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Radiologie
Aspects radiologiques de l'atteinte du tube digestif au cours du sida
Cours de Radiologie
 

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Introduction :

L’atteinte du tube digestif au cours du sida occupe le deuxième rang en fréquence après les atteintes thoraciques et la majorité des sidéens se plaignent de symptômes digestifs au cours de leur maladie.

Parmi les critères qui définissent l’état de sida, six concernent la sphère digestive.

Le sida constitue un état d’immunodéficience généralisée qui favorise le développement d’infections à germes opportunistes ou non opportunistes, et de certaines affections malignes, maladie de Kaposi (MK) et lymphomes.

Il est dû à l’infection par l’un des VIH.

Ce virus à acide ribonucléique (ARN) possède une glycoprotéine de surface qui se lie au récepteur CD4 de la cellule cible (lymphocyte T auxiliaire, mais aussi lymphocyte B et monocyte) et permet sa fixation sur la membrane cellulaire, aboutissant à l’introduction du matériel génétique viral dans le génome cellulaire.

Au plan immunologique, on observe, au cours du temps, une diminution du nombre de lymphocytes CD4+, une augmentation du nombre de lymphocytes T suppresseurs (CD8+) et une inversion du rapport CD4/CD8.

L’altération progressive des fonctions lymphocytaires T auxiliaires est associée à une altération des fonctions des lymphocytes B, des monocytes et des macrophages.

Les atteintes digestives au cours du sida sont souvent multifocales.

Des atteintes infectieuses multiples sont parfois associées et peuvent coexister avec des atteintes néoplasiques, augmentant les difficultés diagnostiques. Les symptômes sont variés, mais peu spécifiques.

L’imagerie revêt plusieurs intérêts : localiser l’atteinte, préciser sa diffusion, suggérer sa nature en fonction des aspects radiologiques et des paramètres cliniques, orienter les examens biologiques et les prélèvements, guider une éventuelle ponction-biopsie.

Primo-infection - Ulcérations liées au VIH - Infection latente :

À l’infection par le VIH succède habituellement une période de latence clinique qui peut se prolonger de nombreuses années avant l’apparition des premiers symptômes du sida.

Elle est parfois interrompue par un syndrome grippal ou pseudomononucléosique qui traduit la primoinfection rétrovirale et comporte souvent nausées, vomissements et diarrhée.

La guérison spontanée est la règle.

Toutefois, certains patients se plaignent d’une dysphagie intense ; endoscopie et transit baryté en double contraste découvrent alors un ulcère géant (> 2 cm) de l’oesophage, habituellement unique, à limites nettes, entouré de muqueuse saine.

La présence de particules virales sur les bords de l’ulcère suggère le rôle du VIH lui-même dans la genèse de l’ulcère, tous les autres prélèvements étant négatifs.

Des ulcérations semblables ont également été observées au niveau du côlon lors d’endoscopie.

Les cellules infectées par le VIH seraient à l’origine d’altérations de la sécrétion des cytokines qui aboutiraient à l’infiltration de la sousmuqueuse par des cellules inflammatoires, source de destruction muqueuse et d’ulcération.

Les ulcérations liées au VIH sont extrêmement sensibles à la corticothérapie qui fait disparaître les symptômes en moins de 1 semaine dans 90 % des cas.

Après la séroconversion et avant les premiers signes de sida, l’examen clinique et l’imagerie peuvent être strictement normaux.

On note toutefois, chez de nombreux patients, l’apparition de ganglions intra- et rétropéritonéaux multiples, de petite taille (< 1 cm), dont seul le nombre est pathologique.

Ces ganglions sont le siège d’une hyperplasie réactionnelle liée au VIH lui-même.

Aucune ponction ganglionnaire n’est justifiée tant que le diamètre minimal des ganglions reste inférieur à 2 cm.

Infections opportunistes :

A - Infections virales :

Leur fréquence est en diminution constante depuis l’adjonction précoce des bi- ou trithérapies au traitement antirétroviral.

En effet, ces nouvelles stratégies thérapeutiques permettent un contrôle de la réplication duVIH dans plus de 70 % des cas et une restauration des fonctions immunitaires.

1- Cytomégalovirus (CMV) :

Le CMV est l’agent pathogène le plus fréquemment retrouvé au cours du sida.

Il fait partie de la famille des herpès virus et possède une double hélice d’acide désoxyribonucléique (ADN).

Le CMV serait à l’origine de 13 % des affections digestives au cours du sida, les segments le plus fréquemment atteints étant, par ordre de fréquence décroissante, le côlon, le grêle, l’oesophage et enfin l’estomac.

L’infection à CMV est le plus souvent observée lorsque le taux de lymphocytes CD4+ est inférieur à 50/mm3 ; il s’agit probablement de la réactivation de virus ayant précédemment infecté le patient.

Le CMV infecte principalement les cellules conjonctives et endothéliales, beaucoup plus rarement les cellules de l’épithélium digestif.

Il induit une vascularite locale, source de thrombose vasculaire et d’ischémie pouvant entraîner ulcération et/ou nécrose pariétale avec perforation digestive.

Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence d’inclusions virales intranucléaires et cytoplasmiques au niveau des cellules endothéliales ou épithéliales prélevées par biopsie endoscopique.

Les aspects radiologiques sont multiples, fonction de la sévérité du processus inflammatoire et de la vascularite, de l’importance de l’oedème et du processus de fibrose cicatricielle.

L’aspect le plus évocateur est celui d’ulcère superficiel, unique ou multiple, entouré d’un halo clair d’oedème, la muqueuse avoisinante ayant un aspect normal.

Lorsque l’ulcère a une grande taille (> 2 cm), intéresse le bas oesophage et apparaît unique, il est impossible de le différencier de l’ulcère géant lié au VIH ; le diagnostic repose alors sur les prélèvements.

Au niveau du grêle, le CMV peut entraîner une sténose avec épaississement pariétal et plis irréguliers.

Cette sténose peut s’ulcérer ou se compliquer de perforation, voire d’invagination, ou de pseudotumeur inflammatoire.

Cette dernière entité est difficile à distinguer d’un sarcome de Kaposi ou d’un lymphome.

L’importance de l’infiltration mésentérique et une éventuelle colite associée plaident alors pour le diagnostic d’infection à CMV.

La gastrite à CMV succède souvent à une oesophagite à CMV et atteint préférentiellement la jonction oesogastrique et la région antrale.

Elle se caractérise par un épaississement nodulaire de la paroi avec rigidité pariétale et parfois sténose antrale sur le transit baryté oesogastroduodénal (TOGD).

Cependant, l’infection à CMV peut ne concerner que l’estomac.

La colite à CMV provoque des ulcérations muqueuses entourées d’oedème et un épaississement pariétal observés sur les explorations barytées et en TDM.

Elle atteint préférentiellement le côlon droit, mais les pancolites sont fréquentes.

Elle peut se compliquer d’hémorragie de la paroi colique (avec aspect nodulaire hyperdense en TDM), de pneumatose pariétale et de mégacôlon toxique avec perforation.

Le pronostic vital est alors mis en jeu. L’association à d’autres atteintes liées au CMV (hépatite, cholangite, rétinite) n’est pas rare.

2- Herpès :

Les virus herpès simplex (VHS) de types 1 et 2 peuvent atteindre le tube digestif au cours du sida, le type 2 étant plus fréquent chez les homosexuels.

L’infection se fait par inoculation directe par contact muqueux. Endémique, le virus reste longtemps latent au niveau des ganglions nerveux.

Chez le sidéen et lors d’immunodépression, on observe une réplication virale et les virions migrent le long des gaines nerveuses efférentes, vers la peau et les muqueuses où les lésions apparaissent.

Les sites lésionnels les plus fréquents sont les extrémités du tube digestif : oropharynx et oesophage d’une part, rectum et anus d’autre part.

Les atteintes oropharyngées ou périnéales associées sont la règle. Les aspects radiologiques observés au niveau de l’oesophage consistent en de multiples petites ulcérations punctiformes, séparées par des zones de muqueuse saine.

À un stade plus avancé, les ulcères peuvent confluer et être difficiles à distinguer de l’oesophagite sévère à Candida, avec irrégularités pariétales et aspect en « timbre-poste ».

L’analyse histologique des bords lésionnels montre la présence de cellules géantes multinucléées et d’inclusions virales intranucléaires.

Au niveau du rectum et de l’anus, l’atteinte herpétique entraîne une hyperplasie nodulaire lymphoïde et de multiples ulcérations punctiformes.

B - Mycoses :

1- Candidose :

Candida albicans est un germe commensal du tractus digestif.

La candidose oesophagienne est observée chez 15 %environ des sidéens et est fréquemment, mais pas obligatoirement, associée à une candidose oropharyngée.

L’apparition d’une candidose oesophagienne est considérée, chez les patients porteurs du VIH, comme une forme de passage à l’état de sida déclaré.

La candidose est la cause la plus fréquente d’oesophagite chez le sidéen et entraîne habituellement une dysphagie ou une odynophagie sévères, parfois associées à des douleurs thoraciques.

La candidose se caractérise par la formation de plaques blanchâtres, souvent orientées longitudinalement, composées d’un exsudat contenant des Candida, visibles à la surface de la muqueuse oesophagienne qui apparaît érythémateuse et ulcérée dans 18 %des cas.

L’aspect endoscopique est évocateur dans plus de 97 % des cas, le diagnostic de certitude reposant sur la mise en culture des prélèvements sur milieu de Sabouraud.

Toutefois, certaines équipes instituent un traitement spécifique sans confirmation dès lors que la symptomatologie clinique est typique.

Le transit oesophagien en double contraste est plus sensible que la technique en simple contraste pour détecter les lésions débutantes : images de soustraction de petite taille, orientées longitudinalement, traduction des plaques mycotiques.

À un stade plus évolué sont observés, de manière non spécifique, un épaississement pariétal et des troubles péristaltiques, puis des irrégularités diffuses des bords oesophagiens, des ulcérations et un aspect pavimenteux du mucogramme.

Les autres localisations de candidose sont exceptionnelles. Un cas d’atteinte iléale a été observé sur un transit baryté, caractérisé par un épaississement pariétal et une dilatation.

Un autre cas de nécrose de l’iléon et du côlon ascendant a été rapporté en TDM avec pneumatose et aéroportie.

La candidose systémique met en jeu le pronostic vital, avec possible dissémination hématogène et microabcès hypodenses en TDM, pouvant atteindre le foie, la rate, les reins.

La relative préservation de la fonction des polynucléaires neutrophiles au cours du sida met longtemps les patients à l’abri de la candidose systémique.

2- Histoplasmose :

L’histoplasmose au cours du sida est observée dans les zones d’endémie (États-Unis, Antilles).

Il s’agit de la réactivation d’une infection latente.

L’atteinte du tube digestif est observée dans 10 % des cas d’histoplasmose disséminée et est beaucoup plus rare que l’histoplasmose pulmonaire.

Le côlon est la localisation digestive la plus fréquente, suivi par l’intestin grêle.

Les explorations barytées montrent une sténose irrégulière.

La présence d’adénopathies mésentériques hypodenses a été rapportée.

Le diagnostic de certitude repose sur la mise en culture et des colorations spécifiques des prélèvements biopsiques.

C - Protozoonoses :

Leur fréquence a beaucoup diminué depuis l’arrivée des trithérapies.

La guérison de cryptosporidiose et microsporidiose chroniques, 1 à 6 mois après l’introduction d’une trithérapie antirétrovirale, a été observée dans plus de 95 % des cas.

1- Cryptosporidiose :

Les cryptosporidies sont des parasites intracellulaires, hôtes du tube digestif de nombreux animaux domestiques.

Elles sont à l’origine de diarrhées sévères chez les immunodéprimés (16 % des diarrhées au cours du sida).

Bien que l’infection puisse intéresser tous les segments du tube digestif, la localisation la plus fréquente est l’intestin grêle et particulièrement l’iléon.

Les cryptosporidies sont alors retrouvées dans les cellules épithéliales, le long de la bordure en brosse des microvillosités ; elles sont à l’origine d’une diarrhée avec fuite hydroélectrolytique.

Le diagnostic repose sur l’examen parasitologique des selles avec techniques spéciales permettant l’identification des oocystes.

Les signes radiographiques décrits par Berk sont nombreux : épaississement du relief muqueux et des plis, floculation de la baryte en rapport avec l’hypersécrétion intestinale, aspect spastique du grêle.

À un stade sévère est observé un effacement des plis et du relief muqueux, avec aspect de « pseudo-Whipple » en rapport avec une atrophie villositaire marquée.

Des cas plus rares d’atteinte de l’estomac avec sténose antrale et d’atteinte colique avec fistule rectovésicale ont été rapportés.

2- Isosporose :

C’est une protozoonose (2 à 5 % des cas de diarrhée) au cours du sida, due à Isospora belli dont la localisation est intracytoplasmique.

Elle entraîne une diarrhée souvent moins intense que celle observée au cours de la cryptosporidiose et qui se complique moins fréquemment de déshydratation et de troubles hydroélectrolytiques.

Elle réagit souvent favorablement au triméthoprime-sulfaméthoxazole ou Bactrim.

Les signes radiographiques de l’isosporose du grêle sont identiques à ceux observés lors de la cryptosporidiose.

Le diagnostic repose sur l’examen parasitologique des selles.

3- Microsporidiose :

Cette protozoonose engendre diarrhée et syndrome de malabsorption chez l’immunodéprimé.

Le diagnostic repose sur l’identification du parasite en microscopie électronique.

4- Pneumocystose :

Pneumocystis carinii est un protozoaire susceptible d’infecter de nombreux organes chez l’immunodéprimé.

Sa localisation la plus fréquente est pulmonaire, le poumon représentant la porte d’entrée majeure de l’infection.

Une dissémination hématogène peut toutefois être observée, favorisée par la prescription d’aérosols de pentamidine administrés pour prévenir l’infection pulmonaire.

De tels aérosols entraînent une concentration locale élevée de pentamidine, mais l’absorption systémique est peu importante, favorisant la dissémination extrapulmonaire du parasite.

Celui-ci peut alors entraîner une pneumocystose hépatique, splénique, rénale ou lymphatique et, dans de rares cas, il peut également atteindre le tractus digestif.

Aucune description radiographique d’atteinte digestive n’a été publiée à ce jour.

Au niveau des viscères abdominaux, la pneumocystose se traduit par de multiples microabcès, hypodenses en TDM, dont l’analyse histologique a montré qu’ils renfermaient de multiples kystes de Pneumocystis carinii et des trophozoïtes.

De telles lésions peuvent disparaître ou se calcifier, des calcifications punctiformes ou arciformes étant alors visibles en TDM au niveau de la rate, du foie et des reins.

D - Infections bactériennes :

1- Mycobactérie tuberculeuse :

L’infection à Mycobacterium tuberculosis est plus fréquente chez les patients en situation précaire et dans les pays en voie de développement.

Elle survient lorsque le taux de lymphocytes CD4+ se situe entre 150 et 350/mm3.

Les manifestations digestives viennent au second rang en fréquence après les manifestations thoraciques.

La formation d’un granulome est plus rare que chez les patients immunocompétents.

L’infection du tube digestif peut se faire par dissémination hématogène à partir d’une tuberculose pulmonaire, par extension directe, en particulier à partir de ganglions lymphatiques, et par régurgitation d’expectoration contenant des bactéries.

Les localisations digestives les plus fréquentes sont l’iléon, la valvule iléocæcale et le côlon, mais tout segment digestif peut être atteint. Au niveau de l’oesophage, l’atteinte tuberculeuse se traduit par une ulcération souvent profonde, un syndrome de masse pariétale ou extrinsèque en rapport avec la présence d’adénopathies satellites.

Une fistulisation est possible.

Un cas de localisation gastrique a été rapporté, caractérisé par une masse tissulaire développée aux dépens de la paroi postérieure, s’accompagnant d’adénopathies rétropéritonéales.

L’atteinte de la région iléocæcale se traduit par un épaississement pariétal, souvent circonférentiel, entraînant une sténose segmentaire irrégulière sur les opacifications barytées et en TDM, et associé à des adénopathies mésentériques qui sont évocatrices lorsqu’elles ont un aspect central nécrotique hypodense enTDM.

L’atteinte colique peut entraîner ulcération, sténose segmentaire et lésions pseudopolypoïdes.

La tuberculose péritonéale se manifeste en règle par une ascite, des épaississements nodulaires du péritoine et du grand épiploon, bien visibles en échographie, et des adénopathies mésentériques associées, volontiers hypodenses en TDM et hypoéchogènes à l’échographie.

2- Infections à mycobactéries atypiques :

Mycobacterium avium est un bacille alcooloacidorésistant intracellulaire, qui est une source fréquente d’infection opportuniste chez les patients sidéens dans les pays développés.

Les portes d’entrée et de dissémination en sont l’appareil respiratoire d’une part et le tractus digestif d’autre part.

De telles affections surviennent lorsque le taux de lymphocytes CD4+ se situe en dessous de 50/mm3.

La nécrose caséeuse et la formation de granulomes est rare chez le sidéen.

Le diagnostic de certitude repose sur les cultures. Au niveau du tube digestif, le segment le plus fréquemment atteint est le jéjunum. Ses plis apparaissent épaissis et on note fréquemment une dilatation modérée et diffuse de sa lumière.

L’aspect a parfois été décrit comme celui d’un syndrome de « pseudo-Whipple ».

L’association à des adénopathies mésentériques est fréquente.

L’aspect de nécrose centrale, hypodense en TDM, serait plus évocateur d’infection à Mycobacterium tuberculosis qu’à Mycobacterium avium.

L’infection du tractus digestif est souvent associée à une hépatosplénomégalie.

Des lésions hypodenses du foie et de la rate sont plus fréquemment observées au cours de l’infection à Mycobacterium tuberculosis que durant l’infection à Mycobacterium avium.

E - Autres infections :

Des coloproctites à germes divers (Entamoeba histolytica, Giardia-Lamblia, Neisseria gonorrhoeae, Chlamydia, Shigella) ont été décrites en particulier chez les homosexuels.

Leur gravité et leur symptomatologie ne seraient pas différentes chez les patients immunocompétents et chez les patients sidéens.

Leurs signes radiologiques sont communs à ceux des coloproctites infectieuses, quel qu’en soit l’agent étiologique : ulcération muqueuse, diminution du relief haustral et aspect spastique de la région rectocolique, parfois associés à un aspect infiltré de la graisse périrectale.

Lésions malignes :

A - Maladie de Kaposi :

La MK est une tumeur maligne qui associe hyperplasie des vaisseaux papillaires et proliférations de cellules fusiformes et endothéliales avec lacs vasculaires.

Sa fréquence chez les sidéens est en diminution et actuellement il est observé presque exclusivement chez les homosexuels masculins et en Afrique.

Un cofacteur viral semble être en cause (herpès type 8). Chez le sidéen, la MK est volontiers multifocale et agressive, associant des localisations cutanées, ganglionnaires et viscérales.

Des atteintes digestives sont présentes chez 50 % des porteurs de MK cutanée.

Les localisations cutanées précèdent en règle, mais pas toujours, la survenue des localisations digestives.

Tous les segments du tube digestif peuvent être le siège de MK, de l’oropharynx au rectum. Toutefois, le site le plus fréquemment atteint est le duodénum.

Au début, la MK se caractérise par la présence d’une petite masse sous-muqueuse, réalisant une macule violacée de 5-15 mm, visible en endoscopie mais très difficile à mettre en évidence sur les clichés radiographiques malgré l’utilisation de clichés en double contraste, en couche mince et sous diverses incidences.

L’aspect endoscopique est très évocateur, mais les biopsies ne sont positives que dans 23 % des cas, car ces lésions sont souvent sous-muqueuses et ne renferment que peu de cellules typiques.

À un stade plus évolué, le diagnostic radiographique repose sur la mise en évidence d’un ou de plusieurs nodules sousmuqueux, parfois ombiliqués, avec ou sans ulcération centrale donnant à la lésion un aspect en « cible ».

Des lésions planes, mieux visualisées en utilisant une compression, ont été décrites.

En TDM, la MK se caractérise par la présence de nodules pariétaux ou d’un épaississement pariétal segmentaire avec gros plis. Un épaississement pariétal diffus, sans interposition de paroi digestive saine, évoque plutôt une atteinte infectieuse ou lymphomateuse.

L’association de nodules ou d’épaississement pariétaux à des adénopathies hypervasculaires se rehaussant massivement après injection iodée est très évocatrice de MK.

La MK digestive est associée dans 10-15 % des cas à des localisations hépatiques découvertes par biopsie, pouvant réaliser en TDM, dans les cas typiques, une infiltration périportale qui se rehausse tardivement après injection iodée.

Parfois latente, la MK peut se compliquer de diarrhée profuse, perforation, invagination et saignement.

Depuis l’utilisation de trithérapies antirétrovirales efficaces contre le VIH, des cas de régression de MK à localisation cutanée ont été rapportés.

B - Lymphomes non hodgkiniens :

Les LNH ont une fréquence particulièrement élevée lors de l’infection à VIH et atteignent 4 à 10% des sidéens. Le risque, pour un sidéen, de développer un LNH est 60 fois plus élevé que dans la population générale.

La fréquence des LNH ne semble pas significativement diminuée par les trithérapies.

Ils sont presque constamment associés à la présence d’anticorps anti-EBV (Epstein-Barr virus) et sont observés lors d’états d’immunodépression avancée (taux de lymphocytes CD4+ < 100-200/mm3).

Leur gravité est particulière chez le sidéen.

Ils sont caractérisés par des types histologiques très agressifs avec prédominance de lymphomes B indifférenciés, polyclonaux, et de lymphomes de type Burkitt.

Ils sont en règle diffus au cours du sida et découverts à des stades d’extension avancés. On note une fréquence particulière des formes extranodales.

Les atteintes digestives sont observées chez 15 % des patients ayant une LNH.

Tous les segments du tube digestif peuvent être atteints, mais on note une fréquence particulièrement élevée d’atteintes de l’intestin grêle et de l’estomac.

Sur le TOGD, l’atteinte gastrique peut se traduire par des nodules sousmuqueux parfois ulcérés, de taille variable, ou par un épaississement pariétal localisé ou circonférentiel.Au niveau de l’intestin grêle, le LNH se traduit par un épaississement pariétal entraînant en règle une sténose segmentaire plus ou moins régulière avec dilatation d’amont ; il peut se compliquer d’ulcération ou d’invagination.

L’atteinte anorectale est exceptionnelle en dehors du sida et se caractérise par des nodules sousmuqueux ou un épaississement pariétal focal ou étendu.

L’atteinte oesophagienne est rare, en règle nodulaire.

La TDM est essentielle au bilan d’extension : elle précise une infiltration péritumorale locorégionale, en particulier mésentérique, recherche des adénopathies satellites et une atteinte viscérale associée, plus fréquemment hépatique que splénique.

Les localisations hépatiques se manifestent par des nodules uniques ou plus souvent multiples, volontiers hypoéchogènes en échographie et hypodenses en TDM, mais de rehaussement variable.

La TDM permet de guider une ponctionbiopsie de la masse afin de typer le lymphome et de suivre l’évolution de la masse tumorale sous traitement.

Des localisations pancréatiques de LNH ont également été rapportées, ainsi que des localisations biliaires isolées dont l’aspect est proche de celui des cholangiopathies.

C - Autres tumeurs malignes :

La maladie de Hodgkin a une gravité particulière chez le sidéen en raison de la prédominance de types histologiques défavorables et d’une extension souvent importante.

Sa fréquence ne semble pas significativement supérieure à celle observée dans la population générale.

Des tumeurs musculaires lisses multiples du tube digestif ont été rapportées, sans augmentation significative de fréquence par rapport à la population générale.

En conclusion, l’atteinte digestive liée au VIH revêt des aspects multiples auxquels correspond une séméiologie radiologique variée.

Son interprétation doit être parfaitement connue des radiologistes car la topographie de l’atteinte, sa diffusion et ses caractéristiques morphologiques ont une grande valeur d’orientation.

La confrontation des hypothèses étiologiques cliniques et radiographiques affine souvent le diagnostic et oriente les investigations ultérieures.

C’est souligner l’importance du dialogue entre imageurs et cliniciens pour une prise en charge efficace des sidéens.

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