Le terme d'insuffisance rénale
chronique décrit l'ensemble des manifestations cliniques,
biologiques et radiologiques secondaires à la destruction
progressive du capital néphronique. L'insuffisance rénale se
définit sur le plan biologique par la baisse du débit de
filtration glomérulaire (DFG) mesurée de façon approximative par
la clairance de la créatinine (valeurs normales: 120 ±
20ml/min). Elle est dite "chronique" lorsqu'elle est due à une
néphropathie qui évolue de façon chronique.
PHYSIOPATHOLOGIE :
Il existe, en temps normal, 10exp6 néphrons par rein.
Réduction du nombre des néphrons :
La réduction du nombre d'unités fonctionnelles, les néphrons,
aboutit à l'insuffisance rénale. Le degré d'insuffisance rénale
se mesure par le degré de déficit du débit de filtration
glomérulaire (clairance de la créatinine).
* Un néphron altéré, à un niveau quelconque, glomérulaire,
tubulaire ou vasculaire, est considéré comme exclu du point de
vue fonctionnel.
* Il faut une altération d'environ 70% du capital néphronique pour
que se manifestent les premiers signes cliniques d'insuffisance
rénale.
* La survie est impossible lorsque 95% des néphrons sont détruits:
c'est le stade terminal de l'insuffisance rénale chronique.
Mécanismes adaptatifs :
Les expériences de Bricker ont démontré que le maintien de
l'homéostasie par le rein malade est longtemps possible grâce à
des mécanismes adaptatifs qui concernent les néphrons sains
restants.
Il existe trois types principaux de mécanismes adaptatifs:
* pour certaines substances, il n'y a aucune adaptation des
mécanismes de réabsorption et/ou de sécrétion tubulaire:
- plus la filtration glomérulaire diminue, plus le taux sanguin de
ces substances augmente. C'est le cas de la créatinine et de
l'urée.
- par contre, la charge filtrée reste constante (charge filtrée =
débit de filtration glomérulaire x taux sanguin de la
substance).
* pour d'autres substances, il y a une adaptation des mécanismes de
réabsorption et/ou de sécrétion tubulaire, mais cette adaptation
est limitée. C'est le cas des phosphates et des urates:
- en réponse à l'hypocalcémie, la sécrétion accrue de la
parathormone diminue la réabsorption tubulaire des phosphates,
ce qui augmente l'excrétion urinaire des phosphates; la
phosphorémie se maintenant à des taux normaux.
- toutefois, lorsque l'insuffisance rénale progresse, ce mécanisme
est dépassé et la phosphorémie s'élève.
* enfin, pour d'autres substances, l'adaptation est complète
jusqu'au stade ultime. C'est le cas du sodium, du potassium et
du magnésium.
Facteurs d'aggravation :
Les "néphrons sains restants" sont donc soumis à un
hyperfonctionnement certes utile, mais délétère: la filtration
accrue et l'hypertension intraglomérulaire induisent des lésions
anatomiques glomérulaires fibreuses appelées "glomérulosclérose"
ou "hyalinose segmentaire et focale secondaire", qui aboutissent
in fine à la destruction néphronique. Cela explique
l'aggravation progressive de toutes les insuffisances rénales
chroniques. Deux mesures pourraient ralentir ce processus, en
réduisant la pression capillaire glomérulaire:
- le traitement de l'hypertension artérielle.
- l'instauration d'un régime hypoprotidique (effet démontré chez
l'animal mais pas chez l'homme).
ÉPIDÉMIOLOGIE :
La prévalence de l'insuffisance rénale chronique est difficile à
connaître en raison de son extrême latence.
En France, l'incidence annuelle de l'insuffisance rénale chronique
terminale était de 80 nouveaux cas pour 10exp6 habitants en
1994.
Le sex-ratio (rapport homme/femme) est de 2/1.
La majorité des patients sont des adultes et des personnes âgées.
Environ 25 000 personnes vivant actuellement en France subissent
régulièrement une dialyse ou ont bénéficié d'une transplantation
rénale.
Diagnostic :
CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE :
* L'insuffisance rénale chronique peut être découverte:
- lors d'un examen de santé systématique.
- devant des signes cliniques d'insuffisance rénale chronique, en
sachant qu'ils sont totalement non spécifiques (par exemple en
cas d'anémie).
- devant une complication de l'insuffisance rénale chronique
(hypertension artérielle, accident vasculaire cérébral, œdème
pulmonaire...).
* Elle doit être systématiquement recherchée:
- au décours d'une insuffisance rénale aiguë.
- lors de la surveillance d'une néphropathie.
- à l'occasion de la découverte d'une néphropathie.
DIAGNOSTIC POSITIF :
Le diagnostic positif d'insuffisance rénale s'effectue en deux
étapes.
Affirmer l'insuffisance rénale :
* Affirmer l'insuffisance rénale sur la diminution de la clairance
de la créatinine mesurée ou calculée (formule de
Cockroft-Gault), dont la valeur normale est de 120 ± 20ml/min,
pour 1,73 m2 de surface corporelle).
* Affirmer l'insuffisance rénale sur l'élévation de la
créatininémie (valeurs normales 55 à 110 µmol/l).
Affirmer le caractère chronique :
Arguments principaux :
Les deux arguments les meilleurs pour affirmer le caractère
chronique d'une insuffisance rénale sont:
* les antécédents: valeurs élevées de la créatinine (démontrant le
caractère progressif et irréversible de la dégradation rénale),
maladie rénale connue, protéinurie ancienne...
* des reins de petite taille (car fibreux): les valeurs normales
chez l'adulte sont environ de 13cm sur la radiographie de
l'abdomen sans préparation, 10 à 12cm sur l'échographie. Il
existe quelques exceptions où les reins sont de taille normale
ou augmentée dans les situations d'insuffisance rénale
chronique: polykystose rénale, diabète sucré, amylose,
hydronéphrose, thrombose des veines rénales, insuffisance rénale
chronique débutante.
Arguments biologiques :
A défaut, on considère deux arguments biologiques en faveur de la
chronicité:
* une hypocalcémie vraie (après correction en fonction de
l'albuminémie et du pH sanguin) est en faveur de la chronicité.
* une anémie normocytaire, normochrome, bien que certaines
néphropathies s'accompagnent d'une anémie moins marquée, voire
absente (par exemple la polykystose rénale).
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :
Le diagnostic différentiel consiste à éliminer une insuffisance
rénale aiguë surajoutée à une insuffisance rénale chronique.
DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE :
Enquête étiologique :
* L'enquête étiologique est d'autant plus importante que
l'insuffisance rénale chronique est modérée. L'identification de
la cause et son traitement (si possible) permettent de ralentir,
voire de stopper la dégradation de la fonction rénale (voir
Traitement).
* L'enquête étiologique repose en grande partie sur:
- un interrogatoire minutieux appréciant la chronologie exacte des
événements et un examen clinique complet.
- des examens complémentaires biologiques et radiologiques seront
prescrits en fonction de l'orientation clinique.
- la biopsie rénale est rarement utile en cas d'insuffisance rénale
chronique avancée: les lésions anatomiques sont diffuses et peu
informatives; le geste est de plus risqué, l'hémostase étant de
moins bonne qualité.
* Parfois, l'enquête est facile car la néphropathie est typique et
les examens complémentaires concluants.
* Le plus souvent, il n'existe que des éléments de présomption en
faveur d'un type de néphropathie, ou la combinaison de multiples
causes d'agression parenchymateuse rénale, suggérant une
atteinte multifactorielle.
* Les néphropathies à l'origine d'une insuffisance rénale chronique
sont les glomérulonéphrites chroniques, les néphropathies
tubulo-interstitielles chroniques, les néphropathies d'origine
vasculaire et les néphropathies héréditaires et/ou congénitales.
Glomérulonéphrites chroniques :
Les glomérulonéphrites chroniques représentent 40% des cas et sont
suspectées devant:
- l'association d'une protéinurie et d'une hématurie microscopique.
- une hématurie microscopique ou macroscopique.
- un syndrome néphrotique.
- une hypertension artérielle.
- des reins petits, symétriques et de contours réguliers.
Néphropathies tubulo-interstitielles chroniques :
Les néphropathies tubulo-interstitielles chroniques représentent
35% des cas et sont suspectées devant:
- une protéinurie modérée non sélective.
- l'absence d'hématurie microscopique.
- la présence d'une leucocyturie aseptique (parfois cylindres
leucocytaires).
- des anomalies tubulaires: acidose hyperchlorémique, perte de sel.
- l'absence d'hypertension artérielle.
* Des reins petits, asymétriques et bosselés évoquent dans ce
contexte:
- une pyélonéphrite chronique (maladie urologique): lithiase,
reflux vésico-urétéral, obstacle cervico-prostatique, uropathie
malformative, tuberculose... Dans ces cas, les urines sont
volontiers infectées et l'urographie intraveineuse prend toute
son importance.
- une néphropathie des analgésiques (qui peut être compliquée de
nécrose papillaire).
* Des reins symétriques et non bosselés, compatibles ici avec:
- les étiologies toxiques (lithium, plomb, herbes chinoises,
certains champignons...).
- les étiologies métaboliques (hypercalcémie, hyperuraturie,
hyperoxalurie, cystinurie, hypokaliémie).
- les étiologies endémiques (Balkans).
- les granulomatoses (sarcoïdose, maladie de Gougerot-Sjögren).
Néphroangiosclérose :
* La néphroangiosclérose est une cause croissante d'insuffisance
rénale chronique (10 à 20% des cas actuellement).
* Cette atteinte vasculaire rénale chronique est suspectée en cas
d'HTA:
- ancienne.
- sévère.
- résistante au traitement.
- à retentissement viscéral (oculaire, cérébral, cardiaque) avancé.
- chez le sujet de race noire.
- avec petits reins symétriques, protéinurie faible ou nulle,
absence d'hématurie microscopique.
* Chez un patient athéromateux, il faut rechercher une sténose
bilatérale des artères rénales (insuffisance rénale ischémique).
Néphropathies héréditaires :
Les néphropathies héréditaires et/ou congénitales représentent 15%
des cas et peuvent être kystiques ou non kystiques.
Néphropathies kystiques :
- La polykystose rénale est la plus fréquente de ces néphropathies.
- Dysplasies kystiques, néphronophtise et sclérose tubéreuse de
Bourneville.
Néphropathies non kystiques :
- Syndrome d'Alport.
- Oligoméganéphronie.
- Dépôts (oxalose, cystinose, amyloses familiales, angiokératose de
Fabry).
- Néphropathies associées à un syndrome malformatif.
Cause imprécise :
Enfin, 10% des causes d'insuffisance rénale chronique restent soit
imprécises, soit multifactorielles.
Bilan :
Lorsque l'insuffisance rénale chronique est affirmée, que son
étiologie est déterminée, il faut encore:
- préciser le degré d'insuffisance rénale chronique.
- rechercher un ou des facteurs d'aggravation.
- analyser le retentissement clinique, biologique et radiologique
de l'insuffisance rénale.
- évaluer l'évolutivité de la néphropathie et donc le pronostic.
DEGRÉ D'INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE :
L'insuffisance rénale chronique sera au mieux appréciée par la
mesure de la:
* clairance de la créatinine lorsque le déficit est modéré.
* créatininémie par la suite.
Schématiquement, on distingue plusieurs niveaux d'insuffisance
rénale, résumés dans l'encadré ci-contre.
RECHERCHE DES FACTEURS D'AGGRAVATION :
La recherche des facteurs d'aggravation doit être systématique pour
éviter toute accélération du rythme évolutif de la néphropathie
causale.
Indépendamment des facteurs évoqués dans l'encadré, toute
néphropathie chronique est susceptible de s'aggraver du fait des
modifications de l'hémodynamique glomérulaire, correspondant en
fait à des adaptations fonctionnelles à la réduction
néphronique. Il résulte de l'hyperfiltration glomérulaire une
hyalinisation et une sclérose glomérulaire, mécanisme
auto-entretenu conduisant à la destruction de néphrons sains
supplémentaires:
* la ration protidique alimentaire intervient dans ce mécanisme
d'hyperfiltration glomérulaire en augmentant encore la
filtration glomérulaire.
* l'hypertension artérielle joue un rôle direct dans les lésions de
hyalinose et contribue à aggraver le phénomène
d'hyperfiltration; sa correction, comme la restriction
protidique, permet de ralentir la progression vers
l'insuffisance rénale terminale.
RETENTISSEMENT VISCÉRAL :
C'est le syndrome urémique.
La fréquence des manifestations cliniques du syndrome urémique
augmente avec le degré d'insuffisance rénale.
Les premières manifestations cliniques d'urémie apparaissent
généralement lorsque la créatininémie est de 300 à 400 µmol/l
environ, mais parfois beaucoup plus tard.
Retentissement cardio-vasculaire :
* L'hypertension artérielle est parfois la cause
(néphroangiosclérose), souvent un symptôme (75% des cas) et
toujours un facteur d'aggravation de l'insuffisance rénale
chronique. Elle doit être corrigée à ce titre, mais aussi pour
éviter la malignisation, l'insuffisance cardiaque et le risque
cérébro-vasculaire.
* L'insuffisance cardiaque à prédominance gauche est tardive,
secondaire à l'hypertension artérielle et à la myocardiopathie
urémique, majorée par l'anémie.
* La péricardite urémique, complication ultime, peut se traduire
par une tamponnade: c'est une indication absolue de dialyse.Un
frottement péricardique doit être recherché chez tout sujet
urémique.
Retentissement hématologique :
* Anémie normochrome, normocytaire, arégénérative due à l'hémolyse,
mais surtout à un défaut de synthèse rénale d'érythropoïétine, à
la présence de facteurs sériques (polyamines) inhibant l'action
de l'érythropoïétine au niveau médullaire.
* Anomalies fonctionnelles des leucocytes et des plaquettes: leur
nombre est normal mais leurs fonctions sont altérées (déficit
immunitaire et thrombopathie).
Retentissement neuro-musculaire :
* Musculaire: crampes majorées la nuit, clonies.
* Neurologique périphérique: la polynévrite urémique prédomine aux
membres inférieurs, est d'abord sensitive (brûlures, syndrome
"des jambes sans repos") puis motrice.
Le terme d'ostéodystrophie rénale regroupe l'ensemble des anomalies
cliniques, biologiques et radiologiques osseuses, conséquences
de l'insuffisance rénale chronique.
Elle associe des lésions d'hyperparathyroïdie secondaire et
d'ostéomalacie.
* Anomalies phosphocalciques:
- hypocalcémie.
- hyperphosphorémie.
* L'hyperparathyroïdie secondaire à l'hypocalcémie, la rétention
des phosphates et les perturbations du métabolisme de la
vitamine D se traduit:
- sur le plan clinique, par des douleurs osseuses mal
systématisées, un prurit, des calcifications tissulaires et une
insomnie.
- sur le plan radiologique, il existe une résorption ostéoclastique
sous-périostée avec fibrose, précocement détectable (sur les
radiographies des houppes phalangiennes).
* L'ostéomalacie soit carentielle, soit due à la toxicité de
l'aluminium présent dans les agents complexant le phosphore.Un
bilan précis des lésions impose une étude histomorphométrique de
l'os avec étude de la vitesse de minéralisation osseuse.
* Les calcifications métastatiques (conjonctive, peau,
articulations) surviennent lorsque le produit phosphocalcique
(enmmol) dépasse 6.
Retentissement digestif :
Le retentissement digestif est tardif. Inappétence et nausées
favorisent la dénutrition.
Retentissement cutané :
- Pigmentation cutanée "paille".
- Prurit.
Désordres hydroélectrolytiques :
Les désordres hydroélectrolytiques sont fonction de la néphropathie
causale et du degré d'insuffisance rénale.
lls deviennent majeurs au stade terminal:
- hyponatrémie, intoxication par l'eau.
- hyperkaliémie.
- acidose métabolique à trou anionique élevé.
- hyperuricémie (avec un faible risque de crise de goutte).
ÉVALUATION DE L'ÉVOLUTIVITÉ ET PRONOSTIC :
Cette évolutivité dépend avant tout de la néphropathie causale mais
aussi des divers facteurs d'aggravation qu'il faut donc dépister
et corriger.
Suivi de la progression :
La progression peut être suivie par:
- la baisse linéaire de la clairance de la créatinine en fonction
du temps (a).
- l'augmentation hyperbolique de la créatininémie (b).
- la baisse linéaire du rapport 1/créatininémie (c).
On voit ici:
- l'influence de la correction d'un facteur d'aggravation (a).
- la détérioration induite par la survenue d'un facteur
d'aggravation (b).
Vitesse de l'évolution vers l'insuffisance rénale terminale :
L'évolution vers l'insuffisance rénale terminale peut ainsi être:
Le traitement étiologique est celui de la néphropathie causale
(lorsqu'il est possible) et il est impératif.
A titre d'exemple, le traitement vigoureux d'une hypertension
artérielle (néphroangiosclérose), l'arrêt d'une intoxication
(analgésiques), la correction d'une uropathie obstructive, la
revascularisation artérielle rénale, le traitement d'une
dysglobulinémie, d'une maladie de système, d'une maladie
lithiasique, d'un désordre métabolique (diabète, hypercalcémie).
TRAITEMENT DIÉTÉTIQUE :
Apports salés :
Les apports salés sont en moyenne de 4 g/j, parfois moins (syndrome
œdémateux, hypertension artérielle sévère non contrôlée),
parfois plus (néphropathies avec "pertes de sel" telles que
certaines polykystoses rénales ou néphropathies interstitielles
chroniques).
Dans tous les cas, suivre le poids, la natriurèse, la pression
artérielle.
Ration hydrique :
La ration hydrique est fonction de la sensation de soif.
Au stade ultime, une restriction hydrique peut s'imposer en raison
de l'hyponatrémie.
Ration azotée et calorique :
* Le régime doit apporter une quantité suffisante de calories (au
moins 35 calories/kg).
* Eviter les apports protidiques excessifs lorsque la créatininémie
est supérieure à 200 µmol/1: environ 0,8 à 1g/kg/j.
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE :
Hypertension artérielle :
* L'HTA touche la grande majorité des insuffisants rénaux
terminaux; elle contribue à l'aggravation des lésions rénales
déjà existantes; inversement, sa normalisation permet de
ralentir la dégradation de la fonction rénale.
* Toutes les classes d'antihypertenseurs sont utilisables.
- Les IEC semblent avoir un effet particulièrement bénéfique dans
cette indication; leur utilisation n'est pas contre-indiquée
chez l'insuffisant rénal mais des précautions d'emploi sont
utiles.
- Les diurétiques thiazidiques et les formes de retard des
diurétiques de l'anse sont inefficaces chez l'insuffisant rénal.
- Les antialdostérones sont contre-indiqués (risque
d'hyperkaliémie).
- La posologie utile des diurétiques de l'anse est parfois élevée.
Ostéodystrophie rénale :
Il faut corriger:
- l'hypocalcémie totale (due à une carence en vitamine D active
dont la synthèse est rénale).
- l'hyperphosphorémie (due à la baisse de la filtration
glomérulaire).
- ou tout hyperparathyroïdisme important décelable (PTH > 3 N,
lésions osseuses radiologiques).
* Le carbonate de calcium permet souvent de corriger calcémie et
phosphorémie: apports calciques utiles par absorption digestive
passive et chélation du phosphore alimentaire: Eucalcic* ou
Calcidia*, un demi à 2 sachets par jour en deux prises en dehors
des repas (si la correction de la calcémie prime) ou pendant les
repas (si la baisse de la phosphorémie prime).
* La réduction des apports protidiques contribue au contrôle de la
phosphorémie; les gels d'alumine sont de puissants chélateurs du
phosphore mais doivent être évités du fait du risque
inacceptable d'intoxication aluminique.
* La vitamine D est utile lorsque les taux de PTH mesurés sont très
élevés (supérieurs ou égaux à 3 N) ou lorsque la calcémie reste
basse malgré l'usage de carbonate de calcium: dans les deux cas,
la phosphorémie (qui s'élèvera) doit impérativement être
inférieure à 1,5mmol/l avant le début du traitement, sous peine
de voir apparaître des dépôts phospho-calciques tissulaires. La
vitamine D3 est le produit de choix chez l'insuffisant
rénal:Un-Alfa*, 0,25µg/j per os.Une surveillance biologique
régulière (calcium, phosphore, PALC, PTH) est nécessaire.
Acidose métabolique :
* L'acidose métabolique peut être due à une fuite urinaire de
bicarbonates (maladies du tube rénal proximal) ou à une baisse
de l'excrétion urinaire d'ammoniaque (toute insuffisance rénale
avancée). Sa présence induit des lésions osseuses, vasculaires,
et favorise l'hyperkaliémie.
* L'objectif est un HCO3 supérieur ou égal à 20mmol/l.
- Le carbonate de calcium a un effet alcalinisant modeste.
- Le bicarbonate de sodium (2 à 6 g/j) sous forme de poudre, de
gélules, ou d'eau de Vichy Célestins (500cc = 2g de HCO3Na) est
régulièrement prescrit.
- Le THAM (Alcaphor*, 4 à 8 g/j) n'est utilisé qu'en cas de régime
désodé strict.
Hyperkaliémie :
L'hyperkaliémie est en règle tardive (clairance de la créatinine
inférieure à 15ml/min), chronique et non rapidement évolutive.
Sa correction est cependant indispensable et fait appel à:
- l'éviction de certains aliments (fruits secs, bananes, cerises,
légumes, chocolat...) ou médicaments (antialdostérone, IEC,
AINS, sels de régime).
- à la correction d'une éventuelle acidose métabolique.
- et souvent à la prescription (temporaire ou définitive) d'une
résine échangeuse d'ions: Kayexalate* ou Calcium-Sorbisterit*,
une cuillère mesure par jour ou par 48 heures.
Hyperuricémie :
L'hyperuricémie est le plus souvent asymptomatique et ne réclame
aucun traitement.
Un hypo-uricémiant (Zyloric*, 100 à 200mg/j) n'est utile qu'en cas
d'accès goutteux ou d'uricémie supérieure à 800µmol/l.
Anémie :
L'anémie apparaît progressivement dans la plupart des néphropathies
chroniques évoluées (sauf la polykystose rénale) et s'explique
essentiellement par un déficit de synthèse rénale
d'érythropoïétine; une hémolyse modérée par hypersplénisme et
des carences (martiale, folique, en vitamine B12) peuvent y
contribuer partiellement.
* Il faut en pratique dépister et corriger toute carence, notamment
martiale, ainsi que sa cause.
* En cas d'anémie sévère persistante, la prescription
d'érythropoïétine recombinante avant le stade de l'épuration
extrarénale est justifiée:
- Eprex* ou Recormon*, 20 à 150UI/kg en 1 à 3 injection(s)
sous-cutanée(s).
- Au début, 1 injection hebdomadaire d'une faible dose est parfois
suffisante.
* La stimulation de l'érythropoïèse se manifeste par une crise
réticulocytaire (J8) puis par une remontée progressive de
l'hémoglobine, qui ne doit pas dépasser 2 g/dl par mois.
- L'apparition d'un déficit martial fonctionnel en cours de
traitement (dû à la stimulation de l'érythropoïèse) est très
fréquente, et justifie bien souvent le maintien d'une
supplémentation martiale.
- L'objectif intermédiaire est une hémoglobinémie comprise entre 10
et 12 g/dl; les effets bénéfiques principaux sont une
amélioration de l'état général et le risque d'effets secondaires
augmente considérablement lorsque l'hémoglobine dépasse 12 g/dl.
Médicaments :
Enfin, il ne faut pas oublier que les modalités d'administration de
nombreux médicaments sont différentes en cas d'insuffisance
rénale.
Les différents facteurs aggravant l'insuffisance rénale seront
dépistés et traités.
TRAITEMENT DE LA SUPPLÉANCE :
Avant le stade terminal, le but de ce triple traitement est de
ralentir l'évolution de l'insuffisance rénale chronique et de
conserver au mieux l'état général du patient.
Lorsque la clairance de la créatinine est comprise entre 5 et
10ml/min, le stade terminal est atteint et un traitement de
suppléance doit être décidé.
Toutefois, cette décision aura été mûrement réfléchie avec le
patient à un stade plus précoce, de façon à pouvoir à temps:
- créer un abord vasculaire de bonne qualité dès que la clairance
de la créatinine est inférieure à 15ml/min.
- effectuer la vaccination contre l'hépatite B le plus tôt
possible.
- réaliser un bilan de transplantation complet de façon à pouvoir
inscrire le patient sur une liste d'attente de transplantation
de rein de cadavre.
Le traitement de suppléance peut être assuré grâce à l'hémodialyse,
la dialyse péritonéale à domicile, la transplantation rénale.
Hémodialyse :
* L'hémodialyse nécessite une voie d'abord vasculaire de qualité,
le plus souvent une fistule artério-veineuse interne.
* Elle peut s'effectuer à domicile dans un centre ou en autodialyse
(le malade prend en charge la quasi-totalité de son traitement
mais l'appareillage est dans un local partagé par plusieurs
patients).
* L'hémofiltration est une variante de l'hémodialyse qui utilise
une membrane de dialyse de très haute perméabilité: elle reste
l'apanage de centres spécialisés.
Dialyse péritonéale à domicile :
La dialyse péritonéale à domicile nécessite la pose d'un cathéter
intrapéritonéal de Tenckhoff.
Méthodes :
La dialyse peut s'effectuer de trois façons:
- continue ambulatoire, qui assure une dialyse 24 heures sur 24.
- intermittente.
- continue cyclique, qui mélange les deux précédentes.
Indications :
* Les indications sont fonction:
- de l'âge du patient.
- de la présence d'un diabète sucré.
- de la présence d'une athéromatose sévère.
- de l'état de l'abdomen (interventions chirurgicales antérieures).
- du capital veineux.
- des motivations du patient et de ses proches.
- de plus en plus, d'impératifs financiers.
- de l'espoir d'une transplantation rapide.
* La dialyse péritonéale est envisagée, en particulier:
- chez les enfants.
- chez les diabétiques.
- chez les patients âgés athéromateux.
- chez certains sujets jeunes en attente de transplantation.
Transplantation rénale :
La transplantation rénale peut se faire à partir:
- d'un rein de cadavre (les reins sont prélevés sur des sujets en
état de mort cérébrale).
- d'un donneur vivant au mieux identique (frère ou sœur) ou
semi-identique (parents à enfants) au niveau du complexe majeur
d'histocompatibilité (HLA).
Bilan pré-greffe :
La greffe sera précédée d'un bilan très précis qui appréciera
l'état des voies urinaires, recherchera des foyers infectieux
latents (dentaires...), permettra de débuter un protocole de
transfusions (qui améliorent le pronostic du greffon).
Traitements immunosuppresseurs :
Les différents traitements immunosuppresseurs utilisés sont:
- l'association prednisone-azathioprine.
- les globulines antilymphocytaires.
- la ciclosporine.
- les anticorps monoclonaux dirigés contre les antigènes de
différenciation des lymphocytes T.
Contre-indications de la greffe :
Les principales contre-indications de la greffe sont:
- un âge supérieur à 60 ans.
- une athéromatose sévère.
- une cardiopathie avancée.
- une néoplasie évolutive.
Évolution :
Actuellement, on est en droit d'attendre une survie du patient à 1
an à plus de 95% et une survie du greffon à 1 an à 85% (environ
deux tiers à 5 ans).
Pour conclure, à tout moment, il est possible de passer d'une
méthode de traitement à une autre au sein d'un programme
intégrant dialyse et transplantation.
La survie des insuffisants rénaux traités par l'une ou l'autre de
ces méthodes est maintenant d'environ 80% 10 ans plus tard.