La CMH est une cardiopathie complexe définie par une hypertrophie
ventriculaire idiopathique, dont l’origine génétique est univoque et
l’expression phénotypique (morphologique, fonctionnelle et
pronostique) variée.
Les critères diagnostiques ont beaucoup évolué,
parallèlement aux technologies disponibles depuis la description
princeps de Braunwald en 1964 :
initialement, le stéthoscope et le
cathétérisme cardiaque ont montré le caractère obstructif de la CMH,
puis l’échographie en mode TM a mis l’accent sur la distribution septale
asymétrique de l’hypertrophie ; en 1980, l’échographie
bidimensionnelle, fit admettre que l’hypertrophie pouvait atteindre
d’autres segments que le septum antérieur.
Actuellement, les différentes
techniques doppler analysent, de façon non invasive, le gradient
systolique et le remplissage ventriculaire gauche. De même, l’IRM
représente un nouveau mode d’évaluation de la CMH.
Classification et définition
des cardiomyopathies hypertrophiques :
La classification actuelle des cardiomyopathies les définit comme des
maladies du myocarde associées à une dysfonction ventriculaire.
Cette nomenclature distingue les cardiomyopathies dilatée, hypertrophique,
restrictive et ventriculaire droite arythmogène.
La CMH se caractérise par une hypertrophie ventriculaire gauche et/ou
droite, généralement asymétrique, touchant le septum interventriculaire
(SIV).
Le volume ventriculaire est normal ou réduit. Un gradient
systolique est fréquent.
Les maladies familiales à transmission
autosomique dominante à pénétrance incomplète prédominent.
Les
mutations concernent les protéines contractiles sarcomériques.
Les
modifications morphologiques incluent une hypertrophie des myocytes
et une désorganisation cernant des zones de fibrose.
C’est une
hypertrophie idiopathique dont le diagnostic n’est retenu qu’après
exclusion des autres causes d’hypertrophie ventriculaire.
Sept
chromosomes (1, 3, 7, 11, 12, 14, 15) contiennent des gènes codant pour
des protéines sarcomériques cardiaques, siège des mutations impliquées
dans la CMH.
La prévalence de la CMH est estimée à 0,2 % dans la
population générale.
Clinique - évolution
A - Examen clinique - enquête familiale
:
Les patients symptomatiques décrivent classiquement une dyspnée, des
douleurs thoraciques, des palpitations et/ou des lipothymies.
L’examen
clinique peut être strictement normal chez les patients sans gradient ;
l’auscultation typique d’une CMH obstructive comporte un souffle
mésosystolique endapexien, variable dans le temps, en intensité et durée
dans le cycle.
Un souffle diastolique d’insuffisance aortique est perçu
dans 10 % des cas.
La découverte d’une CMH chez un patient doit déclencher une enquête
génétique familiale.
Classiquement, 60 %des CMH sont familiales, les
autres formes étant sporadiques.
Les anomalies de l’électrocardiogramme (ECG) les plus fréquentes sont
des modifications du segment ST et de l’onde T, une hypertrophie
ventriculaire gauche électrique et des ondesQpathologiques (20 à 50 %
des patients).
Les ondes T géantes négatives sont caractéristiques d’une
hypertrophie apicale. Cependant, 15 %des patients atteints ont un ECG
strictement normal.
L’enregistrement Holter ECG annuel de 48 heures
détecte les complications rythmiques telles que la fibrillation auriculaire
et l’hyperexcitabilité ventriculaire.
L’ECG d’effort fait l’objet d’une
contre-indication relative en cas d’obstacle ventriculaire gauche, mais
peut cependant être informatif sur l’adaptation tensionnelle à l’effort ;
dans tous les cas, il doit être réalisé dans les centres de référence.
Les
données de la radiographie thoracique sont variables, avec une
silhouette cardiaque normale ou élargie, résultant de l’hypertrophie
ventriculaire et/ou de la dilatation auriculaire gauches.
C - Évolution - complications
:
L’histoire naturelle est difficilement prévisible, pouvant essentiellement
se compliquer de mort subite prématurée, d’aggravation
symptomatique, de fibrillation auriculaire, d’accident
thromboembolique systémique ou d’insuffisance cardiaque.
Le taux
annuel de mortalité varie de 0,5-1,5 %, dans des populations non
sélectionnées, à 3-4 % pour une population d’adultes et 4-6 % chez des
enfants dans des centres de référence, reflétant le biais de recrutement
des différentes équipes.
Les facteurs de risque de mort subite sont :
existence de syncopes, antécédent familial de mort subite, épisodes de
tachycardie ventriculaire non soutenue au Holter et baisse tensionnelle
à l’effort.
Imagerie
:
Les différents examens d’imagerie à notre disposition doivent répondre
aux questions suivantes : affirmer l’hypertrophie myocardique, en
évaluer la répartition, l’extension et ses conséquences hémodynamiques
(compliance et relaxation ventriculaires, obstacle hémodynamique
intraventriculaire, analyse de la valve mitrale, recherche d’une ischémie
myocardique), détecter les complications et guider la décision
thérapeutique.
A - Échocardiographies-doppler transthoracique
et transoesophagienne :
Aujourd’hui, l’échocardiographie-doppler transthoracique est
indiscutablement l’outil diagnostique clé dans le bilan d’une CMH,
permettant de répondre, le plus souvent, à la majorité des questions
posées.
En cas de problème d’échogénicité, cet examen est complété par
l’échographie transoesophagienne.
Avant de détailler les signes
observés, il convient de préciser que ces anomalies, prises isolément, ne
sont pas spécifiques de la CMH et peuvent se voir dans d’autres
pathologies.
1- Hypertrophie ventriculaire gauche
:
Elle se mesure sur une incidence parasternale gauche en mode TM, à
l’aide du repérage bidimensionnel, sous peine de surestimation des
épaisseurs pariétales.
L’association d’une épaisseur septale supérieure
ou égale à 15 mm et d’une paroi postérieure normale ou peu épaisse est
très évocatrice.
Bien que l’épaisseur septale moyenne mesurée en
échographie soit de 20 mm, les valeurs sont très variables allant de 13 à
60 mm.
L’hypertrophie est dite asymétrique si le rapport
septum/paroi postérieure est supérieur ou égal à 1,5.
L’hypocinésie
septale contraste avec la cinétique normale de la paroi postérieure.
La répartition et l’extension de l’hypertrophie s’apprécient en
échographie bidimensionnelle, associant les incidences parasternale
gauche transverse (deux coupes passant au niveau de la valve mitrale et
des piliers) et apicale.
Deux classifications anatomoéchographiques sont proposées :
– celle deWigle tient compte de l’importance de l’épaisseur
pariétale et de son extension ;
– celle de Maron est la plus utilisée.
Elle est fondée sur la répartition
de l’hypertrophie (septum antérieur, septum postérieur, paroi libre
latérale et paroi libre postérieure) analysée sur les coupes parasternales
gauches transverses.
Quatre types de CMH sont individualisés :
– le type I (hypertrophie localisée à la partie antérieure du septum) ;
– le type II (hypertrophie de tout le septum) ;
– le type III (hypertrophie de tout le septum et de la paroi libre latérale) ;
– le type IV (hypertrophie de la paroi postérieure, de la paroi latérale, médioventriculaire, apicale ou concentrique).
Dans la série de Bethesda comportant 600 patients, le septum
antérieur est le plus fréquemment atteint (96 %), suivi du septum
postérieur (66 %), de la paroi latérale (42 %) et de la paroi postérieure
(18 %).
La répartition selon la classification de Maron est la suivante :
type I : 25 % ; type II : 31 % ; type III : 34 % ; type IV : 3 %.
2- Anomalies valvulaires et sous-valvulaires mitrales
:
L’appareil sous-valvulaire mitral peut être le siège d’anomalies à type
de malposition et mauvaise orientation des piliers, d’anomalies de
longueur des cordages allant jusqu’à l’insertion directe du pilier sur la
valve ; indépendamment de ces anomalies, les feuillets mitraux sont
agrandis ou allongés dans 60 % des cas, sur une série anatomique de
100 valves analysées après chirurgie ou autopsie.
Sur une série de
37 patients, l’indice échographique le mieux corrélé aux dimensions
anatomiques de la valve mitrale est la surface d’ouverture mitrale
calculée par méthode planimétrique bidimensionnelle en incidence parasternale transverse.
L’équation de correspondance en
échographie transthoracique s’écrit :
La conjonction de ces anomalies anatomiques et de l’hypertrophie
septale aboutit à une géométrie anormale de la chambre de chasse
ventriculaire gauche et à la création d’un gradient de pression systolique.
Il existe alors un déplacement antérieur du feuillet mitral antérieur, à son
extrémité, au point d’insertion des cordages, en direction du SIV appelé
SAM par les Anglo-Saxons.
Ce mécanisme entraîne une fuite mitrale antihoraire.
La sévérité du
SAM est classiquement graduée en trois stades :
– SAM sévère : contact prolongé SAM-septum, pendant plus de 30 %
de la systole échographique ;
– SAM moyen : distance SAM-septum inférieure à 10 mm ou contact
bref ;
– SAM discret : distance SAM-septum supérieure à 10 mm.
Bien que le rôle du SAM demeure controversé dans la genèse du
gradient, il existe une relation étroite entre la sévérité de celui-ci et
l’importance du gradient de pression dans la chambre de chasse.
Le
SAM avec contact prolongé ne se voit que pour les CMH avec gradient
systolique de repos et une relation étroite existe entre le début du
gradient et celui du contact septal.
Le SAM n’est pas pathognomonique
de la CMH et peut se voir dans les coeurs hyperkinétiques, au cours des
états d’hypovolémie, en cas de malposition de cordages dans les
insuffisances mitrales dystrophiques ou après valvuloplastie mitrale
chirurgicale.
3- Fermeture mésosystolique des sigmoïdes aortiques
:
Ce signe témoigne d’une obstruction intraventriculaire gauche.
Il faut le
distinguer de l’ouverture vibrée des sigmoïdes aortiques, du bas débit
aortique et de la fermeture plus précoce en cas de rétrécissement aortique sous-valvulaire.
4- Gradient de pression systolique
:
Les CMH sont dites obstructives quand il existe un gradient de pression
systolique intraventriculaire supérieur ou égal à 30 mmHg au repos ou
supérieur ou égal à 50 mmHgaprès stimulation (manoeuvre de Valsalva,
trinitrine sublinguale, perfusion intraveineuse d’isoprénaline).
Le siège
de l’obstruction peut être au niveau de la chambre de chasse et/ou médioventriculaire, voire intraventriculaire droit ; deux sites
d’obstruction dynamique peuvent coexister pour un même patient.
Il se recherche en méthode doppler continu non couplé à l’imagerie, à
l’aide d’une sonde Pedoff.
Le pic de gradient de pression systolique est
calculé par l’équation de Bernoulli simplifiée :
Dpmax = 4 (Vmax)2
où Dpmax : pic de gradient de pression systolique (mmHg) ; Vmax :
vélocité maximale (m/s).
Les valeurs obtenues sont parfaitement corrélées aux mesures prises par
cathétérisme cardiaque.
Typiquement, le flux d’obstruction a un
aspect spectral dit en « lame de sabre », avec une vélocité maximale télésystolique ; mais son aspect et sa vélocité maximale peuvent
varier dans le temps sous l’influence de nombreux facteurs.
Ce n’est pas
tant la valeur absolue du pic de vélocité que sa précocité dans le cycle
qui importe pour le retentissement fonctionnel.
Il est parfois difficile de
distinguer, en doppler continu avec la sonde Pedoff, le flux du gradient
de pression systolique de celui d’une insuffisance mitrale (IM) très
souvent présente, liée au mécanisme du SAM.
5- Étude de la relaxation ventriculaire gauche
:
La dilatation auriculaire gauche, en dehors de toute IM significative,
marque indirectement l’élévation de la pression de remplissage
ventriculaire gauche.
Les anomalies en échodoppler de la fonction
diastolique sont présentes dans 80 % des cas, indépendamment de
l’existence d’un gradient de pression systolique.
L’aspect typique est
une inversion du rapport E/A du flux doppler transmitral avec
diminution du temps de décélération de l’onde E et allongement du
temps de relaxation isovolumétrique gauche (TRIVG) ; l’élévation de
la pression auriculaire gauche, liée ou non à une IM, peut normaliser le
TRIVG et l’aspect du flux.
Le flux transmitral le plus caractéristique de
la CMH associe trois ondes positives successives, un flux de relaxation
isovolumétrique s’ajoutant aux classiques ondes E etA.
Dans les formes
très évoluées, le flux transmitral a un aspect hypernormal avec
augmentation importante de l’amplitude de l’onde E, une petite onde A
(rapport E/A supérieur à 2), un temps de décélération de l’onde E et un
TRIVG courts.
6- Formes particulières
:
La CMH du sujet âgé présente une réduction marquée de la taille de la
chambre de chasse ventriculaire gauche.
Au-delà de 65 ans, elle se
caractérise aussi par des calcifications quasi constantes de l’anneau mitral et, dans 60 % des cas, par un SAM marqué, dont le mécanisme
combine un mouvement antérieur de la valve mitrale et un déplacement
postérieur du septum.
Les formes familiales sont dépistées par une enquête et l’analyse génotype-phénotype.
Pour les adultes, les critères diagnostiques ont été
récemment redéfinis et portent sur la combinaison de critères majeurs et
mineurs, échocardiographiques, électrocardiographiques, ainsi que sur
la présence de symptômes.
Le coeur du sportif pose un problème diagnostique difficile : dans la
majorité des cas, l’hypertrophie du sportif est harmonieuse avec une
épaisseur inférieure ou égale à 12 mm et un diamètre télédiastolique
supérieur à 55 mm dans un tiers des cas.
Cette hypertrophie régresse
normalement au cours des 3 mois suivant l’arrêt de l’activité physique.
Cependant, chez un athlète, le diagnostic de CMH doit être soulevé sur
les critères suivants proposés par Maron : diamètre télédiastolique du
ventricule gauche (VG) inférieur à 45 mm, caractéristiques inhabituelles
de l’hypertrophie ventriculaire gauche, dilatation de l’oreillette gauche,
flux doppler transmitral pathologique, sexe féminin et histoire familiale
de CMH.
B - Imagerie par résonance magnétique
:
L’IRM offre, de façon non invasive, une approche anatomique et
fonctionnelle des CMH.
Les avancées technologiques actuelles
permettent d’apprécier la fonction du VG de façon fiable et
reproductible.
Son utilisation demeure moins aisée que l’échographie en
raison de la faible disponibilité des machines et de la longueur des
procédures.
C’est donc un examen de deuxième intention par rapport à
l’échographie.
1- Approche anatomique
:
Les séquences utilisées sont des séquences en écho de spin multiphases,
multicoupes en pondération T1 synchronisées au rythme cardiaque.
Les
paramètres sont les suivants : temps de répétition (TR) synchronisé à
l’espace RR, temps d’écho (TE) de 20 à 60 ms et épaisseur des coupes
de 5 à 10 mm.
Elles offrent un bon contraste spontané entre le
myocarde et les structures adjacentes.
La qualité des images peut
cependant être altérée si le rythme cardiaque est irrégulier.
Deux
incidences sont particulièrement utilisées : l’une dans le grand axe du
VG, perpendiculaire au septum, l’autre, perpendiculaire à la
précédente, correspond à une coupe petit axe du VG.
L’IRM permet des mesures précises de l’hypertrophie myocardique et
analyse sa répartition.
C’est une technique particulièrement intéressante
dans les hypertrophies à prédominance apicale, répandues au
Japon et en Corée, difficiles à mesurer en échographie. Les mesures
sont effectuées à la base, à l’apex ou dans la partie médiane du VG, en télédiastole.
2- Approche fonctionnelle
:
La ciné-IRM analyse la cinétique de contraction des parois du VG.
Elle
utilise des séquences en écho de gradient qui offrent un excellent contraste entre le myocarde en hyposignal et le sang circulant en
hypersignal.
Les incidences utilisées sont les mêmes que pour les
séquences en écho de spin.
Des coupes jointives sont réalisées de la base
jusqu’à l’apex. Pour chaque coupe, un cycle cardiaque entier est
observé.
Le signal sanguin des CMH obstructives lors du cycle
cardiaque est caractéristique.
En diastole, le sang circulant apparaît sous
forme d’un hypersignal homogène.
En systole, les différentes étapes
suivantes sont décrites : en protosystole, une perte du signal est d’abord
observée au sein du VG et correspond à une augmentation régionale des
vitesses de flux ou à des turbulences, puis un SAM et, enfin, une perte de
signal télésystolique dans l’oreillette gauche (OG) correspondant à une
régurgitation mitrale.
Cette méthode sert également à calculer la
fraction d’éjection, la masse et le volume du VG.
Le tagging ou tatouage myocardique consiste à surimposer des lignes
de présaturation apparaissant sous forme d’hyposignal durant le cycle
cardiaque, pour visualiser la déformation du myocarde.
Ces lignes
peuvent être disposées de façon radiaire ou en grille, permettant une
étude segmentaire du myocarde.
Dong et al ont démontré que
l’augmentation d’épaisseur du myocarde dans les CMH est associée à
une altération de la relaxation myocardique.
Ils concluent que la
fonction systolique du myocarde hypertrophié est altérée de façon
hétérogène et que son importance est proportionnelle à l’épaisseur du
myocarde.
L’épaississement du myocarde est moindre dans les zones les
plus hypertrophiées.
Par ailleurs, la rotation du VG au cours du cycle
cardiaque et le raccourcissement myocardique radiaire sont différents de
ceux observés chez les sujets normaux.
L’IRM reste encore actuellement peu performante pour établir une
orientation étiologique, étant donné le peu de fiabilité des séquences
pondérées T1 ou T2 pour la caractérisation tissulaire, même si des
espoirs sont placés dans la spectrométrie-IRM.
C - Scanner ultrarapide
:
Le scanner ultrarapide ou Imatron permet, comme l’IRM, une approche
anatomique mais également fonctionnelle des CMH : le calcul de la
fraction d’éjection et de la masse du VG est possible et reproductible.
L’appréciation de la cinétique segmentaire du VG reste mal codifiée.
Compte tenu de sa faible disponibilité et du faible nombre de ces
installations, les études concernant cet appareil restent rares.
D - Hémodynamique et angiocardiographie
:
1- Cathétérisme cardiaque
:
La description initiale de la CMH a été basée sur la mise en évidence
d’un gradient de pression intraventriculaire gauche systolique
dynamique, au cours du cathétérisme cardiaque.
Ultérieurement,
l’inconstance de ce gradient a été observée et les autres signes
hémodynamiques ont été reconnus : les anomalies de la fonction
diastolique, l’insuffisance mitrale et le retentissement sur les cavités
droites.
* Gradient intraventriculaire dynamique gauche
:
Son mécanisme physiopathologique est bien expliqué par
l’échocardiographie.
Schématiquement, la courbe de pression
systolique dans la chambre de remplissage, présente un épaulement dans
sa portion ascendante et un sommet pointu.
En aval de
l’obstacle intraventriculaire, la pression systolique est plus basse
donnant à la courbe un aspect écrêté analogue à celui observé dans
l’aorte.
Le gradient intraventriculaire gauche dynamique est très labile et dépend
de l’état d’inotropisme du ventricule et de ses conditions de charge.
Ainsi, une réduction de volume duVGtelle qu’elle est observée dans les
baisses de précharge ou de postcharge, et une stimulation de la
contractilité par l’isoprénaline favorisent l’apparition d’un gradient.
À
l’inverse, toute augmentation de la charge ou baisse de la contractilité
par les bêtabloquants et le vérapamil peut faire disparaître le gradient
intraventriculaire.
Le renforcement de la contractilité, observé après
extrasystole ventriculaire gauche, est un excellent moyen pour
démasquer, voire majorer l’obstacle intraventriculaire.
Cela entraîne une
majoration de la pression systolique dans la chambre de remplissage du
VG et une chute dans la chambre sous-aortique et l’aorte avec remontée
progressive de cette pression au cours des systoles ultérieures.
C’est le
phénomène de Brockenbrough-Braunwald.
Il n’est pas observé
dans les rétrécissements fibreux sous-aortiques dont le gradient est fixé,
ce qui permet d’en faire le diagnostic différentiel.
* Anomalies de la fonction diastolique
:
Elles sont toujours présentes, même en l’absence de symptômes, de
gradient intraventriculaire ou de réduction de la cavité ventriculaire
gauche.
Elles paraissent indépendantes des caractéristiques de
l’hypertrophie myocardique.
Elles sont responsables de perturbations
hémodynamiques et d’un risque de mort subite plus grands que ceux
engendrés par l’obstacle à l’éjection ventriculaire.
Elles sont le fait d’une
prolongation de la relaxation donnant une ischémie sous-endocardique
en protodiastole et d’une altération de la distensibilité par fibrose
ou désorganisation des fibres myocardiques, observée en télédiastole.
Ainsi la pression télédiastolique ventriculaire gauche est constamment
augmentée (supérieure à 12 mmHg) avec élévation secondaire des
pressions auriculaires gauches et hypertension artérielle pulmonaire
dans les formes évoluées.
De telles anomalies peuvent aussi être
observées sur le ventricule droit et relever du même mécanisme.
* Insuffisance mitrale
:
Elle fait partie intégrante du mécanisme du SAM décrit en
échocardiographie.
Son importance est variable.
Elle peut se manifester
par une grande onde V sur la courbe de pression auriculaire gauche ou
capillaire pulmonaire, mais cette anomalie n’a de valeur diagnostique
qu’en rythme sinusal.
* Gradient intraventriculaire droit
:
Il est rencontré chez 15 %des patients présentant un obstacle dynamique
du VG.
Il correspond à une localisation droite du processus
d’hypertrophie.
2- Angiocardiographie
:
L’étude complète des signes angiographiques de CMH du VG nécessite
deux incidences : l’une en oblique antérieure droite (OAD), l’autre en
oblique antérieure gauche (OAG) avec inclinaison crâniale et injection
biventriculaire de produit de contraste.
Dans la pratique courante, seule
l’incidence OAD est réalisée et montre les anomalies indiquées ci-après.
* Hypertrophie myocardique
:
Elle se mesure en diastole sur la paroi antérieure libre du VG.
La valeur
seuil pour le diagnostic est de 13 mm.
La localisation de cette
hypertrophie est moins précise qu’en échographie ou en IRM.
Pour en
apprécier le caractère asymétrique portant sur le septum, l’incidence OAG avec opacification biventriculaire est nécessaire mais peu usitée.
La forme apicale est suspectée en présence d’un comblement de la
pointe donnant un aspect en « pelle ».
* Réduction de la cavité ventriculaire gauche
:
Elle est constante dans les formes à fonction systolique conservée, avec
parfois une cavité biloculée en systole.
S’il existe une hypertrophie
asymétrique du septum, une désaxation entre le VG et l’aorte s’y
surajoute.
* Insuffisance mitrale
:
Elle est cotée de 1 à 4 selon sa sévérité. Son mécanisme n’est clairement
observé qu’en incidence OAG.
* Évaluation de la fonction systolique ventriculaire gauche
avec mesures des volumes et de la fraction d’éjection :
Elle confirme la réduction des volumes télédiastolique et télésystolique
ainsi que la présence d’une fraction d’éjection normale ou
supernormale.
3- Coronarographie
:
Elle est systématique en raison de la fréquence de l’ischémie
myocardique dont l’origine est multifactorielle. Cependant, les
anomalies sont pauvres et non spécifiques.
Elles se résument à
l’observation d’un flux phasique particulièrement marqué lors de
l’injection coronaire de contraste avec écrasement systolique des
artères septales dont la morphologie, la situation et la distribution sont
analysées dans l’éventualité d’une indication d’embolisation.
E - Méthodes isotopiques
:
Leur utilisation est inhabituelle.
Cependant la tomoscintigraphie au
thallium 201 est intéressante car elle montre des hypofixations
réversibles, dont la présence a été corrélée chez les sujets jeunes avec la
mort subite et les épisodes de syncope.
Cela suggère l’importance du
phénomène ischémique dans la genèse de ces accidents.
Quant à la gamma-angiographie isotopique, elle semble surtout utile pour étudier
les anomalies de la fonction diastolique.
Traitement
:
A - Traitement médical
:
Trois classes médicamenteuses (bêtabloquants, vérapamil,
disopyramide) sont susceptibles de diminuer les stigmates de
l’obstruction ventriculaire gauche.
Le vérapamil améliore
également la fonction diastolique.
Néanmoins, les données échodoppler
sont à interpréter avec prudence quand on connaît la variabilité
temporelle naturelle de la sévérité du gradient de pression systolique.
Le
choix du traitement médical est empirique ; il n’a pas d’efficacité sur la
prévention de la mort subite.
Les patients ayant une hypertrophie septale
non obstructive inférieure à 25 mm, asymptomatiques et sans antécédent
familial de mort subite, ne nécessitent pas de traitement, mais une
surveillance échographique annuelle.
B - Traitement chirurgical
:
La myectomie chirurgicale fut pendant longtemps la seule alternative
aux échecs du traitement médical de la CMH obstructive, avec une amélioration symptomatique significative et permanente dans 70 %des
cas sur 1 500 patients opérés.
Lors de l’ECG préopératoire,
l’existence d’une hypertrophie asymétrique, d’un SAM sévère et d’un
TRIVG supérieur à 100 ms permet d’identifier les patients tirant le plus
grand bénéfice postopératoire avec une dyspnée résiduelle minime ou
nulle.
L’échographie transoesophagienne peropératoire se révèle utile
pour prévoir l’étendue de la résection en mesurant l’épaisseur septale au
site présumé de myectomie, apprécier immédiatement le résultat et
déceler les complications importantes.
L’échographie postopératoire
évalue la réduction de l’épaisseur septale, l’élargissement de la chambre
de chasse par abolition du SAM, entraînant une diminution du gradient
de pression systolique et de l’IM et l’amélioration des indices doppler
de la fonction diastolique ; elle détecte enfin les insuffisances aortiques
postopératoires.
C - Stimulation endocavitaire
:
La stimulation cardiaque permanente double chambre est une
thérapeutique d’apparition plus récente, s’adressant aux patients ayant
une CMH obstructive et symptomatique malgré un traitement médical
adapté.
Le bénéfice thérapeutique à long terme demeure controversé.
Cette méthode nécessite la programmation d’un délai auriculoventriculaire (DAV) suffisamment court pour une capture
ventriculaire complète.
L’utilisation de l’échodoppler s’avère
indispensable afin de régler le stimulateur de façon à obtenir le DAV
approprié, un flux transmitral adéquat et une diminution significative de
l’IM et du gradient de pression.
L’analyse de la contractilité régionale
par méthode échocardiographique démontre que la stimulation
séquentielle auriculoventriculaire droite diminue la contractilité septale,
accentue celle de la paroi latérale, sans altérer la fraction d’éjection
ventriculaire gauche globale et la contractilité apicale et postérieure.
Cela explique en partie l’effet positif de la stimulation définitive sur le
gradient de pression.
D - Perspectives apportées par l’embolisation
de l’artère septale principale
:
Le concept de ce traitement est basé sur la réalisation d’un infarctus septal
par embolisation de l’artère septale principale.
Comme la participation du
septum est constante dans la genèse du gradient intraventriculaire gauche,
sa réduction est obtenue grâce à l’akinésie et l’amincissement du septum
secondaire à l’infarctus créé.
Ce traitement s’adresse aux
cardiomyopathies hypertrophiques pour lesquelles un gradient intraventriculaire gauche persiste au repos malgré le traitement
médical.
C’est une alternative à la myectomie chirurgicale et à la
stimulation double chambre.
Les premiers résultats publiés par Sigwart et
son équipe ont montré une réduction moyenne significative du
gradient après infarctus septal, persistant au cours des premiers mois
d’évolution avec amélioration significative des symptômes, sans
modification de la capacité physique à l’exercice.
Des complications, à
type d’angor lors de l’occlusion septale, bloc auriculoventriculaire
transitoire, ou arythmie ventriculaire grave ont été observées.
En
revanche, il n’est pas constaté d’altération globale de la fonction
ventriculaire gauche.
Le recul d’évolution est insuffisant pour juger de
l’efficacité persistante de cette technique sur le gradient intraventriculaire
de repos et de son innocuité en raison de l’infarctus septal créé.
La stratégie diagnostique d’imagerie repose en premier lieu
sur l’échocardiographie-doppler transthoracique, voire
transoesophagienne ; les autres techniques non invasives ne sont
envisagées qu’en cas d’échec ou dans le cadre de protocoles
d’étude.
Le recours au cathétérisme cardiaque n’apparaît
actuellement justifié qu’en cas d’inefficacité du traitement
médical, lorsque d’autres alternatives thérapeutiques sont
envisagées.