Tumeurs vasculaires des os

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Introduction :

Les tumeurs vasculaires des os représentent une entité tumorale particulière, caractérisée par une prolifération anormale des cellules du tissu vasculaire, sanguin et/ou lymphatique.

Tumeurs vasculaires des osElles sont rares et peuvent survenir à tout âge.

Les tumeurs vasculaires à stroma sanguin et à stroma lymphatique présentent des caractéristiques cliniques et histologiques très proches.

Certaines tumeurs bénignes peuvent parfois prêter à confusion avec certaines tumeurs malignes.

Malgré l’absence dans la littérature d’une classification claire et univoque, une bonne connaissance des différentes présentations cliniques et des aspects histologiques est nécessaire et conditionne la qualité de la prise en charge orthopédique.

Tumeurs vasculaires bénignes :

Les tumeurs vasculaires bénignes nécessitent rarement une intervention chirurgicale dans un but diagnostique ou thérapeutique.

Elles sont souvent asymptomatiques, isolées et de découverte fortuite.

Cependant, elles peuvent atteindre plusieurs segments osseux d’une même extrémité, avec envahissement des parties molles adjacentes, produisant, dans de très rares cas, des altérations anatomiques et fonctionnelles sérieuses.

L’hémangiomatose squelettique diffuse est une maladie rare au cours de laquelle les lésions osseuses siègent essentiellement au rachis, aux côtes, au bassin, au crâne et aux épaules.

Quand elle s’associe à des lésions viscérales, le pronostic s’assombrit.

A – HÉMANGIOME :

1- Définition :

L’hémangiome osseux est une lésion primitive bénigne de l’os, caractérisée par la néoformation et l’agglomération de vaisseaux sanguins anormaux.

2- Épidémiologie :

L’hémangiome de l’os est une tumeur rare.

Elle reste silencieuse dans la plupart des cas, ce qui rend impossible d’établir sa fréquence avec exactitude.

Le sexe féminin serait deux à trois fois plus souvent atteint que le sexe masculin.

Il s’agit d’une tumeur principalement de l’adulte, survenant le plus souvent entre l’âge de 30 et 60 ans, avec des extrêmes rapportés dans la littérature de 2 et 77 ans.

3- Localisations :

Les vertèbres et le squelette craniofacial totalisent environ 70 % des cas.

Le fémur arrive en deuxième position, suivi par les côtes et le bassin, mais tous les os peuvent être atteints.

Au rachis, la tumeur siège essentiellement au segment thoracique, suivi par le segment lombaire.

La grande majorité des hémangiomes rachidiens rapportés dans la littérature occupent le corps vertébral.

L’atteinte de l’arc vertébral postérieur semble plus liée à une extension à partir d’un hémangiome antérieur.

Plusieurs vertèbres peuvent être atteintes.

Au crâne, l’hémangiome atteint surtout les os frontal et pariétal.

Les localisations aux côtes et aux os longs et courts des membres sont rares.

La métaphyse et la diaphyse sont indifféremment atteintes.

L’hémangiome sous-périosté est exceptionnel.

4- Étude clinique :

* Forme habituelle :

Le retentissement clinique de l’hémangiome est essentiellement fonction de sa localisation et de son extension.

Le plus souvent, il est asymptomatique, découvert fortuitement à l’occasion d’un examen radiologique pratiqué pour une autre raison.

Dans certains cas, la symptomatologie peut se réduire à quelques douleurs.

Une tuméfaction peut être un signe révélateur dans les cas où l’hémangiome souffle l’os et entraîne une réaction périostée manifeste. Une fracture pathologique peut permettre de le découvrir.

La présence d’un hémangiome cutané permet d’attirer l’attention sur la coexistence possible d’un hémangiome osseux.

* Formes particulières :

L’hémangiome vertébral peut provoquer des douleurs locales, plus sévères lorsqu’il se complique de tassement pathologique.

Il peut parfois être à l’origine de compression médullaire, en rapport soit avec l’expansion même de l’hémangiome qui souffle la vertèbre, soit avec une fracture pathologique avec un recul du mur postérieur.

Les conséquences, parfois très graves, sont liées au niveau de la compression (quadriplégie, paraplégie, syndrome de la queue-de-cheval…).

Les paralysies sont en général d’installation rapide, précédées ou non de douleurs.

Dans certains cas, la symptomatologie (douleurs en ceinture, paresthésies) se révèle à l’occasion d’une grossesse.

Les douleurs sont exacerbées par la toux et les efforts.

Cependant, un grand nombre d’hémangiomes vertébraux reste asymptomatique.

Au crâne, comme pour les autres localisations, l’hémangiome peut rester silencieux.

Dans certains cas, il se manifeste par une tuméfaction dont la croissance est très lente, et dans de rares cas, par une légère coloration, ou même des signes neurologiques.

L’hémangiomatose squelettique diffuse est une maladie rare au cours de laquelle les lésions affectent plusieurs os à la fois : rachis, côtes, bassin, crâne, épaules…

Le plus souvent, elle reste asymptomatique.

Dans certains cas, elle se complique de lésions viscérales qui assombrissent la présentation clinique et le pronostic.

5- Étude radiologique :

La plupart des lésions rachidiennes restent confinées au corps vertébral, épargnant les corticales et le disque intervertébral, mais certaines peuvent s’étendre à l’arc postérieur (lame, apophyse épineuse, apophyse transverse), voire aux côtes.

* Forme habituelle typique :

+ Radiologie conventionnelle :

L’image radiologique de l’hémangiome vertébral est assez caractéristique dans sa forme typique.

La vertèbre est plus « claire » que les vertèbres sus- et sous-jacentes.

Le corps vertébral paraît strié, peigné, en rapport avec la raréfaction du spongieux à larges mailles et la seule persistance des travées osseuses, peu nombreuses et grossières, surtout verticales.

Dans certains cas, la raréfaction du spongieux prend un aspect en « nid d’abeilles », sans être clairement strié.

Ces aspects sont si caractéristiques qu’on les considère comme pathognomoniques, et parfois même suffisants pour formuler le diagnostic.

Une fracture pathologique se manifeste radiologiquement par un effondrement du corps vertébral qui obscurcit l’image striée ou l’image en « nid d’abeilles » préexistante.

Sur les os longs des membres, la zone d’ostéolyse est assez bien limitée, parfois même bordée d’un liseré de sclérose, évoquant dans certains cas plus un kyste qu’un hémangiome.

La corticale est souvent amincie et soufflée, sans rupture.

Au squelette cervicofacial, l’hémangiome a un aspect radiologique caractéristique en « nid d’abeilles ».

C’est une zone d’ostéolyse arrondie, aux contours nets, avec des travées osseuses irradiant du centre vers la périphérie.

+ Tomodensitométrie (TDM) :

La coupe transversale des travées donne à la trame osseuse un aspect grossier. Au crâne, la TDM permet d’observer un renflement de la table externe, souvent sans déformation de la table interne.

+ Imagerie par résonance magnétique (IRM) :

À l’opposition de la plupart des tumeurs rachidiennes, l’hémangiome vertébral montre un hypersignal en T1 et en T2.

La composante extraosseuse est en hyposignal en T1.

Ross et al ont attribué ces modifications à la graisse présente dans la composante osseuse de l’hémangiome vertébral.

+ Angiographie :

L’angiographie de l’hémangiome vertébral montre une lésion hypervascularisée, irriguée par les artères intercostales.

+ Scintigraphie osseuse :

Elle est parfois utilisée pour rechercher des lésions osseuses multiples.

Cependant, l’aspect scintigraphique n’est pas caractéristique et certains hémangiomes peuvent ne pas fixer le traceur.

* Autres formes radiologiques :

+ Hémangiomes des os plats (autres que le crâne) :

Un aspect en « éclat de soleil » peut s’observer au bassin, une expansion de l’os avec une réaction périostée importante aux côtes, et même parfois une destruction corticale avec envahissement des parties molles et un aspect en « nid d’abeilles » à la clavicule.

+ Hémangiomes médullaires des os longs :

Ils sont hétérogènes, montrant rarement un aspect purement lytique sur les radiographies standards.

À l’(IRM), il existe une diminution du signal en T1 et une augmentation en T2.

La plupart des hémangiomes caverneux sont localisés à la métaphyse.

+ Hémangiomes périostés des os longs :

Ils sont très rares, souvent retrouvés en région mi-diaphysaire.

Ils se présentent comme une masse dans les parties molles, avec un épaississement et même parfois une dépression corticale.

L’association à une sclérose importante pourrait prêter à confusion avec un ostéome ostéoïde.

+ Hémangiomes corticaux des os longs :

Ils sont exceptionnels.

La plupart siègent à la diaphyse tibiale, pouvant simuler un ostéome ostéoïde ou un abcès de Brodie.

L’IRM montre un épaississement cortical au sein duquel se trouve une zone de signal intermédiaire en T1 et en T2.

+ Lésions vasculaires bénignes multiples de l’os :

Elles peuvent être divisées, selon Karlin et Brower, en deux groupes : l’angiomatose kystique diffuse et les hémangiomes primaires multiples.

La première entité est caractérisée par des zones kystiques multiples, de destruction osseuse, sans réaction périostée.

La seconde consiste en une agglomération d’hémangiomes solitaires et son aspect radiologique dépend de l’os atteint.

+ Ostéolyse massive :

Elle est caractérisée par une dissolution progressive, partielle ou totale, d’un ou de plusieurs os adjacents.

Ce processus agressif peut même traverser les articulations.

Les lésions initiales peuvent prendre origine aussi bien au niveau de l’os qu’au niveau des tissus mous avoisinants.

+ Calcifications :

La découverte radiologique de calcifications peut être compatible avec l’association d’une chondromatose. Un syndrome de Maffucci doit être éliminé en premier.

6- Bilan d’extension :

* Extension locale :

Dans certains cas, cette lésion bénigne asymptomatique est spontanément résolutive, en quelques années.

À l’opposé, cette lésion peut augmenter en taille, avec parfois un envahissement de toute la largeur de l’os, prédisposant aux fractures pathologiques et entraînant une compression des tissus avoisinants, notamment la moelle épinière pour les hémangiomes vertébraux.

Elle reste cependant bénigne, n’ayant pas d’extension générale en dehors des atteintes multiples citées ci-dessus, et ne se compliquant pas de dégénérescence maligne.

Quand elle est asymptomatique et découverte fortuitement, aucun bilan d’extension n’est nécessaire. Dans le cas contraire, au rachis, la radiographie simple est complétée par la TDM ou l’IRM afin de mieux étudier l’extension locale de la lésion et de rechercher des signes de compression radiculomédullaire.

L’angiographie est pratiquée dans les hémangiomes symptomatiques et évolutifs, essentiellement dans le but d’évaluer les possibilités d’embolisation.

La TDM est plus indiquée dans les lésions atteignant les os plats, essentiellement le crâne.

* Extension générale :

La scintigraphie osseuse, à la recherche de lésions à distance, n’est pratiquée que dans les cas où il existe une suspicion clinique d’atteinte multiple.

Le taux relativement considérable de faux négatifs rend cet examen non indispensable dans le cas d’un hémangiome en apparence solitaire.

7- Anatomie pathologique :

* Biopsie :

Devant une lésion asymptomatique aux caractéristiques radiologiques typiques, la biopsie n’est pas nécessaire.

Dans les cas où la lésion est atypique par sa présentation clinique (douleur, tuméfaction, signes neurologiques…), son siège (os longs, diaphyse, corticale…), ou son aspect radiologique (grande taille, compression radiculomédullaire, hétérogène…), une confirmation diagnostique anatomopathologique peut devenir nécessaire.

Quand elle est indiquée, la biopsie peut être faite, selon les cas, à l’aiguille ou au trocart, sous contrôle par amplificateur de brillance ou par TDM, ou à ciel ouvert, en prenant les précautions pour éviter un saignement sévère.

Dans certains cas, et afin d’éviter cette complication redoutable, il est préférable de pratiquer une biopsie excisionnelle après embolisation.

* Aspects macroscopiques et microscopiques :

Il s’agit de tumeurs vasculaires bénignes développées à partir des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins de l’os.

Macroscopiquement, la lésion prend l’aspect d’une masse hémorragique, friable, intraosseuse.

Des localisations préférentielles (vertèbre, bassin, os longs) sont à retenir.

En microscopie, il s’agit d’hémangiomes de type caverneux, constitués de cavités vasculaires plus ou moins gorgées d’hématies et revêtues d’une assise de cellules endothéliales aplaties reposant sur une fine paroi fibromusculaire.

Les lésions angiomateuses entraînent une expansion de l’espace médullaire de l’os, avec un amincissement et une raréfaction des travées osseuses d’alentour.

Il convient de noter l’absence de toute atypie cellulaire ou d’activité mitotique anormale au niveau des cellules endothéliales dans ce type de lésion.

8- Diagnostic différentiel :

Dans la majorité des cas, la présentation clinique (asymptomatique) et radiologique est typique, et le diagnostic est évident, sans recours à l’histologie.

Cependant, certaines lésions, atypiques dans leur siège ou leur présentation, surtout si elles sont étendues dans les parties molles, doivent faire rechercher d’autres diagnostics.

– Les hémangiomes localement agressifs peuvent être confondus, cliniquement et à l’imagerie, avec un processus malin, vasculaire ou non.

L’histologie apporte la confirmation diagnostique.

– Les hémangiomes des os longs peuvent être confondus avec d’autres tumeurs kystiques de l’os.

Un hémangiome médullaire peut être pris à tort pour un kyste anévrismal ou un fibrome non ossifiant.

Un hémangiome cortical peut se présenter radiologiquement comme un ostéome ostéoïde ou un abcès de Brodie.

– Les hémangiomes des os plats peuvent simuler un granulome éosinophile, ou même une tumeur maligne, en particulier aux côtes où l’hémangiome peut entraîner une expansion de l’os avec une réaction périostée importante.

– Les hémangiomes périostés des os longs entraînent parfois une sclérose corticale importante, pouvant prêter à confusion avec un ostéome ostéoïde.

Une dépression corticale produite par un hémangiome périosté peut ressembler à l’image radiologique offerte par un fibrome chondromyxoïde.

– Les lésions vasculaires multiples de l’os peuvent être confondues radiologiquement avec les formes disséminées de l’histiocytose à cellules de Langerhans.

– La présence de calcifications doit faire évoquer, parmi les diagnostics différentiels, celui des tumeurs cartilagineuses de l’os.

– Devant un tassement vertébral, d’autres causes plus fréquentes doivent être éliminées, en premier un tassement ostéoporotique, une métastase, un myélome multiple.

9- Évolution et pronostic :

À l’opposé des hémangiomes cutanés, seuls de rares cas sporadiques d’involution spontanée d’hémangiome osseux sont rapportés dans la littérature.

Dans la plupart des cas, il reste inchangé et asymptomatique pendant toute la vie.

Cependant, il arrive que l’hémangiome s’accroisse et devienne symptomatique après des années de stabilité, à l’occasion d’une perturbation hémodynamique ou au cours d’une grossesse, ou même en dehors de tout contexte favorisant connu.

Il peut provoquer des douleurs rebelles, entraîner des compressions radiculomédullaires ou des fractures pathologiques.

Aucun cas de dégénérescence maligne n’a été retrouvé dans la littérature.

En l’absence de réponse à un traitement médical symptomatique bien conduit, un traitement radical peut s’imposer.

10- Traitement :

* Méthodes thérapeutiques et indications :

Les hémangiomes asymptomatiques découverts fortuitement ne nécessitent aucun traitement.

L’embolisation artérielle et l’exérèse chirurgicale de la tumeur représentent les méthodes thérapeutiques les plus admises pour les hémangiomes symptomatiques.

L’embolisation artérielle sélective peut être utilisée avec succès comme unique traitement, éventuellement répétée dans le temps pour certaines localisations symptomatiques.

L’injection intralésionnelle d’éthanol absolu ou de méthylméthacrylate a également été utilisée avec succès.

Les hémangiomes vertébraux douloureux avec tassement vertébral pathologique entraînant une modification de la statique rachidienne (cyphose) peuvent bénéficier d’un traitement stabilisateur du rachis, par instrumentation segmentaire et arthrodèse.

En présence de déficit neurologique, une décompression médullaire s’impose, par voie antérieure ou postérieure, associée à une arthrodèse instrumentée. Une embolisation artérielle sélective peut être indiquée en préopératoire pour diminuer l’hémorragie peropératoire qui peut être massive.

Aux membres, l’exérèse chirurgicale de la tumeur est plus aisée.

Quelle que soit la localisation, le curetage et parfois même la simple biopsie peuvent être difficiles et même dangereux à cause du potentiel hémorragique de ces tumeurs.

La radiothérapie est parfois utilisée pour certaines formes sévères et non accessibles au traitement chirurgical ou à l’embolisation.

Cependant, compte tenu de la bénignité de la tumeur primitive, elle doit être gardée comme une solution de dernier recours, dans ces cas sévères, à cause du risque bien connu de néoplasmes radioinduits.

L’amputation est exceptionnellement indiquée et n’est pratiquée que dans les hémangiomes des os longs très étendus, envahissant largement les parties molles, et pour lesquels toute possibilité de reconstruction du membre après exérèse conservatrice est impossible.

* Résultats :

Une exérèse chirurgicale intralésionnelle est souvent incomplète et peut être compliquée de récidive tumorale.

L’exérèse marginale ou large est préférable et s’associe à un taux élevé de guérison.

La récupération du déficit neurologique après décompression médullaire est fortement liée au délai qui sépare l’installation du déficit de la date de la décompression.

L’embolisation artérielle sélective utilisée comme unique traitement de l’hémangiome peut aboutir à l’arrêt de son évolution.

B – LYMPHANGIOME ET LYMPHANGIOMATOSE :

Le tissu osseux est normalement dépourvu de vaisseaux lymphatiques.

Cependant, divers types de lésions osseuses semblent en rapport avec la prolifération de vaisseaux lymphatiques.

Ces lésions varient de la petite géode isolée, cliniquement silencieuse, à la lymphangiomatose généralisée mortelle, en passant par les ostéolyses dites « essentielles », massives ou localisées aux extrémités.

Le lymphangiome présente une grande similitude avec l’hémangiome.

En effet, un hémangiome vidé de son sang ressemble particulièrement à un lymphangiome.

D’autre part, si l’on introduit du sang dans des espaces lymphatiques, ces derniers prennent un aspect similaire à celui d’un hémangiome.

Ces deux types de prolifération vasculaire peuvent coexister dans certains cas.

Le lymphangiome osseux se définit comme une zone de raréfaction du squelette liée à une prolifération anormale de vaisseaux lymphatiques.

La lymphangiomatose diffuse est une forme généralisée de lymphangiome.

L’ostéolyse massive, également appelée ostéolyse essentielle, os « fantôme », ou syndrome de Gorham, est à la fois considérée comme une forme d’hémangiome ou comme une forme de lymphangiome osseux.

Elle se traduit par la résorption progressive des structures osseuses contiguës.

1- Épidémiologie :

C’est une tumeur rare, souvent découverte dans l’enfance ou l’adolescence, mais pouvant se rencontrer à tout âge.

La forme kystique isolée semble très rare et d’un diagnostic très difficile. Mazabraud affirme avoir « osé » porter ce diagnostic trois à quatre fois durant toute sa carrière.

La lymphangiomatose diffuse est découverte habituellement chez l’adolescent, à l’occasion des déformations osseuses qu’elle provoque (inégalité de longueur des membres, attitudes vicieuses, fractures pathologiques…) et qui apparaissent souvent dans l’enfance.

L’ostéolyse massive s’observe chez les enfants et les adultes, deux fois plus fréquemment dans le sexe féminin.

Devlin et al suggèrent que l’interleukine 6 pourrait en être un médiateur potentiel.

2- Localisations :

Le lymphangiome kystique solitaire envahit, par ordre de fréquence, le rachis, le bassin, les os longs, ainsi que les os courts de la main.

La lymphangiomatose diffuse envahit le plus souvent les os longs des membres.

Elle est souvent associée à une atteinte plus ou moins sévère des tissus mous avoisinants et des viscères.

L’ostéolyse massive atteint la région maxillofaciale, les os longs, la ceinture pelvienne, la ceinture scapulaire, les côtes et les vertèbres adjacentes, rarement la main et le pied. Les lésions peuvent être uniques ou multiples et peuvent prendre naissance à partir de l’os ou des tissus mous avoisinants.

Dans le dernier cas, elles peuvent « étrangler » l’os, entraînant son rétrécissement concentrique.

Elle est rarement multifocale.

3- Étude clinique :

* Lymphangiome :

À l’instar de l’hémangiome, son retentissement clinique dépend de sa localisation et de son extension.

La symptomatologie peut se réduire à quelques douleurs ou à la présence d’une tuméfaction.

* Lymphangiomatose diffuse :

Elle est souvent découverte chez l’adolescent grâce aux déformations orthopédiques qu’elle entraîne, ou à l’occasion d’un chylothorax.

La généralisation à partir d’un lymphangiome peut être rapide, entraînant impotence et fractures spontanées qui peuvent être révélatrices.

La perturbation de la croissance qui s’ensuit entraîne des déformations des membres (inégalité de longueur, déformations articulaires).

Il existe souvent une hyperpigmentation cutanée et l’une des zones d’élection des lésions cutanées est le scrotum.

* Ostéolyse massive :

Le premier stade de destruction osseuse active est légèrement douloureux.

Plus tard, des fractures pathologiques, des déformations osseuses et d’autres complications à distance (chylothorax) peuvent apparaître.

4- Étude radiologique :

Le lymphangiome solitaire et la lymphangiomatose diffuse se présentent à la radiographie simple sous forme de géodes bien limitées (unique ou multiples confluentes), mais peuvent être découverts à l’occasion d’une fracture pathologique.

Une variante condensante est rapportée par certains auteurs. Une image de gaz intraosseux peut exister dans certains cas.

La lymphographie montre des vaisseaux anormaux et dilatés, remplissant les lésions osseuses.

La scintigraphie osseuse n’est pas spécifique. L’ostéolyse massive se présente radiologiquement sous forme de multiples zones transparentes ou d’ostéoporose mouchetée.

Une discrète hypervascularisation est visible à l’angiographie.

La TDM et l’IRM permettent d’étudier l’extension de la lésion osseuse, ainsi que l’envahissement des tissus mous avoisinants.

5- Anatomie pathologique :

Il s’agit de tumeurs rares développées à partir des cellules endothéliales des vaisseaux lymphatiques de l’os.

* Aspect macroscopique :

La lésion prend l’aspect d’une masse kystique, multiloculaire, intraosseuse, à contenu séreux. Des localisations multiples (lymphangiomatose kystique) ont été décrites.

* Aspect microscopique :

On retrouve des espaces vasculaires lymphatiques caverneux revêtus de cellules endothéliales aplaties, sans aucun signe d’atypie.

Ces lacs contiennent un liquide éosinophile protéique de type lymphatique.

Quelques agrégats lymphocytaires sont souvent notés au niveau du tissu interstitiel.

6- Diagnostic différentiel :

* Radiologique :

Dans la plupart des cas, la présentation clinique et radiologique est typique, surtout dans le cas de la lymphangiomatose diffuse ou de l’ostéolyse massive.

Le lymphangiome solitaire kystique est très rare, et peut prêter à confusion avec plusieurs lésions kystiques de l’os.

* Anatomopathologique :

Le diagnostic différentiel se pose essentiellement avec l’hémangiome de l’os, duquel il peut être très difficile à séparer, en l’absence d’un contenu sanguin franc de la lésion, d’autant que les espaces vasculaires du lymphangiome peuvent contenir de rares globules rouges.

Le contexte clinique et le site de la tumeur (l’hémangiome osseux ayant certaines localisations préférentielles) peuvent être utiles dans ce cas.

7- Évolution et pronostic :

* Lymphangiome et lymphangiomatose diffuse :

Les lésions osseuses grandissent lentement, et certaines d’entre elles peuvent régresser spontanément.

La plupart des cas avec un envahissement des tissus mous et une atteinte viscérale ont un mauvais pronostic.

Dans certains cas, le patient peut devenir grabataire et mourir quelques mois ou années après les premières manifestations.

L’atteinte isolée des membres inférieurs et/ou de la ceinture pelvienne semble s’accompagner d’un meilleur pronostic.

Certains cas de dégénérescence maligne sont rapportés dans la littérature.

* Ostéolyse massive :

Un envahissement étendu des côtes ou des vertèbres peut entraîner la mort, mais en général le pronostic reste bon malgré la destruction osseuse et les déformations qui s’ensuivent.

L’arrêt spontané de l’évolution est possible, d’où la difficulté de juger de l’éventuel intérêt de traitements dangereux comme la radiothérapie.

8- Traitement :

Le curetage-greffe osseuse peut être indiqué dans certains cas limités, avec des résultats aléatoires.

En effet, l’introduction de greffons osseux dans un lymphangiome cureté est souvent suivie de la lyse de ceux-ci.

Un cas de régression spontanée d’une ostéolyse massive a été rapporté par Campbell et al.

La radiothérapie est parfois indiquée pour arrêter ou freiner la progression des lésions.

Cependant, compte tenu de la bénignité histologique de la tumeur primitive, elle doit être réservée pour les cas extrêmes, à cause du risque bien connu de néoplasmes radio-induits.

L’amputation est réservée aux formes étendues des membres, où toute possibilité de traitement conservateur est dépassée.

C – TUMEUR GLOMIQUE DES OS :

La tumeur glomique, également appelée glomangiome, est exceptionnelle dans sa localisation osseuse.

1- Épidémiologie :

La tumeur glomique osseuse est une tumeur essentiellement de l’adulte, avec une prédominance féminine.

2- Localisations :

L’érosion de l’os par une lésion des tissus mous, notamment dans la région sous-unguéale des doigts, est habituelle.

L’envahissement de l’articulation interphalangienne est exceptionnel.

En général, les vraies tumeurs glomiques intraosseuses siègent aux phalanges distales.

Parfois, on observe une atteinte de la phalange moyenne, des métacarpes, et même parfois des os longs.

Les tumeurs glomiques précoccygiennes ont été décrites à proximité du coccyx, sans envahissement osseux, ou même parfois dans le coccyx ou le sacrum.

3- Étude clinique :

Le tableau clinique est caractéristique : point douloureux précis ou douleur sévère et persistante.

4- Étude radiologique :

La tumeur glomique apparaît à la radiographie standard sous forme d’une lésion transparente bien limitée, avec amincissement et parfois soufflure de la corticale.

5- Anatomie pathologique :

* Biopsie :

Les présentations clinique et radiologique sont souvent typiques, rendant la biopsie non nécessaire.

* Aspects macroscopiques et microscopiques :

Macroscopiquement, ce sont de petites tumeurs rougeâtres, molles, d’allure vasculaire, de quelques millimètres, dépassant exceptionnellement le centimètre.

En microscopie, il s’agit le plus souvent d’une prolifération cellulaire dense, d’allure épithélioïde, soutenue par un riche réseau vasculaire.

Les cellules tumorales sont disposées en amas ou en files indiennes, et sont séparées les unes des autres par une trame réticulinique abondante.

Parfois, la tumeur présente des remaniements myxoïdes ou hyalins du stroma.

L’immunomarquage, rarement réalisé en routine, montre une expression de marqueurs myogènes par les cellules tumorales (actine musculaire lisse, myosine, ou exceptionnellement desmine).

La microscopie électronique n’est pas d’utilité diagnostique dans les tumeurs glomiques, mais elle a permis de mettre en évidence des membranes basales épaisses, péricellulaires, témoignant de l’origine musculaire lisse de ces cellules.

6- Diagnostic différentiel :

Essentiellement radiologique, il se fait avec la plupart des lésions lytiques bénignes de l’os, en particulier aux phalanges et aux métacarpes (granulome éosinophile, enchondrome, hyperparathyroïdie…), mais le diagnostic est souvent aisé.

7- Évolution et pronostic :

Cette tumeur est d’évolution lente et ne présente pas de risque particulier en dehors de la déformation de l’os qu’elle atteint.

8- Traitement :

L’excision ou le curetage intralésionnel, avec ou sans greffe, donne de bons résultats.

La récidive est exceptionnelle si le traitement chirurgical est bien exécuté.

Tumeurs vasculaires malignes :

A – GÉNÉRALITÉS :

Les tumeurs vasculaires malignes comprennent un groupe controversé de néoplasmes, allant des proliférations caverneuses et capillaires malignes bien différenciées au sarcome endothélial hautement létal, dont l’origine est parfois multicentrique.

Elles représentent pratiquement 1 % de l’ensemble des tumeurs malignes des os.

Les sarcomes vasculaires dont l’origine endothéliale n’est pas prouvée présentent un problème diagnostique différentiel avec les carcinomes métastatiques.

Les métastases osseuses d’un carcinome peuvent être très vascularisées et les agrégats cellulaires qui s’y trouvent peuvent avoir un aspect similaire à celui retrouvé dans certains angiosarcomes.

La terminologie utilisée pour la désignation de ces néoplasmes vasculaires fut pendant longtemps une source de confusion.

Les termes hémangiosarcome, angiosarcome, hémangioendothéliome et sarcome hémangioendothélial ont été largement utilisés, tantôt comme synonymes, tantôt pour indiquer des entités pathologiques différentes.

Certains auteurs utilisent le terme angiosarcome pour désigner une tumeur vasculaire hautement maligne et le terme hémangioendothéliome pour une lésion maligne de bas grade.

En effet, Wold et al et Campanacci et al distinguent trois grades d’hémangioendothéliome osseux en fonction des anomalies histologiques :

– grade I : tumeur restant longtemps asymptomatique et présentant les caractéristiques radiologiques d’une tumeur bénigne.

À l’histologie, les espaces vasculaires sont relativement bien différenciés et les mitoses sont rares.

Le pronostic est bon, avec un pourcentage de survie globale de 95 % ;

– grade II : les anomalies histologiques sont plus nettes.

L’évolution clinique est moins favorable que pour le grade I ;

– grade III : sarcomes de haut grade avec des zones indifférenciées à l’histologie.

C’est dans ce groupe de tumeurs que l’angiosarcome est en général classé.

L’hémangiopéricytome osseux est extrêmement rare, seulement 13 cas sont retrouvés dans les dossiers de la Mayo Clinic jusqu’en 1996.

Quand ce diagnostic est évoqué, il est impératif d’éliminer une lésion primitive ailleurs, surtout des méninges.

B – HÉMANGIOPÉRICYTOME :

En 1942, Stout et Murray décrivent une tumeur qu’ils distinguent nettement de la tumeur glomique et dont les cellules sont dérivées des péricytes de Zimmermann.

Elle diffère de l’hémangiome par la présence de cellules périvasculaires de nature péricytaire.

Les auteurs suggèrent le terme descriptif d’hémangiopéricytome.

1- Définition :

Cette tumeur est définie par Forest comme une tumeur formée de cellules néoplasiques, en rapport avec les cellules musculaires lisses (cellules contractiles spécialisées, normalement présentes dans les parois capillaires, appelées péricytes) et un réseau capillaire riche.

2- Épidémiologie :

Il s’agit d’une tumeur très rare au niveau de l’os.

Une cinquantaine de cas est rapportée dans la littérature, avec un pic de fréquence au cours de la quatrième et la cinquième décennies et une prédominance masculine (2 : 1).

3- Localisations :

Tous les os peuvent être atteints, même les os de la main et le sternum, mais les localisations les plus fréquentes sont le bassin, le rachis, les os longs des membres inférieurs, surtout en proximal, et la mandibule.

Les localisations osseuses multifocales sont rares.

4- Étude clinique :

Le maître-symptôme est la douleur qui peut être locale ou locorégionale.

Cette tumeur peut grandir et rester longtemps indolore, avant de se manifester sous forme de tuméfaction souscutanée qui amène le malade à consulter.

5- Étude radiologique :

L’image radiologique est non spécifique.

Elle est lytique dans la grande majorité des cas. Certaines tumeurs restent relativement bien circonscrites pendant longtemps, entourées par un liseré d’ostéocondensation.

D’autres peuvent manifester une légère expansion de l’os, avec un aspect bulleux ou en « nid d’abeilles ».

Une destruction corticale, avec extension dans les parties molles, peut s’observer dans toutes les localisations, mais semble plus fréquente aux os plats.

Une réaction périostée est retrouvée dans un tiers des cas.

Des calcifications intratumorales sont parfois visibles.

La TDM et/ou l’IRM sont pratiquées pour évaluer l’étendue de la tumeur dans l’os et dans les tissus mous.

L’angiographie pourrait compléter les informations en montrant une vascularisation radiaire.

6- Bilan d’extension :

L’hémangiopéricytome est une tumeur à malignité variable.

Elle présente un potentiel élevé de récidive locale, mais peut également se présenter sous une forme métastatique d’emblée aux poumons, aux ganglions, ou à d’autres parties du squelette.

Après confirmation du diagnostic, un scanner pulmonaire, ainsi qu’une scintigraphie osseuse, sont pratiqués à la recherche de localisations secondaires.

7- Anatomie pathologique :

Il s’agit d’un ensemble de tumeurs développées à partir des péricytes des vaisseaux sanguins de l’os.

Ces tumeurs sont de degré variable de malignité.

Macroscopiquement, ce sont des tumeurs brunâtres expansives soufflant l’os et dont les tranches de section révèlent une formation tumorale mal limitée, d’aspect focalement hémorragique.

En microscopie, on retrouve une prolifération cellulaire relativement dense entourant un réseau vasculaire anastomotique bien développé.

Les cellules tumorales sont polygonales ou fusiformes, aux limites cytoplasmiques nettes, et peuvent contenir des granules intracytoplasmiques acide périodique Schiff (PAS) positifs.

La coloration à la réticuline met en relief la position extravasculaire des cellules néoplasiques (par opposition à l’hémangioendothéliome ou à l’angiosarcome).

La densité cellulaire, l’activité mitotique élevée (plus de cinq mitoses par dix gros champs microscopiques) et la présence de zones de nécrose tumorale ont été associées à un taux plus élevé de récidive.

L’immunohistochimie, souvent pratiquée dans ce contexte, révèle une réactivité des cellules tumorales à la vimentine, au CD57 et parfois au CD34.

L’immunomarquage au facteur VIII-R, aux marqueurs épithéliaux (kératine), myogènes (actine musculaire lisse et desmine) ou neurogènes (protéine S-100) est négatif.

8- Diagnostic différentiel :

* Radiologique :

L’aspect radiologique et TDM de l’hémangiopéricytome n’est pas spécifique et peut ressembler à celui de la majorité des tumeurs lytiques de l’os.

Dans sa forme polylobée en « nid d’abeilles », cernée d’un fin liseré d’ostéocondensation, il peut être confondu avec une tumeur bénigne, surtout un hémangiome.

En présence d’une rupture corticale, avec ou sans réaction périostée, le diagnostic différentiel se pose avec les autres tumeurs malignes de l’os.

* Anatomopathologique :

Devant un hémangiopéricytome de l’os, il convient d’exclure en premier lieu l’éventualité plus fréquente d’une métastase osseuse d’un hémangiopéricytome méningé.

L’histopathologie étant identique, seule l’anamnèse ou le bilan d’extension permettent de faire la distinction.

Par ailleurs, de nombreuses tumeurs bénignes et malignes peuvent parfois présenter un aspect architectural d’hémangiopéricytome.

Cependant, la discussion du diagnostic différentiel de ces différentes entités dépasse le cadre de cet exposé.

9- Traitement :

Le traitement de choix de l’hémangiopéricytome est l’exérèse chirurgicale.

Celle-ci doit être au moins marginale et de préférence large.

Dans les cas où la résection chirurgicale est impossible ou très risquée, la radiothérapie et l’amputation peuvent être discutées.

La chimiothérapie n’a pas de place dans le traitement de l’hémangiopéricytome osseux.

10- Évolution et pronostic :

L’évolution de l’hémangiopéricytome est imprévisible.

S’il est bien admis que cette tumeur fait partie du groupe des tumeurs vasculaires malignes de l’os, il n’en reste pas moins que, dans certains cas, elle présente une évolution tout à fait favorable.

En effet, certaines publications font état de guérisons, suivies depuis plus de 10 ans, après traitement local.

À l’opposé, de nombreuses publications rapportent des récidives après exérèse chirurgicale (pouvant dépasser la moitié des cas opérés), avec un essaimage métastatique tardif, essentiellement aux poumons, 15 et même parfois 20 ans après le traitement initial.

Dans une revue de la littérature, Tang et al ont trouvé que le taux de survie était de 75 % à 5 ans et de 44 % à 10 ans.

Parmi les 15 patients rapportés par Wold et al, seulement trois étaient vivants et en rémission au dernier recul.

C – ANGIOSARCOME :

1- Définition :

Qu’elle soit appelée hémangiosarcome, sarcome hémangioendothélial, hémangioendothéliome malin, ou même hémangioendothéliome de grade III, cette tumeur, composée de cellules endothéliales, se définit par le degré histologique d’anaplasie, l’agressivité radiologique, l’évolution clinique rapide et un fort potentiel métastatique.

2- Épidémiologie :

Il s’agit d’une tumeur rare.

Elle survient essentiellement chez l’adulte, avec une distribution presque homogène entre la deuxième et la septième décennies et une légère prédominance masculine (1,5 : 1).

3- Étiologie :

Elle est inconnue, mais certains angiosarcomes se sont développés sur des lésions préexistantes telles qu’une maladie de Paget, un infarctus osseux, une ostéomyélite, ou au contact d’un matériel métallique (plaque d’ostéosynthèse, produit de corrosion métallique, prothèse de hanche ou de genou).

Un angiosarcome peut également être associé à un chondrosarcome dédifférencié de bas grade.

4- Localisations :

Tous les os du squelette peuvent être atteints, avec une prédominance au squelette axial. Un tiers semble atteindre le rachis et les os du bassin.

L’atteinte peut être multifocale, avec parfois plusieurs lésions sur un même segment osseux.

Dans la série de la Mayo Clinic, la présentation la plus fréquente d’atteinte multifocale était celle de l’atteinte d’une même zone géographique, c’est-à-dire l’atteinte de plusieurs os d’une même extrémité.

Aux os longs, la tumeur peut se localiser aussi bien à la métaphyse qu’à la diaphyse.

Au rachis, le corps vertébral est plus souvent atteint que l’arc postérieur.

5- Étude clinique :

Les symptômes et les signes ne sont pas spécifiques.

La douleur spontanée et à la palpation domine le tableau clinique, suivie par la présence d’une tuméfaction.

6- Étude radiologique :

* Forme habituelle typique :

La plupart des angiosarcomes produisent une image purement lytique.

Dans certains cas, la lésion est hétérogène, avec un mélange de lyse et de sclérose.

La lésion est mal limitée, avec l’impression que la lyse diminue progressivement du centre à la périphérie où elle se confond progressivement avec le tissu osseux normal.

L’image radiologique rappelle ce que l’on observe dans les sarcomes ostéogènes anaplasiques télangiectasiques.

La présence de réaction périostée est souvent synonyme de rupture corticale et d’envahissement des parties molles.

La présence de lésions lytiques multiples, surtout dans des segments osseux adjacents, doit faire fortement suspecter le diagnostic.

* Autres formes radiologiques :

Certaines lésions de bas grade peuvent se présenter sous forme d’ostéolyses aux limites relativement nettes, avec un cloisonnement en « nid d’abeilles » et une soufflure de la corticale sans rupture.

7- Bilan d’extension :

L’angiosarcome est une tumeur hautement maligne ayant un potentiel d’extension locale et à distance très élevé.

La TDM et l’IRM permettent de compléter la radiographie standard, en précisant les limites osseuses de la tumeur, en particulier l’atteinte corticale, ainsi que l’envahissement des parties molles avoisinantes.

Les sites d’élection des métastases sont l’os et les poumons.

Le bilan d’extension initial et pratiqué à intervalles réguliers doit comporter une TDM pulmonaire et une scintigraphie osseuse.

8- Anatomie pathologique :

* Biopsie :

Elle ramène un tissu osseux déchiqueté baignant dans une nappe hémorragique, mais cet aspect n’est pas spécifique et n’est pas suffisant à lui seul pour orienter le diagnostic.

* Aspects macroscopiques et microscopiques :

Il s’agit de tumeurs hautement malignes développées à partir des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins de l’os.

Macroscopiquement, ce sont des tumeurs brunâtres, expansives, soufflant l’os et s’étendant fréquemment aux tissus mous ou à la cavité articulaire d’alentour.

Les tranches de section révèlent une formation tumorale mal limitée, d’aspect hémorragique, par endroits kystisée, souvent accompagnée d’une lyse importante de l’os dont il ne persiste que de rares travées irrégulières.

Microscopiquement, on retrouve, dans les formes relativement différenciées, de larges espaces vasculaires anastomotiques revêtus de cellules endothéliales atypiques, hyperchromatiques, à noyaux irréguliers, siège d’une activité mitotique élevée, avec parfois des figures de mitose atypique.

Des zones de nécrose hémorragique tumorale et des dépôts d’hémosidérine sont souvent notés.

Parfois, la tumeur est très faiblement différenciée, formée uniquement de plages solides de cellules fusiformes atypiques évoquant un sarcome indifférencié.

Le degré de différenciation tumorale peut varier au sein de la même tumeur.

Les cellules de l’angiosarcome, par analogie avec les cellules endothéliales, expriment le facteur VIII-R et le CD34.

La vimentine (filament intermédiaire retrouvé dans les cellules mésenchymateuses) est également exprimée dans l’angiosarcome.

Parallèlement, les marqueurs des cellules musculaires lisses (actine musculaire lisse, desmine), ainsi que la protéine S-100 (exprimée dans les tumeurs malignes d’origine neurogène) sont constamment négatifs dans l’angiosarcome.

À noter que la cytokératine (marqueur épithélial) est exprimée dans de très rares cas d’angiosarcome. L’explication de ce phénomène n’est pas claire à ce jour.

La microscopie électronique, non utilisée en routine, pourrait montrer des granules denses intracytoplasmiques (corps de Weibel-Palade).

9- Diagnostic différentiel :

* Radiologique :

La lésion ostéolytique agressive de l’angiosarcome est difficile à distinguer radiologiquement de la plupart des autres lésions lytiques agressives du squelette.

En effet, l’image observée peut être confondue avec celle d’une métastase épithéliale, d’un histiocytofibrome malin ou d’un ostéosarcome télangiectasique.

Dans les lésions de bas grade présentant un aspect ostéolytique bourgeonnant ou polycyclique, à contours réguliers, le diagnostic différentiel se pose avec les tumeurs bénignes, en particulier vasculaires (hémangiome, lymphangiome, etc).

* Anatomopathologique :

Les sarcomes à cellules fusiformes des tissus mous envahissant secondairement l’os (léiomyosarcome, histiocytofibrome malin, tumeur maligne des nerfs périphériques) doivent être évoqués systématiquement devant tout angiosarcome faiblement différencié.

Le diagnostic différentiel est parfois difficile du fait d’une riche vascularisation de ces tumeurs pouvant mimer un angiosarcome.

L’immunomarquage est souvent nécessaire dans ce cas pour confirmer le diagnostic.

L’ostéosarcome présente également des cellules de haut grade et une forte vascularisation.

La démonstration de l’élaboration par la tumeur de substance ostéoïde et la négativité des cellules tumorales aux anticorps dirigés contre le facteur VIII-R ou le CD34 permettent de redresser le diagnostic.

Enfin, les carcinomes métastatiques à l’os, et en particulier le carcinome d’origine rénale, souvent ostéophile par ailleurs, peuvent prêter à confusion histologiquement avec un angiosarcome.

Les antécédents de malignité et l’aspect plutôt polygonal que fusiforme des cellules tumorales représentent autant d’appoints au diagnostic de carcinome.

L’analyse immunohistochimique pourrait trancher le cas échéant.

10- Traitement :

Une atteinte multifocale doit être recherchée avant toute décision thérapeutique.

Les méthodes de traitement utilisées n’ont presque pas évolué depuis deux ou trois décennies.

Elles associent, à des degrés variables et en fonction du cas (sévérité, résécabilité), la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie.

* Chirurgie :

Elle doit être de préférence large, au moins marginale, mais jamais intralésionnelle dans le cas d’un angiosarcome avéré (grade III histologique).

* Radiothérapie :

La radiothérapie, dont l’efficacité n’est pas tout à fait démontrée, est parfois utilisée seule ou en complément à la chirurgie, dans les cas où une résection en « bloc » ne peut pas être pratiquée.

Dans les lésions de bas grade histologique, la radiothérapie est à éviter, compte tenu du risque de sarcome radio-induit.

Dans la série de la Mayo Clinic, une patiente porteuse d’une lésion de bas grade, traitée par radiothérapie, est décédée 7 ans et demi plus tard d’une leucémie radio-induite.

Un autre patient est décédé d’un sarcome radio-induit, 17 ans après une radiothérapie pratiquée pour un hémangioendothéliome de bas grade.

* Chimiothérapie :

Elle n’a pas prouvé son efficacité dans le traitement de l’angiosarcome, comme c’est le cas pour le sarcome ostéogène.

Cependant, certains auteurs continuent à l’utiliser dans des cas sévères, avec des protocoles identiques à ceux utilisés pour le sarcome ostéogène, en association aux deux méthodes thérapeutiques précédentes.

11- Évolution et pronostic :

À l’opposé des hémangioendothéliomes grades I et II, l’angiosarcome (ou hémangioendothéliome grade III) présente une forte mortalité.

Parmi les 15 cas que rapportent Campanacci et al, le taux des métastases était de 92 % et la mortalité de 63 %, en dépit de thérapeutiques complexes associant les diverses possibilités actuelles. Dans la série rapportée par Wold et al, la survie sans maladie était de 20 % uniquement.

En effet, l’évolution est souvent rapide ; dans les semaines ou les mois qui suivent le diagnostic d’un angiosarcome, apparaît souvent une diffusion métastatique atteignant d’autres parties du squelette (os longs des membres, vertèbres, bassin), en même temps que se développent des localisations pulmonaires.

En l’absence de réponse au traitement, la mort survient habituellement dans les 2 ans qui suivent l’apparition des premiers symptômes.

Dans le travail de Wold et al, aucune différence pronostique n’a été retrouvée entre les patients ayant une lésion unique et ceux présentant une atteinte multifocale.

Dans la série de la Mayo Clinic comportant 24 patients porteurs d’angiosarcomes, trois seulement étaient encore vivants 12, 13 et 14 ans après le traitement.

Les 21 restants étaient morts à des délais variables de 0 à 8,1 ans depuis le diagnostic.

Conclusion :

Les tumeurs vasculaires des os sont rares.

L’hémangiome et le lymphangiome ont des présentations cliniques et radiologiques proches.

Leur évolution est en général favorable, puisque l’on peut assister dans certains cas à leur involution spontanée.

Le traitement est indiqué en présence d’une tumeur qui augmente de volume, compromettant la qualité mécanique de l’os où elle se trouve, ou mettant en danger des structures nobles avoisinantes (compression médullaire pour un hémangiome vertébral).

Il est souvent chirurgical, basé sur l’excision intralésionnelle ou marginale de la tumeur, associé ou non à une ostéosynthèse préventive dans les cas où un danger mécanique existe.

L’hémangiome peut bénéficier d’une embolisation artérielle, soit comme traitement unique, soit en préparation à la chirurgie d’exérèse, afin de diminuer le risque hémorragique peropératoire.

En dehors des angiomatoses diffuses et de l’ostéolyse massive, le pronostic est en général favorable.

Les traitements plus agressifs (amputation, radiothérapie) sont rarement indiqués et doivent être discutés uniquement dans les cas sévères ayant une évolution rapide et incontrôlable, à cause du taux élevé de complications iatrogènes.

La tumeur glomique des os prédomine aux phalanges.

Son traitement est souvent l’exérèse chirurgicale, avec un bon pronostic.

L’hémangiopéricytome osseux est une tumeur maligne très rare, caractérisée par un potentiel élevé de récidive locale après chirurgie d’exérèse et d’essaimage métastatique au reste du squelette et aux poumons.

Son traitement reste néanmoins essentiellement chirurgical, basé sur une exérèse large, ou tout au moins marginale.

La radiothérapie, bien que parfois efficace, est réservée aux formes inaccessibles à la chirurgie, ou en complément d’une chirurgie d’exérèse non « carcinologique ».

La chimiothérapie n’a pas de place dans le traitement de l’hémangiopéricytome osseux.

L’angiosarcome osseux continue à présenter un problème de classification avec l’hémangioendothéliome.

Si la plupart des auteurs sont d’accord pour considérer l’angiosarcome comme étant un angioendothéliome de haut grade de malignité, il n’en reste pas moins que l’évolution et le pronostic de ces deux entités sont nettement différents.

En effet, l’angiosarcome est une tumeur hautement maligne et souvent létale, quel que soit le traitement utilisé.

Même si la radiothérapie et la chimiothérapie sont parfois utilisées en complément à la chirurgie, le meilleur garant de la survie reste une excision chirurgicale adéquatement large, aussitôt le diagnostic posé.

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