Tuberculose cutanée

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Introduction :

La tuberculose ou « peste blanche » était, au début du siècle, un problème majeur de santé publique en Europe.

Tuberculose cutanéeL’amélioration des conditions de vie, la diminution de la promiscuité, la découverte de la vaccination et des médicaments antituberculeux et les importantes campagnes de prévention avaient permis une diminution considérable de l’incidence de cette infection dans les pays industrialisés, alors qu’elle demeurait une importante cause de mortalité dans les pays en voie de développement.

Le relâchement de la lutte contre cette endémie, le développement de l’infection par le VIH, la migration des populations, la crise économique, l’apparition de résistances aux polychimiothérapies antituberculeuses, ont favorisé la recrudescence de la tuberculose.

La tuberculose cutanée demeure cependant très rare et de diagnostic difficile en raison du polymorphisme des tableaux anatomocliniques, de la multiplicité des diagnostics différentiels et d’un certain flou nosologique au cours de l’histoire de la dermatologie, probablement du fait de l’insuffisance des techniques microbiologiques.

La meilleure connaissance de l’immunopathogénie de cette mycobactériose, l’élaboration de nouvelles méthodes de diagnostic (amplification génique) ayant autorisé un nouveau regard sur la classification de la tuberculose cutanée, l’utilisation de protocoles antibiothérapiques simplifiés, justifiaient une nouvelle mise au point.

Épidémiologie :

A – AGENT PATHOGÈNE :

Le bacille de Koch (BK) ou Mycobacterium tuberculosis est une mycobactérie de 2 à 5 ím de longueur, immobile, très sensible à la chaleur mais résistante au froid et à la dessiccation, colorée en rouge par la fuchsine, non décolorée par l’acide nitrique ou l’alcool (bacille acido-alcoolo-résistant [BAAR]).

Il se cultive en aérobie strict entre 35 et 37 °C sur milieux enrichis, notamment celui de Löwenstein- Jensen.

On distingue trois espèces de Mycobacterium tuberculosis : Mycobacterium tuberculosis hominis ou bacille de Koch, Mycobacterium tuberculosis africanum (isolé à Dakar en 1968) et Mycobacterium tuberculosis bovis, agent de la tuberculose bovine (impliqué dans 1 à 5% des cas de tuberculose humaine).

B – MODE DE TRANSMISSION. RÉSERVOIR :

La transmission de la tuberculose est interhumaine (sauf pour Mycobacterium tuberculosis bovis).

Les bacilles extracellulaires se multiplient en pH neutre dans les parois ramollies des cavernes pulmonaires, plus lentement dans les foyers caséeux solides des malades humains.

Les bacilles intracellulaires se multiplient très lentement dans les macrophages.

Les bacilles extracellulaires sont éliminés dans l’air par les malades bacillifères toussant ou parlant, sous forme de fines particules (gouttelettes de Pflügge) puis sont inhalés par le sujet récepteur.

Cependant, les fèces, les urines et les lésions cutanées abcédées ou ulcérées des malades tuberculeux constituent des réservoirs possibles de contagiosité et parfois d’auto-inoculation.

C – RÉCEPTIVITÉ. FACTEURS FAVORISANTS :

La réceptivité du sujet est fonction essentiellement de son immunité cellulaire et du quantum infectieux.

L’infection par le bacille de Koch n’est pas synonyme de maladie tuberculeuse.

Tous les facteurs environnementaux ou endogènes favorisant le contage et l’immunodépression facilitent l’infection et la maladie tuberculeuses ; ce sont respectivement d’une part la promiscuité et les mauvaises conditions d’hygiène corrélées au niveau socioéconomique, d’autre part les âges extrêmes, les déficits congénitaux de l’immunité cellulaire, les infections virales dont le sida, les affections parasitaires chroniques, les maladies autoimmunes, la prise de médicaments immunosuppresseurs ou une corticothérapie générale prolongée, l’alcoolisme chronique, la malnutrition…

D – IMMUNOPATHOGÉNIE :

Il est souvent difficile, surtout chez l’adulte, de savoir si l’infection tuberculeuse correspond à l’exacerbation endogène d’une infection ancienne, à l’évolution d’une infection exogène récente ou à une surinfection.

En cas de contage, le risque d’évolution vers la maladie est bien moindre chez le sujet antérieurement infecté que chez le sujet vierge de tout contact car le fait d’avoir « surmonté » la maladie dans le passé témoignait d’une bonne immunité, l’infection conférant alors au sujet une protection durable (au même titre que le bacille Calmette-Guérin [BCG]) sauf en cas de survenue d’une immunodépression (où l’on peut alors observer une réactivation).

L’acteur principal de cette immunité est constitué par le couple macrophage-lymphocyte T activé.

Des immunomarquages révèlent une augmentation du rapport lymphocytes CD4/CD8 dans les granulomes de tuberculides et de lupus vulgaire, une diminution dans l’infiltrat inflammatoire du scrofuloderme et un ratio intermédiaire dans la forme verruqueuse ; les auteurs en déduisent qu’il existe probablement, dans la tuberculose cutanée, un spectre clinique fonction de l’immunité cellulaire, comme cela est observé dans la lèpre ou la leishmaniose. On peut donc, par analogie, dresser un tableau immuno-anatomo-clinique.

E – INCIDENCE :

Depuis une dizaine d’années, l’incidence globale de la tuberculose augmente.

Cette recrudescence s’explique par l’infection à VIH mais aussi par l’augmentation de la précarité et l’immigration de sujets provenant de pays à forte endémie tuberculeuse.

Elle s’est faite surtout au profit des formes extrapulmonaires qui représentent, dans les pays industrialisés, près de 30 % des cas de tuberculose (au lieu de 15 % avant l’épidémie de sida).

Par ordre de fréquence, on rencontre les atteintes ganglionnaires, ostéoarticulaires, urogénitales, neuroméningées, médullaires, hépatiques, péritonéales, cutanées, digestives et spléniques, otorhinolaryngologiques, cardiaques, surrénaliennes…

Il existe une atteinte pleuropulmonaire associée d’autant plus fréquemment que le malade est immunodéprimé (notamment VIH+).

En 1995, une équipe espagnole rapporte, sur une période de 14 ans, 11 observations de tuberculose cutanée (quatre scrofulodermes, deux lupus vulgaires, deux miliaires, deux gommes, un inclassable), dont deux survenant chez des malades sidéens. Une étude épidémiologique réalisée au Royaume-Uni recense 1 065 cas de tuberculose parmi une population de 265 000 habitants, sur une période de 14 ans (de 1981 à 1995).

Seulement 47 cas de tuberculose cutanée sont observés ; les scrofulodermes associés aux atteintes ganglionnaires ou ostéoarticulaires en constituent plus de la moitié ; six malades ont un lupus vulgaire, quatre présentent des gommes dont deux dans le cadre d’une miliaire tuberculeuse, un a une tuberculose orificielle, dix sont atteints de tuberculides (la moitié de type érythème induré de Bazin).

Une étude indienne de 1987 ne précisant pas la durée de recueil, décrit pour 42 patients, 23 scrofulodermes, 17 lupus vulgaires et deux tuberculoses verruqueuses.

Les autres formes de tuberculoses cutanées, et notamment les tuberculides, ne sont apparemment pas prises en compte par cette équipe puisqu’une nouvelle étude prospective, de 1987 à 1989, retrouve des chiffres similaires uniquement pour ces trois formes.

Entre 1962 et 1967, 160 observations de tuberculose cutanée ont été recueillies à Hong-Kong : la forme verruqueuse est largement prédominante avec 46 % des cas, le lupus vulgaire conserve sa seconde place avec 22 % des cas, se succèdent ensuite les tuberculides papulonécrotiques (13 %), l’érythème induré (10 %) et les scrofulodermes (9 %).

Une nouvelle étude rétrospective réalisée à Hong Kong de 1983 à 1992 recense 176 cas, avec une répartition totalement différente des diverses formes anatomocliniques ; la tuberculose verruqueuse ne représente que 4,5 % des cas, les scrofulodermes 4 %, le lupus vulgaire 6,3 %.

En revanche, les tuberculides sont fortement prévalentes avec 79,5 % d’érythème induré, 4 % de tuberculides papulonécrotiques, 1,7 % de lichen scrofulosorum.

Ces variations considérables de fréquence des divers aspects de la tuberculose cutanée, au cours du temps et selon le pays, peuvent être interprétées de façon très différente ; on peut ainsi supposer que la prévalence de la tuberculose diminuant dans les pays industrialisés, les formes multibacillaires (miliaire, scrofuloderme, chancre d’inoculation) ou intermédiaires (tuberculose verruqueuse) sont moins fréquentes.

On peut aussi imaginer des biais de recrutement ou bien, les conceptions médicales et les techniques évoluant, que les critères de diagnostic se sont modifiés.

Moyens de diagnostic :

A – EXAMEN DIRECT. CULTURE :

L’acido-alcoolo-résistance, qui est la capacité pour les bacilles déjà colorés par la fuchsine phéniquée de Ziehl ou un colorant fluorescent (auramine) de ne pas être décolorés par les acides et l’alcool, permet de les détecter à l’examen microscopique en quelques minutes.

Cependant, cette technique est peu sensible (il faut plus de 104 bacilles/mL de produit pathologique pour pouvoir observer un BAAR sur le frottis), ni spécifique (puisque l’acidoalcoolo-résistance est une caractéristique de l’ensemble des mycobactéries).

C’est pourquoi la culture est fondamentale, tant pour le diagnostic bactériologique que pour l’identification de l’espèce (par chromatographie des acides mycoliques de la paroi des mycobactéries) et l’élaboration de l’antibiogramme : malheureusement, la lenteur de multiplication des bacilles de Koch (temps de division = 20 heures) imposant un délai de culture moyen de 28 jours, la complexité des modalités de culture (homogénéisation, décontamination de la flore commensale, milieux à l’oeuf de Löwenstein-Jensen parfois enrichi en pyruvate de sodium) ont stimulé la recherche de méthodes de détection plus rapides.

Ainsi la respirométrie radiométrique (ou Bactec Systemt) mesure la quantité de gaz carbonique qui est libérée par les mycobactéries au cours de leur multiplication dans un milieu de culture liquide où la seule source de carbone est l’acide palmitique marqué par le carbone 14.

Secondairement, l’inhibition de Mycobacterium tuberculosis et bovis par le NAP (paranitro-alpha-acétylamino-hydroxypropiophénone) permet de les distinguer des mycobactéries atypiques.

On peut ainsi détecter les bacilles en 12 jours en moyenne.

Le sérodiagnostic de la tuberculose est actuellement d’une fiabilité insuffisante.

La pauvreté des résultats bactériologiques des études de grandes séries relève d’une part de la difficulté de réalisation des cultures, d’autre part de la probable stérilité des prélèvements bactériologiques de certaines formes de tuberculose cutanée plutôt liée à une hyperréactivité immune (érythème induré, tuberculides, lupus vulgaire…).

B – HISTOLOGIE :

L’élément histologique caractéristique mais non spécifique de la tuberculose est le follicule de Koester qui est un amas cellulaire arrondi, centré par une ou plusieurs cellules géantes de type Langhans (comportant des noyaux disposés à la périphérie du cytoplasme éosinophile) entourées de cellules épithélioïdes et d’une couronne de lymphocytes.

Les follicules peuvent fusionner en tubercules dits composés (se traduisant cliniquement par l’apparition de grains lupoïdes « gelée de pomme » à la vitropression) et présenter en leur centre une nécrose caséeuse.

L’architecture en couches concentriques (lymphocytes, cellules épithélioïdes, cellules géantes) avec nécrose centrale est évocatrice de tuberculose, mais elle est finalement rarement observée.

On retrouve en fait, dans la littérature, de multiples tableaux non spécifiques avec des infiltrats de composition et de disposition diverses.

C – RÉACTIONS TUBERCULINIQUES :

Différentes techniques sont utilisées pour évaluer l’allergie à la tuberculine, protéine purifiée dérivée (PPD-standard) d’un filtrat de bacilles tuberculeux tués par la chaleur. Les méthodes qualitatives (scarification, cutiréaction par timbre, bague monotest…) sont peu reproductibles.

Seule la lecture quantitative après injection intradermique stricte (méthode de Mantoux) de 0,1 mL, soit 10 unités de tuberculine Mérieux (ou 2 unités de PPD-RT23 danoise) est fiable.

Cependant, de nombreux facteurs influencent l’allergie tuberculinique.

Cette hypersensibilité retardée à médiation cellulaire dépend d’un contrôle génétique ; ainsi on observe des anergies tuberculiniques familiales malgré des vaccinations BCG répétées.

Tous les facteurs agissant sur l’immunité (âges extrêmes, infections virales dont le sida, maladies auto-immunes, médicaments immunosuppresseurs ou corticothérapie générale, malnutrition…) peuvent négativer la réponse allergique ou la ralentir ; c’est pourquoi il importe d’effectuer une lecture répétée du test, non seulement à la classique 72e heure mais parfois jusqu’au sixième jour en raison de délais variables de positivité, fonction notamment chez l’enfant de l’état nutritionnel.

De plus, l’interprétation du test est délicate car les valeurs prédictives positives et négatives de l’intradermoréaction (IDR) (permettant de présumer une éventuelle infection tuberculeuse) sont fonction, outre des facteurs modifiant l’immunité précédemment cités, de l’ancienneté d’une éventuelle vaccination par le BCG, ainsi que de la prévalence de la tuberculose et des autres mycobactéries dans la population.

Il existe en effet des réactions croisées avec les mycobactéries atypiques.

Ainsi, dans les pays industrialisés où la tuberculose et les autres mycobactéries sont peu fréquentes, la vaccination généralisée, l’immunodépression rare et facilement dépistable, la valeur seuil de lecture de l’IDR en l’absence de vaccination BCG est habituellement fixée à 10 mm d’induration.

Lorsque la vaccination remonte à plus de 1 an, l’infection par le bacille tuberculeux (qui n’est pas synonyme de maladie tuberculeuse) est probable si l’IDR est supérieure à 14 mm, a fortiori si elle est phlycténulaire.

À l’échelon individuel, le « virage » de l’allergie tuberculinique (ou le « survirage » en cas de vaccination BCG) a une meilleure valeur prédictive de l’infection. Une IDR négative n’élimine ni une infection ni une tuberculose évolutive, a fortiori si elle est récente ou si le malade est immunodéprimé.

D – MÉTHODE D’AMPLIFICATION GÉNIQUE :

Il est théoriquement possible de différencier les bacilles de la tuberculose des mycobactéries atypiques et de typer les différentes souches de Mycobacterium tuberculosis en analysant les séquences nucléotidiques de leur chromosome.

Les techniques actuelles d’amplification génique (polymerase chain reaction [PCR]) n’ont pas beaucoup d’intérêt dans les formes multibacillaires de tuberculoses cutanées où l’on peut mettre en évidence, à l’examen direct ou à la culture, des bacilles de Koch.

Deux études font état cependant de la rapidité de diagnostic de l’amplification génique dans une forme de tuberculose orificielle avec miliaire pulmonaire, hépatique, cutanée et atteinte osseuse, et dans le cas de scrofulodermes en regard d’une ancienne arthrite tuberculeuse (histologie de type granulome avec Ziehl+, culture négative).

Dans les formes paucibacillaires (lupus vulgaire) ou réactionnelles (érythème induré de Bazin, tuberculides…), on pensait que la PCR apporterait un argument décisif sur leur étiopathogénie.

Cependant, elle manque de spécificité et de sensibilité.

Ainsi une étude portant sur 20 femmes avec IDR à la tuberculine positive présentant un érythème induré de Bazin (correspondant histologiquement à une panniculite avec combinaison variable d’inflammation granulomateuse, de vascularite et de nécrose), régressif sous polychimiothérapie antituberculeuse, ne rapporte que cinq identifications d’acide désoxyribonucléique (ADN) de

Mycobacterium tuberculosis bien que toutes les observations témoins soient négatives pour le nucléotide spécifique du complexe

Mycobacterium tuberculosis.

Une autre équipe trouve un tiers de positivité (cinq parmi 16 malades atteints d’un érythème induré).

Une étude rétrospective espagnole rapporte également un fort taux de positivité (> 3/4) alors que les échantillons cutanés proviennent de lésions de panniculite lobulaire granulomateuse, étiquetée aussi bien érythème induré de Bazin que vascularite nodulaire.

Il n’y a pas, paradoxalement, de corrélation entre les résultats de la PCR et les caractéristiques anatomocliniques, hormis pour la présence d’une nécrose histologique.

Des observations de lupus vulgaire (culture négative), de tuberculides papulonécrotiques, d’association de lésions d’érythème induré avec un lichen scrofulosorum ou avec des tuberculides papulonécrotiques apparues simultanément chez un malade ayant récidivé après l’arrêt prématuré de son antibiothérapie, sont explorées par amplification génique avec des résultats positifs qui constituent, pour les auteurs, la preuve de l’origine tuberculeuse de ces lésions. Une étude israélienne ne retrouve pas d’ADN dans les lésions de lupus miliaire disséminé de la face de trois malades.

En somme, ces études sont encore insuffisantes et parfois contradictoires et montrent bien le paradoxe du diagnostic de tuberculose paucibacillaire en l’absence de preuves microbiologiques…

Formes anatomocliniques :

A – CHANCRE D’INOCULATION :

Exceptionnelle comparativement à la primo-infection pulmonaire, l’inoculation cutanée du bacille, suivie de la maladie ou tuberculose cutanée primitive, est surtout observée chez le nourrisson et le jeune enfant et prédomine aux membres inférieurs, à la face et aux muqueuses orogénitales.

Elle résulte, le plus souvent, d’une blessure directement infectante (chirurgie traditionnelle, circoncision-excision, percement d’oreilles), plus rarement d’une contamination orale (lait contaminé, baiser) ou de l’infection d’une plaie souillée.

Après une incubation de 1 à 3 semaines, un nodule érythématoviolacé ferme, de petite taille, apparaît ; il s’ulcère avec décollement des bords et se complique, en quelques semaines, d’une lymphangite avec (poly-) adénopathie satellite d’évolution fistulisée et généralement torpide.

Le chancre tuberculeux guérit spontanément mais la maladie peut progresser et concerner d’autres organes.

Les exceptionnels chancres anogénitaux (pouvant résulter d’une contamination sexuelle lors d’épididymite ou de salpingite tuberculeuse du partenaire) étaient décrits comme volontiers végétants, avec oedème éléphantiasique régional et adénopathie inguinale fistulisée faisant discuter une lymphogranulomatose vénérienne…

Une primo-infection à type de paronychie indolore, avec adénopathies épitrochléenne et axillaire, est décrite chez un médecin ayant pratiqué l’autopsie d’un malade bacillifère.

L’IDR à la tuberculine est négative initialement.

Le bacille de Koch peut être mis en évidence à l’examen direct au frottis ou après culture.

À l’histologie, il existe, autour de la zone nécrotique, un infiltrat inflammatoire non spécifique comportant surtout des polynucléaires neutrophiles avec présence de bacilles acido-alcoolorésistants.

L’évolution granulomateuse ne se fait qu’après l’atteinte ganglionnaire.

Les diagnostics différentiels sont nombreux, allant du furoncle dans la phase initiale à l’ecthyma et au chancre, ou à une ulcération non spécifique dont les étiologies sont légions (infection à pyogène, leishmaniose, mycobactériose atypique, sporotrichose, tréponématoses ; les tréponématoses endémiques, et notamment le bejel, seront plus volontiers évoqués que la syphilis sur les régions non génitales et chez les jeunes malades ; les localisations anogénitales feront discuter la syphilis, le chancre mou, la maladie de Nicolas et Favre).

L’inoculation cutanée de Mycobacterium bovis peut également s’observer chez les sujets au contact du bétail (vétérinaire, éleveurs).

B – SCROFULODERME :

Le scrofuloderme (de scrofa truie, par analogie aux tumeurs ganglionnaires du porc) résulte d’une atteinte cutanée par contiguïté volontiers sur un terrain fragilisé.

Dans un contexte d’altération de l’état général sans hyperthermie, il se traduit par un ou des nodules sous-cutanés froids et indolores, se ramollissant et s’ulcérant en regard d’un foyer tuberculeux profond.

Il est soit ganglionnaire (les adénites tuberculeuses prédominent au cou, tuberculosis cutis colliquativa, ce sont les écrouelles du bas-latin scrofellae, mais elles s’observent aussi aux plis axillaires, aux creux supraclaviculaires et aux plis inguinaux), soit ostéoarticulaire (de localisation surtout rachidienne ou aux membres).

Il laisse place à une cicatrice rétractile ou une chéloïde. Une observation de scrofuloderme en regard d’une atteinte tuberculeuse de la glande lacrymale a été rapportée.

Les bacilles de Koch peuvent être objectivés au sein de granulomes tuberculoïdes comportant une importante nécrose caséeuse entourée d’un infiltrat riche en polynucléaires neutrophiles et en plasmocytes (pouvant simuler la syphilis).

Les mycobactérioses atypiques (notamment Mycobacterium scrofulaceum) peuvent entraîner de telles lésions, d’où la nécessité d’identifier précisément le germe.

Une auto-inoculation peut également s’observer à partir de scrofuloderme : tel est le cas de ce malade présentant un nodule abcédé de la main avec adénopathie axillaire, de type granulome avec nécrose caséeuse et présence de bacilles de Koch à la culture, présumé secondaire à une blessure au contact du drain d’une fistule sous-cutanée, en regard d’une atteinte tuberculeuse costale.

C – GOMMES TUBERCULEUSES :

Survenant plus souvent sur un terrain immunodéprimé, les gommes, ou abcès tuberculeux métastatiques à partir d’un foyer viscéral, consistent en des nodules dermohypodermiques bien limités, indolores, fermes puis fluctuants, qui s’ulcèrent et finissent par cicatriser (volontiers sur le même mode que le pyoderma gangrenosum, avec des ponts entre les trajets fistuleux) après plusieurs mois d’évolution.

L’évolution de ces abcès froids, qui prédominent aux membres inférieurs, est lente.

Il est difficile de les distinguer des suppurations froides à pyogènes, des gommes syphilitiques et fongiques (chromomycose, actinomycose, sporotrichose).

Des formes sporotrichoïdes avec gommes tuberculeuses échelonnées le long d’un trajet lymphatique ont d’ailleurs été décrites exceptionnellement.

La gomme peut même survenir après guérison du foyer viscéral ou le révéler, n’être diagnostiquée qu’au stade d’ulcération et se compliquer de fistulisation.

Le bacille de Koch peut être mis en évidence au sein des granulomes tuberculoïdes qui comportent une importante caséification.

L’ulcère tuberculeux atypique de Darier se présente comme une ulcération de début insidieux et indolore, arrondie à bords irréguliers, érythématoviolacée, légèrement infiltrée, volontiers épidermisée, évoluant lentement vers la cicatrisation parfois en ponts, sans adénopathie locorégionale.

L’histologie est granulomateuse tuberculoïde, habituellement sans visualisation directe de bacille de Koch.

La culture est en revanche positive, l’ulcération résultant d’un embole hématogène d’origine viscérale.

D – MILIAIRE CUTANÉE (TUBERCULOSIS CUTIS MILIARIS ACUTA GENERALISATA) :

Résultant d’une dissémination hématogène à partir d’un foyer viscéral le plus souvent pulmonaire ou bien survenant lors d’une primo-infection sévère, sur un terrain immunodéprimé ou aux âges extrêmes (nourrisson, vieillard), la miliaire tuberculeuse comporte de multiples petites papules diffuses, parfois de couleur érythématovioline, pustuleuses ou purpuriques, parfois coalescentes ou pseudolupiques et d’évolution abcédée ; elle s’accompagne d’une importante altération de l’état général, de fièvre, et volontiers de localisation multiviscérale (méningite, hépatosplénomégalie, atteinte médullaire…).

L’examen du fond d’oeil permet parfois de visualiser un tubercule rétinien de Bouchut. Les bacilles sont généralement objectivables à l’examen direct.

L’histologie comporte initialement un infiltrat à polynucléaires neutrophiles, secondairement à lymphocytes. L’IDR est (ou était devenue) négative, signant l’immunodépression.

L’évolution est souvent fatale, même chez l’adulte et malgré un traitement bien conduit, en raison d’une éventuelle immunodépression sous-jacente, notamment par sida, et d’une fréquente chimiorésistance.

E – TUBERCULOSE VERRUQUEUSE (TUBERCULOSIS VERRUCOSA CUTIS) :

Résultant de la réinoculation du bacille de Koch chez un sujet antérieurement sensibilisé, la tuberculose verruqueuse siège habituellement aux extrémités et se traduit par un ou plusieurs placards papillomateux, kératosiques, indolores, entourés d’une aréole inflammatoire, d’extension progressive, parfois serpigineuse avec évolution atrophique centrale. Une lymphangite avec adénopathie s’observe rarement.

La localisation à la main, notamment au doigt (volontiers observée dans les professions de la santé et les éleveurs de bétail) peut simuler une verrue vulgaire ; les mycobactéries atypiques ont souvent cette topographie avec dissémination sporotrichoïde.

À la face, il faut évoquer la leishmaniose, les mycoses et pyodermites verruqueuses. La localisation (péri-)anale (dont le principal diagnostic différentiel est la condylomatose à papillomavirus), secondaire à une atteinte digestive, est diversement interprétée selon l’immunité : ainsi on parle de tuberculose verruqueuse lorsque l’IDR est fortement positive, volontiers phlycténulaire, et de tuberculose fongueuse, volontiers d’évolution ulcéreuse en cas de faible immunité.

On ne devrait pas utiliser ici les termes de lupus serpigineux ou de lupus scléreux, bien que les aspects cliniques soient parfois très proches, car la lésion élémentaire initiale est différente (lupome au lieu d’une papule cornée).

Histologiquement, la tuberculose verruqueuse se caractérise par une importante hyperplasie épidermique avec hyperkératose orthokératosique, papillomatose et acanthose.

On peut observer des microabcès intraépidermiques à polynucléaires neutrophiles.

L’infiltrat inflammatoire dermique est mixte et comporte habituellement des granulomes tuberculoïdes avec souvent nécrose caséeuse.

Les cultures ne sont positives que dans un tiers des cas.

F – TUBERCULOSE ULCÉREUSE ORIFICIELLE (TUBERCULOSIS CUTIS ORIFICIALIS) :

Secondaire à une auto-inoculation à partir de foyers pulmonaire, laryngé, digestif et urinaire, elle comporte des ulcérations périorificielles subaiguës (cavité buccale, narines, anus, urètre) ; la localisation préférentielle de cet ulcère tuberculeux dit « typique » (par opposition à l’ulcère atypique de Darier) se fait à la langue et aux lèvres.

Généralement unique, superficiel et non induré, à bords irréguliers et décollés, à fond fibrinopurulent, granuleux avec parfois semis de grains jaunâtres, cet ulcère est particulièrement douloureux et empêche l’alimentation.

Sans tendance spontanée à la cicatrisation avec souvent apparition de multiples petites exulcérations périphériques coalescentes, il s’accompagne d’une polyadénopathie inflammatoire homolatérale.

Les localisations anales et génitales ont une tendance végétante ou/et verruqueuse les ayant fait qualifier de fongueuses.

L’histologie initiale de la tuberculose ulcéreuse est assez proche de celle du chancre d’inoculation, puis se développe une hyperplasie épidermique pseudoépithéliomateuse pouvant faire évoquer un carcinome.

Les formes chroniques comportent une composante granulomateuse au sein de laquelle il n’est généralement plus possible d’individualiser les bacilles.

Les cultures sont souvent positives.

G – LUPUS VULGAIRE (LUPUS VULGARIS) :

Forme clinique prédominante dans les pays industrialisés, le lupus vulgaire concerne la femme deux fois sur trois.

De fréquente localisation au visage (nez, joues), il comporte initialement des micronodules dermiques assez mous (lupome), brun jaunâtre à la vitropression (lupoïde), coalescents sous forme d’un placard papuleux soit lisse et régulier, soit squameux, qui évolue lentement vers un affaissement central avec apparition de micro-ulcérations, de croûtelles, et dont la périphérie est érythématoviolacée.

Le terme de lupus a été adopté initialement par analogie avec le loup « qui ronge les chairs » et non pas par comparaison au « masque de loup » du lupus érythémateux avec éruption en vespertilio.

Habituellement, aucun foyer tuberculeux évolutif n’est retrouvé et c’est la conjonction d’arguments anamnestiques, anatomocliniques, l’élimination des autres étiologies et l’évolution après antibiothérapie antituberculeuse qui font porter le diagnostic.

Le granulome tuberculoïde avec amas de cellules épithélioïdes, de cellules géantes de type Langhans et couronne périphérique de lymphocytes, est toujours présent.

La nécrose caséeuse centrale est peu fréquente. L’épiderme est de caractéristique très variable, parfois atrophique, ou au contraire hyperplasique, parfois ulcéré.

Les bacilles ne sont pas mis en évidence par la coloration de Ziehl et la culture est généralement négative, bien que certaines études obtiennent 50 % de positivité.

L’IDR devrait toujours être positive puisque, par définition, le lupus tuberculeux serait une réactivation cutanée d’une tuberculose quiescente ; or, la littérature, notamment de langue anglaise, est souvent contradictoire à ce sujet, car le terme de lupus vulgaris est parfois synonyme de tuberculose cutanée, quels que soient le statut immunitaire, les atteintes viscérales ou cutanées associées, le mode d’inoculation et l’agent pathogène (Mycobacterium tuberculosis ou bovis).

Il existe de nombreux aspects anatomocliniques expliquant les multiples diagnostics différentiels.

1- Lupus plan :

De teinte rouge, orangée ou violacée surtout en périphérie, il est finement squameux ou légèrement érodé, avec une évolution cicatricielle nacrée en son centre, simulant le lupus érythémateux qualifié parfois d’érythématoïde.

2- Lupus annulaire :

À forte extension centrifuge, il est à distinguer du lupus subaigu et des dermatophyties.

3- Lupus psoriasiforme :

Il peut simuler la plupart des dermatoses érythématosquameuses avec des plaques squameuses étendues infiltrées.

4- Lupus serpigineux :

C’est un placard d’extension irrégulière et lente sur plusieurs années, prédominant au tronc et aux membres, pouvant constituer un collier cervical d’aspect verruqueux, pouvant simuler un placard croûteux d’impétigo ou se traduisant par une plaque infiltrée, végétante, pseudotumorale d’un membre.

5- Lupus scléreux (de Leloir et Vidal) :

Produisant un bourrelet papillomateux induré sur les membres, il est difficile à distinguer cliniquement de la tuberculose verruqueuse.

6- Lupus tumidus :

Il se traduit par une masse rouge jaunâtre, infiltrée, d’évolution lentement extensive sans tendance à l’ulcération ; l’association à un tuberculome du septum nasal et à une kératoconjonctivite phlycténulaire est rapportée.

7- Lupus ulcérovégétant ou lupus vorax :

Il touche préférentiellement la pointe du nez avec des mutilations parfois effroyables pouvant faire évoquer un carcinome, une leishmaniose, une sarcoïdose, une lèpre, une syphilis tertiaire, un lymphome à type de granulome centrofacial, une mycose profonde, un pyoderma gangrenosum, un noma (ou cancrum oris). Dans les zones tropicales et du pourtour méditerranéen, la leishmaniose constitue le plus fréquent diagnostic différentiel du lupus vulgaire ; généralement, le parasite est visualisé dans les macrophages, surtout en phase initiale.

8- Lupus myxomateux :

Il comporte une masse molle jaunâtre localisée surtout sur le lobe de l’oreille, simulant les infiltrations lymphomateuses ; cette forme est à rapprocher d’une observation de tuberculose nodulaire du lobe de l’oreille (à proximité d’anciennes cicatrices d’adénopathies fistulisées rétroauriculaires) avec IDR phlycténulaire : mais la culture de bacille de Koch était positive, ce qui est exceptionnel dans le lupus.

9- Autres observations qualifiées de lupus :

Certaines sont difficiles à classer : ainsi on décrit des nodules peu nombreux de surface croûteuse localisés aux membres dans le cadre d’une tuberculose pulmonaire, avec histologie hyperplasique et culture négative, des plaques érythématosquameuses légèrement infiltrées d’aspect mamelonné, multifocales sur le tronc et les membres, avec cultures positives dans un contexte de pleurésie et d’hépatite granulomateuse…

H – ÉRYTHÈME INDURÉ DE BAZIN (ERYTHEMA INDURATUM) :

Ce syndrome anatomoclinique, décrit sous le nom d’érythème induré par Bazin en 1855 (donc à une date à laquelle la tuberculose et le bacille de Koch n’étaient pas encore individualisés), était observé chez des « scrofuleux ».

Il survient préférentiellement chez la femme (90 %), à tout âge après la puberté (âge moyen 40 ans).

Il comporte des poussées d’hypodermite de rythme variable (aggravées lors de fatigue ou en hiver), évoluant durant plusieurs années, précédées de signes généraux (fièvre, asthénie), d’une sensation de « jambes lourdes ».

Il se traduit par la survenue de nodules inflammatoires de 1 à 2 cm de diamètre, fermes, mal circonscrits, généralement mobiles par rapport au plan profond, peu nombreux (un à dix), parfois confluents en placards indurés, sensibles ou douloureux surtout à la palpation, prédominant, de façon bilatérale et non symétrique, aux membres inférieurs, préférentiellement au tiers inférieur de la face postérieure des jambes ; l’épiderme est érythématoviolacé (avec parfois une collerette de desquamation) ou de couleur normale.

L’évolution se fait vers l’ulcération une fois sur trois, avec un aspect proche des gommes tuberculeuses.

La guérison spontanée s’obtient en quelques semaines à quelques mois, avec une hyperpigmentation séquellaire plutôt sans atrophie.

Histologiquement, on observe un infiltrat lymphohistiocytaire hypodermique lobulaire, et parfois septal, puis dermohypodermique avec une atteinte vasculaire multifocale, touchant les vaisseaux artériels et, typiquement, thrombosant les veines de moyen et petit calibres avec nécrose fibrinoïde et leucocytoclasie.

Les granulomes tuberculoïdes périvasculaires plus tardifs comportent parfois une nécrose caséeuse.

In vitro, l’hypersensibilité des lymphocytes T aux protéines purifiées dérivées de la tuberculine est objectivée chez deux femmes présentant un érythème induré de Bazin évoluant depuis plus de 10 ans.

Le syndrome inflammatoire est modéré, la bactériologie des nodules est négative et il existe habituellement une hyperréactivité à la tuberculine, avec une induration supérieure à 10 mm.

Les controverses à propos de ce syndrome sont essentiellement nosologiques et concernent son étiologie.

D’une part, le bacille de Koch n’est pas mis en évidence à l’examen direct ou à la culture ; bien que les nouvelles techniques de PCR apportent des arguments en faveur de l’origine tuberculeuse dans quelques observations, la spécificité et la sensibilité ne sont pas parfaites.

L’histologie granulomateuse dite « tuberculoïde » n’est pas non plus spécifique.

D’autre part, bien que l’antibiothérapie antibacillaire ait été utilisée dans certaines observations anciennes, parfois même sans foyer tuberculeux sous-jacent objectivable (l’érythème induré a d’ailleurs rarement été observé chez des malades ayant une tuberculose active), et ait pu être considérée comme efficace, des études plus récentes ont montré l’importance des récurrences malgré un traitement bien conduit.

Enfin et surtout, d’autres étiologies ont été découvertes pour des malades ayant un tableau anatomoclinique tout à fait similaire.

Aussi, Montgomery a défini, par exclusion en 1945, le concept de vasculite nodulaire (nodular vasculitis).

En réalité, il est préférable de considérer que l’érythème induré de Bazin fait partie d’un spectre anatomoclinique plus large (avec probablement une physiopathogénie commune basée sur les mécanismes de l’hypersensibilité retardée), et qu’il faut réserver cette dénomination historique à l’infection tuberculeuse.

L’hypodermite nodulaire subaiguë migratrice de Vilanova est une entité proche survenant volontiers sur un terrain de troubles circulatoires, surtout veineux ; elle s’exprime par un nodule initialement isolé sur la face antérolatérale d’une jambe, s’étendant en placard érythématoviolacé, indolore, de grande taille (> 10 cm), suivi d’autres lésions, régressant en quelques mois à quelques années.

Le streptocoque constitue l’autre principale étiologie infectieuse des dermohypodermites nodulaires avec vasculite granulomateuse.

Le diagnostic différentiel doit se faire bien entendu avec l’ensemble des dermohypodermites nodulaires (notamment l’érythème noueux, d’autant plus qu’on lui reconnaît trois causes prévalentes : le streptocoque, la sarcoïdose et la tuberculose ; les panniculites lobulaires pancréatiques, de Weber-Christian et par déficit en alpha- 1-antitrypsine ; les panniculites mixtes notamment médicamenteuses) et/ou des vasculites granulomateuses (sarcoïdose, maladie de Wegener, syndrome de Churg et Strauss…) et des thromboses veinulaires (phlébites superficielles, maladie de Buerger).

I – TUBERCULIDES PAPULONÉCROTIQUES :

L’éruption évolue par poussées et comporte des papules d’aspect bigarré correspondant aux stades successifs de la lésion élémentaire, prédominant de façon bilatérale et symétrique aux faces d’extension des membres, aux faces dorsales des doigts et des orteils, aux fesses, aux lombes.

Ainsi, on observe des papules pourpres, dures, infiltrées, des papulopustules recouvertes d’une croûtelle, des lésions nécrotiques qui disparaissent spontanément en laissant une cicatrice déprimée.

L’histologie retrouve la composante granulomateuse avec présence de cellules géantes, de lymphocytes et d’histiocytes et la composante nécrotique avec caséification centrale.

L’IDR à la tuberculine est toujours positive, volontiers phlycténulaire, bien que, dans une observation de tuberculose « congénitale » comportant des lésions à type de tuberculides papulonécrotiques, l’enfant présente une anergie tuberculinique.

La recherche de bacille de Koch est toujours négative.

Ayant observé la transformation de tuberculides papulonécrotiques en lupus vulgaire, des auteurs ont émis l’hypothèse que cette éruption granulomateuse pourrait correspondre à une maladie à complexes immuns (type III) en réponse à la libération intravasculaire de bacille de Koch, suivie d’une réaction d’hypersensibilité retardée (type IV).

Il existe des observations associant, chez un même malade, des tuberculides papulonécrotiques et un érythème induré.

Les principaux diagnostics différentiels à éliminer sont cliniquement, le parapsoriasis en gouttes varioliforme, l’acné nécrotique, les syphilides nécrotiques, le prurigo et les folliculites pyococciques froides, histologiquement, le granulome annulaire dans sa forme profonde et la vascularite granulomateuse de Churg et Strauss.

J – LICHEN SCROFULOSORUM :

Décrite par Hebra en 1868, l’éruption résulte de la coalescence en placards granités de micropapules folliculaires, rosées, peu ou pas prurigineuses, recouvertes parfois de micropustules ou surmontées de squames filiformes ou d’épines kératosiques (spinulosiques), avec des papules non folliculaires, jaunâtres, d’aspect lichénoïde ; elle prédomine au tronc, touche les membres, rarement la face, survient chez l’enfant ou l’adulte jeune et est presque toujours associée à une tuberculose ancienne ou évolutive, le plus souvent ganglionnaire ou osseuse.

L’histologie retrouve un granulome tuberculoïde parfois seulement ébauché avec un infiltrat longeant le follicule pileux dont l’orifice est empli de lamelles cornées parakératosiques. Les diagnostics différentiels à évoquer sont l’eczéma et le lichen plan folliculaires, le lichen nitidus, les syphilides ou les sarcoïdes lichénoïdes.

L’IDR à la tuberculine est généralement fortement positive, bien que de rares observations s’accompagnent d’une anergie tuberculinique.

K – LUPUS MILIAIRE DISSÉMINÉ DE LA FACE :

Le lupus miliaire disséminé de la face a été décrit par Fox en 1878 sous le nom de « lupus miliaris follicularis faciei disseminata », puis par Barthélémy, en 1891, sous le terme d’« acnitis » et par Crocker, en 1903, sous le nom d’« acné agminata ».

Il se caractérise par l’apparition en plusieurs poussées, chez de jeunes adultes ou des adolescents, de micropapules ou/et de pustules isolées sans kyste ni comédon, sans érythème ni phénomène vasomoteur sous-jacents, d’évolution volontiers nécrotique, disparaissant spontanément en quelques mois, laissant des cicatrices atrophiques.

La localisation médiofaciale (menton, lèvre supérieure, racine du nez, pommettes et paupières) est prédominante mais peut s’accompagner parfois de quelques lésions sur le cou, les membres, les organes génitaux externes.

L’histologie comporte un granulome tuberculoïde avec nécrose centrale anhiste.

Cette histologie avait fait évoquer initialement une origine tuberculeuse. Mais la fréquente négativité de l’IDR à la tuberculine, l’absence de bacille de Koch à l’examen direct et à la culture, la normalité de la radiographie pulmonaire et l’absence de contage à l’anamnèse, enfin plus récemment la négativité de la PCR, peuvent faire envisager d’autres hypothèses.

La rosacée est évoquée du fait de l’aspect parfois acnéiforme des lésions et de l’histologie compatible ; mais l’habituel jeune âge des malades, l’absence de cortège clinique typique (flush, érythème sous-jacent), l’évolution et le mode de cicatrisation différents font écarter ce diagnostic, bien que d’authentiques rosacées granulomateuses puissent être confondues avec cette entité.

La sarcoïdose à petits nodules est de même éliminée devant l’existence de pustules, le mode d’évolution.

L’acné, principal diagnostic différentiel du fait de sa fréquence à cet âge, se distingue par l’atteinte du follicule sébacé et la présence de kystes et comédons.

Certains auteurs pensent que le lupus miliaire disséminé de la face est une entité à part entière, résultant d’une réaction granulomateuse à un agent encore indéterminé (le demodex ou le sébum ayant été suspectés), sans rapport avec la tuberculose.

Les thérapeutiques utilisées sont celles de l’acné (cyclines, rétinoïdes) ou la dapsone ; l’évolution spontanément favorable rend leur emploi inutile. Prophylaxie.

Traitement :

A – BCG : MODALITÉS, COMPLICATIONS

Le vaccin BCG est constitué de bacilles vivants atténués, obtenus par Calmette et Guérin après cultures répétées de Mycobacterium bovis sur milieu à la pomme de terre glycérinée et biliée.

La vaccination se fait par injection intradermique de 0,1 mL de vaccin lyophilisé à la face postéroexterne du deltoïde chez l’adulte, à la partie supéroexterne de la cuisse chez l’enfant.

Les complications spécifiques sont l’ulcération persistante (> 4 mois) ou étendue (> 1 cm), l’abcès sous-cutané, l’adénite, la « bécégite » par dissémination lymphatique ou hématogène qui apparaît généralement sur un terrain de déficit immunitaire congénital (maladie granulomateuse chronique, déficit combiné sévère…) ou acquis (infection VIH, hémopathies, corticothérapie…).

Plusieurs observations de lupus vulgaire ou de tuberculides papuleuses ont été publiées après vaccination par le BCG ; le délai d’apparition est très variable, allant de quelques semaines à plusieurs années ; le lupus se situe généralement au site de ponction intradermique et évolue sur une longue période.

Cela est à rapprocher de l’observation de tuberculides papulonécrotiques après infection par Mycobacterium bovis chez une femme âgée traitée par corticothérapie générale pour une artérite de Horton.

L’effet protecteur direct du BCG est diversement évalué selon les études, mais une méta-analyse fait état d’une réduction globale de 50 % du risque de tuberculose aussi bien pulmonaire qu’extrathoracique, avec surtout un taux de protection plus important pour les formes graves, notamment les méningites.

La durée de protection vaccinale est variable selon l’individu et le pouvoir protecteur du BCG n’est pas corrélé de façon proportionnelle à l’intensité de la réaction tuberculinique.

Dans les pays à forte endémie tuberculeuse, certains auteurs proposent une revaccination systématique des enfants en âge scolaire.

B – TRAITEMENT ANTITUBERCULEUX :

Le traitement de la tuberculose extrathoracique et notamment cutanée (avec présence de bacille de Koch dans les cultures ou/et association à une autre localisation, notamment osseuse ou ganglionnaire dans le cas des scrofulodermes) est identique au traitement de la tuberculose pulmonaire.

Il comporte, en phase initiale, une tri- ou une quadrithérapie afin d’éviter l’acquisition de résistances et pour rendre le patient rapidement non contagieux. Plusieurs régimes sont utilisés en fonction de critères individuels (contre-indications, effets secondaires…) et d’arguments épidémiologiques (coût, résistance…).

Le régime, dit de combinaison fixe, alterne une association de 120 mg de rifampicine, 50 mg d’isoniazide et 300 mg de pyrazinamide par comprimé de Rifatert (1 comprimé/12 kg) durant 2 mois, puis une association de 300 mg de rifampicine et 150 mg d’isoniazide par comprimé de Rifinaht (1 comprimé/30 kg) durant 4 mois.

En cas de résistance, plusieurs molécules (généralement non disponibles en officines ou/et sans autorisation de mise sur le marché pour cette indication, nécessitant de ce fait une autorisation d’utilisation temporaire) peuvent se substituer aux antibiotiques de première intention : ce sont les quinolones (sparfloxacine : Zagamt, ofloxacine : Oflocett…), les aminosides (streptomycine : Streptomycinet, amikacine : Amiklint, kanamycine : Kamycinet ; leur utilisation est limitée essentiellement par leur toxicité rénale et auditive), les ansamycines (rifabutine : Ansatipinet), les polypeptides (capréomycine), les thioamides (éthionamide : Trecatort), la clofazimine (Lamprènet)…

Les formes rencontrées lors du sida sont généralement multibacillaires et s’intègrent souvent dans le cadre d’une miliaire tuberculeuse à germes plus volontiers chimiorésistants.

L’antibiothérapie doit être adaptée à l’antibiogramme, doit comporter au minimum trois antibiotiques et être prolongée 9 à 12 mois après négativation des cultures.

Il existe de nombreuses interactions médicamenteuses avec la bi- ou trithérapie antirétrovirale, notamment entre la rifampicine, la zidovudine AZT : Retrovirt, la lamivudine 3TC : Epivirt et les inhibiteurs des protéases (saquinavir : Inviraset, ritonavir : Norvirt et indinavir : Crixivant), entre l’isoniazide, le didanosine ddI : Vidext et le zalcitabine ddC : Hividt.

L’antibiothérapie des formes intermédiaires de tuberculose cutanée (lupus vulgaire notamment), en l’absence de culture de bacille de Koch positive et de foyer tuberculeux profond, est discutable bien que classique.

Quant au traitement des tuberculides, en l’absence de tuberculose évolutive sous-jacente, il semble peu logique si l’on considère qu’il pourrait s’agir d’une réaction d’hypersensibilité cellulaire retardée aux antigènes mycobactériens.

Or de nombreux auteurs considèrent justement la guérison sous chimiothérapie comme un argument de l’origine tuberculeuse de ces affections, bien que l’évolution soit assez souvent spontanément régressive (malgré de fréquentes récidives, notamment pour l’érythème induré de Bazin)…

Diverses autres thérapeutiques ont été utilisées (corticothérapie locale ou générale, colchicine, iodure de potassium…), mais aucune conclusion ne peut être tirée en raison de la faible taille des effectifs et de l’absence d’essai contrôlé.

Conclusion :

La tuberculose cutanée avait été parfaitement bien décrite et iconographiée par nos Anciens.

Devenue rarissime en Europe malgré l’augmentation de l’incidence de la tuberculose, notamment des formes extrapulmonaires du fait de l’épidémie de sida, elle demeure endémique dans les pays en voie de développement.

Si certaines entités sont de nosologie discutée, il ne faudrait pas pour autant nier l’existence de très probables réactions immunologiques après infection par le bacille de Koch et oublier d’évoquer la tuberculose systématiquement devant des manifestations cutanéomuqueuses granulomateuses.

Cependant, il demeure beaucoup d’inconnues en matière de tuberculose cutanée et il faut souhaiter que le développement des techniques d’amplification génique et des méthodes microbiologiques clarifie sa classification immuno-anatomo-clinique.

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