Nous distinguerons dans ce chapitre les obstacles à l’éjection
ventriculaire, dominés par les sténoses aortiques orificielles et la
coarctation de l’aorte, et les obstacles au remplissage ventriculaire, de
siège supramitral ou mitral, auxquels on peut rattacher l’hypoplasie du
coeur gauche.
Obstacles à l’éjection ventriculaire
:
A - Rétrécissements aortiques
:
Ils constituent un obstacle fixe et permanent à la sortie du ventricule
gauche.
On distingue, selon le siège de cette obstruction, les sténoses
aortiques valvulaires, les plus fréquentes, les formes sous-valvulaires et
supravalvulaires.
Ces lésions représentent 5 à 6 % de l’ensemble des cardiopathies
congénitales en Europe et enAmérique du Nord.
Les formes valvulaires
représentent environ deux tiers des cas et s’observent trois à quatre fois
plus souvent dans le sexe masculin.
Les formes sous-valvulaires représentent 20 à 25 % des cas.
La
prédominance masculine est moins nette : deux garçons pour une fille.
Les formes supravalvulaires sont les plus rares (10 % des cas) et sont
fréquemment associées au syndrome deWilliams et Beuren.
L’échocardiographie a beaucoup fait progresser leur diagnostic.
Leur
traitement est à présent bien codifié, visant à lever l’obstruction dans les
formes serrées afin de prévenir la mort subite et/ou la défaillance
cardiaque.
1- Anatomie pathologique
:
La topographie des lésions est à la base de la classification anatomoclinique.
* Sténoses valvulaires
:
Elles sont en rapport avec une symphyse des commissures valvulaires.
L’orifice peut être tricuspide, bicuspide ou monocuspide.
La forme sur
bicuspidie est la plus fréquente : les deux valves sigmoïdes sont
inégales, séparées par deux commissures partiellement soudées limitant
un orifice franchement excentré.
En systole, les valves forment un dôme dont le sommet est percé d’un
gicleur.
L’aorte ascendante est dilatée et il y a sur l’endartère une lésion
de « jet » à l’endroit où le sang sous pression vient frapper la paroi
aortique.
Dans cette forme, les valves sont généralement continentes.
Au fil des
années, elles perdent de leur souplesse, s’épaississent et peuvent, après
l’âge de 15 ans, se calcifier.
L’insuffisance aortique devient alors
fréquente.
Il existe des formes associées à une hypoplasie de l’anneau aortique qui
complique évidemment la thérapeutique.
* Sténoses sous-valvulaires
:
La forme la plus fréquente est la forme membraneuse : une membrane
semi-lunaire située à moins de 1 cm de l’orifice valvulaire s’insère à la
fois sur la paroi libre du ventricule gauche et sur la partie inférieure de la
grande valve mitrale.
Les valves aortiques sont souvent le siège d’une
lésion de « jet » à leur face inférieure qui peut, à la longue, entraîner
l’apparition d’une fuite.
Les autres formes sont moins fréquentes : sténoses fibreuses constituées
d’un bourrelet fibreux plus épais que la membrane et plus étendu en
hauteur ; sténoses fibromusculaires constituées de masses polypoïdes
irrégulières ; sténoses en « tunnel » constituées d’un chenal fibreux
rigide et étroit ; tissu mitral « accessoire » venant obstruer la chambre
de chasse.
À noter enfin que ces formes sous-valvulaires sont fréquemment
associées (25 % des cas) à d’autres malformations cardiaques
(communication interventriculaire, canal artériel, coarctation, sténose
aortique...).
* Sténoses supravalvulaires
:
L’obstacle siège 1 à 2 cmau-dessus du sinus de Valsalva et peut revêtir
plusieurs aspects :
– sténoses en « sablier » : il existe un bourrelet fibreux qui diminue le
calibre extérieur de l’aorte et plus encore son diamètre interne ;
– sténoses en diaphragme membraneux, plus rares ;
– hypoplasie diffuse de l’aorte ascendante réduisant globalement le
calibre du vaisseau au-delà des sinus de Valsalva dilatés.
Cette forme
s’associe fréquemment à des sténoses de l’origine des gros vaisseaux de
la base et à un syndrome deWilliams et Beuren.
Dans ces sténoses sus-valvulaires, les coronaires situées en amont de la
sténose sont soumises à un régime de pressions élevées et sont souvent
dilatées et tortueuses.
2- Physiopathologie
:
La présence d’un obstacle à l’éjection ventriculaire gauche détermine
des réactions d’adaptation du ventricule gauche sous forme d’une
hypertrophie le plus souvent concentrique des parois.
Le volume télédiastolique se réduit du fait de l’hypertrophie pariétale.
La
contractilité augmente.
À l’effort, la pression systolique s’élève de façon parfois considérable
dans le ventricule gauche.
La fréquence cardiaque s’élève
proportionnellement davantage pour un même niveau d’effort.
La conséquence est l’apparition d’une ischémie myocardique, lorsque
les besoins en oxygène du myocarde dépassent les apports.
Ceux-ci
dépendent de la perfusion coronaire qui se fait essentiellement en
diastole.
Elle est diminuée par la tachycardie, l’augmentation de la
pression intramurale, l’hypertrophie des parois.
Cette ischémie myocardique d’effort peut être à l’origine de douleurs
thoraciques, voire de syncopes ou de mort subite.
Dans les formes très serrées du nouveau-né ou du nourrisson, ces
réactions d’adaptation peuvent ne pas se produire.
Très rapidement
apparaît une dysfonction ventriculaire gauche avec diminution de la
contractilité, absence d’hypertrophie réactionnelle des parois et
dilatation de la cavité.
Le patient présente des signes d’insuffisance
ventriculaire gauche.
En l’absence de levée rapide de l’obstacle, le
pronostic est très sombre.
3- Signes cliniques
:
En dehors des formes sévères du nourrisson, la plupart des sténoses
aortiques sont très bien tolérées au cours de la première et de la seconde
enfances.
Dans les formes serrées, on observe parfois fatigabilité
d’effort anormale, dyspnée, syncope ou lipothymie.
L’examen clinique est dominé par le souffle systolique d’éjection
souvent intense et frémissant, maximal à la base et irradiant vers les
vaisseaux du cou.
On peut retrouver également un souffle protodiastolique de fuite.
Dans les formes valvulaires, le souffle est
précédé d’un click protosystolique.
4- Explorations complémentaires
:
La radiographie thoracique standard s’avère souvent de peu de secours.
L’hypertrophie ventriculaire gauche, de type concentrique, est souvent
peu apparente.
La dilatation de l’aorte ascendante s’observe presque
uniquement dans les formes valvulaires.
L’échocardiographie, couplée au doppler pulsé, continu et à
codage couleur, est l’examen clef : il fait le diagnostic positif et
topographique de l’obstacle ; il apprécie le retentissement de la sténose
sur le ventricule gauche et sa sévérité.
Il dépiste les anomalies
associées.
Dans les formes valvulaires, les sigmoïdes aortiques s’ouvrent de façon
incomplète, réalisant un dôme dans la lumière aortique en systole.
Elles
sont souvent épaissies.
On pourra, sur une incidence petit axe, essayer
de préciser l’anatomie de l’appareil valvulaire : aspect bicommissural
avec une seule ligne de fermeture le plus souvent excentrée dans la
bicuspidie.
Le doppler à codage couleur montre l’accélération du flux
au niveau de la valve.
Dans les sténoses sous-valvulaires, il existe une image d’addition dans
la voie de chasse du ventricule gauche.
La forme la plus fréquente,
membraneuse, réalise un écho linéaire implanté au niveau de la face
gauche du septum interventriculaire, quelques millimètres sous les
sigmoïdes.
La sténose fibreuse réalise un bourrelet plus dense et plus
épais.
La sténose en « tunnel » se caractérise par un rétrécissement
allongé dans la chambre de chasse du ventricule gauche.
Dans la forme supravalvulaire, les sinus deValsalva sont souvent dilatés,
les valves normales, et il existe une diminution de calibre de l’aorte
ascendante plus ou moins étendue jusqu’à l’origine des troncs
supra-aortiques.
Le retentissement et la gravité de la sténose sont appréciés sur
l’importance de l’hypertrophie du ventricule gauche, l’augmentation
des indices de contractilité.
La détermination du gradient sera effectuée par le doppler à codage
couleur continu.
Le site de mesure varie avec le siège de la sténose : suprasternal ou latérosternal droit dans les formes valvulaires ou
supravalvulaires ; apical dans les formes sous-valvulaires.
On mesure
ainsi de manière fiable et précise le gradient maximal et le gradient
moyen.
Le cathétérisme et l’angiocardiographie ne sont indiqués que si
l’échocardiographie fournit des renseignements insuffisamment précis
ou si l’on envisage un cathétérisme interventionnel.
Il est parfois
indispensable dans les formes supravalvulaires pour apprécier
exactement l’étendue des lésions sur la crosse aortique et sur les
vaisseaux de la base.
5- Traitements
:
Les méthodes et les indications thérapeutiques diffèrent totalement selon
le siège de l’obstacle.
Dans les sténoses valvulaires, il faut s’efforcer à tout prix de conserver
la valve.
Le remplacement valvulaire aortique doit être évité chez
l’enfant car il impose un traitement anticoagulant et surtout, si le
remplacement est effectué précocement, un changement de prothèse
avec la croissance.
Les bioprothèses sont définitivement abandonnées
en raison de leur détérioration très rapide à cet âge.
La levée de l’obstacle nécessite une commissurotomie.
Elle peut être
faite chirurgicalement sous circulation extracorporelle par une courte aortotomie.
Ce geste est effectué sous contrôle de la vue, de façon
minutieuse et prudente, pour éviter l’apparition d’une fuite aortique.
Les
résultats sont très généralement excellents et la mortalité très faible.
L’autre méthode est la valvuloplastie percutanée au ballonnet.
Elle a
pour avantage de dispenser d’une thoracotomie et d’une circulation extracorporelle, mais effectue une commissurotomie « à l’aveugle » qui
fait courir un risque élevé de déchirure de la valve aortique, génératrice
de fuite souvent importante.
À l’heure actuelle, on a tendance à réserver la valvuloplastie percutanée
aux formes mal tolérées du nourrisson ou du nouveau-né où la mortalité
de la chirurgie est élevée.
Les formes de l’enfant sont confiées de
préférence aux chirurgiens.
La commissurotomie doit être considérée comme un traitement
palliatif : une « resténose » ou une fuite se constitue plus ou moins
rapidement dans les mois ou les années qui suivent le geste initial, et
obligent généralement à recourir au remplacement valvulaire.
D’autres gestes chirurgicaux associés sont parfois nécessaires : plastie
d’élargissement de l’anneau selon la technique de Konno ; en cas de
lésion très sévère de la valve, réalisation de l’intervention de Ross, c’est-à-dire autotransplantation de la valve pulmonaire en position aortique et
mise en place d’une homogreffe en position pulmonaire.
Les indications de ces traitements sont formelles en cas de sténose
symptomatique à l’effort, de dysfonction ventriculaire gauche chez le
nouveau-né et le nourrisson.
Les formes asymptomatiques mais serrées (gradient moyen égal ou
supérieur à 50 mmHg, apparition de signes d’ischémie myocardique à
l’épreuve d’effort) nécessitent la levée systématique de l’obstacle
valvulaire pour prévenir tout accident, notamment mort subite à l’effort.
Les sténoses sous-valvulaires.
Ces formes ne sont accessibles qu’à la
chirurgie.
L’intervention consiste à réséquer l’obstacle sous-valvulaire
par aortotomie sous circulation extracorporelle.
Ce geste est
relativement aisé dans les formes localisées de type membraneux ou
fibreux.
Il est difficile, voire quasi impossible, dans les formes étendues
en « tunnel ».
Il est parfois nécessaire de réaliser une chirurgie palliative
telle l’implantation d’un tube de dérivation apicoaortique.
Les indications de la chirurgie sont plus larges que dans les formes
valvulaires.
On craint en effet, dans cette malformation, la survenue
progressive d’une détérioration des valves aortiques avec apparition
d’une fuite qui complique bien sûr le traitement.
Pour beaucoup
d’auteurs, une sténose sous-valvulaire aortique membraneuse doit être
réséquée dès qu’elle réalise un gradient moyen égal ou supérieur à
30 mmHg.
Les résultats sont bons et la mortalité très faible.
Les sténoses supravalvulaires relèvent également de la chirurgie sous
circulation extracorporelle : résection du diaphragme ; aortoplastie
d’élargissement de l’aorte ascendante ; correction d’éventuelles
sténoses ostiales coronaires.
B - Coarctation de l’aorte
:
La coarctation de l’aorte (ou sténose isthmique) se définit comme un
obstacle anormal organique sur l’aorte situé à l’union de la crosse
aortique et de l’aorte descendante, au voisinage du point d’attache du
ligament artériel.
Il existe également des coarctations d’autres sièges,
notamment au niveau abdominal, qui sont beaucoup plus rares et qui ne
seront pas traitées ici.
La coarctation est une malformation fréquente : 5 à 9 % des
cardiopathies congénitales.
Elle s’observe avec une particulière fréquence dans le syndrome de
Turner (25 % des cas).
Elle est fréquemment associée à d’autres malformations : défauts
septaux interventriculaires, malformation mitrale ou valvulaire aortique,
cardiopathies complexes.
C’est une malformation grave.
Elle doit être dépistée et traitée le plus
précocement possible chez l’enfant pour prévenir des complications
liées à l’hypertension artérielle.
On peut mettre en jeu le pronostic vital
du nourrisson. Les progrès de la réanimation et de la chirurgie néonatale
ont toutefois beaucoup amélioré le pronostic.
1- Anatomie pathologique et morphogenèse
:
La coarctation réalise le plus souvent un rétrécissement circulaire audessous
de l’origine de l’artère sous-clavière gauche.
À l’intérieur, il
existe un diaphragme fibreux percé d’un orifice généralement excentré,
parfois complètement imperforé.
En aval de la sténose, l’aorte est
généralement dilatée avec une lésion de jet.
En amont, une hypoplasie
tubulaire de l’aorte horizontale plus ou moins étendue peut être associée.
La morphogenèse de la coarctation n’est pas bien connue.
Elle ferait
intervenir une hypoplasie de la région isthmique constituée pendant la
période anténatale, à la suite d’une réduction du débit aortique.
L’hypoplasie de la crosse aortique est en effet fréquemment constatée
dans les coarctations néonatales associées à une large communication interventriculaire ou une sténose sous-aortique.
Lors de
l’échocardiographie anténatale, c’est souvent une disproportion
cardiaque avec petit coeur gauche qui en permet parfois le dépistage.
En période postnatale, la constriction du canal artériel sera responsable
de la constitution de la sténose isthmique liée à la présence de tissu ductal dans la paroi aortique.
2- Physiopathologie
:
La coarctation réalise une interruption plus ou moins importante du flux
sanguin dans la partie inférieure du corps.
On observe une hypertension
artérielle au niveau des membres supérieurs et de la région céphalique
contrastant avec une hypotension au niveau des membres inférieurs.
Cette particularité hémodynamique constitue l’élément essentiel du
diagnostic, l’asymétrie de pulsatilité.
L’importance du retentissement hémodynamique va être très différente
selon la sévérité de l’obstacle, sa rapidité de constitution, l’âge du patient
et l’existence de malformations associées.
Dans la forme de l’enfant, le ventricule gauche s’adapte à la surcharge
de pression par hypertrophie de ses parois et augmentation de sa
contractilité. Une circulation collatérale se développe entre les artères périscapulaires et mammaires, épigastriques et intercostales.
Chez le nourrisson, l’obstacle est de constitution plus rapide et souvent
de gravité plus grande.
Ces conséquences sont aggravées, d’une part par
la fréquence de l’association à une hypoplasie aortique, d’autre part de
malformations associées (shunt gauche/droite, anomalie mitrale ou
valvulaire aortique).
Les capacités d’adaptation du ventricule gauche se
trouvent rapidement débordées et il apparaît une insuffisance cardiaque
souvent aiguë et gravissime.
Les formes de l’adulte sont devenues rarissimes.
Elles se caractérisent
par l’importance de la circulation collatérale, des lésions
d’athérosclérose précoces au niveau des parois aortiques susstricturales,
le développement d’anévrismes artériels en amont et en aval
de la sténose ou parfois à distance, notamment au niveau du polygone
deWillis.
3- Formes de l’enfant
:
* Clinique
:
Dans ces formes, la bonne tolérance fonctionnelle est la règle.
L’anomalie est souvent découverte fortuitement devant un souffle, une
hypertension artérielle, ou une asymétrie de pulsatilité : les fémorales
ne sont pas ou peu battantes alors que les humérales sont amples.
Le
souffle est discret, maximal dans l’espace interscapulaire, systolique ou
continu.
La tension artérielle est élevée aux deux membres supérieurs,
d’autant plus que le patient est plus âgé et la coarctation plus serrée.
* Explorations complémentaires
:
L’examen radiologique du thorax fournit des signes de valeur mais
inconstants : anomalie du pédicule vasculaire réalisant une image en
« cheminée » ou en « double bouton » aortique, dont la partie supérieure
correspond à la zone sus-sténotique et la partie inférieure à la dilatation
sous-sténotique de l’aorte.
Les encoches costales témoignant du
développement anormal des artères intercostales sont tardives.
Elles se
recherchent sur le bord inférieur du tiers moyen de l’arc postérieur d’une
ou plusieurs côtes, le plus souvent de la quatrième à la huitième.
L’hypertrophie ventriculaire gauche n’est pas constante.
On note parfois
une dilatation de l’aorte ascendante.
L’échographie bidimensionnelle permet de voir la coarctation de
l’aorte par voie suprasternale et de préciser les anomalies adjacentes de
la crosse aortique.
Le doppler montre une accélération du flux dans
l’aorte descendante, de chronologie systolodiastolique lorsque la
coarctation est serrée et permet de calculer le gradient de pression au
travers la coarctation en appliquant l’équation de Bernouilli simplifiée.
Toutefois, certaines divergences sont observées avec les résultats de
l’hémodynamique.
On apprécie également le retentissement sur le
ventricule gauche (importance de l’hypertrophie réactionnelle, des
anomalies associées notamment au niveau de la valve aortique).
Il n’est toutefois pas toujours possible, surtout chez l’adolescent et
l’adulte, d’obtenir des images de qualité satisfaisante.
On est contraints
de recourir à d’autres techniques, notamment l’imagerie par résonance
magnétique (IRM).
Les images morphologiques obtenues par la
technique d’« écho de spin » peuvent décrire parfaitement la crosse
aortique à condition que le plan de coupe passe bien par la coarctation et
les segments adjacents, ce qui est parfois difficile en cas de forte coudure
de la région isthmique.
Le cathétérisme et l’angiocardiographie conservent un certain intérêt
dans le bilan préopératoire.
L’examen peut être conduit par voie droite
en réalisant une angiographie pulmonaire, ou par cathétérisme gauche
par voie artérielle rétrograde.
On parvient généralement à franchir la
sténose.
On peut alors mesurer le gradient de part et d’autre de l’obstacle, qui n’a d’ailleurs qu’une valeur relative car dépendant
largement du développement de la circulation collatérale.
L’angiocardiographie effectuée dans l’aorte ascendante permet une
étude très fine des lésions de l’isthme aortique, de l’importance de la
circulation collatérale, et d’éventuelles anomalies associées (naissance
anormale d’une artère sous-clavière au-dessous de la coarctation).
* Traitement
:
Toute coarctation hémodynamiquement significative doit être opérée.
On met ainsi le patient à l’abri des complications, notamment de
l’hypertension artérielle. Une intervention précoce idéalement entre
6 mois et 2 ans diminuerait le risque d’hypertension artérielle résiduelle.
La technique la plus habituelle est celle décrite par Crafoord : résection
de la coarctation et suture terminoterminale des deux tranches de section
aortique.
La mortalité et la morbidité de cette intervention sont très
faibles.
Ces bons résultats chez l’enfant sont la règle.
L’angioplastie percutanée des coarctations isthmiques « natives » reste
encore très controversée.
Cette technique fait en effet courir le risque de
constitution d’un anévrisme, voire d’une rupture de la paroi aortique.
4- Formes du nourrisson
:
On décrit sous ce terme les coarctations précocement mal tolérées du
nouveau-né et du nourrisson.
La gravité de ces formes tient à la sévérité
de la sténose, à l’association fréquente à une hypoplasie de l’arche
aortique, aux mauvaises capacités d’adaptation ventriculaire, ainsi qu’à
la fréquence des malformations associées.
* Clinique :
C’est presque toujours devant un tableau d’insuffisance cardiaque grave
que se révèle la maladie.
Il s’agit d’une défaillance globale, avec
détresse respiratoire, hépatomégalie, insuffisance rénale, qui s’aggrave
rapidement pouvant mener au collapsus et à la mort.
Le diagnostic n’est pas toujours facile : le gradient tensionnel peut
manquer ; la palpation des pouls est difficile et trompeuse chez un
nourrisson en insuffisance cardiaque.
Cependant, l’asymétrie de pulsatilité est presque toujours présente.
* Explorations
:
La radiographie thoracique révèle une cardiomégalie globale, une hypervascularisation pulmonaire associée à des signes d’oedème.
L’échocardiographie doppler est essentielle pour confirmer le
diagnostic.
Elle montre la coarctation de l’aorte, détermine sa position
par rapport au canal artériel et aux artères sous-clavières, précise le degré
d’hypoplasie tubulaire segmentaire de la portion horizontale.
Le doppler
évalue la perméabilité du canal artériel et permet d’en surveiller
l’évolution sous l’effet des prostaglandines.
Elle renseigne sur le degré
d’altération de la fonction ventriculaire gauche et surtout l’existence des
malformations associées.
Le cathétérisme et l’angiocardiographie ne sont pas dénués de risque sur
un tel terrain.
Ils sont exceptionnellement pratiqués.
* Traitement
:
La première étape du traitement est médicale : correction des troubles
métaboliques, traitement diurétique et tonicardiaque, ventilation
assistée.
La perfusion de prostaglandines E a transformé le pronostic des
formes néonatales.
Elles agissent en provoquant la réouverture du canal
artériel mais probablement aussi, dans certains cas, au niveau du tissu ductal migrant dans la paroi aortique.
L’amélioration obtenue permet de confier l’enfant au chirurgien dans de
meilleures conditions.
L’intervention consiste à supprimer le canal
artériel et à réséquer la coarctation.
Elle doit être effectuée de façon à
supprimer tout le tissu ductal pour éliminer les risques de récidive.
En cas d’hypoplasie de la région isthmique, on peut utiliser un lambeau d’artère sous-clavière gauche sectionné et basculé de façon à élargir
l’isthme (intervention de Waldausen).
L’hypoplasie de la portion
horizontale peut justifier une plastie d’élargissement.
La mortalité de cette chirurgie n’est pas négligeable en raison de la
fragilité extrême de ces nourrissons, surtout dans les premières
semaines.
Elle dépend largement des malformations associées.
Elle est
en moyenne de 15 à 20 %, mais inférieure à 10 % pour les formes
simples.
À distance, la resténose représente la complication principale,
notamment chez les enfants opérés avant 3 mois.
Sa fréquence est
actuellement en diminution, estimée aux alentours de 15 %.
Le
traitement de choix en est l’angioplastie par voie percutanée, effectuée
si possible 2 à 3 mois après l’intervention initiale.
Ses bons résultats sont
constants et ses risques très faibles.
C - Interruption de l’arche aortique
:
Malformation rare (moins de 1 % des cardiopathies congénitales) mais
importante à connaître car réalisant une des situations les plus critiques
de la cardiologie néonatale, l’interruption de l’arc aortique est
caractérisée par une interruption complète de la lumière aortique entre
l’aorte ascendante et l’aorte descendante.
Dans l’immense majorité des cas elle s’associe à une communication interventriculaire, ce qui l’apparente à une forme extrême du syndrome
de coarctation, mais celle-ci est particulière car elle réalise un obstacle
sous-aortique par malalignement du septum infundibulaire sous l’aorte.
La perfusion de l’aorte sous-isthmique est totalement dépendante du
canal artériel, et l’obstacle sous-aortique aggrave l’hypertension
artérielle pulmonaire et complique le traitement.
Elle est fréquemment associée à un syndrome de Di George.
1- Anatomie pathologique
:
Les interruptions de l’arc aortique sont classées en fonction du siège de
l’interruption : type A où l’interruption siège après l’artère sousclavière
gauche ; type B où elle siège après la carotide gauche ; type C
(la plus rare) où elle siège après la carotide droite.
Chacun de ces types est subdivisé en deux groupes selon que l’artère
sous-clavière droite naît normalement (groupe 1) du tronc artériel
brachiocéphalique, ou naît de l’aorte thoracique descendante et a ainsi
un trajet rétro-oesophagien (groupe 2).
Les anomalies associées sont surtout la communication interventriculaire et l’obstacle sous-aortique qui lui est généralement
associé.
En effet, en dehors de quelques cas exceptionnels où le
septum interventriculaire est intact, l’interruption de l’arc aortique
s’accompagne d’une communication interventriculaire antérieure
périmembraneuse accompagnée d’un déplacement du septum
infundibulaire vers la gauche responsable d’une obstruction
sous-aortique.
L’interruption de l’arc aortique peut être associée à une fenêtre aortopulmonaire.
Plus rarement, elle est associée à des malformations
complexes avec malposition des gros vaisseaux, ventricule unique ou
canal atrioventriculaire, mais toujours avec un obstacle sous-aortique.
2- Physiopathologie
:
C’est une malformation qui détermine une hypertension artérielle
pulmonaire sévère et une obstruction aortique dont la tolérance dépend
essentiellement de la perméabilité du canal artériel.
Lorsque le canal artériel commence à se fermer, une hypotension
apparaît dans l’aorte descendante avec hypoperfusion rénale.
Tant que
la perfusion de l’aorte descendante est suffisante pour oxygéner les
territoires sous-isthmiques, il n’y a pas d’acidose métabolique, mais une
défaillance cardiaque apparaît avec disparition des pouls aux membres
inférieurs et parfois aux membres supérieurs.
Cette situation ne dure en
général que quelques heures ou quelques jours.
Lorsque le canal artériel est fermé, l’effondrement de la pression dans
l’aorte descendante provoquera une acidose métabolique avec altération
de la fonction myocardique et vasoconstriction artériolaire pulmonaire.
À ce stade survient une déchéance pluriviscérale souvent fatale si le
canal artériel n’est pas redilaté en urgence par une perfusion de
prostaglandines E1.
3- Clinique
:
L’examen clinique oriente le diagnostic sur la constatation, chez un
nouveau-né, d’une défaillance cardiaque sans cyanose avec une
asymétrie des pouls.
Celle-ci dépend de la forme anatomique et de la
perméabilité du canal artériel.
En cas de fermeture totale ou complète
du canal artériel, les pouls ne sont pas perçus aux membres inférieurs,
mais ils ne le sont pas non plus aux membres supérieurs, si les artères
sous-clavières naissent de l’aorte descendante (type B 2).
Dans tous les
cas, la carotide droite est palpable, ce qui différencie la clinique de
l’interruption de l’arc aortique de celle de l’hypoplasie du coeur gauche.
4- Explorations complémentaires
:
La radiographie pulmonaire est peu spécifique, avec une cardiomégalie
modérée et une hypervascularisation pulmonaire.
Elle est évocatrice de
l’interruption de l’arc aortique s’il n’y a pas d’ombre thymique, ce qui
oriente vers le syndrome de Di George.
L’examen ultrasonique est aujourd’hui essentiel et, dans la majorité des
cas, suffisant pour permettre le diagnostic précis de l’interruption de
l’arc aortique.
L’échocardiographie permet de faire le bilan anatomique des lésions et
le doppler apprécie le sens des flux et les gradients de pression à travers
la sténose sous-aortique, la communication interventriculaire et le canal
artériel.
Sur les coupes longitudinales précordiales ou sousxiphoïdiennes,
on voit très bien la communication interventriculaire
haute et surtout le malalignement du septum conal sous l’aorte.
Au-delà du rétrécissement, l’aorte est toujours hypoplasique avec un petit anneau
aortique, des valves souvent dysplasiques et bicuspides, et une aorte
ascendante très rectiligne, n’amorçant aucune courbure, et donnant
naissance à une seule carotide (type C) ou se bifurquant en deux
carotides.
Il faut alors rechercher l’artère sous-clavière gauche qui peut naître de
l’aorte ascendante au pied de la carotide gauche (type A) ou de l’aorte
descendante à la jonction avec le canal artériel (type B).
L’origine de l’artère sous-clavière droite est plus délicate à retrouver en
échographie.
Il faut aussi préciser la taille du ventricule gauche, l’aspect
de la valve mitrale et de son appareil sous-valvulaire.
On vérifie
également l’absence de communication interventriculaire du septum
trabéculé au doppler couleur.
Enfin, on peut apprécier le calibre du canal
artériel, et au doppler l’absence de gradient entre celui-ci et l’aorte
descendante en recueillant le signal doppler pulsé dans l’aorte
descendante.
Dans l’artère pulmonaire un flux diastolique provenant du
canal artériel témoigne du reflux du sang à partir de l’aorte descendante
vers le lit vasculaire pulmonaire à résistances plus basses.
La mesure de
sa vélocité fournit des indications sur la pression artérielle pulmonaire.
Le cathétérisme et l’angiographie ne sont pratiqués qu’en cas de doute
après l’échocardiographie doppler et chez un nouveau-né remis en état
hémodynamique stable par une perfusion de prostaglandine E1.
Le
cathétérisme renseigne sur l’hémodynamique et mesure avec précision
les gradients à travers la zone sous-aortique et le canal artériel.
Il chiffre
mieux le débit pulmonaire. L’angiographie identifie parfaitement le type
anatomique de l’interruption de l’arc aortique en injectant directement
dans l’aorte ascendante atteinte à partir du ventricule droit par la
communication interventriculaire.
L’angiographie du ventricule
gauche atteint par le foramen ovale confirme que la communication interventriculaire est bien unique avec un rétrécissement sous-aortique.
5- Traitement
:
Il doit être commencé en urgence, avant même la confirmation échocardiographique du diagnostic.
Ce traitement comprend avant
tout la perfusion de prostaglandine E1 pour rétablir la perfusion sousisthmique
en dilatant le canal artériel. Une vasodilatation complète du
canal artériel est quasi constante, car une fermeture organique n’a
pratiquement jamais le temps de s’installer.
Le reste du traitement est
symptomatique et comprend la ventilation artificielle en pression
positive constante, des diurétiques pour combattre l’oedème pulmonaire,
la correction de l’acidose métabolique et le maintien d’une oxygénation
tissulaire optimale par transfusion globulaire.
Le but est d’amener le
nouveau-né à la chirurgie dans les meilleures conditions possibles, en
sachant qu’une attente trop prolongée s’accompagnera d’une surcharge
pulmonaire due à la baisse des résistances vasculaires pulmonaires.
Depuis quelques années, de nombreuses équipes chirurgicales ont opté
pour une intervention curatrice d’emblée avec réparation de la crosse sous
circulation extracorporelle, fermeture de la communication interventriculaire et levée de l’obstacle sous-aortique par résection du
septum conal mal aligné.
Cette chirurgie agressive semble donner de
bons résultats à court et moyen termes.
Elle ne peut toutefois être
envisagée que si le ventricule gauche et l’anneau aortique sont de taille
suffisante pour qu’une perfusion systémique adéquate soit assurée après
la plastie aortique et la fermeture de la communication interventriculaire.
Quel que soit le résultat, il faudra surveiller à long terme la croissance
du coeur de ces enfants et, en particulier, vérifier l’état de la valve
aortique souvent bicuspide et la zone sous-aortique où peut se
développer une membrane ou un tunnel fibromusculaire.
Enfin, comme
dans toutes les plasties aortiques néonatales, une sténose résiduelle peut
se produire et être responsable d’une hypertension artérielle aux
membres supérieurs nécessitant une dilatation au ballonnet ou une réintervention.
Obstacles au remplissage ventriculaire
:
Les malformations qui font obstacle au remplissage ventriculaire gauche
appartiennent à deux groupes d’origine embryologique différente.
Certaines résultent d’un sous-développement plus ou moins sévère
d’une ou plusieurs structures qui forment le coeur gauche (valve
aortique, ventricule gauche, valve mitrale) : ce sont les diverses variétés
d’hypoplasie du coeur gauche et de rétrécissement mitral congénital.
D’autres sont la conséquence d’un vice fondamental dans le
développement du système veineux pulmonaire lui-même : retour
veineux pulmonaire anormal total, coeur triatrial, sténose des veines
pulmonaires.
L’organe cible d’une obstruction au remplissage ventriculaire n’est pas
le coeur mais le poumon.
C’est par des altérations plus ou moins graves
de l’hémodynamique pulmonaire qu’on explique les signes cliniques,
les images radiologiques et l’évolution spontanée de ces malformations.
L’hypertension veineuse pulmonaire est la première conséquence de
l’obstacle et se transmet vite au lit capillaire, d’où engorgement
interstitiel et lymphatique pulmonaire.
Quand les possibilités de
drainage accessoire par les lymphatiques et les veines bronchiques sont
débordées, l’oedème pulmonaire apparaît.
Celui-ci est à l’origine des
troubles fonctionnels : dyspnée, tachypnée, toux évoluant parfois en
poussée d’infection bronchopulmonaire et gênant la nutrition.
Au
maximum, ce peut-être un tableau d’asphyxie par oedème aigu du
poumon.
Dans cette pathologie, la radiographie du thorax fournit des
informations très précieuses.
Il existe presque toujours des aspects plus
ou moins prononcés de stases veineuse et lymphatique pulmonaires :
dilatation des veines pulmonaires sous forme d’opacités linéaires,
tortueuses, horizontales, coupant la direction des artères ; ligne de Kerley de type B ; opacités scissurales ; ligne bordante pleurale ; aspect
en « verre dépoli » respectant base et sommet dans les cas les plus
graves.
L’hypertension gagne rapidement le système artériel pulmonaire,
retentit exclusivement sur le coeur droit et, si l’évolution naturelle est
assez longue, une maladie vasculaire pulmonaire obstructive se
constitue.
À l’examen clinique, cette hypertension pulmonaire va se
traduire par l’éclat du deuxième bruit, contrastant souvent avec la
modicité, voire l’absence, de souffle cardiaque.
La cyanose est généralement absente, sauf quand un oedème pulmonaire
compromet gravement l’hématose ou qu’il s’établit un shunt droitegauche
à travers une communication interauriculaire associée.
Tout ceci donne à ces anomalies le masque d’une maladie pulmonaire
primitive, et contribue à des erreurs ou à des retards de diagnostic.
Heureusement, l’échocardiographie apporte des informations
précieuses pour le diagnostic différentiel et anatomique.