Ulcère gastrique et ulcère duodénal (syndrome de Zollinger-Ellison exclu)

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Anatomie pathologique :

A –  Maladie ulcéreuse :

 

1- Macroscopie :

L’ulcère correspond à une perte de substance de taille variable (2 à 20 mm) généralement de forme ovalaire ou arrondie le plus souvent.

Ulcère gastrique et ulcère duodénal (syndrome de Zollinger-Ellison exclu)Le fond de l’ulcère a une couleur blanchâtre, correspondant à un dépôt de fibrine.

Les berges sont légèrement surélevées, nettes, taillées à pic. Les localisations préférentielles de l’ulcère sont, pour l’ulcère gastrique, la petite courbure au voisinage de l’angulus, pour l’ulcère duodénal, le bulbe dans sa partie initiale.

L’ulcère peut perforer toute la paroi et s’extérioriser dans le péritoine ou dans un viscère adjacent.

2- Microscopie :

L’ulcère chronique entaille toujours la musculeuse.

Il existe un infiltrat inflammatoire polymorphe autour de la lésion et un socle scléreux.

Du point de vue évolutif, l’ulcère a une tendance spontanée à la cicatrisation en quelques semaines.

La perte de substance se comble par un tissu fibreux et une muqueuse réapparaît mais avec une perte de glandes et un amincissement localisé.

Une cicatrice d’ulcère chronique est donc toujours visible du point de vue anatomopathologique.

L’ulcère rechute au même niveau que l’ulcère initial.

B – Ulcères aux anti-inflammatoires non stéroïdiens :

La perte de substance peut ne toucher que la muqueuse et la sous-muqueuse, mais peut traverser la musculeuse et perforer la séreuse. Il n’y a pas de fibrose et la guérison se fait sans séquelle.

Les lésions sont souvent multiples.

Épidémiologie :

La prévalence de la maladie ulcéreuse est très variable selon les pays et est en relation avec le taux d’infection par Helicobacter pylori.

La prévalence des ulcères aux anti-inflammatoires non stéroïdiens est directement reliée à la consommation médicamenteuse de chaque pays.

La fréquence de l’ulcère gastroduodénal connaît ainsi des variations séculaires importantes.

Dans les pays industrialisés, on assiste depuis 1960 à une stabilisation de la prévalence annuelle qui correspond en fait à une diminution chez l’homme et à une augmentation chez la femme, avec également une augmentation de l’âge moyen de survenue (55 à 65 ans). Le sex ratio (hommes/femmes) est actuellement pour l’ulcère duodénal de 2/1 et pour l’ulcère gastrique de 1/1.

La prévalence est de 2 % pour l’ulcère gastrique et de 7 % pour l’ulcère duodénal.

La mortalité est plus fréquente avec l’ulcère gastrique que l’ulcère duodénal.

Elle est en rapport avec l’âge de survenue des complications et double par tranche d’âge de 5 ans à partir de 65 ans.

Au total, la maladie ulcéreuse entraîne environ 250 à 300 décès par an en France.

Physiopathologie :

A – Maladie ulcéreuse :

La muqueuse gastroduodénale se renouvelant rapidement, la survenue d’une ulcération résulte d’une façon générale d’un déséquilibre entre les facteurs d’agression de cette muqueuse (sécrétion chlorhydro-peptique essentiellement) et les facteurs de défense (mucus, revêtement épithélial, flux sanguin muqueux).

Les lésions sont provoquées par une rétrodiffusion des ions H+ dans la muqueuse.

On connaît de façon assez précise les mécanismes généraux qui concourent à l’ulcérogenèse mais les raisons qui font de l’ulcère une maladie locale, récidivant au même endroit, sont mal appréhendées.

La maladie ulcéreuse est associée dans 9 cas sur 10 à une infection gastrique par une bactérie gram-négative appelée Helicobacter pylori, découverte en 1983.

Cette bactérie colonise uniquement la muqueuse gastrique.

Il s’agit de l’infection bactérienne la plus fréquente au monde après la carie dentaire.

La prévalence de l’infection à H. pylori est voisine de 30 % en France dans la population adulte. Elle est de 80 à 90 % dans les pays en voie de développement.

Dans les pays industrialisés, la prévalence augmente avec l’âge ; cela n’est pas dû à une acquisition progressive au cours de la vie mais à un effet génération : le risque est plus grand pour les générations d’après-guerre par rapport aux individus nés il y a 20 à 30 ans.

La prévalence d’H. pylori dans une population est un bon marqueur de niveau de vie d’un pays, l’acquisition de l’infection étant favorisée par la promiscuité et par les mauvaises conditions d’hygiène.

L’acquisition de l’infection se fait surtout dans l’enfance. Le seul réservoir de la bactérie est l’estomac humain, la transmission étant plutôt oro-orale que féco-orale.

La bactérie de forme spiralée, mobile car munie de 4 à 6 flagelles polaires engainés, résiste à l’acidité gastrique grâce à la production d’uréase qui hydrolyse l’urée du liquide gastrique en ammoniac élevant ainsi le pH autour du microbe.

Des mécanismes d’adhérence permettent à la bactérie de se lier aux cellules à mucus.

La bactérie n’est pas invasive et va exercer un effet à distance. H. pylori possède des activités enzymatiques pouvant altérer le mucus et les cellules épithéliales.

La bactérie induit par ailleurs une réaction inflammatoire, notamment par l’induction de la production d’interleukine 8 par les cellules épithéliales (cytokine responsable du recrutement de polynucléaires).

Cette réaction inflammatoire va se traduire sur le plan anatomopathologique par la survenue d’une gastrite chronique active définie par la présence de polynucléaires et de monocytes.

Toutes les souches d’H. pylori ne sont pas également virulentes et on connaît certains gènes (cag A, vac A par exemple) qui induisent une virulence accrue.

H. pylori va par ailleurs induire une augmentation de la gastrinémie basale et stimulée (produite par les cellules G antrales) par baisse de la sécrétion de somatostatine par les cellules D antrales.

L’augmentation de la masse cellulaire pariétale peut conduire à une hypersécrétion acide responsable de l’apparition de zones de métaplasie gastrique au niveau du bulbe duodénal, zones secondairement colonisées par la bactérie et pouvant conduire à un ulcère duodénal.

Inversement, dans certains cas, le développement d’une gastrite chronique atrophiante va induire une baisse de sécrétion acide et favoriser l’apparition d’un ulcère gastrique.

On voit que l’infection à H. pylori interagit avec des facteurs de l’hôte (masse cellulaire pariétale notamment) et peut conduire à des lésions variées selon l’évolution de la gastrite et donc de la sécrétion acide : gastrite essentiellement antrale avec hyperacidité et association à l’ulcère duodénal, gastrite antrocorporéale (« pangastrite ») avec hypoacidité et association à l’ulcère gastrique ainsi qu’à l’adénocarcinome gastrique. Dans 10 % des cas, la maladie ulcéreuse n’est pas associée à H. pylori.

Il existe généralement dans ces cas une hypersécrétion acide.

B – Ulcères aux anti-inflammatoires non stéroïdiens :

Le mécanisme d’action principal se fait par voie systémique par inhibition de la cyclo-oxygénase (cox 1) permettant la transformation au niveau de la muqueuse gastrique de l’acide arachidonique en prostaglandines.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens actuels inhibent les deux iso-enzymes de la cyclo-oxygénase, cox 1 constitutive protégeant la muqueuse digestive et cox 2 inductible intervenant seule dans l’inflammation.

Les prostaglandines sont des facteurs protecteurs de la muqueuse en stimulant le flux sanguin muqueux, la synthèse du mucus et la production de bicarbonates.

La mise au point d’anti-inflammatoires non stéroïdiens sélectifs sur cox 2 permettra de diminuer la toxicité digestive.

L’ulcère peut survenir sur une muqueuse gastrique saine ou sur une gastrite chronique due généralement à une infection à H. pylori.

Diagnostic :

A – Maladie ulcéreuse :

1- Diagnostic clinique :

  • Douleur ulcéreuse typique : elle n’est actuellement le signe révélateur que dans environ un tiers des cas.

Il s’agit d’une douleur de siège épigastrique à type de crampe, rythmée par les repas (survenant 1 heure et demie à 3 heures après les repas), sans irradiation.

La douleur est calmée par les aliments et les antiacides. Elle peut réveiller le patient la nuit.

Il n’y a pas de syndrome postural. Si on laisse évoluer la symptomatologie, cette douleur durera 2 à 4 semaines, et disparaîtra spontanément. La douleur est dite périodique car elle revient à intervalles variables généralement de 6 mois à 1 an.

L’appétit est par ailleurs conservé et il n’y a pas d’amaigrissement. L’examen clinique est normal.

  • Symptômes atypiques : la douleur peut être atypique par ses caractéristiques (brûlure, sensation de mauvaise digestion), l’existence d’irradiations, notamment dorsales en cas d’ulcère duodénal, l’association à des nausées ou des vomissements.

L’association d’un syndrome ulcéreux à une diarrhée hydroélectrolytique doit faire suspecter un syndrome de Zollinger-Ellison.

  • Révélation par une complication : l’ulcère peut se révéler par une hémorragie digestive ou par une perforation, sans douleurs préalables.

2- Examens complémentaires :

Le seul examen à pratiquer est l’endoscopie oesogastroduodénale, examen simple, de risque nul, réalisé le plus souvent sous anesthésie locale oropharyngée.

L’ulcère se présente sous forme d’une perte de substance arrondie à contours nets, à fond blanchâtre, souvent entourée d’un bourrelet muqueux inflammatoire.

  • L’ulcère duodénal siège dans la quasi-totalité des cas dans le bulbe et essentiellement dans sa partie initiale.

L’endoscopiste note son siège (face antérieure, postérieure, courbures), sa taille, son aspect (rond, irrégulier, linéaire), l’association éventuelle à une duodénite érosive, l’existence d’une sténose.

Les biopsies de l’ulcère ou de la muqueuse duodénale sont inutiles car il n’existe pas de possibilité de néoplasme à ce niveau. Une recherche d’H. pylori est faite de façon systématique grâce à la réalisation d’au moins deux biopsies (une dans l’antre, une dans le corps gastrique).

Il existe de rares ulcères siégeant dans la partie haute du deuxième duodénum, au-dessus de la papille. L’existence d’ulcères multiples ou de localisations atypiques doit faire suspecter un syndrome de Zollinger-Ellison.

  • L’ulcère gastrique est habituellement situé sur la petite courbure et est particulièrement fréquent dans la région de l’angulus séparant la petite courbure verticale de la petite courbure horizontale.

Il peut être masqué par un pli et l’exploration endoscopique doit être minutieuse, comportant un temps en vision directe et un temps en rétrovision, l’extrémité de l’endoscope étant tournée vers la grosse tubérosité.

Toute ulcération gastrique doit être biopsiée afin de permettre le diagnostic des rares cancers ulcériformes.

Il s’agit d’adénocarcinomes gastriques se présentant macroscopiquement sous l’apparence d’un ulcère bénin avec une ulcération arrondie, un bourrelet muqueux, des plis convergents vers l’ulcération.

Certains critères macroscopiques peuvent faire suspecter la malignité (rigidité, bords un peu irréguliers, plis gastriques renflés en massue à leur extrémité et s’arrêtant à des distances différentes de l’ulcère) mais seul l’examen anatomopathologique peut apporter le diagnostic avec certitude.

Le nombre de biopsies nécessaires varie selon la taille de l’ulcère (4 à 12).

Elles portent sur les berges de l’ulcère (il est inutile de biopsier le fond fibrineux) et sur toute la circonférence de l’ulcère (dans certains cas, la malignité n’intéresse qu’une partie de celle-ci).

Il est difficile de savoir s’il s’agit d’un cancer de novo prenant une apparence macroscopique particulière ou si dans certains cas un ulcère bénin ancien peut dégénérer au niveau de ses berges.

La gastrite chronique à H. pylori est un facteur favorisant commun de l’ulcère et de l’adénocarcinome de l’estomac. Par ailleurs, deux biopsies à distance (antre et corps gastrique) ont pour but de rechercher l’existence d’une infection à H. pylori.

La gastrite antrale et/ou corporéale est gradée selon le système de Sydney, avec appréciation notamment de l’existence d’une atrophie et recherche d’une éventuelle dysplasie péri-ulcéreuse.

Les autres examens complémentaires longtemps utilisés dans l’ulcère ne sont plus pratiqués que dans des situations particulières : transit baryté gastroduodénal pouvant permettre d’apprécier le degré de sténose en cas d’ulcère sténosant pylorique ou bulbaire ; tubage gastrique permettant l’étude de la sécrétion acide basale et stimulée en cas de suspicion de syndrome de Zollinger-Ellison.

B – Ulcères aux anti-inflammatoires non stéroïdiens :

Leur survenue est plus fréquente chez les sujets de plus de 55 ans.

La survenue de complications en cas de traitement chronique se situe plutôt en début de traitement, pendant les deux premiers mois.

L’existence d’ulcère peut être révélée par un syndrome douloureux épigastrique plus ou moins typique.

Fréquemment, les ulcères sont asymptomatiques jusqu’à la survenue d’une complication hémorragique (hématémèse, méléna) ou d’une perforation en péritoine libre ou en péritoine cloisonné.

La survenue de douleurs épigastriques sous anti-inflammatoires non stéroïdiens chez un sujet âgé doit motiver une endoscopie haute car il n’y a pas de corrélation étroite entre douleurs et existence d’une ulcération.

Évolution :

A – Histoire naturelle :

Sous traitement, l’ulcère duodénal a une tendance naturelle à la cicatrisation (50 % à 2 mois).

L’ulcère gastrique cicatrise plus lentement. Sous traitement antisécrétoire, les taux de cicatrisation sont de l’ordre de 80 à 90 % en 4 à 6 semaines (cicatrisation un peu plus lente pour l’ulcère gastrique).

Le taux de récidive est élevé, de l’ordre de 60 à 70 %, dans l’année suivant la cicatrisation.

Il s’agit de récidives symptomatiques ou asymptomatiques. Un tabagisme important augmente la fréquence et la précocité des récidives.

En cas d’association à H. pylori, l’éradication de l’infection modifie profondément l’histoire naturelle, les récidives passant en dessous de 5 % à 1 an et étant inférieures à 1 % les années suivantes.

En cas d’échec de l’éradication, l’histoire naturelle de la maladie n’est pas modifiée avec succession de rechutes pouvant s’échelonner sur plusieurs années voire plusieurs dizaines d’années.

Le patient est exposé à tout moment à un risque de complications, notamment s’il prend un traitement gastrotoxique type salicylés ou anti-inflammatoires non stéroïdiens.

B – Complications :

L’incidence globale des complications est estimée à 3 à 5 % par an dans la maladie ulcéreuse.

Les complications, à l’exception de la sténose pyloro-duodénale, sont souvent révélatrices des ulcères aux anti-inflammatoires non stéroïdiens.

1- Hémorragies :

Il s’agit de la complication la plus fréquente avec une incidence voisine de 2 % par an.

Deux mécanismes peuvent schématiquement entraîner un syndrome hémorragique : hémorragie au niveau d’une gastrite ou d’une duodénite périulcéreuse intense avec érosion des capillaires.

L’hémorragie dans ces cas est rarement grave ; hémorragie par ulcère angio-térébrant, le cratère ulcéreux érodant un vaisseau de plus gros calibre, soit de la paroi, soit proche de la paroi digestive.

Les vaisseaux les plus exposés sont l’artère gastroduodénale à la face postérieure du bulbe duodénal, les branches de l’artère coronaire stomachique au niveau de la petite courbure verticale et, dans des cas exceptionnels, l’artère splénique à la face postérieure du corps gastrique.

Il s’agit dans ces cas d’hémorragies graves, récidivantes, mettant la vie du patient en danger.

L’hémorragie se révèle soit par une hématémèse suivie ou précédée d’un méléna, soit par un méléna isolé.

L’existence d’une hématémèse avec présence de caillots est un signe de gravité.

La survenue d’une hémorragie digestive doit faire hospitaliser le patient en milieu spécialisé.

Après déchoquage éventuel, une endoscopie doit être réalisée précocement chez un patient à l’état hémodynamique stabilisé et muni d’une voie veineuse de gros calibre.

Le diagnostic d’ulcère hémorragique est fait dans 80 à 90 % des cas lors de l’endoscopie initiale.

La classification de Forrest est utilisée pour apprécier le risque de récidive maximum pour les Forrest I (saignement lors de l’endoscopie), IIA et IIB (vaisseau visible sectionné ou caillot adhérent ne partant pas au lavage).

Les Forrest IIC (tache noire au fond de l’ulcère) et III (pas de stigmate d’hémorragie) ont un risque faible de récidive ; 8 hémorragies sur 10 s’arrêtent spontanément.

L’endoscopie permet également un geste thérapeutique en cas d’hémorragie active.

Le pronostic vital est engagé en cas d’hémorragie initiale gravissime (rare) et surtout d’hémorragie récidivante incontrôlable chez un malade âgé, avec tares associées, rendant le geste chirurgical risqué.

Il faut signaler que l’éradication d’H. pylori permet de réduire le risque de récidive dans les années suivantes à 0 % alors que les récidives spontanées sont de l’ordre de 30 % à 2 ans et que celles sous traitement antisécrétoire continu sont environ de 10 % à 2 ans.

2- Perforations :

Le risque est voisin de 0,5 à 1 % par an.

La perforation révèle la maladie ulcéreuse dans un quart des cas.

L’association à H. pylori est plus rare que pour les ulcères compliqués d’hémorragie.

Le tableau le plus fréquent et le plus typique est celui de la perforation en péritoine libre.

Il s’agit d’un tableau de survenue brutale avec douleur en coup de poignard rapidement suivie d’un malaise général et de vomissements.

À l’examen, il existe une contracture dans le creux épigastrique, qui s’étend à tout l’abdomen en l’absence de traitement précoce.

Le diagnostic est généralement facile cliniquement et confirmé par la présence d’un pneumopéritoine à l’abdomen sans préparation en station verticale, ou au scanner en cas de besoin.

Le tableau peut être plus trompeur, notamment chez les sujets âgés, lorsqu’il existe une perforation en péritoine cloisonné ou dans un organe de voisinage (perforation bouchée).

Le pneumopéritoine est absent et le scanner est le meilleur moyen diagnostique.

3- Sténose pyloro-duodénale :

Les sténoses sont devenues rares avec la meilleure prise en charge de la maladie ulcéreuse.

Il ne s’agit jamais d’une complication révélatrice mais d’un tableau clinique survenant après plusieurs poussées ulcéreuses.

La sténose est de siège pyloro-bulbaire et complique un ulcère du canal pylorique ou du bulbe duodénal.

La sténose peut être réversible (oedème péri-ulcéreux susceptible de disparaître avec le traitement de la poussée ulcéreuse) ou irréversible (sténose fibreuse).

Le tableau évolue en deux phases, sthénique avec douleurs post-prandiales violentes soulagées par des vomissements puis asthénique avec diminution ou disparition des douleurs et vomissements devenant plus espacés mais plus abondants et contenant des aliments ingérés quelquefois plusieurs jours auparavant.

L’examen montre un clapotis épigastrique.

Après évacuation de l’estomac par aspiration, l’endoscopie confirme le diagnostic et permet d’éliminer un cancer antral pouvant donner le même tableau clinique.

Traitement :

A – Maladie ulcéreuse non compliquée :

L’approche thérapeutique de la maladie ulcéreuse gastroduodénale a été révolutionnée depuis une dizaine d’années, en raison de la mise au point de thérapeutiques d’éradication de la bactérie efficaces, bien tolérées, conduisant à une modification radicale de l’histoire naturelle de cette maladie.

Le problème actuel est constitué par le développement des résistances de la bactérie à certains antibiotiques utilisés, amenant à un pourcentage d’échecs d’éradication et donc à la nécessité d’un traitement antisécrétoire continu.

Le développement de nouvelles armes thérapeutiques contre H. pylori, voire de la vaccination contre cette bactérie, est l’enjeu majeur des prochaines années, grâce au développement des connaissances sur le génome bactérien (le génome a été entièrement cloné en 1997).

1- Traitement d’éradication d’H. pylori :

La maladie ulcéreuse étant associée dans 8 à 9 cas sur 10 à une infection par H. pylori, son traitement passe dans ces cas par une stratégie d’éradication de la bactérie.

Cette attitude est justifiée par la fréquence très basse des réinfestations par la bactérie (inférieures à 1% par an).

L’acquisition de l’infection à l’âge adulte apparaît en effet comme difficile, au contraire de ce qui se passe pour les premières années de la vie.

Le traitement repose actuellement sur une trithérapie de 7 jours, associant un inhibiteur de la pompe à protons à 2 antibiotiques choisis parmi les 3 suivants : amoxicilline, clarithromycine, métronidazole.

  • L’inhibiteur de la pompe à protons (oméprazole 20 mg, lansoprazole 30 mg, pantoprazole 40 mg) est prescrit à double dose avec une prise matin et soir.
  • La double antibiothérapie la plus efficace est l’association : clarithromycine 500 mg matin et soir et amoxicilline 1 000 mg matin et soir.

En cas d’allergie à la pénicilline, on utilise l’association clarithromycine 500 mg matin et soir et métronidazole 500 mg matin et soir.

L’association amoxicilline-métronidazole paraît un peu moins efficace que les précédentes.

  • Le traitement est prescrit pour 7 jours et l’observance de cette période thérapeutique est une condition essentielle de succès thérapeutique. Il existe aussi une autre association : ranitidine (2 fois 300 mg/j) et 2 antibiotiques pendant 14 jours.
  • Le traitement de l’infection à H. pylori pose des problèmes difficiles liés à l’habitat de la bactérie (la diffusion dans le mucus gastrique des différents antibiotiques est mal connue) et notamment au pH acide dans lequel baigne le microbe. Les antibiotiques perdent rapidement leur pouvoir bactéricide avec une baisse du pH.

Les inhibiteurs de la pompe à protons ont pour but d’élever le pH pour favoriser l’action des antibiotiques.

Il n’existe pas de résistance connue d’H. pylori à l’amoxicilline mais 25 % des souches sont résistantes au métronidazole et 15 % à la clarithromycine en France.

  • La trithérapie d’éradication est couronnée de succès dans 60 à 70 % dans notre pays.

Des taux plus élevés de succès ont été enregistrés dans d’autres pays européens où les macrolides sont moins utilisés et les résistances à la clarithromycine beaucoup moins fréquentes.

  • En cas d’ulcère duodénal, le traitement d’éradication est suivi de 3 semaines de traitement antisécrétoire.
  • En cas d’ulcère gastrique, le traitement antisécrétoire est poursuivi 5 semaines.
  • Le contrôle endoscopique est obligatoire en cas d’ulcère gastrique afin de s’assurer de la cicatrisation de l’ulcère, ce qui permet en même temps de vérifier l’éradication d’H. pylori.

Des biopsies sur la cicatrice ulcéreuse ainsi que dans l’antre et le corps gastrique sont donc obligatoires.

Le contrôle d’éradication doit être fait au moins 4 semaines après la fin du traitement antibiotique. Un contrôle à 2 mois est donc logique.

  • En cas d’ulcère duodénal, un contrôle endoscopique n’est pas nécessaire.

Si on veut s’assurer de l’éradication bactérienne, le test respiratoire est le plus adapté mais il est difficilement utilisable (cas des ulcères compliqués ou des patients à risque).

En cas de succès du traitement d’éradication, aucune surveillance endoscopique, ni aucun traitement d’entretien ne sont nécessaires.

  • La réapparition de douleurs épigastriques doit faire envisager une récidive de l’ulcère (éradication faussement réussie) ou une autre cause (reflux gastro-oesophagien) et nécessite donc une nouvelle endoscopie et la détermination du statut H. pylori.

2- Traitement antisécrétoire :

Il est indiqué chez les patients non infectés par H. pylori.

Il repose soit sur les anti-H2 (cimétidine 800 mg/j, ranitidine 300 mg/j, famotidine 40 mg/j, nizatidine 300 mg/j), soit sur les inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole 20 mg/j, lansoprazole 30 mg/j, pantoprazole 40 mg/j).

La durée du traitement est de 4 à 8 semaines.

Le contrôle endoscopique de cicatrisation est inutile en cas d’ulcère duodénal si le patient ne souffre plus mais est indiqué formellement pour l’ulcère gastrique avec biopsies de la zone cicatricielle.

Chez les patients à risque et chez les patients qui rechutent fréquemment, on peut instituer un traitement d’entretien continu (à demi-doses en une prise le soir) d’une durée de plusieurs années, ce traitement d’entretien n’étant que suspensif des rechutes.

B – Maladie ulcéreuse compliquée :

1- Hémorragies :

Le traitement endoscopique doit être appliqué en cas d’hémorragie active ou de vaisseau visible.

La méthode la plus utilisée est l’injection d’adrénaline au 1/10 000 dans l’ulcère.

Le traitement antisécrétoire est débuté par voie intraveineuse. Le traitement ultérieur dépend du statut H. pylori.

L’éradication de la bactérie en cas d’infection permet d’éviter les récidives hémorragiques.

2- Perforations :

En cas de perforation vue précocement, survenant à distance d’un repas, la méthode de Taylor peut être employée.

Elle associe une diète avec aspiration digestive à un traitement antisécrétoire par voie intraveineuse (ranitidine ou oméprazole) et à un traitement antibiotique.

Le traitement chirurgical est fait dans les autres cas.

Il associe une toilette péritonéale à une suture de l’ulcère, le traitement étant généralement possible par coelioscopie.

Un traitement médical est alors systématiquement associé.

3- Sténose pyloro-bulbaire :

Le traitement médical par aspiration et antisécrétoire permet de lever les sténoses réversibles, en y associant au besoin une dilatation endoscopique par ballonnet.

En cas de sténose fibreuse, le traitement chirurgical est indiqué (antrectomie-vagotomie ou gastrectomie des deux tiers).

C – Place du traitement chirurgical :

Longtemps employé de façon extensive, ce traitement est devenu une méthode rarement utilisée pour les ulcères non compliqués.

Classiquement, le traitement chirurgical de l’ulcère duodénal « réfractaire » reposait soit sur la vagotomie tronculaire associée à un geste de vidange gastrique (pyloroplastie ou gastroentérostomie), soit sur la vagotomie suprasélective (section des rameaux nerveux à destination du corps gastrique en respectant l’innervation centrale motrice).

En raison d’un taux de récidive variant de 5 à 20 %, un traitement chirurgical associant la vagotomie à une antrectomie avec anastomose gastroduodénale terminoterminale était fréquemment proposé avec des taux de récidive de 1 à 2 %.

Pour l’ulcère gastrique, le traitement chirurgical repose sur la gastrectomie des deux tiers enlevant l’ulcère avec anastomose gastroduodénale termino-terminale (intervention de Péan) ou anastomose gastrojéjunale terminolatérale (interventions de Polya ou de Finsterer).

Toutes ces interventions sont grevées d’une morbidité à distance non négligeable (diarrhée, dumping syndrome) et favorisent probablement la survenue d’un adénocarcinome gastrique à long terme.

Le traitement chirurgical de l’ulcère duodénal ou gastrique est donc actuellement réservé aux ulcères compliqués (traitement de la complication) et aux rares ulcères résistants à un traitement médical bien conduit (éradication d’H. pylori ou traitement antisécrétoire puissant par inhibiteurs de la pompe à protons en doublant au besoin la dose habituelle).

Dans ces cas, le traitement de l’ulcère duodénal repose sur la vagotomieantrectomie, celui de l’ulcère gastrique demeurant la gastrectomie des deux tiers.

D – Ulcères aux anti-inflammatoires non stéroïdiens :

En dehors des formes compliquées, le traitement repose sur l’arrêt des anti-inflammatoires non stéroïdiens et la prescription d’un antisécrétoire pendant 4 à 8 semaines selon le siège de l’ulcère et sa taille.

Si une infection à H. pylori est retrouvée, un traitement d’éradication de la bactérie est indiqué mais l’éradication ne met pas à l’abri d’une récidive ulcéreuse si le malade prend de nouveau des anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Le rapport bénéfice

– risque de ceux-ci doit ainsi être évalué pour chaque malade.

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