Les prostatites aiguës demeurent
une affection fréquente, atteignant le sujet à l'âge adulte,
rarement avant la puberté. Peu d'informations sont disponibles
concernant la réelle incidence de cette pathologie. Elle avait
été estimée à 25% des consultations pour troubles urinaires,
elles-mêmes correspondant dans la population générale à 76 pour
1000 cas.
Classification :
Les prostatites peuvent être classées (selon une classification des
formes les plus communes de prostatites) en:
- prostatites aiguës et chroniques d'origine bactérienne.
- prostatites non bactériennes.
- prostatodynies (pour lesquelles le terme de prostatite peut être
discuté).
Prostatites bactériennes :
Les prostatites bactériennes sont associées à une infection du
système urinaire avec un ECBU positif et une augmentation du
nombre des cellules inflammatoires dans les sécrétions
prostatiques.
* La prostatite aiguë bactérienne est une pathologie de survenue
brutale, fébrile, avec des signes urinaires marqués.
* La prostatite chronique bactérienne est une atteinte plus sourde,
dominée par des infections urinaires récidivantes, causées par
la persistance de l'agent pathogène dans les systèmes
sécrétoires prostatiques en dépit des traitements antibiotiques.
Prostatites non bactériennes :
Au contraire, les patients atteints de prostatite non bactérienne
ont une augmentation du nombre des cellules inflammatoires dans
les sécrétions prostatiques en dépit d'antécédents d'infections
urinaires et d'un ECBU positif.
Prostatodynie :
Chez les patients ayant une prostatodynie, il n'y a pas d'infection
urinaire, les cultures sont négatives et, typiquement, les
sécrétions prostatiques apparaissent normales.
Ces définitions ayant été précisées, nous nous intéresserons
maintenant uniquement aux prostatites aiguës.
Étiologie :
Prostatites à germes urinaires :
Les prostatites à germes urinaires sont les prostatites aiguës les
plus fréquentes.
Germes responsables
* Les organismes responsables de prostatites bactériennes sont
similaires en type et en incidence à ceux responsables des
infections urinaires en général.
- Escherichia coli prédomine donc.
- Proteus, Klebsiella, Enterobacter, Pseudomonas et Serratia sont
retrouvés de façon moins fréquente.
* La plupart des infections prostatiques sont causées par un seul
agent pathogène, mais des infections mettant en cause plusieurs
germes peuvent se voir occasionnellement.
* En ce qui concerne les germes à Gram positif:
- en dehors des entérocoques qui représentent environ 15% des
infections urinaires et qui peuvent donc être responsables de
prostatites.
- le rôle des autres germes à Gram positif, comme les
staphylocoques coagulases négatifs, est incertain et demeure
discuté; cela essentiellement parce que ces germes qui,
typiquement, colonisent l'urètre antérieur de sujets sains, sont
généralement considérés comme étant commensaux, non pathogènes.
Etiopathogénie
* Les prostatites à germes urinaires se développent probablement à
partir d'infections urétrales ascendantes ou d'un reflux
d'urines infectées dans les canaux prostatiques qui se vident
dans l'urètre postérieur.
- Certains auteurs ont rapporté l'existence du même agent pathogène
dans le fluide prostatique d'hommes atteints de prostatite et
dans les cultures vaginales de leur partenaire, suggérant la
possibilité d'une infection ascendante par inoculation du méat
pendant les rapports sexuels.
- Des rapports sexuels ano-rectaux non protégés sont une cause bien
documentée d'urétrite, d'infection urinaire, d'épididymite et de
prostatite.
* En dehors de cette voie canalaire ascendante, deux autres
possibilités étiopathogéniques ont été évoquées:
- contamination de la prostate par les bactéries du rectum (par
extension directe ou par dissémination lymphatique).
- voie hématogène à partir d'une porte d'entrée à distance.
* Parce qu'elles sont fréquemment associées à une colonisation
urétrale avec des bactéries pathogènes et une infection
ascendante, les sondes vésicales peuvent conduire à des
infections prostatiques.
* Il est reconnu que les prostatites bactériennes peuvent se
développer chez des hommes ayant des urines infectées qui n'ont
pas été traitées après une résection transurétrale de prostate.
* Une cause favorisante, surtout une obstruction de la filière
cervico-urétrale, devra toujours être recherchée.
Prostatites à germes sexuellement transmissibles :
* Prostatites gonococciques:
- une atteinte prostatique peut se voir lors d'une urétrite
gonococcique et un traitement classique d'urétrite gonococcique
peut parfois échouer dans la stérilisation de la prostate.
- une prostatite symptomatique peut se développer en dépit d'une
culture négative pour Neisseriae gonorrhœæ.
* Les prostatites dues àUreaplasma urealyticum et à Chlamydia
trachomatis sont rares et discutées.
Prostatites tuberculeuses :
Une prostatite granulomateuse causée par Mycobacterium tuberculosis
peut se développer comme séquelle d'une miliaire tuberculeuse.
- Elle se produit par voie hématogène tout comme pour le rein ou
par contiguïté.
- Le tableau est souvent chronique avec palpation d'un nodule au
toucher rectal.
- Elles peuvent aussi se voir après traitement par BCG pour une
tumeur superficielle de vessie.
Prostatites granulomateuses non spécifiques :
Les prostatites granulomateuses non spécifiques sont de deux
sortes:
* éosinophiliques:
- tableau aigu avec fièvre parfois et des signes d'obstruction
(dysurie, pollakiurie).
- prostate ferme et augmentée de volume.
- la biopsie confirme le diagnostic.
- souvent bonne réponse avec des agents antimicrobiens et des
corticostéroïdes.
* non éosinophiliques:
- très rares, survenant chez des patients ayant un terrain
allergique.
- fièvre élevée.
- éosinophilie sanguine.
- parfois associée à une vascularite générale.
Prostatites parasitaires :
Les prostatites parasitaires sont rares dans nos régions; il s'agit
essentiellement de la bilharziose.
Prostatites mycotiques :
Blastomycose, coccidioïmycose, cryptococcose, histoplasmose et
candidose peuvent se voir occasionnellement, notamment chez des
sujets infectés par le VIH.
Diagnostic :
Nous décrirons ici la prostatite aiguë bactérienne à germes
d'origine urinaire.
Les éléments spécifiques des autres prostatites ont été mentionnés
dans le chapitre "Etiologie".
TABLEAU CLINIQUE :
Signes généraux :
Les signes généraux sont marqués par:
- fièvre élevée (39 à 40°C).
- frissons.
- fatigue.
- myalgies, arthralgies.
Signes fonctionnels urinaires :
La symptomatologie urinaire associe diversement:
- brûlures mictionnelles.
- douleurs périnéales.
- dysurie pouvant aller jusqu'à la rétention aiguë d'urine.
- incontinence par regorgement.
- pollakiurie.
- impériosités mictionnelles.
Signes physiques :
A l'examen, on retrouve:
- des urines troubles, malodorantes.
- au toucher rectal: une prostate très douloureuse, augmentée de
volume, tendue, de consistance typiquement "succulente".
- parfois, un globe vésical.
- parfois, une orchi-épididymite associée.
EXAMENS COMPLEMENTAIRES :
Examens biologiques :
Hémogramme :
Hyperleucocytose avec polynucléose.
Examen cytobactériologique des urines :
- Pyurie.
- Bactériurie; la numération des germes confirme l'infection
urinaire.
- Hématurie microscopique.
Le massage prostatique avec ECBU doit être contre-indiqué du fait
des douleurs qu'il entraîne et de la possibilité de décharge
bactériémique.
Autres examens :
Les autres examens biologiques pratiqués sont:
- hémocultures, si frissons ou température supérieure à 38,5°C.
- ionogramme sanguin (altération de la fonction rénale).
* Une radiographie de l'abdomen sans préparation peut montrer des
calcifications si plusieurs épisodes de prostatites.
* UneUIV avec clichés permictionnels permet une exploration de
l'ensemble de la filière urinaire.
* L'UCRM permet l'exploration de la filière cervico-urétrale, à la
recherche d'une obstruction.
* Une échographie des reins et de la prostate permet d'apprécier le
haut appareil et de voir des calcifications, si plusieurs
récidives de prostatites.
* Une échographie endorectale ne doit pas être faite en période
aiguë car c'est un examen très douloureux et il y a un risque de
bactériémie. Elle peut être effectuée par la suite s'il y a un
doute avec une évolution vers un abcès prostatique.
Évolution :
ÉVOLUTION FAVORABLE :
* La guérison est le plus souvent obtenue sous traitement
antibiotique bien conduit.
* Il faut toujours éliminer une cause favorisante, telle qu'une
sténose de l'urètre, un adénome prostatique ou une malformation,
qui provoqueront des récidives.
ÉVOLUTION VERS LA PROSTATITE CHRONIQUE :
Manifestations :
Les manifestations d'une prostatite chronique sont souvent
variables.
Bien qu'elles correspondent souvent à l'évolution d'une prostatite
aiguë, de nombreux patients n'ont pas d'histoire de prostatite
aiguë.
* La plupart des patients se plaignent de symptômes irritatifs
variables, incluant:
- une dysurie.
- des urgences mictionnelles.
- une pollakiurie.
- et des douleurs de localisation pelvienne ou génitale.
* La fièvre et les frissons sont rares.
* Des douleurs après éjaculation ou une hémospermie peuvent se
voir.
* Rien de spécifique n'est retrouvé à l'examen clinique, au toucher
rectal, à la cystoscopie ou à l'UIV.
Etiopathogénie :
Sur le plan étiopathogénique, les germes persistent dans les
sécrétions prostatiques, bien que les urines soient stérilisées
par le traitement médical, et entretiennent donc les phénomènes
infectieux et inflammatoires.
ÉVOLUTION VERS L'ABCÈS PROSTATIQUE :
Devenu rare, l'abcès prostatique se voit surtout chez le sujet
immunodéprimé et peut nécessiter un drainage chirurgical.
Traitement :
Le traitement d'une prostatite nécessite une hospitalisation, une
rééquilibration hydroélectrolytique, si nécessaire, et le repos
au lit.
Antibiothérapie :
Le traitement antibiotique est le suivant:
* fluoroquinolone par voie parentérale jusqu'à 48 heures après
obtention de l'apyrexie, puis relais per os pendant au total 6
semaines.
* association à un aminoside pendant 5 jours en début de traitement
en cas de prostatite sévère avec bactériémie et/ou septicémie.
* alternative possible à la fluoroquinolone: Bactrim* ou une
bêta-lactamine dont le traitement devra être de 6semaines au
minimum.
De plus, il faut éviter les rapports sexuels.
Rétention aiguë d'urines :
Une dérivation des urines par un cathéter sus-pubien est nécessaire
en cas de rétention aiguë d'urine.
Le sondage urétral est dans ce cas contre-indiqué.
Traitement étiologique :
Le traitement étiologique est entrepris secondairement si une cause
est retrouvée.