homogène ;
– en TDM, le coefficient d’atténuation se situe entre 100 et 1 000
UH ;
– en IRM, la lésion est en hyposignal quelle que soit la séquence.
C’est un aspect assez typique de la dysplasie fibreuse qui peut
également se voir dans l’ostéoblastome ;
– des places de forte densité, proches de celles de l’os cortical,
« nuageuses », disséminées (ostéosarcome), ou plus
organisées (ostéoblastome) ;
– des zones de condensation éburnante correspondant à l’os
compact, de densité égale à celle de la corticale sur les clichés
simples et en TDM, et en hyposignal en IRM.
Cet aspect se voit
dans l’îlot condensant bénin, l’ostéome, l’ostéoblastome, les
sarcomes condensants mais aussi les métastases condensantes, de
prostate en particulier ;
– des calcifications, enfin, peuvent se rencontrer et posent alors de
très difficiles problèmes de diagnostic avec les calcifications des
matrices cartilagineuses.
* Matrices cartilagineuses
:
Elles se caractérisent par la présence de calcifications, une
architecture lobulée et un signal IRM particulier.
Les calcifications peuvent être visibles sur les clichés simples,
mais sont très bien analysées par la TDM avec coupes
millimétriques en haute résolution.
Elles peuvent être :
– ponctuées de type granuleux ;
– « floconneuses » par augmentation du volume des précédentes ;
– arciformes et annulaires.
Les calcifications arciformes et annulaires, liées à l’architecture
lobulée de la tumeur, sont relativement spécifiques à l’opposé des
calcifications ponctuées et à un degré moindre, « floconneuses », qui
peuvent se voir dans certaines matrices ossifiantes.
L’architecture lobulée peut être suspectée sur les clichés simples
quand ils montrent des érosions de la corticale interne, mais
elle est surtout bien mise en évidence par l’IRM.
La tumeur est faite
de multiples lobules juxtaposés, séparés par de fins septa, en
hyposignal quelle que soit la séquence.
Chaque lobule a un signal
faible hypo- ou iso-intense sur les séquences en écho de spin
pondérées en T1 et en hypersignal franc qui augmente en fonction
du temps d’écho sur les séquences en écho de spin pondérées en T2.
L’association des deux anomalies est très évocatrice d’une tumeur
cartilagineuse mais ne préjuge pas de la nature bénigne ou maligne,
bien que les calcifications soient classiquement moins nombreuses
dans les tumeurs malignes.
Il faut de plus souligner que :
– les calcifications ne sont présentes que dans 50 à 60 % des tumeurs
cartilagineuses ;
– en l’absence de calcification, le caractère lobulé n’est pas spécifique
puisqu’il se voit également dans les tumeurs fibreuses, bien que
l’hypersignal T2 en IRM y soit moins marqué.
* Autres types de matrice
:
Les matrices kystiques apparaissent très radiotransparentes sur les
clichés simples, avec une densité hydrique entre 10 et 20 UH
en TDM et un signal homogène en IRM avec une évolution
caractéristique selon la séquence : hyposignal sur les séquences en
écho de spin pondérées en T1 et hypersignal T2.
La densité
et le signal peuvent être modifiés en cas de complication
hémorragique (fracture), ou de contenu mucoïde (kyste synovial).
Les matrices graisseuses sont très spécifiques en TDM par leur
hypodensité (de -70 à -100 UH) et par leur signal
caractéristique en IRM : hypersignal franc sur les séquences en écho
de spin pondérées en T1 qui décroît progressivement en fonction du
temps d’écho sur les séquences en écho de spin pondérées en T2.
Cependant, le diagnostic de lipome ne peut être formellement retenu
que lorsque la totalité ou la plus grande partie de la lésion est
graisseuse car il y a des composantes graisseuses dans de
nombreuses tumeurs (ostéochondromes, chondromes,
chondrosarcomes, fibromes, histiocytofibromes et fibrosarcomes...).
Les matrices homogènes sur les clichés simples, en TDM avec des
densités de type tissulaire (20-60 UH) et un signal IRM hypo-intense
sur les séquences en écho de spin pondérées T1 et hyperintense sur
les séquences en écho de spin pondérées T2, ne sont pas spécifiques
et évoquent une tumeur tissulaire.
Les matrices hétérogènes relèvent de la nature hétérogène de la
matrice tissulaire elle-même mais aussi de la possibilité
d’hémorragie intratumorale et de zones de nécrose, ou d’architecture
tumorale particulière.
– Les hémorragies intratumorales sont faciles à reconnaître en IRM,
au stade initial, à cause de l’hypersignal spontané du sang sur les
séquences en écho de spin pondérées en T1.
Ultérieurement, le
signal devient très hétérogène en fonction des différents degrés de
dégradation du sang.
– La nécrose se manifeste par des zones en hyposignal sur les
séquences en écho de spin T1 ne se rehaussant pas après injection
de gadolinium, et en hypersignal sur les séquences en écho
de spin en pondération T2.
L’évaluation du degré de nécrose
spontanée d’une tumeur maligne, au moment du diagnostic, est
particulièrement importante et se fait en séquences en écho de spin
pondérées T1 par comparaison entre les coupes avant et après
injection de produit de contraste, la zone nécrosée ne se rehaussant
pas lors de l’injection.
– Les architectures en « logettes » et les niveaux hématohématiques.
Certaines tumeurs ont un aspect multiloculaire avec un
cloisonnement par des septa séparant des logettes de taille variable
plus ou moins communicantes.
Sur les clichés simples, cette organisation peut être invisible
ou se manifester par une trabéculation fine qu’il faut savoir
différencier des crêtes osseuses pariétales plus épaisses, induites par
les tumeurs lobulées lentement évolutives.
En TDM, cette architecture est plus ou moins visible, le
plus souvent méconnue.
En IRM, en revanche, elle est très
bien analysée, en particulier sur les séquences fortement pondérées
T2 où les fins septa contrastent par leur hyposignal avec
l’hypersignal variable du contenu de chaque logette.
– Les niveaux liquides-liquides sont des niveaux hématohématiques
avec sédimentation des hématies et sérum surnageant.
Ce ou ces
niveaux peuvent apparaître en cas d’hémorragie intratumorale, en
particulier intrakystique, et sont presque toujours associés à
l’architecture en « logettes ». Ils ne sont pas visibles sur les clichés
simples.
Ils sont visibles en TDM, sur les coupes en fenêtre de
parties molles, avec une partie inférieure isodense aux
muscles, plus dense que la partie supérieure.
Il faut prendre garde à
ne pas faire de coupes trop précoces pour que les hématies aient le
temps de sédimenter.
Il est recommandé de garder le sujet allongé
15 à 30 minutes avant l’examen.
Une acquisition rapide, d’emblée, en mode hélicoïdal, peut aussi totalement méconnaître ces images.
C’est l’IRM qui les met le mieux en évidence, surtout sur les
séquences en écho de spin fortement pondérées en T2 où le
surnageant apparaît en hypersignal et le sédiment en signal moins
intense, l’intensité dépendant du degré de dégradation du sang.
Sur les séquences en écho de spin pondérées en T1, cet
aspect peut être invisible (désoxyhémoglobine iso-intense en T1)
, ou moins bien visible.
Dans ce cas, le surnageant est
toujours en hyposignal tandis que le signal du sédiment varie,
pouvant apparaître en hypersignal s’il s’agit de méthémoglobine.
Globalement, le sérum surnageant a un signal qui suit celui de l’eau,
tandis que le signal du sédiment varie en fonction du degré de
dégradation de l’hémoglobine et donc de l’âge du sang.
Cet aspect associant architecture en « logettes » et niveaux hématohématiques, ou niveaux hématohématiques seuls, a
longtemps été décrit comme spécifique du kyste anévrismal.
Il a ensuite été décrit dans le kyste essentiel compliqué de
fracture.
Plus récemment, il a été démontré que cet aspect n’est pas du
tout spécifique et peut se rencontrer dans le sarcome télangiectasique, dans les tumeurs à cellules géantes, les
histiocytofibrosarcomes...
En fait, les niveaux liquides-liquides
peuvent se rencontrer dans toutes les tumeurs à forte composante
vasculaire et si l’architecture en « logettes » reste très évocatrice du
kyste anévrismal, on peut la retrouver dans toutes les tumeurs où
peut se développer un kyste anévrismal secondaire.
* Caractérisation tissulaire par l’IRM dynamique avec injection
de produit de contraste :
L’analyse, en IRM dynamique, de la captation du contraste et du
rehaussement secondaire d’une tumeur, pour essayer de différencier
une tumeur bénigne d’une tumeur maligne, a fait l’objet de travaux
importants sur les dix dernières années avec des résultats qui restent
peu convaincants.
Le principe consiste à étudier, à partir
du rehaussement initial correspondant à la phase artérielle, la
progression du rehaussement tumoral avec une analyse qualitative
et quantitative.
L’hypothèse de départ est que les tumeurs malignes
capteraient précocement et massivement le contraste qui diffuserait
rapidement dans le tissu tumoral, alors que les tumeurs bénignes
capteraient plus tardivement le contraste qui diffuserait peu et
lentement, ou pas du tout, dans le tissu tumoral.
La technique est aujourd’hui bien codifiée.
Après avoir réalisé les explorations classiques en séquences en écho
de spin pondérées T1 et T2 dans deux ou trois plans orthogonaux,
on choisit les plans longitudinaux ou axiaux correspondant à la plus
grande surface de tissu tumoral, le plus représentatif de la tumeur.
L’étude dynamique est réalisée en imagerie rapide : séquences
pondérées T1, en écho de gradient, avec des paramètres variables
en fonction des machines ; ces machines les plus récentes qui
permettent des séquences hyperrapides (echo planar imaging)
autorisent de multiplier les plans étudiés et d’explorer un large
volume de tumeurs.
L’injection de contraste est faite avec un débit de 5 mL/s avec une
quantité de 0,1 mmol/kg de poids corporel suivie par 20 mL de sérum
salé au même débit.
Les acquisitions doivent couvrir
5 minutes au maximum, mais surtout les 2 premières minutes.
Chaque
coupe ainsi acquise avec injection de produit de contraste est
soustraite automatiquement par la machine de la coupe identique
acquise sans injection de produit de contraste.
Les zones d’intérêt sont
sélectionnées au curseur sur l’écran. Une courbe de l’intensité du
signal de rehaussement en fonction du temps est construite
automatiquement à partir des points de chaque acquisition.
Deux
courbes de référence doivent être recueillies, la première sur une artère
bien identifiée, la seconde sur un tissu normal (muscle).
Trois paramètres sont analysés à partir de la série d’images
soustraites et des courbes obtenues :
– le débit du rehaussement qui correspond à l’arrivée des bolus
dans les artères, et l’intervalle entre le rehaussement artériel et le
début du rehaussement tumoral, un temps de moins de 10 secondes
étant caractéristique d’un rehaussement précoce ;
– le type du rehaussement précoce : présent, soit périphérique, soit
diffus ou absent ;
– la progression du rehaussement du tissu tumoral dans le temps.
Trois types de courbes peuvent ainsi être obtenus :
– type I avec une captation artérielle très précoce et une augmentation
très rapide de l’intensité du signal avec une pente abrupte de la courbe
qui atteint très précocement un maximum pour se stabiliser en plateau
ou décroître lentement (rehaussement prévu) ;
– type II à partir de la captation artérielle ; l’augmentation de
l’intensité du signal est progressive avec un aplatissement
secondaire de la courbe (rehaussement retardé) ;
– type III : le rehaussement est linéaire avec une pente très faible ou
même une absence de rehaussement, la courbe étant superposable à
celle des muscles normaux (rehaussement tardif).
L’hypothèse de départ était que les rehaussements rapides (courbe
de type I), avec un début précoce du rehaussement tumoral inférieur
à 10 secondes à prédominance périphérique, étaient en faveur d’une tumeur maligne alors que des rehaussements plus lents (courbes de
types II et III) débutant au-delà de 10 secondes étaient plutôt en
faveur d’une tumeur bénigne.
Cette hypothèse a été confirmée par les tumeurs des tissus mous.
En revanche, cette recherche de caractérisation reste un échec en
matière de tumeurs osseuses.
En effet, si tous les patients avec des
sarcomes osseux et des métastases présentent une courbe de type I,
beaucoup de tumeurs bénignes hypervascularisées présentent
également des courbes de type I (tumeurs à cellules géantes,
kystes anévrismaux primitifs ou secondaires, ostéoblastomes,
granulomes éosinophiles...).
De plus, des courbes de type II peuvent
se rencontrer avec des tumeurs malignes de bas grade.
Cet échec
souligne encore un peu plus le grand rôle joué par les radiographies
simples dans le diagnostic entre bénignité et malignité.
4- Évaluation de l’extension tumorale
:
Cette extension est essentiellement le fait des tumeurs malignes et, à
un degré moindre, de certaines tumeurs bénignes agressives
(tumeurs à cellules géantes).
Elle peut être locorégionale intraosseuse
au niveau du canal médullaire et extraosseuse au niveau des parties
molles, et à distance avec des localisations secondaires,
principalement pulmonaires ou osseuses.
* Extension locorégionale
:
L’extension des tumeurs se fait, selon les voies de moindre
résistance, dirigée par les barrières naturelles.
– Le canal médullaire n’offre aucune résistance à la croissance
tumorale et l’extension intraosseuse est souvent plus étendue que
l’extension extraosseuse.
De petites métastases médullaires
peuvent exister au-dessus de la limite supérieure de l’envahissement
médullaire (skip metastases).
– Le cartilage de conjugaison a longtemps été considéré comme une
barrière à l’extension tumorale.
L’IRM a montré qu’en fait,
l’envahissement épiphysaire est beaucoup plus fréquent qu’on ne le
pensait et d’autant plus fréquent que l’on se rapproche de l’âge
de l’épiphysiodèse, au moment où les anastomoses vasculaires se
créent entre le système épiphysaire et métaphysaire.
– Le cartilage articulaire est une barrière certaine bien qu’il puisse
être franchi par certaines tumeurs à cellules géantes.
L’envahissement
articulaire se fait le plus souvent par voie capsuloligamentaire
et s’accompagne d’un épanchement intra-articulaire.
– La corticale est une barrière modeste qui peut être rompue en
« boutonnière » ou infiltrée (ostéolyse perméative).
– Le périoste est une barrière plus efficace qui parvient à contenir
les tumeurs bénignes agressives et les tumeurs malignes de bas
grade.
Bien qu’il puisse contenir certains sarcomes ostéogéniques, il
est souvent rompu par les tumeurs malignes de haut grade.
– L’envahissement des tissus mous périosseux se fait :
– soit par refoulement quand il existe une pseudocapsule
péritumorale qui peut correspondre au périoste refoulé ;
– soit par infiltration en cas de rupture périostée et d’absence de
pseudocapsule.
Les trajets vasculaires créent alors des voies de dissémination à travers les fascias intermusculaires, mais surtout
à travers les barrières principales que constituent les aponévroses
entre les loges musculaires.
Cette possibilité
d’envahissement de plusieurs loges sous-tend la notion
chirurgicale fondamentale du compartiment.
Chaque
compartiment correspond à une loge musculaire entourée de ses
aponévroses.
L’extension est considérée comme intracompartimentale
quand elle intéresse uniquement la loge
correspondante à la lésion et comme extracompartimentale quand
elle intéresse une loge différente du site d’origine.
L’imagerie doit systématiquement apprécier tous ces éléments.
Les clichés simples ne permettent pas d’apprécier l’envahissement endocanalaire et ne montrent que des signes grossiers
d’envahissement des parties molles : augmentation de densité,
refoulement des faisceaux musculaires, effacement des faisceaux
graisseux, désorganisation de la réaction périostée, calcifications ou
éléments ossifiés à distance du foyer tumoral (ostéogenèse
sarcomateuse).
La scintigraphie apprécie l’extension endocanalaire, en la
surévaluant souvent à cause de l’hyperhémie périlésionnelle ; en
revanche, elle méconnaît les skip metastases.
Elle analyse très mal
l’extension extraosseuse et elle est incapable de préciser les
compartiments atteints.
La TDM est plus précise : elle permet d’apprécier l’extension
médullaire en prenant la densité à tous les niveaux, ce qui n’est
possible que sur les os à canal médullaire large.
La densité est
normalement négative (graisse) et se positive en cas
d’envahissement. Les skip metastases sont volontiers méconnues.
L’extension, au niveau des parties molles, s’apprécie sur les coupes
après injection, en fenêtre de parties molles, mais l’appréciation reste
très difficile à cause de l’isodensité fréquente entre le tissu tumoral
et les parties molles avoisinantes, et de l’effacement des faisceaux
par l’oedème.
L’IRM est aujourd’hui l’examen le plus performant pour répondre à
toutes ces questions.
– L’extension endocanalaire s’explore sur une coupe coronale ou
sagittale de l’os touché dans son ensemble, en antenne corps, en
séquences en écho de spin pondérées en T1, où l’hypersignal
graisseux normal est remplacé par un signal hypo- ou iso-intense.
La diffusion de cet hyposignal permet d’apprécier l’extension
supérieure et inférieure.
Les skip metastases, le plus souvent
méconnues en scintigraphie et en TDM, sont également bien mises
en évidence, sous forme de petites formations en hyposignal au sein
de l’hypersignal graisseux au-dessus de la limite supérieure de la
tumeur.
– L’extension dans les parties molles s’apprécie sur les coupes des
séquences pondérées en T2 et sur les coupes des séquences
pondérées en T1 après injection de contraste.
La pseudocapsule péritumorale est parfois individualisable sous
forme d’un liseré périlésionnel en hyposignal, persistant sur les
séquences pondérées en T2.
L’extension tumorale se traduit par un hypersignal qui se majore
sur les échos plus tardifs et par une augmentation de
l’intensité du signal après injection de contraste.
L’évaluation précise
de l’extension est rendue souvent difficile par la présence de
l’oedème inflammatoire péritumoral qui a tendance, en se
confondant avec la tumeur, d’en faire surestimer l’extension.
La différence entre tumeur et oedème péritumoral repose sur :
– l’analyse morphologique, l’oedème présentant des
prolongements linéaires qui suivent les fascias musculaires
alors que la tumeur ne les respecte pas.
En fait,
les contours sont souvent mal définis et la distinction est très
difficile avec les données de l’IRM conventionnelle ;
– l’IRM dynamique, avec injection de produit de contraste, bénéficiant des progrès techniques des machines qui
permettent une amélioration de la résolution spatiale et surtout
du temps d’acquisition sans perte du signal, permet aujourd’hui
de différencier l’oedème de la tumeur et de mieux préciser les
limites de l’envahissement.
Un temps d’acquisition, inférieur à 3
secondes par image, apparaît nécessaire pour permettre une
différenciation fiable.
L’inclinaison de la pente, toujours mesurée à partir du
rehaussement artériel, est, en cas d’oedème, inférieure de 20 % ou
plus à celle de la tumeur ou du muscle infiltré.
L’IRM permet également d’apprécier l’extension articulaire et les
rapports vasculaires.
Elle donne, par une analyse dans les trois
plans de l’espace, une parfaite évaluation du volume tumoral
total.
Elle permet enfin de prendre les mesures de l’os atteint pour
prévoir la prothèse idéale pour la reconstruction.
* Extension à distance
:
La recherche des métastases pulmonaires nécessite un cliché
thoracique de face et de profil, mais la TDM est aujourd’hui
systématique dans le bilan initial en cas de tumeur agressive, car c’est elle qui met le mieux en évidence les métastases et en
particulier les petites localisations pleurales périphériques qui ne se
voient pas sur les clichés simples.
La découverte d’une ou plusieurs opacités arrondies du poumon
n’implique pas systématiquement la malignité : en effet, certaines
tumeurs bénignes (chondroblastome, tumeurs à cellules géantes)
peuvent, surtout après le traitement chirurgical, présenter des greffes
pulmonaires bénignes.
La recherche de métastases osseuses ou de localisations multiples
relève de la scintigraphie, dont c’est l’utilité principale.
L’hyperfixation n’étant pas spécifique et ne permettant pas, en
particulier, de faire la différence entre lésions bénignes et malignes,
il est prudent, surtout chez les patients au-dessus de 60 ans
(fréquence de l’arthrose), d’analyser les zones fixantes en radiologie
conventionnelle.
Parmi les maladies susceptibles de donner des localisations osseuses
multiples, seuls l’histiocytose X, le myélome présentent des lésions
qui peuvent être isofixantes, et il est encore recommandé, dans ces
deux cas, de rechercher des lésions multiples par des radiographies
du squelette.
Synthèse des données Orientation diagnostique
:
Une fois l’analyse lésionnelle pratiquée, il faut confronter l’aspect
de lésion avec l’âge et la localisation, essayer d’évaluer la vitesse
d’accroissement afin de dégager l’orientation diagnostique la plus
probable, pour pouvoir, après discussion pluridisciplinaire, dégager
la meilleure stratégie thérapeutique.
A - ÂGE
:
L’âge est une notion capitale.
Les études épidémiologiques, sur des
grandes séries rapportées dans les ouvrages de référence, démontrent qu’il existe des pics de fréquence en fonction des
décennies.
La tumeur à cellules géantes, par exemple, ne se voit pas avant la
puberté et est très rare avant 18 ans.
Les tumeurs malignes ont également une répartition particulière :
l’ostéosarcome et le sarcome d’Ewing surviennent surtout dans la
deuxième décennie, et à un degré moindre dans la troisième, alors
que les chondrosarcomes se retrouvent pendant les quatrième,
cinquième et sixième décennies.
Il faut donc, chaque fois que l’on donne une orientation
diagnostique, vérifier que celle-ci correspond à la tranche d’âge et,
en cas d’images identiques, orienter vers la lésion qui correspond le
plus à l’âge.
B - LOCALISATION
:
Nous avons déjà dit que devant la découverte d’une lésion, il faut
s’assurer qu’elle est solitaire ou multiple.
Des lésions multiples orientent vers l’histiocytose X ou le
neuroblastome métastatique chez l’enfant et les métastases ou le
myélome chez l’adulte.
En cas de localisation solitaire :
– certaines tumeurs ont une prédilection pour les os plats et les os
courts : chondrosarcome pour le bassin, plasmocytome pour le
rachis, les côtes, le sternum, métastases pour le squelette axial... ;
– certaines tumeurs sont presque exclusivement situées sur des os
particuliers : adamantinome sur le tibia, chordome sur le sacrum ou
le clivus, kyste essentiel sur l’extrémité supérieure de l’humérus et
du fémur, hémangiome sur le rachis ou la voûte du crâne... ;
– au niveau des os longs, le siège diaphysaire, métaphysaire ou épiphysaire donne des orientations diagnostiques.
La gamme des
tumeurs épiphysaires montre qu’il peut s’agir d’un
chondroblastome, d’un chondrosarcome à cellules claires, d’une
tumeur à cellules géantes, d’un kyste synovial ou mucoïde ou d’un
abcès.
En tenant compte de l’âge, cette gamme se réduit encore
puisque, avant 15 ans, il ne peut plus s’agir que d’un chondroblastome, ou d’une ostéomyélite circonscrite (abcès de
Brodie).
Pour cela, il faut toujours faire référence aux ouvrages spécialisés et
surtout ceux de Unni (Dahlin’s book) et Mirra.
Pour chaque type de tumeur, il existe un diagramme de répartition
en fonction de l’âge, du sexe et de la localisation. Si l’orientation
diagnostique proposée ne s’intègre pas dans ces données, elle a
toutes les chances d’être fausse.
C - VITESSE D’ACROISSEMENT
:
Elle est un autre élément à prendre en compte, une lésion bénigne
étant lentement évolutive alors qu’une lésion maligne est
rapidement évolutive.
Mais on sait que des tumeurs malignes de
bas grade peuvent être lentement évolutives et que des lésions
bénignes infectieuses ou tumorales (kyste anévrismal, tumeur à
cellules géantes) peuvent être rapidement évolutives.
– Si l’on dispose de clichés antérieurs, l’évolution morphologique et
volumétrique peut être directement quantifiée.
– Si l’on ne dispose pas de clichés antérieurs, il faut alors tenir
compte de l’intervalle entre le début de la symptomatologie
douloureuse et la première consultation et des signes radiologiques
permettant d’évaluer l’agressivité.
Conclusion
:
Au terme de cette analyse qui doit être méthodique et rigoureuse, l’âge
du patient, la localisation de la lésion sur le squelette, le caractère
solitaire ou multiple, l’appréciation de l’agressivité de la lésion par
l’évaluation de la vitesse d’accroissement et par l’analyse sémiologique,
une physionomie caractéristique de certaines tumeurs permettent le
plus souvent de donner une orientation diagnostique et de mieux
décider de la stratégie diagnostique et thérapeutique ultérieure.