Atrésie pulmonaire
à septum interventriculaire intact
:
L’association d’une obstruction complète, ou atrésie de la voie
d’éjection du ventricule droit, à un septum interventriculaire intact,
définit un groupe de cardiopathies très graves qui sont l’apanage presque
exclusif du nouveau-né.
En fait, l’atteinte s’étend à l’ensemble du
ventricule et à la valve tricuspide, au point qu’on parle souvent
d’hypoplasie du coeur droit.
Sa présentation clinique est très voisine de
celle des sténoses pulmonaires critiques du nouveau-né, dont elle diffère
pourtant tout à fait par une physiopathologie plus complexe, un
pronostic redoutable et un traitement beaucoup plus difficile.
A - Anatomie pathologique
:
1- Lésions élémentaires
:
Par définition, l’atrésie de l’orifice pulmonaire est constante, sous forme
de deux ou trois valvules fusionnées, l’infundibulum du ventricule droit
étant normalement développé, ou d’un toit fibromusculaire aveugle,
l’infundibulum manquant alors totalement sur une longueur variable.
Le ventricule droit lui-même n’est jamais normal. L’hypertrophie des
parois restreint toujours la cavité jusqu’à la rendre virtuelle.
Des trois
segments de ce ventricule, celui d’admission est le seul qui ne manque
jamais.
Les segments trabéculé et de chasse font souvent défaut,
isolément ou ensemble, ce qui conduit à décrire des ventricules tri-, bi-,
ou unipartites.
La structure du myocarde est souvent anormale, faite d’un réseau de
fibres spongieuses enserrant de nombreux lacs vasculaires nommés
sinusoïdes, en communication fréquente avec la petite cavité et avec le
réseau artériel coronarien.
Il s’agit d’une malformation secondaire à
l’obstacle, due à la persistance des lacunes vasculaires embryonnaires
qui court-circuitent l’obstruction pulmonaire.
La valve tricuspide est, elle aussi, presque toujours anormale dans tous
ses composants : hypoplasie de l’anneau, valves épaisses et
dysplasiques, piliers rudimentaires, l’ensemble conduisant à des degrés
variables de sténose et/ou de régurgitation.
L’oreillette droite est toujours dilatée, jusqu’à devenir géante en cas de
fuite tricuspide massive.
Le septum interauriculaire est en règle perméable du fait d’un ostium
secundum ou, plus souvent, d’un foramen ovale dilaté.
L’arbre artériel pulmonaire comporte généralement deux branches
hypoplasiques mais confluentes, et un tronc qui descend au contact de
l’orifice atrésique.
Les veines pulmonaires sont normales, de même que l’ensemble du
coeur gauche.
L’aorte dessine toujours sa crosse à gauche de la trachée.
La circulation coronaire mérite une mention spéciale, car elle est
souvent très anormale, d’où un risque sérieux pour l’intégrité de
l’ensemble du myocarde, soit spontanément, soit au décours d’une
intervention.
L’anomalie la plus grave est la perte de toute connexion
proximale avec l’aorte, si bien que l’un et l’autre des deux troncs
principaux sont interrompus et ne peuvent plus être perfusés que de
façon rétrograde par des communications fistuleuses nées du ventricule
droit, directement ou par l’intermédiaire des sinusoïdes.
Mais même en
cas de continuité normale avec l’aorte initiale, les artères coronaires sont
souvent rétrécies par une fibrose adventitielle avec hypertrophie médiale
et épaississement intimal, ou du fait d’une prolifération cellulaire dans les couches sous-endothéliales, si bien que les fistules ventriculocoronaires
restent indispensables à leur irrigation.
Ces anomalies sont
certainement l’une des causes de l’ischémie myocardique des deux
ventricules si souvent rencontrée dans cette cardiopathie.
2- Formes anatomocliniques
:
La grande variabilité des anomalies que nous venons de décrire a suscité
bien des efforts de systématisation.
La plus classique et la plus simple
consiste à diviser les patients en deux groupes d’importance inégale :
– type I, ou le ventricule droit est très sous-développé, souvent réduit à
sa chambre d’admission, avec atrésie orificielle (en cul-de-sac
musculaire), mais aussi infundibulaire, sinusoïdes très développées,
débouchant dans de larges fistules coronaires, valve tricuspide
restrictive et peu fuyante ;
– type II, nettement plus rare mais plus favorable : le ventricule droit
apparaît hypertrophique et restrictif, mais normalement constitué, sans
sinusoïdes ni, en tout cas, fistules coronaires, tandis que la tricuspide est
plus insuffisante que sténosante, et que l’infundibulum est bien
développé, l’atrésie ne portant que sur l’orifice où l’on reconnaît des
commissures, au contact du tronc de l’artère pulmonaire.
Cette schématisation s’est vite montrée insuffisante, et c’est la structure
du ventricule droit qui a servi de base à une nouvelle classification en
trois types de gravité décroissante :
– ventricule réduit à sa chambre d’admission avec atrésie de la chambre trabéculée et de l’infundibulum ;
– ventricule comportant les deux premiers segments, mais pas
d’infundibulum ;
– ventricule conservant ses trois parties.
D’une façon générale, les anomalies de la tricuspide et de la circulation
coronaire sont d’autant plus fréquentes et obstructives que l’hypoplasie
ventriculaire droite est sévère.
B - Physiopathologie
:
La malformation interdit le moindre débit pulmonaire antérograde
normal.
La constitution d’un circuit de substitution est indispensable à
la vie.
Ce circuit passe obligatoirement par deux structures foetales :
– le foramen ovale, qui doit être largement ouvert pour autoriser un
shunt droite-gauche massif et dont toute restriction conduit à une
dilatation importante de l’oreillette droite et du système cave, et à une
insuffisance cardiaque droite sévère ;
– le canal artériel, dont le degré de dilatation ou de constriction règle
l’importance du shunt gauche-droite obligatoire, et donc celle de la
cyanose : cette cardiopathie est totalement ductodépendante dans le sens
aortopulmonaire.
À noter que l’atrésie pulmonaire détermine
habituellement, au cours de la vie foetale, un hypodéveloppement du
canal artériel souvent étroit et tortueux, qui rend sa fermeture encore plus
précoce au moment de la naissance.
Les conséquences des anomalies de la valve tricuspide peuvent aussi
jouer un rôle délétère propre : quand elles constituent une sténose serrée,
une désobstruction de la voie de sortie n’a guère d’intérêt si la voie
d’entrée au ventricule droit reste restrictive ; quand elles sont la cause
d’une fuite organique sévère, elles s’accompagnent d’une dilatation de
l’oreillette droite et d’une stase d’amont considérables.
Enfin, une souffrance ischémique du myocarde est fréquemment
observée et constitue un élément essentiel du pronostic spontané ou
postopératoire, car elle est source d’insuffisance cardiaque, voire
d’infarctus.
Elle s’explique facilement en cas d’anomalies de la circulation
coronaire, surtout quand cette dernière est dépendante de l’hypertension
ventriculaire droite qu’un traitement chirurgical vient d’éliminer.
Mais
d’autres facteurs sont en cause, comme l’hypoxémie chronique ou l’état
de contraction isométrique permanente du ventricule droit qui accroît les
besoins en oxygène.
C - Clinique et diagnostic
:
L’affection se révèle dès la naissance, ou peu après, par une cyanose
généralisée, réfractaire, d’autant plus intense et évolutive que le canal
artériel se ferme plus vite.
Il s’y associe souvent des signes de bas débit
cardiaque et une hépatomégalie, signant en règle une restriction sur le
septum interauriculaire.
Il n’y a de souffle systolique significatif et, a
fortiori, de frémissements, qu’en cas de fuite tricuspide importante : le
souffle est alors intense, holosystolique, maximal à la xiphoïde.
Enfin,
un souffle continu de canal artériel peut être perçu d’emblée.
La radiographie thoracique montre une cardiomégalie d’importance très
variable, discrète dans les hypoplasies sévères du coeur droit, massive
dans les variétés avec grosse fuite tricuspide, mais toujours liée à la
dilatation de l’oreillette droite qui fait saillir l’arc inférieur droit.
Les
champs pulmonaires sont clairs.
L’échocardiographie bidimensionnelle conduit au diagnostic.
Alors que l’oreillette, le ventricule gauche et la racine aortique sont de
taille normale, le ventricule droit est très petit, avec des parois épaisses
et peu mobiles.
Le septum interventriculaire bombe dans le ventricule
gauche.
Il n’y a pas de valve pulmonaire visible, mais un diaphragme
épais et peu mobile faisant suite à un infundibulum hypoplasique.
On
peut mesurer avec précision la taille de la tricuspide, le diamètre de la
communication interauriculaire, et déterminer la variété anatomique en
cause.
Le doppler confirme l’atrésie orificielle pulmonaire, aucun flux
ventriculopulmonaire n’étant enregistré, estime la fuite tricuspide et
donc l’hypertension ventriculaire droite, analyse les shunts vitaux
droite-gauche auriculaire et gauche-droite ductal, grâce au codage
couleur.
L’intérêt du cathétérisme et de l’angiographie reste considérable dans
cette cardiopathie malgré la richesse des informations échocardiographiques.
Le cathétérisme se fait d’abord par voie droite.
On
tente d’aller jusqu’au ventricule droit, ce qui n’est pas toujours facile ni
possible quand l’orifice tricuspide est très hypoplasique ou le siège
d’une fuite massive.
Puis on explore les cavités gauches par la
communication interauriculaire.
On enregistre ainsi une hypertension ventriculaire droite d’aspect « pointu », au minimum isosystémique,
mais plus souvent nettement suprasystémique, et de fortes pressions
auriculaires droites (onde « a » moyenne, et onde « v » en cas de
régurgitation tricuspide), nettement supérieures à leurs homologues de
l’oreillette gauche si le défaut septal auriculaire est restrictif.
La ventriculographie droite, filmée en oblique droite et de profil,
confirme les données échocardiographiques sur la taille et la forme de la
cavité. Dans les meilleures formes, on opacifie les trois parties du
ventricule dont l’infundibulum se termine par un toit aveugle mais
mobile et bien formé.
Dans les formes les plus sévères, on ne voit qu’une
petite flaque au-delà d’un petit anneau tricuspide, hérissé de sinusoïdes,
sans chambre trabéculée ni infundibulum.
La longueur de l’atrésie infundibulaire peut être appréciée par injection simultanée dans deux
cathéters, ventriculaire droit et aortique préductal.
Presque toujours, une fuite tricuspide d’importance variable, surtout
nette quand le ventricule droit est assez développé, opacifie l’oreillette
droite dilatée.
Une injection dans le ventricule gauche, atteint par la mitrale en
incidence oblique antérieure gauche, doit compléter le bilan.
La cavité
est de taille normale ou augmentée, le septum interventriculaire est
intact et bombe vers la gauche, la crosse aortique est dilatée et, par le
canal artériel nécessairement ouvert, injecte l’arbre artériel pulmonaire,
en règle complet, confluent et un peu hypoplasique.
La circulation artérielle coronaire doit être soigneusement analysée.
Les
sinusoïdes ventriculaires droites sont souvent aveugles, à la manière de
« tranchées » creusées dans l’épaisseur du myocarde par l’hypertension intracavitaire.
Mais quand elles injectent une ou plusieurs branches
artérielles coronaires par des fistules, il importe de déterminer si le débit
coronaire est « ventricule droit dépendant » ou, au contraire, que le
système est normal, « aortodépendant », même s’il opacifie le ventricule
droit par les sinusoïdes.
D - Traitement
:
Le pronostic spontané des atrésies pulmonaires à septum interventriculaire intact est très sombre : en l’absence de traitement, plus
de la moitié des patients disparaissent avant la fin du premier mois, et
près des trois quarts avant la fin de la première année.
Le traitement médical par la perfusion de prostaglandines est
indispensable, dans tous les cas : il permet d’établir en toute sécurité un
bilan morphologique et fonctionnel précis de la variété en cause, et de
choisir parmi beaucoup d’options thérapeutiques à moyen et long
termes, celle qui paraît la plus adaptée.
En cas de défaillance cardiaque associée, il importe d’en déterminer la
cause : on est très désarmé devant une ischémie myocardique, mais
beaucoup moins devant une restriction importante du septum interauriculaire qui doit conduire à une atrioseptostomie par ballonnet
au décours du cathétérisme cardiaque.
C’est ce dernier qui fournit les
principaux éléments du choix thérapeutique ultérieur.
Le traitement chirurgical a pour but d’établir une circulation pulmonaire
qui ne soit plus dépendante du canal artériel, tout en préservant la
fonction myocardique.
L’idéal est d’incorporer la valve tricuspide et le
ventricule droit à cette circulation, mais il arrive souvent que ces
structures soient inutilisables.
C’est le cas des formes les plus sévères à ventricule droit minuscule
(unipartite, voire bipartite) et valve tricuspide restrictive : on ne peut
proposer qu’une anastomose aortopulmonaire succédant à une
atrioseptostomie par ballonnet dans l’optique d’une dérivation
atriopulmonaire de type Fontan à long terme.
Lorsqu’il s’agit de
forme du type I, avec forte hypoplasie du lit vasculaire pulmonaire, une
anastomose systémicopulmonaire est parfois la seule thérapeutique
possible.
Dans les meilleurs cas (ventricule tripartite et tricuspide non ou peu
restrictive), on vise à rétablir un circuit droit normal.
On évite ainsi
l’atrioseptostomie, et on tente de sauver le ventricule droit en le
décomprimant par une « valvulotomie » sous clampage cave, ou mieux,
une mise en continuité ventriculopulmonaire sous circulation
extracorporelle.
Ce geste doit toujours être associé à une anastomose systémicopulmonaire ou, au minimum, à la poursuite de la perfusion de
prostaglandines, car on améliore insuffisamment le débit pulmonaire en
se contentant d’ouvrir la voie de sortie du ventricule droit.
L’amélioration de la situation hémodynamique conduira à une
suppression secondaire de l’anastomose.
Il est rare que l’on parvienne
d’emblée à une désobstruction totale, et on doit en règle procéder à un
deuxième geste de reconstruction ventriculaire droite au bout de
quelques mois ou années.
Récemment, certains ont réalisé l’ouverture des atrésies valvulaires par
cathétérisme interventionnel : perforation du plancher valvulaire
pulmonaire à l’aide d’un guide ou d’un cathéter à radiofréquence
introduit dans le ventricule droit, suivie d’une dilatation au ballonnet.
Il
semble s’agir d’une technique d’avenir puisqu’elle évite le recours à une
chirurgie lourde chez un patient fragile.
Enfin, les anomalies de la circulation coronaire posent des problèmes
très singuliers et parfois difficiles à résoudre.
Une circulation coronaire
ventricule droit dépendante contre-indique toute décompression
ventriculaire droite, et il faut se résoudre au seul traitement palliatif par
anastomose systémicopulmonaire.
Dans l’ensemble, et malgré beaucoup de progrès conceptuels et
techniques récents, l’atrésie pulmonaire à septum interventriculaire
intact reste une affection très grave.
En effet, beaucoup de patients ne
sont pas de bons candidats à une chirurgie véritablement réparatrice, et
ne peuvent bénéficier que de méthodes palliatives au pronostic lointain
incertain.
Les formes les moins défavorables sont une minorité et leur
avenir postopératoire à long terme n’est pas encore clairement connu.
C’est pourquoi le dépistage anténatal de la cardiopathie soulève de bien
difficiles problèmes éthiques.
Atrésie tricuspide
:
Elle a une double caractéristique : anatomique, une absence de
communication entre l’oreillette droite et le ventricule droit ;
physiologique, un shunt gauche-droite obligatoire par une
communication interauriculaire.
De nombreux travaux, au cours des
deux dernières décennies, ont étudié les différents types de la
malformation, ainsi que l’évolution spontanée et les résultats des
interventions palliatives.
C’est surtout l’avènement d’une chirurgie
réparatrice selon le procédé mis au point par Fontan qui a suscité
beaucoup d’intérêt.
On peut maintenant, avec un recul de plus de 20
ans, en préciser les indications et les modalités techniques.
L’enthousiasme provoqué par les excellents résultats, à court et moyen
termes, de cette chirurgie, a été tempéré par une évolution à long terme
qui n’est pas toujours satisfaisante.
L’atrésie tricuspide est une anomalie rare mais sévère.
Sa fréquence
semble se situer entre 1 à 3 % de l’ensemble des cardiopathies
congénitales.
L’atrésie tricuspide survient donc chez un nouveau-né sur
10 000 à 20 000.
Dans toutes les séries rapportées, les atrésies
tricuspides avec relation normale des gros vaisseaux sont trois fois plus
fréquentes que les formes avec transposition.
Il y a peu de variations
raciales ou géographiques, et aucun facteur étiologique spécifique n’a
pu être démontré.
Les formes avec transposition sont plus fréquentes chez les garçons.
Il y
a des malformations extracardiaques associées dans 20 % des cas,
généralement digestives ou osseuses.
L’atrésie tricuspide peut
compliquer le syndrome dit des « yeux de chat », la trisomie 21, et
l’isomérisme auriculaire.
A - Anatomie pathologique
:
La classification des atrésies tricuspides se fonde sur les connexions ventriculoartérielles, la position des gros vaisseaux, et l’état de la voie
pulmonaire.
Les connexions ventriculoartérielles peuvent être concordantes,
discordantes, du type ventricule gauche à double issue, ou comporter
une atrésie pulmonaire.
Les gros vaisseaux peuvent être en position normale (aorte postérodroite) ou anormale (aorte antérodroite [D-malposition] ou
antérogauche [L-malposition]).
La voie pulmonaire peut être normalement perméable, sténosée ou
atrésique.
La forme la plus fréquente d’atrésie tricuspide comprend des gros
vaisseaux en position normale (69 %), avec obstruction de la voie
pulmonaire.
Seront successivement étudiés : la valve tricuspide, l’oreillette droite et
la cloison interauriculaire, les deux ventricules, et l’orifice qui les fait
communiquer.
1- Valve tricuspide
:
Dans la très grande majorité des cas, il y a une véritable agénésie de
l’orifice auriculoventriculaire droit.
Parfois, il peut exister une
dépression ou un épaississement fibreux à la partie antérieure et à gauche
de l’ostium coronaire.
2- Oreillette droite
:
Elle a des parois plus épaisses que la normale, mais des mesures
anatomiques ont montré que son volume n’était pas augmenté.
3- Défaut septal interauriculaire
:
Obligatoire pour la survie, il est rarement restrictif.
Il peut être de
plusieurs types : persistance du foramen ovale ; plus rarement, large
communication interauriculaire par absence de la partie inférieure de la
cloison interauriculaire ; parfois enfin, agénésie quasi totale du septum,
réalisant un défaut septal de type ostium primum.
4- Ventricule droit ou chambre accessoire
:
Il a une structure qui varie en fonction de la connexion ventriculoartérielle ; le sinus ventriculaire est presque toujours absent ;
en cas de concordance ventriculoartérielle, cette chambre rudimentaire
est formée d’un infundibulum et d’une zone trabéculée, habituellement
assez bien développée ; très souvent, se développe une sténose
musculaire entre ces deux zones ; en cas de transposition des gros
vaisseaux associée, la zone trabéculée est moins développée et
l’infundibulum est plus court.
5- Foramen bulboventriculaire
:
C’est l’orifice qui fait communiquer la chambre accessoire et la cavité
ventriculaire principale.
Il est de taille variable, mais le plus souvent
restrictif.
C’est un élément évolutif qui s’accentue avec la croissance et
peut aller jusqu’à la fermeture complète.
Dans la forme classique avec relation normale des gros vaisseaux, la
réduction du calibre du foramen diminue le débit pulmonaire.
Dans la
forme avec transposition, un foramen restrictif aura les mêmes
conséquences qu’une sténose aortique sous-valvulaire, réalisant une
obstruction sous-aortique presque toujours accompagnée d’une
coarctation avec hypoplasie de l’isthme aortique.
Il peut y avoir une
seconde communication interventriculaire dans la zone trabéculée.
6- Ventricule gauche ou chambre principale
:
Il a les caractéristiques essentielles d’un ventricule gauche.
Sa dilatation
et son hypertrophie augmentent avec l’exagération du débit pulmonaire,
l’âge du patient, l’existence et l’ancienneté d’une anastomose palliative.
B - Physiopathologie
:
L’absence de connexion entre l’oreillette droite et le ventricule droit
implique l’existence d’un shunt droite-gauche à travers le défaut septal
interauriculaire.
L’hémodynamique est conditionnée par trois éléments : le diamètre de
la communication interauriculaire, l’existence d’une sténose
pulmonaire ou sous-pulmonaire, et surtout la taille du foramen
bulboventriculaire.
Dans la forme classique, avec position normale des gros vaisseaux, la
réduction de son calibre diminue le débit pulmonaire, avec des effets
bénéfiques (protection du lit vasculaire des effets d’un shunt trop
important), mais une accentuation de la cyanose et de la gêne
fonctionnelle.
Dans les formes avec transposition des gros vaisseaux (environ 30 %des
atrésies tricuspides), le caractère restrictif du foramen accentue
l’obstruction de la voie aortique.
En pratique, d’un point de vue clinique, on doit distinguer la forme avec hypovascularisation pulmonaire, la plus fréquente, et la forme avec
hypervascularisation pulmonaire, plus rare.
C - Clinique et diagnostic
:
Les circonstances de découverte sont le plus souvent la constatation
d’une cyanose, parfois la survenue d’une défaillance cardiaque.
À l’auscultation, on entend un souffle systolique dû au shunt à travers le
foramen bulboventriculaire.
La grande variété des formes anatomiques explique qu’il n’y ait pas
d’aspect radiologique absolument spécifique de l’atrésie tricuspide.
Dans les formes avec sténose pulmonaire, le volume cardiaque est
modérément augmenté, la vascularisation pulmonaire est normale ou
diminuée.
La silhouette cardiaque a le plus souvent une forme ovoïde,
avec un arc inférieur droit saillant par dilatation de l’oreillette droite, un
arc inférieur gauche convexe par surcharge volumétrique du ventricule
gauche, un arc moyen gauche plus ou moins concave, un pédicule
normal ou étroit en cas de transposition associée.
Dans les formes sans sténose pulmonaire, le volume cardiaque est
souvent très augmenté avec dilatation de l’oreillette droite et surtout du
ventricule gauche.
L’hypervascularisation pulmonaire est importante et
diffuse, avec un pédicule relativement étroit et un arc moyen peu
apparent.
L’échocardiographie bidimensionnelle permet une étude détaillée de
l’anatomie de la malformation.
Les incidences des quatre cavités,
sous-costales et apicales, montrent qu’il n’y a qu’une valve auriculoventriculaire qui unit l’oreillette et le ventricule gauche.
En
incidence sous-costale des quatre cavités, on peut apprécier la taille de
la communication interauriculaire et l’importance du bombement de la
cloison interauriculaire vers l’oreillette gauche qui traduit la différence
de pression entre les deux oreillettes.
L’examen permet d’analyser le
foramen bulboventriculaire, une éventuelle communication
interventriculaire musculaire associée, et les anomalies de la voie
pulmonaire.
Il permet aussi d’apprécier la continuité mitroaortique, la
position des gros vaisseaux, et d’étudier la fonction ventriculaire
gauche, la taille de l’anneau pulmonaire, ainsi que l’aspect des valves
pulmonaires, la taille de l’oreillette droite et sa contractilité.
L’examen au doppler renseigne sur les gradients de pression, en
particulier au niveau du foramen bulboventriculaire.
Le cathétérisme et l’angiocardiographie n’ont pas pour but de vérifier le
diagnostic qui est déjà affirmé par l’échocardiographie, mais d’apprécier
les possibilités opératoires qui reposent sur trois éléments essentiels : la
fonction ventriculaire gauche, l’état de la circulation pulmonaire et
l’étanchéité de la valve atrioventriculaire gauche.
L’oxymétrie montre un shunt auriculaire droite-gauche massif, avec
désaturation auriculaire gauche.
Cette désaturation se poursuit dans le
ventricule gauche, l’éventuelle chambre accessoire, et les gros
vaisseaux.
Le trajet du cathéter apporte des éléments d’orientation.
Il est en effet
impossible de passer de l’oreillette droite dans le ventricule droit.
En
revanche, le passage oreillette droite-oreillette gauche est très facile.
La pression auriculaire droite est souvent supérieure à la normale.
L’absence de gradient de pression entre l’oreillette droite et l’oreillette
gauche indique que le défaut septal auriculaire n’est pas restrictif.
La
pression télédiastolique ventriculaire gauche donne une première
appréciation de la fonction ventriculaire.
Le cathétérisme de l’artère
pulmonaire est le temps essentiel qui permet de mesurer les pressions et
les résistances pulmonaires.
Il nécessite souvent l’utilisation de sondes
particulières (sondes à ballonnet, sondes à courbure variable) qui
permettent d’atteindre l’artère pulmonaire soit directement en cas de
transposition, soit à travers le foramen bulboventriculaire en cas de
relation normale des gros vaisseaux, soit par l’intermédiaire d’un shunt
systémicopulmonaire préexistant.
Il est alors possible de calculer les
résistances artériolaires pulmonaires, données essentielles de
l’indication opératoire.
On doit systématiquement réaliser une cinéangiographie avec injection
de produit de contraste dans l’oreillette droite, le ventricule gauche, la
chambre accessoire ou l’artère pulmonaire.
L’angiographie auriculaire droite confirme le diagnostic.
L’injection
montre d’abord une oreillette droite plus ou moins dilatée, avec un reflux
du produit de contraste vers les veines caves.
Puis sont opacifiés
l’oreillette gauche et le ventricule gauche. Ainsi se trouve délimitée une
zone triangulaire, non opacifiée, à gauche de la valve auriculoventriculaire droite atrésique ; cette zone correspond à la place
normale du ventricule droit.
L’angiographie ventriculaire gauche apprécie la valeur fonctionnelle du
ventricule, une éventuelle fuite mitrale, des communications interventriculaires multiples.
L’angiographie dans la chambre accessoire permet d’évaluer l’état de
l’arbre artériel pulmonaire.
D - Traitements chirurgicaux
:
On ne peut proposer à ces patients que des traitements palliatifs :
cerclage de l’artère pulmonaire, shunts systémicopulmonaires,
dérivations cavopulmonaires partielles ou totales, anastomose
atriopulmonaire (intervention de Fontan).
1- Méthodes
:
* Cerclage de l’artère pulmonaire
:
Il doit être réalisé dans les formes avec insuffisance cardiaque par hyperdébit pulmonaire ; il réalise alors le traitement de l’insuffisance
cardiaque et la prévention de l’hypertension artérielle pulmonaire
obstructive secondaire. Dans les formes avec débit pulmonaire
augmenté, s’il y a transposition, le cerclage de l’artère pulmonaire est
souvent nécessaire.
En revanche, dans les formes avec relation normale
des gros vaisseaux, l’indication du cerclage doit être soigneusement
pesée, car il peut contribuer à accélérer la réduction de la taille du
foramen bulboventriculaire ou l’accentuation de la sténose
infundibulaire.
* Shunts systémicopulmonaires
:
L’anastomose de Blalock-Taussig est actuellement la seule
recommandée, car elle évite l’évolution vers l’hypertension artérielle
pulmonaire.
Avant l’âge de 6 mois, on préconise alors un shunt de Blalock-Taussig modifié, avec interposition d’un tube de
Gore-Tex.
Cette technique peut être utilisée chez le nourrisson de faible poids, et la
perméabilité de ces tubes est excellente quand leur diamètre est d’au
moins 5 à 6mm.
* Dérivations cavopulmonaires
:
L’anastomose cavopulmonaire de Glenn, ou anastomose
terminoterminale, entre la veine cave supérieure et l’artère pulmonaire
droite sectionnée est de plus en plus abandonnée : elle favorise le
développement d’un syndrome cave supérieur ; il n’y a pas de flux
pulsatile au niveau du poumon droit ; sa suppression est difficile et
aléatoire ; enfin, il y a très fréquemment une détérioration clinique
secondaire au bout de quelques années, liée au développement d’une
circulation collatérale thoracique génératrice d’hémoptysies et à
l’apparition de shunts artérioveineux intrapulmonaires qui aggravent la
cyanose.
On préfère actuellement l’anastomose de la veine cave supérieure en terminolatérale sur l’artère pulmonaire droite. Elle ne peut être réalisée que sur une artère pulmonaire de bon calibre où règnent des pressions
basses, c’est-à-dire après l’âge de 6 mois à 1 an.
La dérivation cavopulmonaire totale consiste à réaliser une anastomose
terminolatérale de la veine cave supérieure sur l’artère pulmonaire
droite, et à connecter la veine cave inférieure au tronc artériel
pulmonaire par le biais d’un tube prothétique placé dans l’oreillette
droite.
* Intervention de Fontan
:
Elle consiste à drainer la totalité du sang des veines caves vers les artères
pulmonaires, et à supprimer le mélange des sangs veineux et artériels.
Après fermeture de la communication interauriculaire et section du tronc
de l’artère pulmonaire, une connexion directe est établie entre l’oreillette
droite et l’artère pulmonaire.
La majorité des auteurs conseillent une
connexion sans valve.
L’un des intérêts de ces nouvelles interventions est qu’elles ne
provoquent pas de surcharge volumétrique du ventricule gauche ou
d’hyperpression de l’oreillette droite.
2- Indications
:
La sélection des patients et la date d’une chirurgie de dérivation atrioou
cavopulmonaire totale sont encore discutées, notamment chez les
patients nettement améliorés par une chirurgie palliative.
À la lumière
des premiers résultats, dix critères avaient été définis pour sélectionner
le candidat idéal pour ce type d’intervention : rythme sinusal, anatomie
normale des veines caves, oreillette droite de taille et de contractilité
normales, résistances vasculaires pulmonaires normales, pression
artérielle pulmonaire moyenne inférieure à 15 mmHg, anneau
pulmonaire normal, fonction ventriculaire gauche normale, absence
d’insuffisance mitrale, branches pulmonaires de taille convenable, non
sténosées par une anastomose antérieure.
Avec l’expérience et les résultats des différentes séries de la littérature,
certains critères se sont révélés essentiels, d’autres de moindre
importance.
Parmi les critères essentiels, il faut retenir les résistances
artérielles pulmonaires normales, inférieures à 3 U/m2 pour certains
auteurs, à 2 U/m2 pour d’autres ; un calibre satisfaisant de l’artère
pulmonaire, supérieur ou égal à 75 % du diamètre aortique ; une
fonction ventriculaire gauche normale ; un rythme sinusal.
L’absence
des autres critères ne représente pas une contre-indication absolue mais,
comme l’ont montré différents auteurs, augmente le risque
opératoire.
On a tendance actuellement à proposer une dérivation cavopulmonaire
partielle, au besoin associée à un shunt systémicopulmonaire dans les
variétés peu favorables à une dérivation totale.
Les résultats sont certes
moins brillants, avec persistance d’une désaturation, mais le risque
opératoire est nettement plus faible.
3- Résultats
:
Les résultats à long terme de l’intervention de Fontan ont fait l’objet de
nombreuses publications.
Dans l’ensemble, avec un recul moyen d’une
dizaine d’années, les résultats restent satisfaisants.
Les causes de
mortalité tardive sont l’insuffisance cardiaque, les troubles du rythme et
les réinterventions.
Il faut signaler la survenue d’obstructions du
conduit ou de l’homogreffe, nécessitant une réintervention en raison de
la mauvaise tolérance hémodynamique, la survenue tardive d’arythmies,
d’entéropathies exsudatives, d’un dysfonctionnement de la valve
mitrale.
Enfin, il est important de souligner la possibilité d’une
détérioration progressive de la fonction ventriculaire dont le mécanisme
n’est pas parfaitement élucidé.
On a invoqué, à l’origine de ce
phénomène, l’élévation de la pression dans le sinus coronaire, avec
diminution de la perfusion coronaire qui provoquerait une véritable
myocardiopathie ischémique.
Maladie d’Ebstein
:
Cette malformation comporte des altérations anatomiques de l’appareil
tricuspide et de l’ensemble du ventricule droit dont la gravité est très
variable.
À ce large spectre anatomique correspond donc une grande
variété d’aspects cliniques, depuis la forme néonatale souvent très
sévère, incompatible avec la vie, jusqu’aux formes bien tolérées du sujet
âgé.
Son traitement chirurgical, difficile, a fait récemment l’objet de très
importants travaux.
Il s’agit d’une malformation relativement rare (0,6 %de l’ensemble des
cardiopathies congénitales).
Des formes familiales ont été signalées.
Rarement, elle s’intègre à un complexe polymalformatif, parfois par
aberration chromosomique (trisomie 18, trisomie 21), parfois par
embryofoetopathie (sels de lithium chez les enfants de mères
psychotiques).
A - Anatomie pathologique
:
1- Appareil tricuspide
:
Le degré de la malformation est très variable selon les cas.
Ses deux
caractéristiques sont l’excès de tissu valvulaire, et l’adhérence d’une
portion variable des valves septale et postéro-inférieure à la paroi
ventriculaire droite, à distance de la jonction auriculoventriculaire.
La
valve antérosupérieure est la moins atteinte, mais ses attaches distales
sont anormales.
Dans les formes mineures, les valves postéro-inférieure et
antérosupérieure sont normales.
C’est seulement la valve septale qui est
insérée plus bas.
Dans les formes les plus sévères, les valves septale et postéro-inférieure
sont plaquées respectivement sur le septum et la paroi inférieure du
ventricule droit, et le fonctionnement valvulaire est pratiquement aboli.
L’insertion « basse » des valves a pour effet d’incorporer tout ou partie
de la chambre d’admission du ventricule doit à l’oreillette droite.
Cette
« atrialisation » s’accompagne d’un amincissement de la paroi
myocardique et d’une importante dilatation de l’oreillette droite.
Ces cas
sont souvent symptomatiques chez le nouveau-né et peuvent même être
dépistés in utero.
L’anneau fibreux auriculoventriculaire est très élargi.
L’orifice distal, déplacé très à gauche, est à la fois sténosé et incontinent.
Les modifications de la structure des valves et le déplacement plus ou
moins distal de leur bord libre dans le ventricule droit déterminent la
gravité de la malformation.
2- Malformations associées
:
On les rencontre avec une grande fréquence, surtout dans la forme
précocement mortelle du nouveau-né (80 %des cas, contre 50 %des cas
dans la forme moyenne de l’enfant).
La communication interauriculaire est la plus fréquente : 50 à 60 %des
cas. Le plus souvent, il s’agit d’un foramen ovale « forcé » ; parfois, c’est
un ostium secundum.
Puis viennent la communication interventriculaire, la coarctation, le
canal artériel, la sténose ou l’atrésie valvulaire pulmonaire ; rarement,
la tétralogie de Fallot, le tronc artériel commun.
Des anomalies mitrales
sont parfois notées : valves épaissies, parfois sténosées, ballonnisation.
B - Physiopathologie
:
Le phénomène majeur de toute maladie d’Ebstein est la stase dans
l’oreillette droite et la partie atrialisée du ventricule droit, dont les
contractions asynchrones se contrarient pour réaliser une véritable chambre d’amortissement ou « dépulsateur », s’opposant à la
progression normale de l’ondée sanguine.
À cela, s’ajoute un obstacle
tricuspide (orifice sténosé), une régurgitation, une capacité ventriculaire
droite faible, réduite à la seule chambre distale, dont les qualités
contractiles sont médiocres dans les formes sévères.
La stase dans les cavités droites sera d’autant plus marquée, et la
pression auriculaire droite d’autant plus élevée que les résistances
pulmonaires et les pressions dans l’artère pulmonaire et le ventricule
droit sont plus importantes.
Cela explique la très mauvaise tolérance des
formes néonatales qui réalisent une véritable « atrésie pulmonaire
fonctionnelle », avec un shunt droite-gauche massif à travers le foramen
ovale du fait de l’élévation de la pression auriculaire droite.
Lorsque
l’hypertension artérielle pulmonaire transitoire néonatale régresse, la
situation clinique s’améliore notablement, et la cyanose peut régresser.
Une autre cause d’aggravation est la survenue de crises de tachycardie
paroxystique.
Celles-ci augmentent l’insuffisance tricuspide et
diminuent le remplissage de la partie non atrialisée du ventricule droit,
en raccourcissant la diastole.
Elles augmentent ainsi la pression
auriculaire droite, ce qui accentue la cyanose.
Enfin, la maladie est évolutive : avec le temps, il y a une diminution de
l’efficacité de la valve anormale et du myocarde ventriculaire droit.
L’insuffisance tricuspide dilate l’infundibulum du ventricule droit,
l’oreillette droite, la partie atrialisée du ventricule droit, et l’orifice
tricuspide lui-même.
Cela produit un véritable cercle vicieux, où
l’insuffisance tricuspide s’aggrave elle-même.
Dans tous les cas, le débit pulmonaire est réduit. L’hypertension
auriculaire droite favorise, dans plus de la moitié des cas, un shunt interauriculaire droite-gauche, par une communication interauriculaire,
ou plus souvent par le foramen ovale distendu, responsable d’une
cyanose de degré très variable.
Si le foramen ovale est anatomiquement
fermé, le patient demeure acyanotique.
L’absence de communication interauriculaire détermine une augmentation marquée de la pression
auriculaire droite.
Dans tous les cas, cette stase auriculaire droite
favorise la thrombose cave, dont l’embolie pulmonaire est une
complication possible.
C - Principaux aspects cliniques et paracliniques
:
La gamme de gravité du syndrome clinique est étendue, allant de la
latence totale avec découverte de l’affection à 70 ans ou plus, à
l’autopsie, à la défaillance cardiaque grave néonatale rapidement
mortelle.
On peut distinguer des formes moyennes, des formes
néonatales et des formes mineures.
1- Formes de sévérité moyenne
:
Le début se fait de façon progressive, au cours de la seconde enfance,
par une dyspnée d’effort, une asthénie, des palpitations, ou plus rarement
des syncopes en rapport avec un trouble du rythme paroxystique.
La cyanose est généralement discrète, assez souvent même absente,
mais elle peut être à l’opposé intense et se compliquer de polyglobulie,
d’hippocratisme digital.
L’auscultation est souvent très caractéristique.
En effet, dans plus de
80 % des cas, on entend un rythme à trois ou quatre temps.
Le bruit
surajouté le plus habituel est un claquement protosystolique qui
correspond à la fermeture brutale de la valve tricuspide, retardée par
rapport à la fermeture de la mitrale.
Des clics mésosystoliques peuvent
être entendus si la valve mitrale ou la valve tricuspide présentent un
prolapsus. Des souffles sont souvent entendus au foyer tricuspide, près
de l’appendice xiphoïde.
Tantôt il s’agit d’un souffle systolique doux
d’insuffisance tricuspide, tantôt d’un souffle diastolique parfois intense
de sténose tricuspide.
L’examen radiologique est également évocateur.
La cardiomégalie est
souvent notable ; elle contraste avec la discrétion habituelle de la
symptomatologie fonctionnelle.
Le débord droit est marqué, l’aspect
général est celui d’un « ballon de rugby » posé sur le diaphragme,
surmonté d’un pédicule grêle, limité par des bords particulièrement nets,
contrastant avec des poumons clairs.
La pulsatilité est faible.
Il y a
parfois un mouvement de pendule entre la cinétique du bord droit et celle
de la pointe. Toutefois, la cardiomégalie n’est pas constante.
Elle peut
manquer, surtout dans les formes peu sévères.
L’oreillette gauche,
l’aorte et le tronc de l’artère pulmonaire ne sont jamais dilatés, et il n’y
a jamais d’hypervascularisation pulmonaire.
L’échocardiographie bidimensionnelle est spécifique.
On
observe un déplacement apical des valves septale et inférieure de la
tricuspide.
Il y a un « mouvement de voile » qui n’est pas un mouvement
d’ouverture mais plutôt une ondulation du corps de la valve fixée de
chaque côté à la paroi ventriculaire droite.
On peut également noter la
dilatation du ventricule droit, apprécier l’épaisseur de sa paroi, les
mouvements de la paroi de la portion atrialisée.
Ceci permet de classer
les différents types de maladie d’Ebstein selon l’importance des
anomalies anatomiques.
On recherchera les malformations associées.
On a notamment montré la
fréquence du prolapsus valvulaire mitral associé, anomalie dont la
signification pronostique n’est pas bien connue.
Le cathétérisme a actuellement des indications plus limitées en raison
des précisions diagnostiques, anatomiques et physiologiques fournies
par l’échocardiogramme.
Le trajet de la sonde met en évidence l’extrême dilatation de l’oreillette
droite, avec formation de boucles et une certaine difficulté pour cathétériser la cavité ventriculaire distale et la communication
interauriculaire qui doit être systématiquement recherchée.
L’orifice auriculoventriculaire fonctionnel est trouvé plus à gauche que
normalement.
Les accidents auriculaires sont bien détachés, la montée
de la courbe ventriculaire retardée.
L’onde « a » peut être transmise
jusqu’à l’artère pulmonaire ; une onde « v » ample auriculaire traduit
une régurgitation, tandis qu’un gradient diastolique entre oreillette et ventricule, toujours modeste, correspond à une sténose tricuspide.
Les
saturations en oxygène sont parfois basses, par shunt droite-gauche
auriculaire.
La cinéangiocardiographie sélective, ventriculaire puis auriculaire
droite, est caractérisée par un retard important du transit des cavités
droites, une dilatation très marquée de l’oreillette droite, et un
asynchronisme de contraction des deux parties qui la composent, d’où
le mouvement de « bissac » ou de « bascule » du produit de contraste.
On doit rechercher, tant de face que de profil, une double encoche du
bord inférieur et antérieur : l’une correspond à la zone de contraction de
l’anneau, repérable par l’opacification de la coronaire droite, l’autre à la
zone d’insertion apparente des valves, plus distale.
Le ventricule droit
fonctionnel est petit et coiffe, en haut et à gauche, le volumineux bissac
auriculaire.
Des anomalies de la contraction ventriculaire gauche, un
prolapsus mitral sont parfois associés.
2- Autres formes cliniques
:
La forme du nouveau-né et du nourrisson est caractérisée par une
intolérance très précoce, débutant parfois in utero par une anasarque foetoplacentaire.
L’élévation des résistances pulmonaires et la perméabilité du foramen
ovale expliquent la défaillance cardiaque et la cyanose sévères. Une
cardiomégalie massive peut être présente à la naissance, régressant avec
la chute physiologique de la pression pulmonaire.
La perfusion pulmonaire est tellement minime que l’angiocardiographie
peut faire croire à une atrésie pulmonaire.
Il est d’ailleurs préférable
d’éviter l’injection du produit de contraste, souvent dangereuse, d’autant
que le diagnostic peut être assuré par les autres méthodes.
Le pronostic
est encore alourdi par les malformations associées.
La mortalité est d’au
moins 50 %.
Le traitement médical peut cependant permettre à l’enfant
de passer le cap difficile des premières semaines, et d’évoluer ensuite
comme une forme classique.
La forme de l’adolescent et de l’adulte est souvent bien tolérée.
Chez la
femme, elle autorise souvent les grossesses. Les complications sont
essentiellement l’asystolie, les troubles du rythme, plus rarement
l’embolie pulmonaire.
Elles sont rares entre 1 et 15 ans.
La mort subite,
par dysrythmie maligne, n’est pas exceptionnelle (20 %des cas), et n’est
pas nécessairement le fait des formes à très gros coeur.
D - Traitement
:
1- Techniques
:
Les anastomoses cavopulmonaires, qui ont le mérite de soulager le coeur
droit, n’ont qu’un effet palliatif.
L’intervention conservatrice de Hunter-Lillehei-Hardy a pour but
d’effacer la chambre atrialisée et de rapprocher de l’anneau les insertions
des valves.
Cette intervention comporte un risque non négligeable de
bloc auriculoventriculaire, et la correction de l’insuffisance tricuspide
est souvent imparfaite ; enfin, la plicature systématique de la chambre
intermédiaire est un geste parfois inutile qui peut être dangereux.
Le remplacement valvulaire par bioprothèse, associé ou non à la
plicature de la chambre atrialisée, comporte un risque de bloc
auriculoventriculaire.
Actuellement, la technique de choix semble être la réparation
physiologique proposée par Carpentier : détachement de la valve
antérieure et de la portion adjacente de la valve postérieure pour réaliser
une large mobilisation du tissu valvulaire ; plicature longitudinale de la
chambre atrialisée et de l’oreillette droite adjacente pour reconstruire le
ventricule droit et réduire la taille de l’oreillette droite dilatée ; remise
en place des valves antérieure et postérieure sur l’anneau tricuspide, de
façon à couvrir toute la surface de l’orifice par du tissu valvulaire à un
niveau normal ; si nécessaire, remodelage et renforcement de l’anneau
tricuspide par un anneau prothétique.
2- Indications opératoires
:
Chez le nouveau-né et le nourrisson, un traitement médical bien conduit
peut se révéler efficace.
La chirurgie n’a guère été tentée jusqu’à présent
dans ces formes.
Chez le grand enfant, l’adolescent et l’adulte jeune, si la tolérance de la
malformation est bonne, malgré le risque de dégradation de l’état du
patient, on préfère généralement attendre, surtout si le malade est peu
symptomatique et mène une vie à peu près normale.
Jusqu’à présent, on réservait à la chirurgie les cas avec cyanose sévère
ou gêne fonctionnelle majeure. Les techniques de réparation proposées
devenant à la fois plus rationnelles et plus fiables, on devrait
envisager cette intervention chez des malades plus jeunes, en meilleure
condition, avant l’altération de la fonction ventriculaire droite et la
survenue de troubles du rythme ou de thrombose cave.
On peut espérer
obtenir, au prix d’un risque opératoire acceptable, des résultats à court
et à long termes encourageants.