Les algies cranio-faciales comprennent les algies crâniennes localisées au niveau de la boîte
crânienne encore appelées céphalées qui sont les plus fréquentes et les algies faciales
localisées au niveau de la face.
A - RAPPEL DES DISPOSITIFS SENSIBLES DU CRÂNE ET DE LA FACE
:
1- Les structures sensibles endocrâniennes :
Ce sont les vaisseaux méningés, la dure-mère (base du crâne), les gros troncs artériels et les
sinus veineux.
Il est à noter que l’encéphale et les autres tuniques méningées ne sont pas sensibles.
2- Les structures sensibles exo-crâniennes
:
Ce sont l’oeil, l'oreille moyenne, la mastoïde, les dents, les muqueuses buccale, nasale,
sinusale, du conduit auditif externe, le revêtement cutané.
B - LES VOIES DE LA SENSIBILITÉ
:
1- Territoire d’innervation sensitive du V
D'une façon générale, le nerf trijumeau est la voie principale de la sensibilité douloureuse
de la tête.
* Structures endocrâniennes : situées au-dessus de la tente du cervelet.
* Structures exocrâniennes : téguments de la face, muqueuses buccale, nasale
et sinusale, dents, conduit auditif externe, cavités orbitaires, articulation temporo-maxillaire et
artère temporale superficielle.
Une anomalie de ces structures va se traduire soit par des douleurs faciales, soit par de
céphalées qui correspondent à une douleur projetée dans la moitié antérieure du crâne réalisant
une céphalée frontale, temporale ou pariétale.
2- Territoire d'innervation sensitive du IX, du X et des deux premières racines cervicales
* Structures endocrâniennes : situées au-dessous de la tente du cervelet.
* Structures exocrâniennes : premières articulations vertébrales, muscles cervicaux,
oreille moyenne et mastoïde, artère occipitale et artère vertébrale.
Une anomalie de ces structures va se traduire par des céphalées qui correspondent à une
douleur projetée dans la moitié postérieure du crâne prédominant dans la région occipitale.
C - PHYSIO-PATHOLOGIE DES ALGIES CRANIO-FACIALES
:
Plusieurs mécanismes peuvent être à l'origine des algies cranio-faciales.
1- Une souffrance des structures sensibles du crâne : à type de distorsion vasculaire par
un processus tumoral ou une inflammation de ces structures par exemple : méningite et
sinusite; ces mécanismes permettent d'individualiser les algies cranio-faciales
symptomatiques.
2- Une vaso-dilatation est responsable des migraines et algies vasculaires de la face.
Ces
troubles vaso-moteurs apparaissent par crises qui débutent par une vaso-constriction
responsable de l'aura migraineuse, suivie par une vaso-dilatation qui correspond cliniquement
à la phase douloureuse.
3- Les algies cranio-faciales peuvent être d'origine psychiques, ce sont les céphalées
psychogènes dont l'exemple le plus typique est la céphalée par tension douloureuse des
muscles.
4- Enfin, ces algies peuvent apparaître sans cause décelable, c'est le cas de la névralgie
essentielle du trijumeau.
D - ETUDE SÉMIOLOGIQUE
:
Elle doit être centrée sur l'interrogatoire; c'est de lui dont dépend la compréhension du
symptôme et l'orientation étiologique précise qui va conditionner l'attitude pratique :
rassurer le malade et le traiter ou entreprendre des investigations complémentaires spécialisées.
L'interrogatoire va préciser Ses caractères suivants de la douleur :
1- Le siège
:
Localisé ou diffus, fixe ou changeant, douleur de la face ou céphalée antérieure ou
postérieure.
2- Le type
:
Pulsatile, constrictive (casque ou étau), sensation de tension (crampe musculaire), sensation
de décharge électrique.
3- L'évolution dans le temps
:
Permanente ou paroxystique : évoluant par crise douloureuse.
L'interrogatoire devra être complété par un examen neurologique, un fond d’oeil(FO) et la
prise systématique de la tension artérielle qui sont les trois gestes indispensables devant
toute algie cranio-faciale.
E - LES DIFFÉRENTS TYPES D'ALGIES CRANIO-FACIALES
:
Nous envisagerons successivement les algies cranio-faciales vasculaires, la névralgie
essentielle du trijumeau : les algies cranio-faciales symptomatiques et enfin les céphalées
psychogènes.
1- Les algies cranio-faciales vasculaires
:
Elles ont pour point commun d'évoluer par crise paroxystique, elles comprennent les algies
crâniennes vasculaires ou migraines et les algies faciales vasculaires.
* Les migraines : sont les plus fréquentes, se voient surtout chez la femme, sur un
terrain particulier où l'on note, outre une notion familiale, une grande fréquence des
manifestations allergiques et des manifestations digestives surtout d'origine vésiculaire et un
caractère psychologique commun : l'anxiété.
- Définition : les migraines sont définies comme : une affection familiale, caractérisée par
des accès répétitifs de céphalées très variables dans leur intensité, leur fréquence et leur durée;
ces accès sont habituellement unilatéraux et généralement associés à des vomissements ou des
nausées; parfois, ils succèdent ou s'associent à des troubles de l'humeur ou à des perturbations
neurologiques.
- Les différentes variétés de migraine : la migraine simple, la migraine accompagnée et la
migraine compliquée.
a) La migraine simple : est la variété la plus fréquente.
• Prodromes : sont fréquents; le plus souvent, la veille au soir modifications de l'humeur :
instabilité, tendance dépressive et agitation hypomaniaque.
• La crise migraineuse : réalise une céphalée ayant les caractères suivants :
- horaire de survenue : le matin au réveil ou au cours de la journée;
- topographie : classiquement unilatérale réalisant une hémicrânie, de siège habituellement
temporal, en fait variable d'un maladie à l'autre, des irradiations sont fréquentes à l'autre côté
de la tête;
- type : le plus souvent pulsatile
- intensité : habituellement intense, aggravée par l'activité, la lumière et le bruit;
- signes associés : signes digestifs : les nausées, sont constantes, accompagnées de
vomissements dans deux tiers des cas ; troubles vasomoteurs : rougeur de la face et
hyperhémie conjonctivale réalisant la migraine rouge ou pâleur intense réalisant la migraine
blanche;
- évolution de la crise : la céphalée s'accentue rapidement et atteint son maximum en deux
à trois heures, puis reste stable pendant un temps variable et cède progressivement après le
sommeil marquée par une crise polyurique.
b) La migraine accompagnée : dans ce cas, la céphalée est précédée ou accompagnée
d'une « aura » : c'est-à-dire d'un dysfonctionnement cérébral focal transitoire intéressant la
vision, la sensibilité ou le langage.
• La migraine ophtalmique : est la plus fréquente des migraines accompagnées; elle est
précédée d'une aura visuelle évoluant en deux phases :
première phase : scotome scintillant : point très lumineux qui débute au centre de la
vision et s'étend par un seul de ses côtés vers la périphérie ; présent les yeux ouverts et les
yeux fermés;
deuxième phase : scotome anopsique ou scotome aveugle qui succède au scotome
scintillant en suivant la même progression.
Le trouble visuel intéresse les deux yeux de
façon identique.
• Autre migraine accompagnée : avec aura sensitive : impression d'engourdissement
débutant à la main, atteignant le membre supérieur, l'hémiface et l'hémilangue avec
dysarthrie.
Les symptômes durent vingt minutes, puis la céphalée s'installe controlatérale à l'aura en
trente à soixante minutes, dure une à deux heures et disparaît progressivement.
c) La migraine compliquée :
• Migraine hémiplégique : déficit hémiplégique qui dure cinq à soixante minutes, puis
apparition de la céphalée.
• Migraine ophtalmoplégique : la céphalée inaugure l'accès, elle est orbitaire, unilatérale,
la paralysie oculaire apparaît quelques heures à quelques jours après le début de la céphalée,
elle est homolatérale et intéresse le III, elle régresse en une à quatre semaines.
* Algie faciale vasculaire : « cluster headache » : mal de tête en salves (par périodes), se
voit surtout chez l'homme jeune, il évolue par crise ou accès qui présente les caractères
suivants :
- Mode de début : brutal, douleur d'emblée intense, maximum au bout de quelques minutes.
- Siège : oculaire, rétro-oculaire ou péri-oculaire; elle peut rester localisée ou s'étendre
du même côté : front, tempe, maxillaire supérieur; elle peut toucher l'ensemble de l'hémiextrémité
céphalique dépassant ainsi le territoire du V; elle est strictement unilatérale.
- Type : douleur vive à type de brûlure, transpercement, déchirement, écrasement.
- Durée et évolution : en moyenne trente minutes, le sujet présente en moyenne un à
trois accès par jour pendant des périodes de quelques semaines (deux à huit semaines).
- Signes accompagnateurs : homolatéraux.
- Rougeur intense de l'hémiface.
- Injection conjonctivale avec larmoiement.
- Obstruction nasale avec catarrhe.
- Syndrome de Claude Bernard Horner avec myosis et ptosis.
2- Névralgie essentielle du trijumeau ou tic douloureux de Trousseau
:
Elle se voit surtout chez la femme entre 50 et 55 ans.
Il s'agit d'une douleur discontinue
évoluant par paroxysme ou accès ou éclairs qui possède les caractères suivants :
- Siège : unilatéral, intéressant le plus souvent une seule branche du V surtout la
branche maxillaire supérieure (lèvre supérieure, aile du nez, gencive supérieure), parfois la
branche maxillaire inférieure (gencive inférieure, menton), rarement la branche
ophtalmique, parfois d'emblée deux branches; elle peut se bilatéraliser : c'est une douleur
extensive.
- Type : secousse électrique, coup de couteau, broiement, arrachement : c'est une
douleur effroyable.
- Durée et évolution: dix à quinze secondes à quelques minutes (une à deux minutes),
plusieurs accès se répètent en quelques minutes à quelques heures, par périodes qui durent
quelques jours à plusieurs semaines; elle respecte le sommeil.
- Facteur déclenchant : la douleur est provoquée par la parole, la mastication (d'où gêne
à l'alimentation) et par l'effleurement de la zone gâchette ou « trigger zone » qui est une
zone limitée appartenant au territoire de la douleur.
- Signes accompagnateurs :
- Manifestations motrices : tressaillement musculaire, spasme d'où le nom de tic
douloureux de la face.
> Les algies faciales symptomatiques : peuvent être, soit de cause locale en rapport
avec une anomalie des structures sensibles de la face, soit symptomatiques d'une lésion du
trijumeau.
- Algies faciales de cause locale : oculaire : exemple : glaucome, sinusale : sinusite,
dentaire : pulpite, osseuse.
- Algies faciales symptomatiques d'une lésion du V : la douleur présente les caractères
suivants :
* Elle peut survenir à tout âge.
* Elle peut toucher n'importe quelle branche du trijumeau.
* Elle évolue par accès douloureux moins nets survenant sur un fond douloureux
permanent;
* elle n'est pas périodique mais chronique, elle ne respecte pas le sommeil.
* On ne retrouve pas de zone gâchette.
* Elle n'est pas extensive.
* Elle s'accompagne de signes neurologiques :
• hypoesthésie du V (abolition du réflexe cornéen);
• atteinte du V moteur;
• autres signes neurologiques.
Les causes : sont des lésions du trijumeau.
• Lésions du tronc cérébral : sclérose en plaques.
• Tumeur de l'angle ponto-cérébelleux.
• Zona du ganglion de Gasser.
• Lésion des branches du V par cancer du naso-pharynx.
> Les céphalées symptomatiques : peuvent être en rapport avec une douleur projetée
ou bien avoir une cause neurologique, vasculaire ou générale.
~ Douleur projetée : d'origine oculaire : glaucome ou baisse de l'acuité visuelle; d'origine
sinusale : sinusite.
~ Causes neurologiques :
• Par inflammation ou irritation des méninges au cours des méningites, des hémorragies
méningées.
• Par hypertension intra-crânienne : au cours des tumeurs cérébrales (le FO montre un
oedème papillaire). Dans ces deux cas, les céphalées sont accompagnées de vomissements
faciles en fusée.
• Céphalées post-traumatiques : après traumatisme crânien.
• Causes vasculaires : au cours de l'artérite temporale de Horton ; qui atteint le sujet âgé
de 70 ans qui va se manifester par des céphalées importantes temporo-occipitales ; l'examen
clinique montre des artères temporales épaissies, non pulsatiles.
~ Causes générales :
• HTA.
• Anémie.
• Polyglobulie.
• hypoxie et hypercapnie.
D'où l'importance devant toute céphalée de pratiquer un examen neurologique, de prendre
systématiquement la TA et de faire un FO.
4- Les céphalées psychogènes
Elles sont de loin les plus fréquentes des algies cranio-faciales.
* Les psychalgies ou cénesthopathies : elles ne répondent à aucune description
sémiologique précise, on retrouve le plus souvent un facteur déclenchant psycho-affectif et
une personnalité particulière : angoisse et troubles de l'humeur et du comportement.
* Les céphalées par tension musculaire : ce sont des douleurs permanentes, plus
marquées le matin, diminuant en Un de journée.
Siège : en casque, bifrontale, occipitale parfois cervicale.
Elles réalisent une douleur
superficielle qui peut être réveillée par la pression des régions pariétales ou des muscles
cervicaux et accentuée par les efforts d'attention intellectuelle.
Ces céphalées sont dues à
une tension anormale des muscles paravertébraux d'origine psychogène, parfois favorisées
par une anomalie organique en particulier arthrose vertébrale et troubles visuels.