Pathologies de l’unité scapulothoracique

0
5375

Rappels anatomiques et fonctionnels :

L’unité scapulothoracique est constituée par la scapula, la cage thoracique, l’espace de glissement scapulothoracique, la fixation claviculaire et ses articulations, et les muscles stabilisateurs et moteurs de la scapula.

Cette fausse articulation comprend donc deux espaces et une bourse de glissement.

Pathologies de l'unité scapulothoraciqueL’espace scapuloserratique est compris entre, en arrière et en dehors, la scapula matelassée par le muscle subscapularis, en avant et en dedans, la nappe musculaire du serratus (étendue du bord médial de la scapula à la paroi antérolatérale du thorax) et, en dehors, le creux axillaire.

L’espace thoracoou pariétoserratique est, lui, compris entre, en dedans et en avant, la paroi thoracique, en arrière et en dehors, le muscle serratus, en dedans, les muscles rhomboideus (major et minor) et, en haut, le muscle levator scapulae.

La bourse de glissement, bien limitée, occupe, quant à elle, l’espace antérieur (pariétoserratique).

La stabilité de cette unité est assurée par l’articulation acromioclaviculaire et la « chaîne » claviculaire, et les différents muscles qui sont en avant : le muscle subscapularis innervé par le nerf subscapularis et, en dedans, le muscle serratus innervé par le nerf thoracicus longus, en arrière : le muscle trapezius dont la partie inférieure s’insère sur l’acromion et l’épine de la scapula innervée par le nerf accessorius, les muscles supra- et infraspinatus innervés par le nerf suprascapularis, les muscles teres minor (branche du nerf axillaris) et major (nerf thoracodorsalis) ; en dedans : le muscle levator scapulae et les deux muscles rhomboideus (major et minor) (nerf dorsalis scapulae).

Les ligaments antérieurs : conoideum, trapezoideum et coracoclaviculare médial assurent aussi la fixité de l’unité scapulothoracique.

Les mouvements de cette unité sont des mouvements de translation, latérale et médiale.

La translation médiale associe une légère bascule.

L’amplitude totale entre les deux positions extrêmes de translation est de 15 cm.

Les mouvements de translation verticale s’accompagnent d’une légère bascule, ils ont une amplitude globale de 10 à 12 cm.

Les mouvements dits « de la sonnette » ou de bascule de la scapula correspondent à une rotation de la scapula autour d’un axe perpendiculaire au plan de la scapula situé un peu au-dessous de l’épine, non loin de l’angle supérolatéral.

L’amplitude totale de ce mouvement est de 60° avec un déplacement de l’angle inférieur de 10 à 12 cm et de l’angle supérolatéral de 5 à 6 cm.

Ces mouvements sont en fait le plus souvent associés.

Anatomopathologie :

En dehors des lésions aiguës traumatiques, il existe deux grandes catégories d’atteintes chroniques : l’accrochage scapulaire (snapping scapula) et le décollement de la scapula (winging scapula).

On peut citer également le retentissement scapulothoracique des raideurs glénohumérales.

Accrochage scapulaire (« snapping scapula ») :

Ce syndrome a été décrit initialement par Boinet (1867) et Mauclaire (1904).

Il associe douleur, diminution de la mobilité de la scapulothoracique et sensation de « froissement », de « frottement » ou de « craquement ».

Les étiologies sont multiples.

Elles peuvent être intrinsèques ou extrinsèques.

Les étiologies intrinsèques peuvent être primitives ou secondaires.

A – Étiologies intrinsèques :

1- Primitives :

Elles associent les atteintes inflammatoires et microtraumatiques, l’atteinte inflammatoire est fréquente lorsqu’il existe une anomalie osseuse préexistante ; elle peut être associée à un traumatisme.

L’atteinte microtraumatique est décrite surtout dans les sports de lancer. Elle est caractérisée par des lésions de l’angle inféromédial de la scapula.

Pour Percy, cet accrochage est comparable à l’épicondylite du joueur de tennis.

2- Secondaires :

Elles sont dues à des anomalies anatomiques.

Les ostéochondromes costaux ou scapulaires ont été décrits par Parsons.

Le tubercule de Luschka est une tuméfaction de l’angle supéromédial de la scapula.

Il entraîne une bursite de contact avec les troisième et quatrième côtes.

L’exostose du pôle inférieur et latéral (« corne de rhinocéros ») de la scapula a été décrite par Edelson. Le cal vicieux de la scapula peut entraîner une saillie osseuse dans l’espace scapulothoracique.

L’avulsion d’une insertion musculaire ou la tendinopathie calcifiante du serratus, de même que les tumeurs malignes ou bénignes de l’espace scapulothoracique, comme l’hibernome, rapporté par Cameron, peuvent entraîner un accrochage scapulaire.

La déformation de Sprengel est une hypertrophie de l’épineuse de C5 (et parfois C6, C7) entraînant un conflit avec la scapula.

Enfin, la scoliose évoluée a été citée par Volkmann, comme étiologie d’accrochage scapulaire.

B – Étiologies extrinsèques :

Elles correspondent au syndrome d’hypersollicitation de la scapulothoracique par atteinte d’une autre articulation de la ceinture scapulaire comme l’arthrose acromioclaviculaire, l’arthrose glénohumérale, l’atteinte de la coiffe des rotateurs et la raideur glénohumérale.

C – Diagnostic :

Le diagnostic de cette pathologie est essentiellement clinique.

La douleur se situe au bord médial de la scapula associée à une sensation de « craquement » ou de « crépitement » réveillée par la mobilisation active.

Les mobilités articulaires passives sont souvent normales.

La recherche d’un accrochage est difficile, souvent réalisée par le patient lui-même.

Les examens complémentaires ont pour but de rechercher les étiologies secondaires extrinsèques en étudiant, en particulier, l’articulation glénohumérale et acromioclaviculaire (radiographies standards) ou de confirmer une étiologie intrinsèque secondaire osseuse (cal vicieux, exostose, chondrome…) par des incidences scapulaires (omoplate de face ou profil de Lamy), mais aussi gril costal.

La tomodensitométrie (TDM) est souvent nécessaire pour analyser les rapports scapulothoraciques.

La bursite peut être mise en évidence par TDM ou plutôt en imagerie par résonance magnétique (IRM).

Le diagnostic différentiel repose sur la recherche d’une affection cardiaque, discale thoracique et néoplasique pulmonaire.

D – Traitement :

Pour les formes primitives, le traitement associe anti-inflammatoires non stéroïdiens, repos, physiothérapie et les injections de corticostéroïdes dans la bourse serratique.

Pour les étiologies intrinsèques secondaires et extrinsèques, le traitement de la cause est souhaitable, mais parfois difficile.

En cas d’inefficacité du traitement conservateur, une scapulectomie partielle ou une excision à ciel ouvert ou endoscopique de la bursite scapulothoracique peuvent être proposées.

Décollement de la scapula :

Ce décollement est rencontré dans la paralysie du muscle serratus par atteinte neuromusculaire mécanique (atteinte du nerf thoracicus longus ou nerf de Bell) ; nous n’étudierons pas les atteintes neurologiques centrales.

Ce diagnostic lésionnel ne doit pas faire oublier qu’un décollement de la scapula peut également être le témoin d’une atteinte du nerf accessorius ou rendre compte d’un dysfonctionnement de l’épaule lié à une atteinte de la coiffe des rotateurs, généralement localisée au tendon du muscle supraspinatus (parfois infraspinatus), ou à une paralysie du nerf suprascapularis, par étirement ou par compression.

D’autres atteintes neurologiques peuvent entraîner un décollement de la scapula, mais alors l’atteinte de la stabilité de l’unité scapulothoracique n’est plus isolée.

Les plus fréquentes sont la paralysie du muscle deltoideus, la paralysie C5-C6 dans le cadre des lésions du plexus brachial de type Duchenne-Erb, et les épaules « ballantes » par atteinte plus étendue du plexus brachial.

A – Paralysie du muscle serratus :

1- Étiologies :

Les principales étiologies sont la paralysie a frigore, la myopathie de Landouzy et Déjerine, et l’hypersollicitation ou les microtraumatismes chez le sportif.

Cette atteinte entraîne, dans les mouvements d’adduction de l’articulation glénohumérale, des mouvements de sonnette de la scapula ainsi qu’un « glissement » antérieur sur la convexité thoracique, avec saillie du bord spinal de la scapula. La paralysie du muscle serratus entraîne un « scapulum alatum » (winging scapula des Anglo-Saxons).

2- Examen :

L’examen retrouve une perte d’amplitude et de force de l’abduction.

Le décollement est majoré par l’appui contre un mur avec poussée debout ou couché, dans la position dite « des pompes ».

Dans les formes frustes, le décollement n’apparaît qu’à la fatigue.

La gêne esthétique est manifeste et parfois mal supportée.

Le reste de l’examen clinique est normal, en particulier le bilan neurologique du membre supérieur.

L’électromyogramme permet de confirmer l’atteinte neurogène périphérique et de suivre l’évolution de la paralysie.

Cette atteinte est généralement résolutive en quelques mois, pouvant intervenir jusqu’à 2 ans (des récupérations tardives ont été notées).

3- Traitement :

L’abstention thérapeutique est donc souhaitable avec arrêt des activités sportives.

Certains ont proposé une scapulopexie par arthrodèse scapulothoracique, souvent très mal supportée ou des transplantations musculaires : muscles teres major, pectoralis minor, pectoralis major.

L’association d’une scapulopexie et d’une transplantation est inutile dans les atteintes isolées du serratus.

B – Paralysie du muscle trapezius :

1- Étiologies :

La paralysie du chef supérieur du muscle trapezius est due à l’atteinte du nerf accessorius ou nerf spinal (en général, les chefs moyen et inférieur sont indemnes).

Elle n’est pas aussi exceptionnelle ; son origine iatrogène est fréquente (chirurgie du triangle postérieur du cou avec atteinte de la branche latérale du nerf accessorius).

Les motifs de consultation sont essentiellement représentés par une sensation de faiblesse du bras se traduisant par des difficultés à l’habillage.

Dans les atteintes sévères, on observe également une difficulté, voire une impossibilité, à réaliser une élévation antérieure complète du membre supérieur.

2- Examen :

L’examen clinique retrouve une amyotrophie du muscle trapezius supérieur avec perte du relief supérieur du creux axillaire, un décollement de la scapula avec une limitation de l’antépulsion du membre supérieur.

Au cours de ce mouvement, la scapula se latéralise par rapport à la ligne des épineuses et a tendance à descendre par rapport au côté opposé.

Dans le mouvement d’abduction du membre supérieur, ces signes cliniques sont beaucoup moins nets et, dans certains cas, totalement absents.

Les différences notées au cours de l’examen entre élévation antérieure et abduction sont assez caractéristiques du nerf accessorius.

C – Atteinte de la coiffe des rotateurs et paralysie du nerf suprascapularis :

1- Étiologies :

La paralysie des muscles supra- et/ou infraspinatus se rencontre lors d’atteinte du nerf suprascapularis, le plus souvent par étirements (fréquemment successifs, parfois uniques et violents) ou par compression, soit au niveau de l’échancrure coracoïdienne (incisura scapulae fermée par le ligament transversum superius), soit au niveau du défilé spinoglénoïdien (canal fermé par le ligament transversum inferius).

Ces compressions peuvent être dues à la calcification de ces ligaments transverses ou à la présence de kystes synoviaux.

2- Examen :

L’atteinte de ces muscles par rupture des tendons de la coiffe ou par paralysie peut donner des tableaux trompeurs surtout caractérisés par des douleurs réveillées ou provoquées par les mouvements actifs du bras, notamment lors du passage à l’horizontale.

Ces douleurs apparaissent donc lors de l’échauffement et sont fréquemment localisées au moignon de l’épaule, mais peuvent irradier à la face latérale du bras et de l’avant-bras aussi bien dans les lésions neurologiques que tendineuses.

Elles peuvent également siéger au cou avec irradiation dans les fosses supra- et infraépineuses lorsqu’il s’agit d’une atteinte du nerf suprascapularis, mais cette topographie des douleurs ne se retrouve pas dans les atteintes tendineuses.

Les signes d’examen sont discrets avec amyotrophie des loges supra- et infraépineuses, déficit modéré de l’abduction ou de la rotation externe ; le décollement de la scapula apparaît plus nettement lors des mouvements d’abduction que d’antépulsion.

Il s’accompagne d’une perte du rythme glénohuméral avec ascension franche du moignon de l’épaule pathologique par rapport au côté sain.

La caractéristique du décollement de la scapula est d’apparaître précocement vers 30 à 40°, de persister jusque vers 70-80° d’abduction, puis de disparaître lorsque le mouvement se poursuit, autorisant une amplitude complète de l’abduction et de l’antépulsion.

L’examen clinique recherche un déficit de l’élévation contrariée du membre supérieur, signant l’atteinte du muscle supraspinatus (signe de Jobe) ou un déficit majeur de la rotation externe contrariée signant l’atteinte du muscle infraspinatus.

Un bilan clinique de la coiffe complète cet examen.

L’électromyogramme précise la localisation de l’atteinte neurologique.

Un arthroscanner ou une IRM permet d’apprécier la taille et la situation de la rupture de la coiffe, ainsi que le degré de rétraction et la qualité du muscle (dégénérescence graisseuse).

3- Traitement :

Dans le cadre d’une atteinte de la coiffe des rotateurs, le traitement est celui de la rupture tendineuse.

Pour l’atteinte neurologique, le traitement comporte l’arrêt du geste sportif avec rééducation analytique.

Certains ont proposé des infiltrations locales de corticostéroïdes, voire une neurolyse chirurgicale dans les formes vues très précocement.

Dans certains cas, le décollement de la scapula peut, par la modification de l’orientation glénoïdienne, entraîner ou favoriser une instabilité glénohumérale antérieure, mais surtout postéro-inférieure.

L’unité scapulothoracique participe essentiellement à l’élévation (entre 90 et 150°) du membre supérieur.

L’atteinte peut être d’origine mécanique avec interposition au niveau des surfaces de glissement d’excroissances osseuses ou de bursites inflammatoires responsables d’un accrochage scapulaire (« snapping scapula »), ou d’origine paralytique avec diminution de la mobilité active du membre supérieur et décollement de la scapula du plan thoracique (« wigging scapula »).

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.