En pratique, les lacunes pathologiques sont découvertes dans deux
circonstances, tantôt de façon fortuite lors d’un bilan radiologique
pour sinusite ou traumatisme crânien, tantôt de façon systématique
au cours du bilan d’extension de certaines hémopathies ou de
certains cancers ostéophiles.
Le but de ce travail est de démontrer la place prépondérante des
explorations neuroradiologiques modernes dans l’interprétation
d’une ou de plusieurs lacunes de la voûte crânienne.
Dans ce sens, le scanner et l’imagerie par résonance magnétique
(IRM) apparaissent complémentaires pour mieux analyser et
interpréter non seulement la lyse osseuse, mais aussi l’existence
précise du processus en cause, que ce soit une tumeur bénigne ou
surtout maligne.
Après un bref rappel des différentes techniques tomodensitométriques
(TDM) et surtout d’IRM en fonction de la clinique
présentée sont envisagées, dans un but didactique et aussi par ordre
de fréquence :
– les lacunes tumorales malignes secondaires et primitives ;
– les lacunes bénignes ;
– les tumeurs de contiguïté ;
– les processus dystrophiques ou d’origine endocrinienne ;
– enfin, les anomalies purement physiologiques et d’origine
congénitale.
Technique d’exploration
en radio-imagerie :
La radiographie du crâne est, à elle seule, suffisante pour poser le
diagnostic de lacune de la voûte, à condition de disposer au
minimum de trois incidences : face haute, Worms-Bretton et profil.
Cet examen, peu coûteux et facilement accessible, est de nos jours
moins demandé, au profit du scanner cérébral ou de l’IRM qui
permettent, outre le diagnostic positif de lacune, de rechercher une
masse tumorale sous-jacente et de déterminer une orientation
étiologique.
La découverte d’une lacune crânienne doit déclencher un bilan
radiologique osseux complet, afin de ne pas méconnaître d’autres
lacunes osseuses et de prévenir, au besoin, le risque d’une fracture
pathologique (fémur...).
La TDM est l’examen de choix pour l’analyse fine de la voûte du
crâne (table externe, diploé, table interne), car même en multipliant
les incidences en radiographie standard du crâne, il n’est pas
toujours possible d’apprécier l’intégrité ou non des deux tables
osseuses.
Le scanner doit toujours comporter deux fenêtres, l’une osseuse
(niveau 500, largeur 1 200 à 2 000), l’autre parenchymateuse
(niveau 30, largeur 100 à 120).
Une seconde série est réalisée avec
injection d’iode, si une lacune crânienne est retrouvée au premier
passage.
Pour s’affranchir de l’effet de volume partiel, des coupes fines (1 ou
3 mm) sont systématiquement réalisées sur la zone siège d’un
artefact.
L’IRM a, comme principaux avantages sur le scanner, non seulement
celui d’analyser les rapports exacts de la lésion lytique de la voûte
avec la dure-mère, les sinus duraux et le parenchyme cérébral sousjacent,
mais aussi de réaliser d’autres plans de coupes (coronal,
sagittal).
L’os cortical normal présente un hyposignal normal en pondérations
T1 et T2 lié à l’absence de protons d’hydrogène dans l’os compact.
La conversion graisseuse (hypersignal T1) de la moelle
hématopoïétique intradiploïque s’étant achevée avant l’âge de 7 ans,
toute baisse uniforme du signal de la moelle en pondération T1, qui
survient après cet âge, est suspecte.
L’autre signe indéniable
d’atteinte de la voûte du crâne est l’interruption de l’hyposignal
cortical normal.
L’étude en IRM doit toujours comporter une séquence avant
injection de gadolinium.
Après injection, seules les veines diploïques
et les granulations de Pacchioni se rehaussent normalement au sein
du diploé.
Les différentes techniques qui ont été exposées, prises de façon
individuelle ou en association, ont, d’une part pour but de mieux
caractériser ces lacunes et, d’autre part, de rechercher et de
démontrer au scanner ou en IRM un processus tumoral osseux ou
cérébral sous-jacent.
Les lacunes se caractérisent par :
– nombre unique ou multiple ;
– forme arrondie, ovalaire ou polycyclique ;
– bords flous ou nets à l’emporte-pièce ;
– dimensions variables depuis la microlacune jusqu’à la lacune
géante ;
– atteinte des structures de voisinage : os, parties molles, duremère,
encéphale.
Lacunes pathologiques
:
A - LACUNES D’ORIGINE TUMORALE
:
1- Métastases
:
Elles représentent, en termes de fréquence, la première étiologie des
lacunes de la voûte du crâne.
Tous les cancers peuvent donner des
métastases crâniennes mais, chez l’adulte, ce sont surtout les cancers ostéophiles (reins, thyroïde, seins, poumons...) qui sont majoritaires.
Leur caractère ostéolytique est la règle et les formes ostéoblastiques
ou mixtes sont rares.
Si le cancer est déjà connu, le traitement est celui de la lésion
primitive ; si la lacune est révélatrice de la maladie et si le cancer
initial n’est pas localisé, une biopsie plus ou moins exérèse de la
lacune peut être proposée.
La radiographie du crâne décèle une ou plusieurs lacunes de taille
variable, sans réaction condensante périlésionnelle.
Les marges de
ces géodes sont moins bien définies que celles des lacunes
plasmocytaires du myélome. Pour qu’une métastase devienne
apparente sur une radiographie, il faut que 30 à 50 % de l’espace
médullaire de l’os soit détruit.
Certains caractères sémiologiques
seraient plus évocateurs d’un type de cancer plutôt que d’un autre.
Ainsi, les lacunes uniques se voient le plus souvent dans les cancers
du rein ou de la thyroïde, alors que les lacunes multiples se
rencontrent dans les cancers bronchiques ou du sein.
Le
caractère soufflant de la lacune se rencontre dans le cancer de la
thyroïde ou du rein.
Le scanner a montré qu’il isolait mieux les lacunes que la
simple radiographie du crâne.
Cependant, il demeurerait moins
sensible que la scintigraphie dans la détection des lésions osseuses
métastatiques (cette dernière donnée, vérifiée sur des scanners
d’avant 1978, est à revérifier sur les scanners actuels).
Le scanner va permettre aussi de rechercher (de façon moins fine
qu’en IRM) des métastases intraparenchymateuses associées.
La scintigraphie permet d’explorer dans un même temps la fixation
d’un traceur sur le squelette entier et, ainsi, d’orienter le diagnostic,
en cas d’hyperfixation multiple, vers des localisations secondaires,
voire de mieux cibler la zone à étudier en scanner ou en IRM.
Elle
peut quelquefois mettre en évidence des anomalies infraradiologiques.
L’IRM permet une fine analyse de la moelle intradiploïque et tout
hyposignal T1 (surtout s’il n’a pas une répartition symétrique) du
diploé chez un adulte doit faire évoquer une infiltration médullaire.
De même, toute prise de contraste en dehors des veines diploïques
et des granulations de Pacchioni doit être considérée comme
suspecte.
Les métastases lytiques de la voûte se présentent en hyposignal T1,
iso- ou hypersignal T2, et prennent le contraste après injection de
gadolinium.
L’IRM fait, en même temps que le diagnostic de lacune du crâne,
celui d’éventuelles lésions cérébrales secondaires associées ou sousjacentes
à la lacune osseuse.
2- Myélome multiple
:
La tumeur primitive des os la plus fréquente est une hémopathie
maligne encore appelée maladie de Kahler.
Elle touche plus souvent
l’homme que la femme, avec un pic d’âge de 70 ans.
Les lacunes de la voûte existent dans 50 % des myélomes.
Elles
proviennent d’une prolifération monoclonale intramédullaire de
plasmocytes.
Les circonstances de découverte peuvent être, en plus de l’altération
de l’état général, des douleurs osseuses localisées principalement au crâne, au bassin et aux côtes.
Le calcul de la masse tumorale est un
important facteur pronostique de cette hémopathie. Or, l’atteinte
osseuse radiologique fait partie des critères utilisés pour l’estimation
de cette masse tumorale.
Dans les quelques cas où la lacune est unique et où il n’y a pas
d’infiltration plasmocytaire de la moelle, on utilise le terme de plasmocytome solitaire.
La radiographie du crâne décèle classiquement des lacunes
arrondies, bien délimitées à l’emporte-pièce, sans réaction condensante périlésionnelle.
Ces lacunes disséminées sur
l’ensemble de la voûte ont une taille variable qui va de 3 à 15mm,
les petites lacunes donnant un aspect d’os vermoulu, et les grandes
réalisant des plages polycycliques.
De façon très occasionnelle, la
maladie ne se manifeste que sous la forme d’une ostéoporose
diffuse, associée ou non aux lacunes.
Dans le cas du plasmocytome solitaire, l’atteinte de la voûte du
crâne est plus rare que celle du rachis.
Elle a alors une prédilection
pour l’os pariétal ou occipital.
Le scanner cérébral n’a qu’un intérêt limité dans le diagnostic d’un
myélome multiple, où il va montrer des lacunes de la voûte à
l’emporte-pièce.
Dans le cas d’un plasmocytome solitaire, le scanner décèle une
intense prise de contraste de la lacune et permet de rechercher une
extension périencéphalique ou cutanée.
L’injection d’iode ne doit
être réalisée qu’après avoir écarté toute excrétion urinaire
d’immunoglobuline (risque d’insuffisance rénale aiguë).
L’IRM encéphalique garde deux indications dans le myélome :
– celle des plasmocytomes à faible masse tumorale (stade I de la
classification de Durie et de Salmon) où la présence de lacunes, non
visibles sur les radiographies standards, changerait la prise en
charge du patient (surveillance plus rapprochée, traitement plus
agressif...) ;
– celle des plasmocytomes solitaires, à la recherche d’un
envahissement dure-mérien ou, surtout, d’une autre lésion
plasmocytaire intradiploïque, ce qui remettrait en cause le diagnostic
et plaiderait en faveur d’un myélome débutant.
Les lésions myélomateuses se présentent en IRM sous la forme de
lésions nodulaires en hypersignal T2, en prenant le contraste après
injection de gadolinium.
La scintigraphie osseuse n’a aucune indication dans les plasmocytomes solitaires ou multiples, car elle demeure moins
sensible que les radiographies pour dépister les lacunes du
myélome.
3- Autres
étiologies tumorales :
* Tumeurs bénignes
:
+ Kyste épidermoïde ou cholestéatome
:
Ce sont des tumeurs soit congénitales, soit acquises après un
traumatisme.
Elles proviennent de l’inclusion de cellules épithéliales
dans le diploé.
Elles se rencontrent en situation frontopariétale, près
de la suture coronale.
La radiographie du crâne montre, dans sa
forme habituelle, une lacune unique arrondie, entourée d’une
sclérose marginale.
Les tables osseuses peuvent être soufflées.
Le
scanner permet de préciser l’extension éventuelle au contact du
parenchyme cérébral.
Cette tumeur est hypodense au scanner et ne
se rehausse pas après injection d’iode.
En IRM, la tumeur a en
général un signal de type liquidien hétérogène, non rehaussé
par l’injection de gadolinium : hypo-T1, hyper-T2.
+ Kyste dermoïde
:
Le kyste dermoïde se caractérise histologiquement par la présence
d’éléments épidermiques ectopiques, associés à des éléments
d’origine mésodermique, tels des follicules pileux ou des glandes
sébacées.
Ce kyste a les mêmes caractéristiques radiologiques
que le kyste épidermoïde, sauf en IRM où l’hypersignal T1
d’origine graisseuse serait, d’après certains auteurs, plutôt en faveur
d’un kyste dermoïde ; de même en TDM une densité graisseuse
prononcée serait assez caractéristique.
+ Kyste leptoméningé
:
Appelé également kyste arachnoïdien, ce kyste contient du liquide
cérébrospinal (LCS) qui peut être plus ou moins sous tension.
Il est
alors susceptible d’entraîner un amincissement de la table interne
(voire une déformation de la voûte chez l’enfant).
Le plus souvent, ce kyste est découvert sur un scanner ou sur
une IRM, de façon fortuite.
Il faut savoir différencier un kyste leptoméningé d’origine congénitale, de sa variante qui est d’origine
traumatique ; dans ce dernier cas, on est en présence d’une fracture
évolutive chez l’enfant, qui peut persister jusqu’à l’âge
adulte.
L’ostéolyse intéresse alors le diploé et les deux tables
osseuses.
+ Hémangiome de la voûte
:
Encore appelé angiome diploïque de la voûte, il est moins fréquent
qu’au niveau du rachis.
Néanmoins, il représente 10 % des tumeurs
primitives bénignes de la voûte, avec un sex-ratio de deux femmes
pour un homme.
La lacune est de taille variable.
Elle contient des spiculations disposées, soit en « nid d’abeille », soit en « rayon de
soleil », bien visible sur des clichés tangentiels ou au
scanner.
L’IRM met en évidence une tumeur diploïque qui est à la
fois en iso- et en hypersignal T1 (du fait de l’existence des fines
travées calcifiées), en hypersignal T2 et qui se rehausse intensément
après injection de gadolinium.
+ Granulome éosinophile
:
Il appartient, avec les maladies de Hand-Schüller-Christian et de
Letterer-Siwe, à la famille des histiocytoses X.
Le granulome
éosinophile est habituellement unique.
Il touche presque
exclusivement les enfants et les jeunes adultes.
Cliniquement, dans
sa localisation crânienne, il entraîne des céphalées plus ou moins associées à une tuméfaction.
Radiologiquement, il s’agit d’une
lacune à l’emporte-pièce, sans réaction condensante périlésionnelle,
et dont la taille varie de 10 à 40 mm.
Le scanner retrouve une lacune, soit à bord biseauté, soit à doubles
contours, avec un centre légèrement hyperdense par rapport à la
substance grise. Un séquestre osseux est classiquement rapporté par
plusieurs auteurs.
En IRM, la lacune histiocytaire est en isosignal T1 et de signal
hétérogène en pondération T2. Après injection, la prise de
gadolinium est plus marquée à la périphérie qu’au centre du
granulome.
+ Sarcoïdose
:
Elle peut exister en l’absence de lésion osseuse au niveau des mains,
mais il existe toujours une ou plusieurs atteintes viscérales associées.
Sur le plan radiologique, les lacunes de la sarcoïdose sont petites,
multiples et sans condensation périphérique.
Elles peuvent atteindre
les tables interne et externe.
+ Kyste anévrismal
:
Il se rencontre chez l’enfant ou l’adulte jeune, avec une légère
prédominance féminine.
Il peut être associé à une lésion
préexistante, bénigne ou maligne.
La lacune est unique, ovalaire ou
polycyclique, avec quelques cloisons délimitant des logettes.
Au scanner, le kyste est diploïque, multiloculaire, de densité
variable.
Il se rehausse après injection à sa périphérie, alors que le
centre reste hypodense.
L’IRM montre une lésion à contours nets, de signal hétérogène, le
centre étant en hypersignal T2, isosignal T1, alors que la périphérie
est en hyposignal T1 et T2 (calcification fine en « coquille
d’oeuf ») ; l’injection de gadolinium montre une prise de contraste,
essentiellement, en périphérie de la tumeur, et une meilleure
visibilité des niveaux liquide-liquide lorsqu’ils existent.
La différenciation entre un kyste anévrismal et une tumeur à cellules
géantes est difficile en imagerie et doit être laissée aux soins de
l’anatomopathologiste.
+ Tumeur à cellules géantes ou à myéloplaxes
:
C’est une tumeur bénigne, rare, de l’adulte jeune, mais capable de
dégénérer au cours de son évolution.
Lorsqu’elle se localise au
niveau du crâne, ses sites de prédilection sont le sphénoïde et le
temporal.
La radiographie du crâne peut montrer, au sein de la
lacune, des travées de refend, avec un aspect soufflé des tables
osseuses (en « bulle de savon »).
L’aspect, au scanner comme en
IRM, est celui d’une tumeur hétérogène avec une composante
nécrotique (hypodense au scanner, hypo-T1, hyper-T2 en IRM) et
une autre tissulaire (isodense, isosignal au parenchyme cérébral
respectivement au scanner et en IRM, avec une prise de contraste
après injection).
+ Autres lacunes tumorales bénignes
:
D’autres tumeurs bénignes peuvent atteindre exceptionnellement la
voûte du crâne, telles que le méningiome intradiploïque,
l’ostéome ostéoïde, le lipome, le lymphangiome kystique,
l’adénome pleiomorphe, le chordome (dans sa topographie
occipitale inférieure).
Les tumeurs d’origine cartilagineuse,
telles que le chondroblastome, le chondrome et le
chondrosarcome malin sont plutôt localisées à la base du crâne et
n’atteignent la voûte que tardivement.
* Tumeurs malignes primitives et hémopathies malignes
:
+ Ostéosarcome ou sarcome ostéogénique
:
Il représente, en termes de fréquence, la seconde tumeur osseuse
maligne primitive après le myélome.
Il siège de préférence sur la
métaphyse des os longs et 2 % des ostéosarcomes seulement
intéressent la voûte du crâne.
Son pic de fréquence se situe à
l’adolescence.
Après 40 ans, les ostéosarcomes sont, soit radio-induits (après
irradiation d’une tumeur cérébrale), soit secondaires à une
dégénérescence d’une maladie de Paget, soit développés sur une
dysplasie fibreuse préexistante.
Sur le plan radiologique, l’ostéosarcome se manifeste par une lacune
unique, aux contours irréguliers et flous, en atteignant et en
détruisant les deux tables.
L’envahissement du scalp et du plan
dural est rapide et important, en donnant un aspect en « feu
d’herbe ».
Le scanner est plus apte que l’IRM pour l’étude des calcifications de
la matrice tumorale, alors que l’IRM analyse mieux l’extension
tumorale au sein du diploé (disparition de l’hypersignal graisseux
physiologique de la moelle, qui est remplacé par un hyposignal T1
tissulaire).
La prise de contraste (iode ou gadolinium) est intense
du fait de l’hypervascularisation tumorale.
+ Sarcome d’Ewing
:
L’atteinte primitive de la voûte est rare dans ce type de réticulosarcome et la réaction périostée habituelle dans les autres
localisations se fait plus discrète au niveau du crâne.
Le mode de révélation clinique n’a rien de spécifique et découle de
la topographie de la tumeur : tuméfaction douloureuse du scalp,
signes neurologiques centraux... ; un cas d’hématome extradural
spontané a été rapporté comme mode de révélation du sarcome
d’Ewing.
Cette tumeur se caractérise par une nature ostéolytique qui confère
à l’os soit un aspect vermoulu (21 %), soit, le plus souvent, l’aspect
d’une vaste lacune (58 %).
Il existe une importante prise de contraste
après injection, ce qui permet de mieux délimiter la tumeur et son
extension épidurale.
+ Fibrosarcome
:
Il s’agit d’une tumeur d’origine fibroblastique et non osseuse,
l’atteinte de la voûte étant secondaire à la lésion du périoste ou de
la dure-mère.
Cette tumeur est, soit primitive, soit secondaire à une lésion
préexistante (maladie de Paget, radiothérapie, tumeurs à cellules
géantes).
Sur le plan radiologique, l’ostéolyse est à l’origine d’une lacune de
grande taille, aux bords très irréguliers, sans ostéocondensation
périlésionnelle.
+ Lymphomes
:
La maladie de Hodgkin touche rarement et de façon tardive le crâne
au cours de l’évolution de la maladie.
Les lacunes sont floues,
irrégulières et confluentes lorsqu’elles sont de petite taille ; si la
lacune est unique, elle est alors de grande taille.
Les lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH) peuvent
aussi avoir comme la maladie de Hodgkin une dissémination
hématogène avec atteintes de la voûte du crâne.
Le diagnostic est
facilité par la notion d’autres localisations thoraciques ou
abdominales.
Les lymphomes primitifs de la voûte sont une entité encore plus
rare au sein des LMNH (2 %).
Histologiquement, il s’agit d’une
infiltration lymphomateuse de type B.
Sur le plan radiologique, la
tumeur, initialement située dans le diploé, va envahir d’abord les
deux tables osseuses, puis le scalp et l’espace extradural.
La prise
de contraste (iode ou gadolinium) de la masse lymphomateuse est
intense.
B - LACUNES PAR CONTIGUÏTÉ TUMORALE
:
1- Tumeurs du cuir chevelu
:
Elles sont dominées par l’épithélioma du cuir chevelu de type spinocellulaire.
De façon exceptionnelle, il peut s’agir d’un
carcinome du follicule pileux ou de ses glandes annexielles.
Sur le plan de l’imagerie, il s’agit d’une tumeur cutanée qui s’étend
rapidement vers la table externe de la voûte.
La lacune a des bords
irréguliers, sans réaction osseuse constructrice périlésionnelle au
stade précoce.
À un stade plus tardif, la table interne et le plan dural
sont atteints.
2- Méningiomes
:
Les méningiomes en « plaques » ou méningiome hyperostosant sont
plus fréquents au niveau de la voûte que ceux en « masse» à
forme ostéolytique.
La table interne est la première à être atteinte par la lyse, ce qui
traduit une propagation transosseuse de la tumeur.
La lacune
constituée présente des contours flous. Une dilatation des sillons
vasculaires à proximité de la lacune est assez pathognomonique de
ce type de tumeur.
Le scanner ou l’IRM sont indispensables au diagnostic positif du
méningiome, en montrant une importante prise de contraste
homogène de la tumeur.
L’IRM couplée à l’angio-RM à flux lents
permet de rechercher l’envahissement éventuel d’un sinus dural.
C - LACUNES INFECTIEUSES
:
Hormis l’ostéite staphylococcique postopératoire du volet et celle
secondaire à une infection locorégionale (sinusite, infection du
scalp), les autres types d’infections touchant la convexité (syphilis,
tuberculose, mycoses, parasitoses) sont exceptionnelles, de nos jours,
du fait du développement des antibiotiques.
L’ostéite bactérienne la plus fréquente à staphylocoque doré est
responsable d’un tableau radiologique différent en fonction du stade
de l’infection : ostéopénie, lacunes régulières, d’abord, isolées,
puis confluentes, association à des foyers condensés irréguliers,
séquestres...
D - LACUNES DES DYSTROPHIES
OU D’ORIGINE ENDOCRINIENNE
:
1- Dystrophies osseuses
:
* Maladie de Paget
:
Cette maladie d’étiologie inconnue se révèle environ dans 10 % des
cas par un syndrome radiologique appelé ostéoporose circonscrite.
L’image lacunaire siège en général en situation frontale ou pariétooccipitale
(une localisation bipolaire est classique).
Ses contours sont
curvilignes, voire polycycliques.
Deux phases distinctes l’une de
l’autre se succèdent et se répètent dans cette maladie : une phase ostéoclastique, suivie d’une phase ostéoblastique.
L’ostéocondensation entraîne de nombreuses opacités floconneuses
(cotton-wool appearance des Anglo-Saxons), visibles sur les
radiographies ou sur le scanner, au sein d’un diploé très
remanié.
Le scanner n’est pas nécessaire pour établir le diagnostic,
mais il reste utile pour l’analyse fine des rochers (chaînes des
osselets) et des trous de la base du crâne, qui peuvent être atteints
dans cette maladie.
L’IRM, grâce aux séquences pondérées T2 avec suppression de
graisse (séquence d’inversion-récupération [STIR] ou turbo spinecho
[TSE] avec saturation de graisse) détecte les zones actives (front
d’ostéolyse) sous la forme d’un hypersignal T2.
L’écho de spin T1
retrouve au même niveau un hyposignal.
Le risque de dégénérescence sarcomateuse de l’os pagétique (0,9 %)
est plus élevé au niveau des os longs qu’au niveau du crâne ; l’IRM
a montré sa nette supériorité dans le diagnostic du sarcome
ostéogénique par rapport à la radiographie du crâne et au scanner,
grâce à une meilleure délimitation de la lésion et de son extension
méningée (sous- ou extradurale).
* Dysplasie fibreuse
:
Il s’agit d’une affection du sujet jeune (par opposition à la maladie
de Paget), caractérisée par un envahissement du tissu osseux
normal par du tissu fibreux au sein duquel existent des travées
osseuses en proportion variable.
La dysplasie peut affecter un ou
plusieurs os.
Elle a, dans ce dernier cas, une prédominance
unilatérale.
À la radiographie, la lacune est ovalaire avec des
contours nets et une sclérose périlésionnelle.
Le scanner confirme les données apportées par les clichés
tangentiels, en montrant l’aspect « soufflé » de la table externe.
La dysplasie fibreuse dans sa forme lacunaire a un tropisme
pour l’os frontal.
Les formes condensantes associées sont fréquentes.
En IRM, la lésion osseuse dysplasique est en hyposignal T1, de
signal hétérogène en T2 (fibrose et travées osseuses calcifiées) et se
rehausse après injection de gadolinium.
* Neurofibromatose de von Recklinghausen
:
L’atteinte lacunaire de la voûte est rare dans cette maladie à
transmission autosomique dominante.
Elle réalise une ou plusieurs
lacunes entourées d’un liseré d’ostéosclérose, à proximité de la
suture lambdoïde.
2- Ostéopathies endocriniennes
:
* Ostéose parathyroïdienne
:
Cette affection est due aux conséquences d’une augmentation du
taux de parathormone (PTH), qu’elle soit d’origine primaire comme
dans l’adénome parathyroïdien, ou secondaire à une insuffisance rénale chronique.
Les atteintes osseuses existent dans 30 % des cas
d’hyperparathyroïdie (primaire ou secondaire), dont seuls 50 %
d’entre eux ont une localisation au niveau du crâne.
Sur les radiographies, la résorption trabéculaire au niveau de la
voûte entraîne une perte de la distinction entre table interne et table
externe, ainsi qu’un aspect d’ostéoporose « granuleuse »
(lacunes disséminées, de petite taille).
À côté de ces microlacunes
peuvent coexister des lacunes plus volumineuses, voire des tumeurs
appelées tumeurs brunes de l’hyperparathyroïdie.
* Ostéose thyroïdienne
:
L’aspect est assez superposable à l’ostéose parathyroïdienne, sauf
que l’ostéopénie apparaît tardivement dans l’évolution de
l’hyperthyroïdie.
Le diagnostic est biologique, tout comme celui de
l’hyperparathyroïdie.
* Maladie de Cushing
:
Elle peut entraîner une ostéopénie, avec un aspect microgéodique
de la voûte.
Lacunes physiologiques
:
A - FOSSETTES DE PACCHIONI
:
Il s’agit d’évaginations arachnoïdiennes contenant des granulations
de Pacchioni, à travers la table interne de l’os.
Elles siègent de part
et d’autre du sinus longitudinal supérieur dès l’âge de 10 ans.
Elles présentent un contour supérieur net, sur des clichés
non tangentiels, alors que le bord inférieur est flou.
La sémiologie en IRM des fossettes de Pacchioni doit être connue
afin de ne pas les confondre, sur un examen fait pour d’autres
motifs, avec des lésions tumorales.
Elles se présentent, au sein d’une
petite dépression de la table interne, en hypersignal T2, isosignal T1
et prenant le contraste de façon périphérique, après injection de
gadolinium.
B - LACS VEINEUX DIPLOÏQUES
:
Ils sont constitués par une anastomose veineuse intradiploïque ou
par l’abouchement d’une veine émissaire avec un sinus veineux.
L’aspect radiologique est celui de lacunes situées sur le trajet de
veines diploïques.
C - TROUS PARIÉTAUX DE BONNAIRE
OU FORAMEN PARIÉTAUX
:
Ces foramen pariétaux, que l’on appelle à juste titre les foramen de Santorini (à cause des veines émissaires du même nom qui les traversent pour relier le sinus longitudinal supérieur aux réseaux
veineux du scalp), ont normalement deux types de diamètre :
– un petit diamètre de 2 mm, ce qui est le plus fréquent ;
– un grand diamètre de 1 à 8 cm.
Radiologiquement, ces trous pariétaux ne sont visibles que dans la
seconde catégorie.
Ils se présentent sous la forme de lacunes
arrondies ou ovalaires, pariétales postérieures.
Lacunes congénitales
:
Nous allons regrouper sous ce terme trois entités habituellement
diagnostiquées chez l’enfant, mais dont certaines peuvent passer
inaperçues à cet âge.
A - MÉNINGOCÈLE ET MÉNINGOENCÉPHALOCÈLE
:
Il s’agit d’une dysraphie de la ligne médiane, siégeant le plus
souvent au niveau de l’os occipital (70 %).
Ce defect osseux de
la voûte peut être le siège d’une hernie de méninges (méningocèle)
ou de méninges et de parenchyme cérébral (méningoencéphalocèle).
La radiographie du crâne montre une lacune à bords nets, sans
ostéosclérose périphérique.
Le scanner ou l’IRM doivent compléter le bilan de ce type
d’anomalie congénitale.
L’IRM est la seule technique capable
d’analyser le contenu exact de ce kyste.
B - SINUS PERICRANII
:
C’est une communication, via une lacune médiane, entre
le sinus longitudinal supérieur et un peloton de vaisseaux sanguins
au-dessus de la table externe.
Le scanner,comme l’IRM,
visualise une importante prise de contraste de la lésion.
C - SINUS DERMIQUE CONGÉNITAL
:
On le rencontre à tout âge en situation occipitale, sous la forme
d’un orifice cutané, communicant par un tractus fistuleux avec
l’espace périencéphalique.
La radiographie objective la lacune osseuse (sur le trajet de la
fistule).
L’IRM est là aussi nécessaire à titre préopératoire, en
décrivant les rapports de la fistule, mais surtout afin de faire le bilan
d’éventuelles malformations associées.
Conclusion
:
La bonne connaissance des simples anomalies de la voûte, d’origine
congénitale banale, sinon physiologique doit permettre au radiologue
d’être relativement sûr de son diagnostic dès qu’une anomalie osseuse
est détectée.
Sa mise en évidence est établie de façon très variable en fonction d’une
clinique précise ou d’un simple bilan systématique.
En pratique, il convient d’insister sur les grandes circonstances
pathologiques en routine quotidienne des anomalies de la voûte chez le
sujet adulte : hémopathies et surtout myélome multiple ; localisations
secondaires métastatiques.
Le plus souvent, TDM et IRM vont se révéler complémentaires de
l’analyse lésionnelle et orientent d’emblée vers une étiologie précise,
basée avant tout sur l’état clinique et les explorations complémentaires
autres, en particulier biologiques.
À ce jeu, la radiologie standard ne
représente plus que l’étape initiale des investigations neuroradiologiques
dès qu’une lyse osseuse suspecte est mise en évidence.