La voie excrétrice urinaire est
tapissée par une muqueuse épithéliale appelée urothélium. Des
tumeurs peuvent apparaître en n’importe quel endroit de la voie
excrétrice, des calices à l’urètre. Toutefois, la vessie est le
lieu privilégié de naissance de ces tumeurs (effet « réservoir »
avec un temps de contact urine/muqueuse particulièrement long).
Le bilan d’une tumeur de la vessie doit comporter une
exploration de la totalité de la voie excrétrice urinaire.
Certains carcinogènes ont été clairement identifiés comme étant
à l’origine de tumeur de la vessie (tabac, colorants). Sous le
vocable de tumeur de la vessie, on désigne un ensemble de
lésions dont la gravité et l’évolution sont extrêmement
différentes, l’évolution d’une tumeur de la vessie pouvant se
faire vers la récidive sur le même mode ou la récidive avec
progression vers l’infiltration. La tumeur classée PT1 G3 est
celle qui se place à la frontière de la bénignité (T
superficielle) et de la malignité (T infiltrante). Un bilan
exact du stade et du grade est indispensable pour faire le bon
choix dans l’arsenal thérapeutique.
Étiologie :
Les facteurs favorisants les tumeurs de la vessie sont:
* le tabagisme avec une corrélation étroite entre le degré
d'imprégnation et le risque de survenue d'une tumeur;
* certains dérivés des produits industriels, notamment des dérivés
utilisés dans l'industrie du caoutchouc, de la peinture et des
colorants (aniline...).
A part: les cancers de vessie secondaires à une bilharzioze.
Anatomopathologie :
Les tumeurs épithéliales représentent 95% des tumeurs vésicales. On
les appelle épithélioma vésical à cellules transitionnelles.
Les tumeurs épidermoïdes sont plus rares, parfois associées à une
bilharzioze vésicale; les sarcomes sont exceptionnels ainsi que
les tumeurs métastatiques ou par extension d'une lésion de
voisinage.
Les épithéliomas vésicaux à cellules transitionnelles sont
caractérisés par leur différenciation cellulaire (le grade) et
leur pénétration dans la paroi vésicale (le stade).
Grade :
Pour le grade, on distingue:
- le grade G0 où les cellules sont normales.
- le grade G1 où les cellules sont bien différenciées.
- le grade G2 où les cellules sont moyennement différenciées.
- et le G3 où les cellules sont peu ou pas différenciées.
Stade :
Le stade correspond à la profondeur de la pénétration dans la paroi
vésicale:
- le stade pathologique PTa correspond à une tumeur limitée à la
muqueuse vésicale ne franchissant pas la membrane basal.
- PT1 tumeur infiltrant le chorion.
- PT2 tumeur infiltrant le muscle superficiel.
- PT3a tumeur infiltrant le muscle profond.
- PT3b tumeur infiltrant la totalité du muscle et l'adventice.
- PT4 extension extra-vésicale aux organes de voisinage.
- PT is carcinome in situ.
Métastases :
Les métastases sont essentiellement ganglionnaires, osseuses,
pulmonaires et hépatiques; beaucoup plus rarement, péritonéales
ou cutanées.
Incidence pronostique :
On considère actuellement les tumeurs superficielles de la vessie
ne dépassant pas la membrane basale (PT a) comme des lésions
bénignes.
Les tumeurs PT1 qui atteignent le chorion sont considérées comme
intermédiaires. C'est le grade de ces tumeurs qui est l'élément
le plus important au point de vue pronostique. Les tumeurs PT1
G3 sont à considérer comme à haut risque.
Diagnostic :
DIAGNOSTIC CLINIQUE :
Circonstances de découverte :
Hématurie :
L'hématurie reste le signe majeur: hématurie terminale d'origine
vésicale. Elle peut être aussi totale, car abondante.
Exceptionnellement, elle peut entraîner une rétention sur
caillot.
Autres modes de révélation :
* Les autres modes de révélation sont les troubles mictionnels
évoquant une irritation vésicale à type de pollakiurie,
d'impériosité mictionnelle, de brûlure mictionnelle tant diurne
que nocturne et, notamment, de survenue récente.
* Ces troubles sont trompeurs et ne doivent pas être confondus avec
ceux d'une hypertrophie bénigne de la prostate. Toute
impériosité mictionnelle notable survenue récemment chez un
homme fumeur doit faire évoquer une tumeur de la vessie.
* Beaucoup plus rarement, le diagnostic est fait sur la notion
d'une douleur lombaire par obstacle au niveau du méat urétéral
ou d'une métastase.
* Actuellement, la découverte par échographie systématique à
l'occasion d'un examen abdominal est de plus en plus fréquente.
Examen clinique :
L'examen clinique ne met en évidence aucun élément particulier en
dehors du toucher rectal qui permet, en présence d'une tumeur
évoluée, de mettre en évidence un blindage pelvien avec
immobilité vésicale.
EXAMENS COMPLEMENTAIRES :
Cystoscopie :
La cystoscopie, réalisée aujourd'hui par fibroscopie vésicale
flexible, est l'examen clef du diagnostic.
* Elle doit être pratiquée devant toute hématurie qui ne fait pas
la preuve de son étiologie immédiatement. Réalisée à la
consultation, elle permet de voir la lésion et d'en apprécier
son aspect macroscopique.
* Typiquement, le polype vésical est bien frangé, avec un pied
étroit alors que la tumeur infiltrante est sessile, irrégulière,
bourgeonnante et blanchâtre.
* Le carcinome in situ peut se traduire par des zones, de simples
zones d'hyperhémie.
Cytologie urinaire :
La cytologie urinaire est un examen simple qui étudie la
desquamation cellulaire dans l'urine et permet de retrouver des
cellules tumorales.
On la classe en grades 1, 2 et 3 ou en carcinome in situ.
La cytologie urinaire est un examen à la fois de diagnostic et de
suivi évolutif.
Elle est loin d'être toujours positive lorsqu'existe une tumeur
vésicale superficielle.
- Plus la lésion est de grade élevé, plus elle desquame et la
cytologie sera positive.
- 50% des tumeurs de vessie superficielles PTa G1-2 ont une
cytologie négative.
Échographie vésicale :
L'échographie vésicale est un examen non invasif qui met de plus en
plus souvent en évidence les polypes de vessie et permet ainsi
de se passer de la cystoscopie, si l'image lacunaire vésicale
qu'elle met en évidence n'est pas contestable.
Elle est aussi utilisée pour la surveillance des récidives après
traitement.
Urographie intraveineuse :
Dans tous les cas, une UIV sera réalisée lorsqu'une tumeur de la
vessie est découverte à la recherche:
- d'une autre localisation sur le haut appareil urinaire.
- et d'une dilatation urétérale secondaire à un obstacle de la
jonction urétéro-vésicale.
Anatomie pathologique :
Le diagnostic définitif est uniquement anatomopathologique. Il se
fait par résection endoscopique sur un patient hospitalisé, sous
anesthésie générale ou péridurale.
* Elle permet l'ablation complète de la tumeur s'il s'agit d'un
polype superficiel en réséquant la paroi vésicale profondément
dans le muscle pour obtenir une stadification pathologique de
qualité. Toute tumeur superficielle PTa PT1 qui ne comporte pas
de muscle normal ne peut être considérée comme telle.
* L'examen endoscopique sous anesthésie permet aussi des biopsies
multiples à distance de la lésion en vue de réaliser un bilan
complet.
BILAN D'EXTENSION :
Le bilan d'extension n'a aucun intérêt dans les tumeurs
superficielles PT a PT1. Il n'est utilisé qu'en cas de tumeur
infiltrant le muscle, au minimum PT2.
On utilise la TDM abdomino-pelvienne en recherchant:
- l'existence d'une extension extra-vésicale locorégionale.
- la présence d'une adénopathie ilio-obturatrice urétro-péritonéale
lorsqu'elle dépasse 15mm de diamètre.
- une urétéro-hydronéphrose unilatérale ou bilatérale.
- ou des métastases hépatiques.
* La radiographie du thorax ou la TDM thoracique recherchent une
extension pulmonaire, et la scintigraphie, une extension
osseuse, en cas de douleurs localisées.
Évolution et
pronostic :
* Les tumeurs superficielles de la vessie ont pour risque majeur
(75% des cas) la récidive à plus ou moins long terme. Elles ont
pour risque secondaire la progression dans un grade ou un stade
de malignité plus important pouvant même devenir infiltrant (5 à
10% des cas).
- Une tumeur TaG1 récidive dans 80% des cas en restant au même
stade et au même grade.
- Dans 20% des cas, elle changera de grade ou passera au stade PT1.
* L'analyse de la ploïdie et du marqueur génétique P53 ont un
intérêt limité dans l'évaluation du risque d'évolution
péjorative pour un individu donné en pratique courante.
Traitement :
TUMEURS SUPERFICIELLES DE LA VESSIE :
* Si la tumeur est superficielle, la résection endoscopique
réalisée sur un malade hospitalisé peut être complète à
condition que les polypes ne soient pas innombrables. Dans ce
cas, une deuxième résection peut être envisagée.
* Une fois la résection réalisée, l'indication d'un traitement
complémentaire par instillations endovésicales de chimiothérapie
(mitomycine C) ou d'immunothérapie (BCG) dépend du caractère
unifocal ou plurifocal de la tumeur, de sa taille, de l'âge du
malade et du résultat pathologique grade et stade précis.
* Les tumeurs PT1 G3 sont les plus agressives et nécessitent un
traitement par 6 instillations de BCG endovésicales une fois par
semaine, suivies 1 mois et demi plus tard d'un nouveau contrôle
endoscopique en hospitalisation avec biopsies multiples. En cas
de persistance des lésions, on peut discuter une deuxième cure
de BCG ou un traitement plus radical, type cystectomie totale. A
ce traitement s'ajoute l'arrêt de l'intoxication qu'elle soit
tabagique ou industrielle.
* La prévention et le traitement des récidives des autres tumeurs
superficielles passent par l'utilisation d'une chimiothérapie
par instillations endovésicales à type de mitomycine C (6
instillations une fois par semaine ou 1 instillation juste après
l'intervention) en vue de réduire le nombre de récidives ou
d'augmenter leur espacement dans le temps.
* L'immunothérapie endovésicale par BCGthérapie (6 instillations à
raison d'une par semaine) semble avoir un résultat supérieur. La
morbidité de ces instillations étant elle aussi supérieure, on
réserve le BCG aux formes les plus sévères (morbidité: cystite,
fièvre, BCGite généralisée nécessitant un traitement
antituberculeux).
* Les éléments de surveillance reposent sur:
- la cytologie urinaire au bout de 3 mois, 6 mois puis tous les
ans;
- l'échographie vésicale (si une récidive est visualisée il n'est
pas utile de faire de fibroscopie).
- ou la fibroscopie vésicale en consultation.
TUMEURS INFILTRANTES DE LA VESSIE :
Prostato-cystectomie totale :
* Lorsque la lésion atteint le muscle (minimum PT2) si le bilan
d'extension est normal chez un homme en bon état général, la
prostato-cystectomie totale est le traitement de référence.Un
curage ilio-obturateur bilatéral est réalisé en début
d'intervention à la recherche de métastases ganglionnaires non
détectées par la TDM qui pourraient faire récuser
l'intervention.
* La cystectomie peut toutefois être indiquée en cas d'atteinte
ganglionnaire lorsque les troubles mictionnels, les douleurs
pelviennes ou les hématuries incoercibles obligent à une
dérivation.
* Une fois la prostate, les vésicules séminales et la vessie
enlevées, les moyens de remplacement ou de dérivation sont les
suivants:
- chez l'homme, l'entéroplastie de substitution permet de conserver
une intégrité anatomique au prix d'une néo-vessie avec miction
par l'urètre. La continence de jour est excellente, celle de
nuit est moins bonne, obligeant le patient à deux à trois
levers. L'impuissance est de règle puisqu'une prostatectomie
radicale est réalisée au moment de l'intervention.
- chez la femme, lorsque l'état général et les conditions
anatomiques le permettent, une entéroplastie peut aussi être
proposée.
- dans les deux cas, l'urètre antérieur et postérieur ne doivent
pas être atteints par une dysplasie ou un carcinome in situ.
* Lorsque le remplacement vésical ne peut être proposé, une
dérivation cutanée par urétérostomie transiléale (intervention
de Bricker) est réalisée. Elle consiste à aboucher les deux
uretères dans un segment de grêle lui-même mis à la peau;
l'urine est collectée dans une poche.
* Le deuxième mode de dérivation consiste à réimplanter les deux
uretères dans le côlon. L'intégrité anatomique est conservée,
mais les mictions se font par le rectum. Il faut un côlon normal
et un sphincter anal de bonne qualité.
Autres traitements :
Ni la radiothérapie ni la chimiothérapie préopératoires ou
postopératoires systématiques n'ont montré leur efficacité.
* Actuellement, sont en cours des protocoles de
radio-chimiothérapie concomitantes, visant à éviter l'ablation
de la vessie. Si la tumeur est unique, située sur la partie
mobile de la vessie et à la condition d'une absence d'autre
lésion aux biopsies vésicales multiples dans de rares cas, une
cystectomie partielle peut être proposée, éventuellement
associée à une chimiothérapie de complément.
* En cas d'atteinte ganglionnaire ou métastatique, les traitements
complémentaires ont des résultats limités parfois surprenants.
La chimiothérapie associant méthotrexate, vinblastine,
adriamycine, cisplatine donne 20% de rémissions.
* La radiothérapie, limitée à la vessie et aux aires ganglionnaires
à la dose de 60 Grays, peut également être indiquée.
* Le choix de la technique la meilleure est à discuter cas par cas.
La survie lorsque la tumeur de vessie est métastatique est
faible, de moins de 10% à 5 ans.