Biologie de la cellule cancéreuse. Le tissu cancéreux, le stroma. La carcinogénèse

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Caractéristiques du cancer :

A – In vivo :

Prolifération cellulaire illimitée autonome, capable de dissémination à distance.

Signes morphologiques :

* Anomalies cytologiques nucléaires et cytoplasmiques

* Anomalies des mitoses

* Différenciation cellulaire variable.

* Infiltration des tissus voisins, nécrose.

* Anomalies cytogénétiques :

* Anomalies chromosomiques observées dès 1900 (Boveri) : souvent complexes, en grande partie aléatoires (instabilité chromosomique des cellules cancéreuses).

En particulier, anomalies quantitatives, acquises au cours de l’évolution de la tumeur:

* cellules tétraploïdes (doublement du matériel génétique)

* cellules aneuploïdes (nombre de chromosomes différent de 46)

Certaines anomalies qualitatives spécifiques d’un type de tumeur : 3 types principaux :

* délétion (perte d’une partie d’un chromosome)

* translocation (transfert d’un fragment de chromosome sur un autre chromosome) .inversion ex : t(8; 14)(q24;q32) ou t(2;8) ou t(8;22): lymphome de Burkitt t(9;22)(q34;q11): leucémie myéloïde chronique.

t(11;22)(q24;q12): sarcome d’Ewing (osseux).

La signification de ces anomalies dans l’apparition du cancer (cancérogenèse) n’a été comprise que récemment, grâce au développement de la biologie moléculaire.

B – In vitro :

Les cellules cancéreuses peuvent être cultivées in vitro, ce qui permet d’étudier leur structure et leurs propriétés.

Certaines cellules normales peuvent par ailleurs être « transformées » in vitro : elles acquièrent des caractéristiques des cellules cancéreuses.

Les tests permettant de démontrer le caractère tumoral de cellules consistent en une inoculation à un animal compatible, qui développe un cancer : .animal syngénique (même espèce et même type d’histo-compatibilité)

* animal immunodéficient: souris « nude », sans thymus (sans immunité cellulaire).

La transformation cellulaire peut être obtenue : .essentiellement après infection par des virus oncogènes (retrovirus à ARN, certains virus oncogènes à ADN)

* par transfection dans des cellules cibles, d’ADN ou de chromosomes provenant de virus oncogènes, de cellules transformées ou de cancers.

* plus rarement, avec des produits chimiques carcinogènes

* rarement, après exposition à des radiations ionisantes ou UV

Caractéristiques des cellules transformées et des cellules cancéreuses in vitro :

A – Anomalies morphologiques :

Augmentation du rapport nucléo cytoplasmique, pléomorphisme cellulaire (caractéristiques utilisées pour le diagnostic en cytopathologie)

B – Anomalies chromosomiques :

Aneuploïdie , réarrangements chromosomiques.

Certaines cellules ont une grande instabilité chromosomique, d’autres sont stables.

C – Modifications antigéniques :

1- Acquisition d’expression antigénique :

En particulier, en cas de cellules transformées par un virus, expression d’antigènes viraux membranaires ou intracellulaires.

Expression d’antigènes tumoraux = marqueurs tumoraux ex: antigènes foetaux, présents à l’état normal seulement sur les cellules embryonnaires : antigène carcino-embryonnaire (ACE) marqueur de cancers épithéliaux alpha-foetprotéine, marqueur de cancers du foie, de certains cancers de l’ovaire et du testicule.

2- Perte de certains antigènes :

Exprimés par les cellules normales ex: antigènes d’histocompatibilité HLA.

D – Modifications de la membrane cellulaire :

1- Type de modification :

Non seulement dans sa structure antigénique protéique, mais aussi dans sa constitution en glycoprotéines et glycolipides ex : effet agglutinant de lectines, d’origine végétale, qui se fixent sur certains glucides.

2- Conséquences :

a- Ces altérations membranaires perturbent les interactions cellulaires :

• Reconnaissance des cellules entre elles, par contact membranaire

• Adhérence intercellulaire

• Transmission de signaux de régulation entre cellules, contrôlant la croissance, le mouvement, le métabolisme cellulaire (facteurs de croissance).

b- Ces anomalies expliquent le comportement anormal des cellules cancéreuses en culture :

• Perte de l’adhésivité intercellulaire : par modification des glycoprotéines de surface et défaut de synthèse de fibronectine.

• Perte de la dépendance d’ancrage et de l’inihibition de contact : les cellules cancéreuses peuvent se multiplier dans un milieu semi-liquide, sans support solide

Elles restent mobiles et continuent à se multiplier quand elles entrent en contact, contrairement aux cellules normales.

c- Croissance tumorale favorisée :

La croissance des cellules tumorales en culture nécessite moins de facteurs de croissance que celle des cellules normale.

Il y a production de facteurs de croissance par les cellules tumorales (stimulation autocrine).

L’acquisition de ces propriétés est liée à l’expression de gènes (oncogènes) découverts grâce à l’étude des cellules transformées par les rétrovirus et des expériences de transfection.

Ces gènes jouent un rôle important dans le contrôle de la croissance et de la différenciation cellulaire.

Les oncogènes et les facteurs de croissance sont des éléments-clefs de la cancérogenèse.

Les mécanismes de la cancérogenèse :

A – Introduction :

Les connaissances actuelles proviennent : des études expérimentales (chez l’animal et cultures cellulaires) ainsi que des études cliniques et épidémiologiques :

– Incidence du cancer, variations géographiques

– Rôle du mode de vie, de l’exposition à des agents carcinogènes,

Il apparait ainsi que le cancer est dû à des facteurs chimiques, physiques, biologiques et génétiques souvent associés entrainant des modifications du génome cellulaire.

Ces facteurs peuvent être divisés en :

• Facteurs intrinsèques : ce sont les facteurs génétiques, liés à l’âge, physiologiques (état immunitaire ou hormonal).

• Facteurs extrinsèques (de l’environnement).

Ces différents facteurs extrinsèques et intrinsèques ont de nombreuses interactions.

Ex: cancer de la peau : rôle : de l’exposition au soleil de facteurs génétiques: pigmentation cutanée.

B – Facteurs intrinsèques de la carcinogénèse :

La croissance d’un cancer dépend du pouvoir de prolifération des cellules tumorales, mais aussi de la capacité de défense de l’hôte.

1- Réponse locale : le stroma

La croissance tumorale nécessite une interrelation complexe avec les tissus voisins: multiplication de néo-vaisseaux (capillaires) :

• Angiogenèse tumorale, sous l’influence de facteurs angiogéniques spécifiques et non spécifiques (capables de stimuler la migration, la différenciation et la prolifération des cellules endothéliales).

• Prolifération de fibroblastes et production de collagène

• Attraction de macrophages et cellules phagocytaires (destruction des cellules mortes).

• Attraction et prolifération de lymphocytes, reflétant la réponse immune anti-tumorale.

Ces différents éléments de la réponse locale aboutissent à la constitution du stroma: tissu conjonctivo-vasculaire normal provenant de l’hôte, ayant un rôle de nutrition et de soutien, indispensable à la croissance tumorale.

L’importance de la « stroma-réaction » a une valeur pronostique démontrée pour certaines tumeurs.

Ex :

Carcinome médullaire du sein, riche en lymphocytes, de meilleur pronostic Maladie de Hodgkin (lymphome) avec déplétion lymphocytaire, de mauvais pronostic.

Certains carcinomes (sein) avec un stroma très fibreux, riche en collagène, rétractile (squirrhes) auraient une croissance assez lente.

Quand la néo-vascularisation est insuffisante, les cellules tumorales les plus éloignées des vaisseaux se nécrosent.

D’une manière générale, la stroma-réaction est beaucoup plus développée dans les tumeurs épithéliales (carcinomes) que dans les tumeurs conjonctives (sarcomes), où elle est réduite au réseau de capillaires.

2- Réponse immune anti-tumorale :

De nombreuses cellules cancéreuses expriment de nouveaux antigènes, contre lesquels se développe une réponse immune.

Cela est particulièrement vrai pour les tumeurs induites par des virus (expression d’antigènes viraux par les cellules tumorales).

Dans la théorie de la « surveillance immunitaire », proposée par Burnett, on admet que de nombreuses cellules cancéreuses sont produites dans l’organisme et sont éliminées par le système immunitaire, qui les reconnaît comme étrangères.

Un cancer ne surviendrait qu’en cas de défaillance de la surveillance immunitaire.

Cette théorie ne semble pouvoir être appliquée qu’aux cancers viroinduits. ex: chez l’homme, en cas de déficit immunitaire (traitement immunosuppresseur, SIDA) seulement certains cancers ont une fréquence accrue : papillomes, carcinomes, certains lymphomes (tumeurs pour lesquelles un facteur étiologique viral est probable).

3- Facteurs hormonaux :

L’état hormonal a probablement une importance sur la croissance de certains cancers, mais il n’est pas certain que les hormones aient un rôle au stade initial d’apparition du cancer.

Ex :

* chez l’animal, certains cancers induits par des carcinogènes chimiques se développent préférentiellement dans un sexe ou dans l’autre.

* chez l’homme, l’hormonodépendance du cancer du sein est bien établie.

Elle est utilisée à titre thérapeutique: la progression tumorale est freinée par un antagoniste des oestrogènes (tamoxifène), qui bloque les récepteurs oestrogéniques, et/ou l’ablation des ovaires.

4- Susceptibilité génétique au cancer :

Chez l’animal, la grande variabilité de sensibilité aux agents carcinogènes nécessite des études faites sur des animaux génétiquement identiques, obtenus par croisements consanguins successifs (souches pures).

Chez l’homme, les études épidémiologiques ont démontré que les facteurs d’environnement (chimiques, radiations, virus) jouent un rôle prédominant dans l’apparition de nombreux cancers (ex: cancer bronchique dû au tabac).

Les facteurs génétiques ont un rôle très variable selon le type de cancer :

• Rôle mineur dans certains cancers induits par des carcinogènes chimiques (ex: cancer de vessie, après exposition aux amines aromatiques)

• Rôle prépondérant dans certains cancers familiaux, transmis sur un mode dominant (ex: rétinoblastome, polypose colique familiale).

• Rôle intermédiaire probable dans de nombreux cancers, avec interaction complexe entre les facteurs d’environnement et les facteurs génétiques. (ex: cancers cutanés, après exposition aux UV, plus fréquents dans la race blanche et chez les roux).

5- Les mécanismes de la susceptibililté génétique au cancer :

Ils sont en partie connus:

• Variabilité génétique de la pigmentation cutanée (sensibilité aux UV)

• Variabilité génétique du métabolisme des agents carcinogènes chimiques, qui doivent souvent être activés (oxydation par cytochromes P450).

• Transmission familiale d’une mutation ou d’une micro-délétion d’un gène de susceptibilité, responsable du stade initial de la carcinogenèse.

Ex:

* polypose adénomateuse familiale : multiples polypes adénomateux coliques apparaissant dans l’enfance.

* développement d’un cancer colique avant 30 ans → gène de susceptibilité APC

* rétinoblastome : tumeur oculaire de l’enfant; transmise sur un mode autosomique dominant → gène de susceptibilité Rb1

* cancers familiaux :. colon : gènes de prédisposition hMSH2, hMLH1, hPMS1, hPMS2

* sein : gènes de prédisposition BRCA1, BRCA2

• Transmission familiale d’une anomalie des mécanimes de réparation de l’ADN.

Xeroderma pigmentosum: lésions et cancers cutanés, dûs à un déficit de la réparation des lésions de l’ADN dues aux UV . ataxie-télangiectasie: grande sensibilité aux irradiations, fréquence accrue de certains cancers (lymphomes)

• Sensibilité génétique à certains virus oncogènes :

Ex: carcinome du naso-pharynx, associé à une infection par le virus d’Epstein-Barr, en Asie du sud-Est.

6- Rôle de l’âge :

La fréquence globale du cancer augmente avec l’âge.

L’âge influence nettement l’incidence des différents types de cancer.

• Pic de fréquence dans l’enfance : il s’agit de cancers particuliers, dérivés de cellules du développement embryonnaire: néphroblastome, neuroblastome, rétinoblastome, leucémie lymphoblastique.

En dehors des formes familiales, le mécanisme d’apparition de ces cancers de l’enfant n’est pas connu: carcinogenèse transplacentaire éventuelle?

• Cancers chez le jeune adulte : Ils sont assez rares et de types particuliers: ostéosarcomes, maladie de Hodgkin, cancers testiculaires.

Peut-être en relation avec une stimulation hormonale ou un développement tissulaire intense ou une origine infectieuse.

• Les cancers de l’adulte augmentent de fréquence avec l’âge : en raison du temps d’exposition plus prolongé aux agents carcinogènes. La baisse d’efficacité des systèmes de réparation de l’ADN et du système immunitaire n’est pas formellement démontrée.

C – Facteurs extrinsèques de la carcinogenèse :

Trois groupes principaux : virus, substances chimiques, radiations ionisantes

L’étiologie virale de nombreux cancers animaux est connue depuis longtemps : virus du sarcome du poulet :

Rous 1910 virus du cancer du sein de la souris :

Bittner 1930 virus de la leucémie de la souris : Gross 1951….

Chez l’homme, on connait l’implication de virus dans l’apparition de certains cancers, les mécanismes exacts de la carcinogenèse n’étant que rarement clairement élucidés.

Les altérations génétiques des cellules cancéreuses peuvent être secondaires à l’incorporartion (intégration) du génome viral dans le génome cellulaire.

Mais cette intégration n’est pas démontrée pour tous les virus oncogènes.

On trouve des virus oncogènes :

• Parmi différents groupes de virus à ADN

• Parmi les virus à ARN, seuls les rétrovirus sont oncogènes: au cours de leur cycle de vie dans la cellule-hôte, un ADN est copié à partir de leur ARN, grâce à une reverse transcriptase virale.

1- Virus oncogènes à ADN :

Plusieurs cycles de vie dans la cellule-hôte sont possibles : .avec intégration de la totalité du génome viral .avec intégration d’une partie du génome viral. .sans intégration du génome viral, qui persiste dans la cellule sous une forme « épisomale ».

Dans tous les cas, des gènes viraux jouent probablement un rôle actif dans la transformation cellulaire, les mécanismes exacts étant cependant encore mal connus.

a- Adénovirus :

Il en existe plus de 40 sérotypes humains.

Certains sont capables de transformer des cellules humaines en culture (Ad12, en particulier).

Il y a intégration d’une partie seulement du génome, comportant toujours les gènes précoces E1A et E1B.

Leur rôle n’est démontré dans aucun cancer humain.

b- Virus du groupe Herpès :

* Chez l’animal, le virus de Marek est responsable d’un lymphome du poulet. Un vaccin vivant a été développé, ce qui ouvre des perspectives de prévention pour les cancers humains viro-induits.

* Chez l’homme, il existe 6 virus bien connus du groupe herpès :

* herpès virus de type 1 (herpès labial) : HSV1

* herpès virus de type 2 (herpès génital) : HSV2. cytomégalovirus (CMV)

* virus varicelle-zona (VZV)

* virus d’Epstein-Barr (EBV)

* HHV6 (human herpes virus 6)

Un nouveau virus herpès HHV-8, identifié récemment, serait à l’origine du sarcome de Kaposi (prolifération vasculaire, observée en particulier chez les patients immunodéprimés: SIDA…) et de certains lymphomes au cours du SIDA Par ailleurs, les virus HSV1 et 2 et l’EBV sont incriminés dans des cancers.

* HSV1 et HSV2 transforment des cellules animales en culture. HSV2 a été incriminé dans le cancer du col utérin, ce qui est actuellement remis en question.

* EBV : infecte 95% de la population: primo-infection inapparente chez l’enfant ou mononucléose infectieuse, en cas de primo-infection plus tardive.

Le virus persiste ensuite toute la vie sous une forme latente (dans des lymphocytes B).

Le lymphome de Burkitt, fréquent chez l’enfant (endémique) en Afrique tropicale (zones d’infestation par le paludisme) est associé à une infection EBV dans 95% des cas.

L’EBV entraine in vitro « l’immortalisation » mais non la tranformation des lymphocytes B.

Il persiste dans les celllules sous forme épisomale.

Son intégration n’a pas été démontrée jusqu’ici, dans des tumeurs (sauf en culture).

Il existe par ailleurs des lymphomes de Burkitt sporadiques, en dehors de l’Afrique tropicale, beaucoup plus rarement associés à l’EBV.

Tous les lymphomes de Burkitt comportent des anomalies chromosomiques spécifiques, entrainant une activation de l’oncogène c-myc. Le rôle du virus n’est ainsi pas clairement établi.

Les lymphomes survenant chez les patients transplantés, recevant un traitement immunosuppresseur, sont dans près de 100% des cas associés à l’EBV.

Le virus latent est réactivé, en raison du déficit immunitaire, et entraine la prolifération des lymphocytes B.

Le carcinome du naso-pharynx est fréquent en Asie du Sud-Est.

Les cellules tumorales renferment l’EBV et expriment certains gènes viraux. On incrimine une susceptibilité génétique à l’infection EBV.

Des cofacteurs (plantes, tabac, drogues…) participeraient à la carcinogenèse.

c- Papovavirus :

3 types : papillomavirus, virus du polyome et SV40 (virus vacuolant simien) papilloma virus : responsables de papillomes (tumeurs bénignes) et de carcinomes, chez le lapin et les bovins (oesophage)

Chez l’homme, il sont à l’origine des verrues des condylomes génitaux et ont été incriminés dans le cancer du col utérin : les types viraux 6 et 11 sont généralement associés à des lésions bénignes; les types 16 et 18 à des lésions précancéreuses et des cancers.

Un autre agent carcinogène est probablement nécessaire (tabac…).

Le virus persiste habituellement dans les cellules sous forme épisomale (non intégrée).

Son intégration est parfois observée dans les carcinomes.

d- Virus du polyome :

Cause différentes tumeurs chez la souris. Tout le génome viral est intégré dans les cellules.

La structure moléculaire du génome est entièrement connue et les gènes transformants sont identifés.

e- Virus SV40 :

Virus simien, bien connu, intégré dans les cellules hôtes.

Capable de transformer des cellules humaines en culture.

f- Pox virus :

Chez l’homme, le virus du molluscum contagiosum est responsable d’une lésion cutanée bénigne.

g- Virus de l’hépatite :

• Virus hépatite B : responsable d’un grand nombre d’hépatites chroniques, surtout dans les pays sous-développés. Incriminé dans le cancer du foie, très fréquent chez les porteurs chroniques du virus.

D’autres agents carcinogènes sont incriminés: aflatoxine.

Le rôle exact du virus est mal connu.

Son intégration dans le génome cellulaire, à proximité de gènes conntrôlant la division cellulaire, a été démontrée dans de rares cas.

La vaccination contre l’hépatite B pourrait prévenir le cancer du foie.

Elle est difficile à réaliser dans les pays sous-développés.

• Le virus de l’hépatite C : participe également à l’apparition de certains cancers du foie.

2- Virus oncogènes à ARN (rétrovirus) :

Chez l’animal, on distingue :

Les rétrovirus transformants lents : virus des tumeurs mammaires de la souris, des leucémies aviaires.

Le génome viral est intégré totalement ou partiellement.

Les rétrovirus transformants rapides (sarcomes des rongeurs et des oiseaux, différents virus leucémiques).

Le génome de ces derniers renferme une séquence supplémentaire, les gènes vonc (oncogènes viraux), identiques à des gènes présents dans les cellules normales: c-onc ou proto-oncogènes, qui interviennent dans le contrôle de la division cellulaire.

Il est admis que les rétrovirus transformants rapides dérivent des rétrovirus transformants lents. Ils ont acquis au cours de l’évolution les gènes c-onc, d’origine cellulaire.

Parmi les rétrovirus les plus connus :

* les virus des leucémies du poulet comportent les oncogènes : v-myc, v-myb, v-erb A, v-erb B.

* le virus du sarcome de Rous du poulet (au niveau duquel Temin a démontré l’existence de la transcriptase reverse) comporte l’oncogène v-src.

* les virus des sarcomes de rongeurs comportent les oncogènes v-Ha-ras et v-Ki-ras.

Chez l’homme, le seul rétrovirus actuellement connu est le virus HTLV-I, à l’origine de leucémies-lymphomes T.

Ce virus transforme les lymphocytes T humains, stimulés par l’interleukine

2. La maladie est endémique dans le Sud du Japon, dans les Caraibes, où une partie importante de la population est infectée par le virus.

3- Carcinogènes chimiques :

a- Généralités :

Les études épidémiologiques ont démontré depuis longtemps l’association de certains cancers à des produits chimiques :

XVIIIe siècle: cancer du scrotum des ramoneurs (goudron).

Cancer bronchique et tabac ….

L’identification de l’agent carcinogène exact est souvent difficile, en raison de la composition chimique complexe de ces produits.

La définition d’une substance carcinogène est difficile : certains produits (promoteurs) augmentent l’efficacité d’autres produits, mais n’ont pas d’action carcinogène directe.

Le pouvoir carcinogène est très variable : il est très faible pour le trichloréthylène ettrès élevé pour l’aflatoxine.

Les tests pour démontrer le caractère carcinogène comportent : des études longues et difficiles chez l’animal et des tests plus rapides : caractère mutagène chez des bactéries, la drosophile transformation cellulaire …

Mode d’action des substances carcinogènes : variable, parfois inconnu.

Le carcinogène entraine généralement des lésions de l’ADN.

Les erreurs des systèmes de réparation de l’ADN peuvent entrainer : la mort cellulaire ou des mutations, à l’origine de la carcinogenèse.

Il existe différents types de substances carcinogènes.

b- Classement selon leur origine :

• Moisissures des plantes

• Alimentation

• Exposition professionnelle

• Médicaments

• Environnement naturel

c- Classement selon leur nature chimique :

• Carcinogènes aromatiques : dérivés du goudron.

(Exemple : benzopyrène).

Ils provoquent de nombreux cancers expérimentaux chez l’animal.

Chez l’homme, ils entraînent des cancers dûs au tabac.

Ils n’ont pas une action carcinogène directe, mais doivent subir une activation métabolique, par des enzymes d’oxydation.

IIs sont capables de se lier à l’ADN.

Une activation métabolique est nécessaire à l’action carcinogène.

Les métabolites agissent directement sur l’ADN Ex :

Amines aromatiques : le cancer de vessie chez l’homme exposé à l’aniline (colorant) est connu depuis le début du siècle.

Du même groupe: 2-naphtylamine, benzidine…

• Carcinogènes azoïques : trouvés dans l’alimentation, les médicaments, l’industrie. ex: jaune de beurre (colorant) → cancer du foie chez le rat.

* Agents alcoylants : Action carcinogène directe, sans activation métabolique, par action mutagène.

Ex: moutarde azotée.

Médicaments (chimiothérapie): cisplatin, chlorambucil …

* Chlorure de vinyle (plastique industriel) → sarcome du foie

* Aflatoxine B : produite par un champignon, dans les arachides ou le riz moisis.

Le plus puissant des carcinogènes, en raison d’une forte capacité de fixation à l’ADN associé au cancer du foie, en Afrique, en association au virus de l’hépatite B.

• Métaux et fibres minérales :

Leur action carcinogène serait due à leurs propriétés physiques. Plusieurs métaux responsables de cancers chez l’homme :

* Arsenic: cancer cutané et bronchique

* Beryllium, chrome et nickel : cancer du poumon, du nez fibres minérales :

* Amiante (asbestose): mésothéliome (cancer de la plèvre) et du poumon.

• Carcinogènes non génotoxiques :

* Pesticides organochlorés (lindane, dioxine ..) : stimuleraient directement la prolifération cellulaire, sans action sur l’ADN.

* Agents promoteurs : augmentent l’action d’autres classes de carcinogènes : phorbol esters, phénol, acides biliaires…

* Hormones : agiraient par stimulation de la prolifération cellulaire.

* Agents immunosuppresseurs: augmentent la fréquence des lymphomes viro-induits.

4- Radiations ionisantes :

a- Epidémiologie :

Cancers des mains des radiologues Leucémies après traitement par rayons X, pour des rhumatismes (délai de 5 à 30 ans).

Sarcome du foie après radiographies avec du thorotrast

Leucémies et cancers chez les survivants après les explosions nucléaires de Nagasaki et Hiroshima.

Cancers du poumon chez les mineurs, dans les mines d’uranium.

b- Modèles animaux :

Leucémies et tumeurs solides, après irradiation (parfois par interaction avec un virus oncogène)

c- Mécanismes de la carcinogenèse :

Les radiations ionisantes causent différents types de lésions de l’ADN (cassures, lésions des bases) entraînant : la mort cellulaire des mutations, par réparation incorrecte de l’ADN parfois des anomalies chromosomiques.

d- Les Ultraviolets :

• Epidémiologie : cancers de la peau plus fréquents chez les blancs, dans les zones exposées au soleil, chez les agriculteurs…

Susceptibilité génétique : xeroderma pigmentosum : anomalie autosomique récessive, avec importantes lésions et cancers cutanés, liés à l’exposition au soleil.

• Mécanismes :

Les UV entrainent des lésions de l’ADN, qui ne sont pas des cassures : induction de dimères thymine T-T.

Des anomalies de réparation de l’ADN (contrôlée par différents gènes), de différents types, démontrées dans le xeroderma pigmentosum, sont à l’origine des étapes initiales de la carcinogenèse.

D – Différents stades de la cancérogenèse :

1- Notion de période de latence :

Une période de latence, généralement assez longue, est observée chez l’animal et chez l’homme après exposition à un agent carcinogène.

Ex: leucémies secondaires à une irradiation chez l’homme : latence minimale de 18 mois, en moyenne de 5 ans, parfois de 15 à 20 ans.

2- Cancérogenèse en plusieurs étapes :

On considère aujourd’hui que cette période de latence est due au fait que la transformation cellulaire se produit en plusieurs étapes :

a- Initiation :

L’agent carcinogène initial entraine des lésions génétiques cellulaires irréversibles, mais insuffisantes pour entainer la transformation.

Les cellules sont cependant devenues plus sensibles à la survenue d’autres altérations.

Il est probable que de nombreuses cellules « initiées » présentes dans l’organisme restent stables et n’évoluent pas vers les stades ultérieurs de la carcinogenèse.

b- Promotion :

Stade réversible, qui ne comporte pas de modifications de structure du génome caractérisé par une expression anormale de gènes, due à l’interaction :

* des altérations génétiques survenues pendant le stade d’initiation

* et de facteurs d’environnement, appelés « agents promoteurs ».

C’est à ce stade qu’interviennent les facteurs de type âge, alimentation, état hormonal et immunitaire.

Les agents promoteurs agissent souvent au niveau de molécules ayant une fonction de récepteur.

Les complexes « promoteur-récepteur » se lient à l’ADN et modifient l’expression de gènes de voisinage, dans les cellules initiées.

Ex: hormones stéroides (oestrogènes et androgènes)→ agents promoteurs des cancers du foie et du sein. Interactions avec des récepteurs spécifiques (oestrogéniques et androgéniques).

Dans certains systèmes expérimentaux (dose élevée de carcinogène), le stade de promotion n’existe pas.

Au stade de promotion, des mesures de prévention du cancer sont possibles.

c- Progression :

Stade irreversible, au cours duquel le cancer devient apparent.

Il Comporte des altérations génétiques majeures, avec des anomalies du caryotype, qui évoluent constamment en raison d’une instabilité chromosomique.

Les cellules tumorales ont perdu le contrôle de la conservation de la structure de leur génome au cours des divisions cellulaires.

Ces anomalies croissantes vont de pair avec l’acquisition des différentes caractéristiques du cancer :

• Dédifférenciation

• Invasion

• Capacité de donner des métastases

• Résistance à la chimiothérapie

• Echappement aux mécanismes du contrôle immunitaire de l’hôte

• Expression anormale de gènes (foetaux, par exemple).

C’est à ce stade que le cancer est traité, dans un but curatif ou palliatif.

E – Les cibles moléculaires de la cancérogenèse :

Les gènes touchés par les altérations génétiques observées pendant les différents stades de la carcinogenèse sont de 3 types :

* Proto-oncogènes et oncogènes cellulaires.

Gènes suppresseurs de tumeurs ou anti-prolifératifs.

Gènes contrôlant la mort cellulaire programmée (apoptose).

Dans les cellules normales, l’action conjuguée de ces 3 types de gènes maintient « l’homéostasie », en contrôlant la division, la différenciation, la mort cellulaire et la réparation de l’ADN.

C’est l’accumulation d’anomalies génétiques successives qui aboutit au cancer : le plus souvent, il s’agit anomalies acquises, localisées au niveau des cellules somatiques.

Parfois, anomalies transmises par les cellules germinales (mutations de gènes de susceptibilité) dans certains cancers familiaux.

Au delà d’un certain seuil, la prolifération cellulaire échappe à tout contrôle.

1- Proto-oncogènes et oncogènes cellulaires :

a- Définitions :

• Proto-oncogènes : oncogènes ayant un équivalent dans le génome d’un virus (ex: cmyc, c-src, c-erbA…)

• Oncogènes cellulaires : oncogènes n’ayant pas d’équivalent chez les virus.

b- Mécanisme :

Ces 2 types d’oncogènes interviennent dans la carcinogenèse : par activation entraînant leur surexpression (gain de fonction) sur un mode dominant positif (la mutation d’un seul allèle suffit).

Leur activation survient à tous les stades de la carcinogenèse, par différents mécanismes :

• Mutations somatiques ponctuelles (ex : gènes ras)

• Amplification génique (ex : N-myc)

• Réarrangement génique, par translocation ou inversion chromosomique, entraînant :

– soit la juxtaposition de l’oncogène avec les régions régulatrices d’un autre gène (ex: translocation de c-myc au voisinage des gènes des immunoglobulines dans le lymphome de Burkitt)

– soit la fusion des régions codantes de 2 gènes, entraînant la production d’une protéine chimérique ou protéine-fusion (souvent, un facteur de transcription).

Ex : t(11;22) dans le sarcome d’Ewing.

Les proto-oncogènes codent pour des protéines ayant différentes fonctions dans le circuit de la transmission des signaux qui contrôlent la prolifération cellulaire :

– Facteurs de croissance (ex: c-sis → chaine β de PDGF)

– Récepteurs de facteurs de croissance, avec une activité de tyrosine-kinase (ex: c-erb B)

– Protéines G, responsables de la transduction de signaux (ex : c-ras)

– Facteurs de transcription, protéines nucléaires possédant des sites de fixation à l’ADN, entraînant probablement l’activation d’autres gènes (ex: c-jun, c-fos).

L’accumulation des mutations au niveau de différents oncogènes potentialisent leurs effets transformants et aboutit à l’apparition d’une tumeur : coopération oncogénique. ex: c-myc + c-ras chez la souris (l’expression d’un seul gène est insuffisante) Dans de nombreux cancers, une ou plusieurs altérations géniques supplémentaires sont nécessaires, en particulier l’inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs.

2- Gènes suppresseurs de tumeurs ou anti-prolifératifs :

Ils interviennent dans la carcinogenèse par perte de fonction généralement sur un mode récessif : leur inactivation complète nécessite l’inactivation des 2 allèles.

Dans les cancers familiaux, il y a transmission d’un allèle muté (dans toutes les cellules), responsable de la prédisposition.

L’autre allèle est inactivé , généralement par délétion, au niveau des cellules somatiques.

Dans les cancers sporadiques, les mutations sont somatiques. ex: gène RB : gène de susceptibilité au rétinoblastome, dont il existe des formes familiales (bilatérales et précoces) et des formes sporadiques (unilatérales et tardives).

Des mutations de RB sont retrouvées dans de nombreux autres cancers.

gène P53, ayant une fonction complexe : rôle anti-prolifératif rôle dans le contrôle du cycle cellulaire et l’apoptose muté dans plus de 50% des cancers humains.

gène WT1 : néphroblastome (tumeur de Wilms). gène NF1 : neurofibromatose.

gènes DCC, MCC et APC : cancer du colon

3- Gènes contrôlant la mort cellulaire programmée (apoptose) :

La découverte de ces gènes a modifié la conception du mécanisme de la tumorogénèse, pour certains cancers liés plus à une accumulation de cellules (par inhibition de la mort cellulaire programmée) qu’à une prolifération cellulaire.

Gènes contrôlant négativement l’apoptose: ex : BCL2 impliqué dans la t(14;18)des lymphomes folliculaires de faible malignité.

Gènes favorisant l’apoptose : la protéine P53 induit l’apoptose, en cas d’échec de la réparation de l’ADN le proto-oncogène MYC peut, dans certaines conditions, induire l’apoptose (en cas de surexpression de MYC, en l’absence de signaux mitogéniques).

Les interactions de différents gènes intervenant dans la carcinogenèse avec les gènes contrôlant le cycle cellulaire commencent à être comprises.

Ces gènes codent pour différentes protéines (cyclines) et enzymes (kinases), qui forment des complexes permettant le passage des différentes phases du cycle cellulaire : G1, S (synthèse de l’ADN), G2, M (mitose).

La plupart des cellules adultes normales sont bloquées en G1.

Ex : la protéine RB bloque la transcription de gènes permettant l’entrée dans le cycle cellulaire.

Une des cyclines (D1) surexprimée dans certains cancers est inactive RB.

Des protéines de découverte récente p16 et p21 inhibent certaines kinases.

La protéine P53 contrôle l’expression du gène P21.

Ainsi, les progrès sont rapides dans la compréhension des mécanismes de la carcinogenèse, grâce à la conjonction d’études très diverses (les gènes et les protéines contrôlant le cycle cellulaire ont été découverts chez la levure et les oeufs d’étoiles de mer).

Cependant, les connaissances sont encore très parcellaires et les mécanismes apparaissent de plus en plus complexes : le nombre des oncogènes et gènes anti-prolifératifs est actuellement très important.

On les regroupe en « familles », dont les membres ont souvent des protéines associées avec des rôles très différents.

La frontière est actuellement floue entre oncogènes et gènes suppresseurs : une même protéine (ex: p53) peut avoir les 2 types d’activité selon le contexte cellulaire.

4- rôle d’autres familles de protéines :

• Protéines du cytosquelette

• Protéines d’adhérence

• Facteurs de régulation de la traduction….

Rôle de facteurs quantitatifs et cinétiques encore très mal connus

Rôle majeur des interactions entre ces différents « acteurs moléculaires » : notion de réseaux de régulation cellulaire multiples et enchevétrés, probablement variables selon le contexte cellulaire.

Perspectives Applications thérapeutiques :

Action au niveau des cellules cancéreuses et du stroma : agents pharmacologiques, inhibition d’activités enzymatiques…

Thérapie génique :

Oligonucléotides anti-sens.

Vecteurs viraux.

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