Troubles de l’oculomotricité

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Introduction :

Les troubles de l’oculomotricité concernent l’oculomotricité intrinsèque et l’oculomotricité extrinsèque.

Troubles de l’oculomotricitéNous décrivons ici d’abord la pathologie oculomotrice pupillaire liée à l’atteinte des connexions tecto-oculo-motrices (syndrome d’Argyll Robertson), de la voie parasympathique (III et pupille tonique) ou de la voie sympathique (syndrome de Claude Bernard-Horner).

Nous envisageons ensuite la pathologie extrinsèque qui se traduit par la limitation des mouvements oculaires normaux ou par l’apparition de mouvements anormaux.

Ces atteintes sont décrites suivant l’anatomie des voies de la motilité oculaire : atteintes musculaires, pathologies des noyaux oculomoteurs, en infra- ou en supranucléaire.

Enfin, nous verrons les nystagmus pathologiques et les intrusions saccadiques qui représentent les mouvements anormaux.

Leur classification suivant les caractéristiques cliniques est la plus utile en pratique.

Oculomotricité intrinsèque : atteintes pupillaires

La pupille est un orifice réglable par lequel les rayons lumineux pénètrent dans le globe oculaire et arrivent à la rétine.

Elle adapte sa taille à différents paramètres pour assurer à la rétine un fonctionnement optimal.

Les anomalies pupillaires sont des anomalies de taille (myosis bilatéral, mydriase bilatérale ou différence de taille entre les pupilles [anisocorie]) et/ou de réactivité des pupilles.

Après un bref rappel anatomophysiologique, nous décrivons l’examen des pupilles.

Ensuite, nous abordons la pathologie pupillaire. Les tests aux collyres sont développés au niveau de chaque atteinte pupillaire.

A – RAPPEL ANATOMOPHYSIOLOGIQUE :

Le sphincter de l’iris, constricteur, est innervé par le parasympathique dont le médiateur est l’acétylcholine.

C’est une voie à deux neurones dont le centre est situé dans les pédoncules cérébraux au niveau du noyau d’Edinger-Westphal, à la partie antéro-interne du noyau du moteur oculaire commun (III).

Les fibres directes et croisées empruntent le tronc du III et font relais dans le ganglion ciliaire.

Les fibres postganglionnaires constituent les nerfs ciliaires courts.

Le système sympathique, dont le médiateur est la noradrénaline, assure un tonus permanent au dilatateur irien.

C’est une chaîne à trois neurones qui ne traverse pas la ligne médiane.

Elle naît dans l’hypothalamus, au niveau du plancher du IIIe ventricule (centre de Karplus et Kreidl) ; le premier neurone diencéphalomédullaire se termine dans le centre de Budge et Waller, situé entre C8 et D2, le deuxième neurone rejoint la chaîne du sympathique cervical jusqu’au ganglion cervical supérieur.

De là naît le troisième neurone qui chemine le long de la carotide interne puis gagne le ganglion de Gasser, l’ophtalmique de Willis, et innerve le dilatateur via les nerfs ciliaires longs.

Dans les conditions physiologiques, la taille de la pupille varie de 1,7 mm (myosis) à 8 mm (mydriase).

Les deux pupilles sont de taille égale, dites isocores.

Il faut savoir qu’il existe de fréquentes anisocories physiologiques (17 % des anisocories environ).

Dans ce cas, les réflexes photomoteurs (RPM) direct et consensuel et le myosis lié à l’accommodation convergence sont normaux.

La différence de taille entre les pupilles est en règle minime (0,3 à 0,7 mm) et ne se modifie pas en fonction de l’éclairage ambiant.

Les pupilles se contractent à la lumière de façon simultanée : c’est le RPM direct (homolatéral) et consensuel (controlatéral).

Cette constriction est sous la dépendance du contingent parasympathique du III.

C’est une voie à quatre neurones :

– elle part des photorécepteurs rétiniens et chemine via le nerf optique puis le chiasma, où une partie des fibres croisent, ce qui explique le RPM direct et consensuel.

Les fibres abandonnent la bandelette un peu en avant du corps genouillé externe ;

– le relais se fait dans la région prétectale du tubercule quadrijumeau antérieur et le deuxième neurone va jusqu’au noyau d’Edinger-Westphal ;

– le retour se fait par la voie parasympathique à deux neurones susdécrite et se termine sur le muscle sphincter de l’iris.

De plus, les pupilles se contractent de façon égale en vision de près.

Ce myosis s’accompagne d’une réaction d’accommodation en rapport avec une contraction du muscle ciliaire.

La consigne de mise au point parvient aux noyaux du prétectum de façon bilatérale selon des voies supranucléaires mal connues.

La voie efférente de ce réflexe myosis-accommodation-convergence met en jeu la voie parasympathique provenant du noyau d’Edinger-Westphal.

Environ 90 % des efférences du ganglion ciliaire se destinent au muscle ciliaire, contre moins de 5 % au sphincter de l’iris.

B – EXAMEN DES PUPILLES :

Le diagnostic d’une pathologie pupillaire repose en grande partie sur l’examen clinique. On recherche à l’interrogatoire la notion d’instillation préalable d’un collyre par le patient ou son entourage dans les heures ou jours précédents, ainsi que la prise par voie générale de certains médicaments pouvant interférer avec la taille et/ou la dynamique pupillaire (par exemple anticholinergiques).

Il faut également éliminer, par un examen ophtalmologique, toute cause oculaire d’anisocorie : anomalies de l’iris, synéchies iridocristalliniennes, myosis d’une inflammation oculaire, semimydriase d’un glaucome aigu.

L’examen comporte deux temps.

1- Étude de la taille des pupilles :

Elle se fait par l’étude statique pupillaire avec un éclairage simultané des deux pupilles à la lumière ambiante, puis dans la pénombre, puis avec une lumière plus forte.

Ceci permet de mettre en évidence différents types de situations pathologiques :

– il existe une anisocorie à la lumière ambiante : une étude dynamique (RPM et dilatation à l’obscurité) va permettre de préciser la pathologie, la pupille pathologique étant en règle celle dont la taille varie le moins en fonction de l’éclairement ;

– les pupilles sont de taille égale mais anormale et peu ou pas modifiée par un changement d’éclairement : myosis ou mydriase bilatérale ;

– les pupilles sont égales en lumière ambiante mais une anisocorie apparaît dans la pénombre, signant une paralysie du dilatateur irien (sympathique) : c’est un syndrome de Claude Bernard-Horner qui est affirmé par un test à la cocaïne.

2- Étude de la dynamique pupillaire :

– Il s’agit de la recherche d’une pupille amaurotique ou relative afferent pupillary defect (RAPD) ou signe de Marcus Gunn, qui témoigne de l’atteinte de la partie centripète du RPM, c’est-à-dire essentiellement du nerf optique.

On peut utiliser pour cela la méthode décrite par Levatin en 1959 et développée ensuite par Thompson en 1976 : c’est le swinging flashlight test ou méthode de l’éclairement alterné.

Elle doit être réalisée dans une pièce sombre, alors que le patient regarde à l’infini.

On fait passer rapidement une lumière vive d’un oeil à l’autre en restant un temps égal (3 à 5 secondes) sur chaque oeil.

– La réaction pupillaire à la vision de près est ensuite étudiée : elle comporte l’association d’un myosis, de l’accommodation et de la convergence. Au terme de l’examen et en fonction du contexte, le diagnostic est le plus souvent posé et les tests aux collyres ne sont donc qu’un support.

B – PATHOLOGIE PUPILLAIRE :

Nous n’envisageons pas ici la pathologie pupillaire liée à une atteinte de la voie afférente du RPM, c’est-à-dire survenant dans les atteintes du nerf optique quelle qu’en soit l’étiologie, qui ne constitue pas à proprement parler un trouble de l’oculomotricité. Nous n’envisageons pas non plus les atteintes pupillaires congénitales, la pathologie pupillaire médicamenteuse et les modifications survenant lors des comas.

1- Atteinte des connexions tecto-oculomotrices :

C’est le syndrome d’Argyll Robertson. Devant un myosis bilatéral peu ou pas réactif à la lumière, le premier diagnostic est celui de syndrome d’Argyll Robertson.

Les critères cliniques du diagnostic sont :

– le myosis : il s’agit de pupilles de petite taille (myosis).

Cependant, les pupilles peuvent être de taille intermédiaire ;

– la dissociation de la réaction pupillaire à la lumière par rapport à l’accommodation-convergence est le signe essentiel : le RPM est en règle diminué, voire totalement aboli au cours de l’évolution, mais il existe une conservation du myosis réflexe lié à l’accommodationconvergence étonnamment bon pour des pupilles de si petite taille ;

– ce syndrome est en règle bilatéral, mais il existe de nombreux cas asymétriques quant à la taille et/ou la réactivité des pupilles ;

– l’irrégularité pupillaire : les pupilles sont en règle irrégulières, ce d’autant qu’il existe, lors de l’évolution, des zones plus ou moins étendues d’atrophie de l’iris.

Les pupilles d’Argyll Robertson se développent sur plusieurs mois, voire des années.

Elles évoluent en général vers des pupilles de moins en moins réactives à la lumière, voire fixes avec une relative épargne de la contraction pupillaire à la convergence.

La lésion responsable est située au niveau de la partie dorsale du tronc cérébral, dans la région de l’aqueduc de Sylvius.

Elle interrompt les connexions tecto-oculomotrices qui abordent la partie dorsale du noyau d’Edinger-Westphal et épargne les fibres plus ventrales responsables de la réaction en vision rapprochée.

Le myosis, inconstant, serait lié à l’interruption des voies inhibitrices supranucléaires.

La constatation d’une telle pathologie pupillaire impose la recherche d’une cause, au premier rang desquelles se trouvait la syphilis secondaire qui doit toujours être envisagée, en particulier s’il existe un myosis important.

Cependant, d’autres causes ont été décrites : maladies générales (diabète, alcoolisme), encéphalites, sclérose en plaques (SEP), maladies inflammatoires (sarcoïdose), tumeurs du tronc cérébral, maladies dégénératives.

L’association d’un syndrome d’Argyll Robertson avec un syndrome de Parinaud signe une atteinte de la partie dorsale du mésencéphale, le plus souvent tumorale (pinéalome, tumeur de la calotte pédonculaire, métastase) ou une hydrocéphalie.

2- Troubles pupillaires lors de l’atteinte de la voie parasympathique :

L’atteinte de la voie parasympathique peut se situer au niveau du tronc cérébral (noyau du III), du premier neurone qui emprunte le trajet du tronc du III, du ganglion ciliaire (relais premier-second neurones) ou au niveau du deuxième neurone (nerfs ciliaires courts).

Cette atteinte est responsable, sur le plan pupillaire, d’une mydriase aréactive, avec souvent une paralysie accommodative (cycloplégie) plus ou moins complète.

L’existence d’une mydriase unilatérale aréactive doit faire rechercher une atteinte de la musculature extrinsèque du moteur oculaire commun.

L’atteinte isolée du III intrinsèque est exceptionnelle, et une mydriase unilatérale isolée indolore est le plus souvent une pupille d’Adie.

En cas d’atteinte compressive du III, il existe en règle une atteinte du III extrinsèque associée à l’anomalie pupillaire.

Les atteintes du III posent en effet le problème de leur étiologie, faisant craindre une pathologie anévrismale ou tumorale.

La prise en charge des patients se fait au cas par cas, mais obéit à des règles.

La pupille d’Adie est une pupille de grande taille avec une abolition du RPM.

À la lampe à fente, il existe des mouvements dits « vermiformes » de la marge pupillaire et l’on peut observer des paralysies parcellaires du sphincter irien.

Il existe une paralysie accommodative responsable de la gêne en vision de près, avec une contraction très lente et progressive de la pupille à la convergence.

C’est une pupille tonique : la contraction obtenue en accommodation-convergence est excessive et provoque un myosis serré qui inverse l’anisocorie.

Ce myosis persiste plusieurs minutes après la fin de l’épreuve, et la redilatation est lente et tonique.

Enfin, l’instillation d’un collyre myotique dilué (pilocarpine 0,125 %, une goutte deux fois à 5 minutes d’intervalle avec examen du patient à 45 minutes) qui n’agit pas sur la pupille normale provoque un myosis et inverse l’anisocorie dans 85 % des cas de pupille d’Adie : c’est l’hypersensibilité de dénervation, typique mais non pathognomonique de l’atteinte postganglionnaire.

La pupille d’Adie signe en effet une atteinte du ganglion ciliaire ou de ses racines : c’est une atteinte postganglionnaire de la voie parasympathique. Les pupilles d’Adie sont divisées en trois catégories :

– pupille tonique s’intégrant dans une atteinte locale du ganglion ciliaire, inflammatoire ou infectieuse, isolée ou dans le cadre d’un processus systémique (herpès, sarcoïdose, polyarthrite rhumatoïde).

Il peut s’agir aussi d’une atteinte traumatique (traumatologie orbitaire, chirurgie orbitaire ou oculaire, injections rétrobulbaires) ;

– pupilles toniques associées à une neuropathie périphérique ou dysautonomique (alcoolisme, diabète, syndrome de Guillain et Barré), à un syndrome dysautonomique aigu, à une neuropathie héréditaire sensitivomotrice (syndrome de Charcot-Marie-Tooth) ou à une amylose ;

– syndrome d’Adie qui apparaît de façon isolée chez des individus en bonne santé.

Son incidence est de 4,7/100 000 ; il survient le plus souvent chez la femme (70 %) entre 20 et 50 ans et est en général unilatéral (80 %).

Dans le syndrome d’Adie, la parésie accommodative se résout en règle en quelques mois.

L’atteinte pupillaire s’accompagne souvent d’une hypo- ou d’une aréflexie ostéotendineuse qui tend à se majorer dans le temps.

En vieillissant, la pupille d’Adie diminue de taille, garde son caractère aréactif et la parésie accommodative s’améliore (50 % des patients ont retrouvé toute leur accommodation à 2 ans).

La bilatéralisation n’est pas rare ; la fréquence de l’atteinte du deuxième oeil est estimée par Thompson à 4 % par an.

En cas de bilatéralité, la pupille d’Adie vieillie peut alors poser des problèmes de diagnostic différentiel avec le syndrome d’Argyll Robertson.

3- Troubles pupillaires lors de l’atteinte de la voie sympathique :

Il s’agit essentiellement du syndrome de Claude Bernard-Horner.

À la lumière, on peut retrouver une anisocorie, mais les deux pupilles sont parfois à peu près égales.

À l’obscurité, l’anisocorie apparaît ou se majore avec un myosis du côté pathologique.

Il existe une atteinte du dilatateur irien et donc la pupille dilate moins et plus lentement que la pupille normale.

En revanche, la voie parasympathique est intacte, le RPM et la réaction pupillaire à l’accommodation-convergence sont donc conservés.

On recherche toujours un discret ptôsis associé, lié à l’atteinte du muscle lisse de Müller, innervé par le sympathique.

De même, la paupière inférieure s’élève, l’ensemble créant un rétrécissement de la fente palpébrale, avec une apparente énophtalmie.

Il peut exister, en particulier lors d’atteinte préganglionnaire au niveau de la chaîne sympathique cervicale, des troubles de la sécrétion sudorale (anhidrose) et de la vasorégulation au niveau de l’hémiface homolatérale à la lésion (vasodilatation).

Ceci peut s’accompagner d’une hyperhémie conjonctivale homolatérale, d’un larmoiement et d’une obstruction nasale.

Le diagnostic de syndrome de Claude Bernard-Horner est avant tout clinique et repose sur le contexte (chirurgie cervicale [thyroïde] ou thoracique [pacemaker], lésion de l’apex pulmonaire…) et l’examen des pupilles.

Il faut toujours s’assurer, dans les cas de syndrome de Claude Bernard-Horner acquis, du caractère récent du ptôsis (photographies).

En effet, une anisocorie physiologique associée à un ptôsis congénital peut, à première vue, passer pour un syndrome de Claude Bernard-Horner.

Dans les cas difficiles, le diagnostic peut être confirmé et précisé par les tests aux collyres :

– la cocaïne, sympathomimétique, a une action indirecte en inhibant le recaptage de la noradrénaline au niveau des synapses sympathiques.

Le collyre à la cocaïne à une concentration de 4 à 10 % dilate donc la pupille normale mais est sans action sur la pupille sympathique, quel que soit le niveau de l’atteinte.

Le test à la cocaïne majore l’anisocorie. Plus la concentration est élevée, plus le délai d’action est rapide. En pratique, une goutte est placée dans chaque oeil et une seconde goutte 5 minutes plus tard.

Le patient est observé toutes les 15 minutes, jusqu’à 45 minutes, pour évaluer la vitesse et l’importance de la réponse pupillaire.

Pour localiser la lésion, l’élément le plus fiable est encore la clinique et la recherche des signes associés ;

– un test à l’épinéphrine (ou adrénaline) diluée (1/1 000) ou à la néosynéphrine (phényléphrine à 1 %) en s’assurant de l’intégrité de l’épithélium cornéen et plus de 48 heures après le test à la cocaïne peut être utilisé.

Les sympathomimétiques dilués sont sans action sur la pupille sympathique en cas d’atteinte préganglionnaire (premier et deuxième neurones), mais dilatent la pupille pathologique (hypersensibilité de dénervation) en cas d’atteinte postganglionnaire ;

– le test de référence pour différencier les atteintes sympathiques préganglionnaires (premier et deuxième neurones) et postganglionnaires (troisième neurone) est le test à l’hydroxyamphétamine à 1 % (Parédrinet) qui dilate la pupille normale et le syndrome de Claude Bernard-Horner en cas d’atteinte préganglionnaire, mais est sans effet en cas d’atteinte postganglionnaire (l’hydroxyamphétamine agit en relargant de la noradrénaline au niveau de la synapse des neurones préganglionnaires).

Ce test n’est pas pratiqué en France.

* Étiologies : syndrome de Claude Bernard-Horner acquis

+ Central :

L’atteinte concerne le premier neurone ; c’est la plus rare.

Les causes vasculaires sont responsables de la majorité des atteintes du premier neurone.

Parmi elles, l’occlusion de l’artère cérébelleuse postérieure et inférieure est responsable du syndrome de Wallenberg.

Ces atteintes, pédonculaires, protubérantielles ou bulbaires, vasculaires ou tumorales, donnent des syndromes bien individualisés, d’une grande valeur localisatrice.

Parmi les autres causes, beaucoup plus rares, on retrouve : la syringomyélie, la SEP, les traumatismes et les causes infectieuses.

+ Atteinte préganglionnaire du second neurone :

Les lésions sont médiastinales hautes, cervicales basses et thoraciques hautes.

Elles représentent 20 à 60 % des syndromes de Claude Bernard-Horner, selon les séries.

Les causes peuvent être traumatiques, chirurgicales, tumorales. Citons les lésions de l’apex pulmonaire, responsables du syndrome de Pancoast-Tobias.

+ Atteinte postganglionnaire :

Le troisième neurone qui naît dans le ganglion cervical supérieur, suit dans un premier temps la carotide interne, passe brièvement dans le sinus caverneux avec le VI et ensuite entre dans l’orbite.

Les lésions touchant le troisième neurone peuvent donc être extracrâniennes, intracrâniennes et orbitaires.

Au niveau extrâcranien, la principale étiologie du syndrome de Claude Bernard-Horner est la dissection de la carotide interne extracrânienne.

En effet, celle-ci s’accompagne dans un tiers des cas d’un syndrome de Claude Bernard-Horner homolatéral, particulièrement évocateur quand il est associé à une douleur orbitaire unilatérale.

En pratique, un syndrome de Claude Bernard-Horner douloureux est une dissection carotidienne jusqu’à preuve du contraire et impose de faire réaliser en urgence un échotomographie-doppler carotidien, voire une imagerie par résonance magnétique (IRM), pour en faire le diagnostic.

Il existe d’autres causes de syndrome de Claude Bernard-Horner douloureux : l’algie vasculaire de la face et le syndrome de Raeder.

Au niveau de la loge caverneuse, les atteintes sont essentiellement tumorales et inflammatoires (syndrome de Tolosa et Hunt réalisant également une atteinte douloureuse).

Une paralysie oculomotrice (POM) du VI, associée à un syndrome de Claude Bernard-Horner homolatéral, évoque fortement une lésion à ce niveau.

Au niveau du sinus caverneux, un syndrome de Claude Bernard-Horner peut être associé à une atteinte du III avec un ptôsis.

Parfois il existe une mydriase, et dans ce cas, l’atteinte du III masque l’atteinte sympathique postganglionnaire.

Le plus souvent, la pupille n’est pas dilatée, mais il ne s’agit pas d’une épargne pupillaire et l’atteinte pupillaire sympathique peut être affirmée par un test à la cocaïne.

Les atteintes orbitaires peuvent être tumorales, inflammatoires ou traumatiques (injection rétrobulbaire lors d’une chirurgie de la cataracte).

Mais il existe presque toujours dans ce cas des POM associées, faisant passer le syndrome de Claude Bernard-Horner au second plan.

Oculomotricité extrinsèque :

A – PHYSIOLOGIE ET RÔLE DES MOUVEMENTS OCULAIRES :

Les mouvements oculaires sont au service de la vision.

La correspondance sensorielle est servie par la correspondance motrice qui assure une double fonction :

– maintenir les deux macula de façon stable face à l’image fixée, et ceci quels que soient les déplacements du sujet, de l’objet fixé et de l’environnement.

Les mouvements oculaires lents assurent cette fonction (poursuite, phases lentes du nystagmus optocinétique et du nystagmus vestibulaire) ;

– quand une nouvelle image est sélectionnée, les mouvements oculaires rapides, ou saccades, permettent de changer de point de fixation.

B – SIGNES FONCTIONNELS :

La diplopie, c’est-à-dire la perception d’un même objet dans deux endroits différents de l’espace visuel, est la principale plainte rencontrée en pathologie oculomotrice.

En effet, lors de l’atteinte d’un muscle ou d’un nerf oculomoteur, ou plus rarement dans certaines atteintes des voies supra- ou internucléaires, les correspondances motrices et sensorielles vont être perturbées et le patient se plaint de voir double.

Parfois, les deux images ne sont pas clairement séparées et le patient se plaint d’un flou visuel.

Les nystagmus et les mouvements anormaux se caractérisent par l’impossibilité de maintenir l’image de façon stable sur la macula.

Le patient se plaint d’oscillopsie, c’est-à-dire d’une instabilité de l’image qui va le gêner en vision de loin et à la lecture, et être responsable d’une baisse de l’acuité visuelle.

C – MÉTHODES D’EXAMEN :

L’interrogatoire est le premier temps de l’examen.

Il renseigne sur la symptomatologie fonctionnelle (diplopie, oscillopsie, existence d’une symptomatologie neurologique associée : par exemple troubles de l’équilibre), ses circonstances de survenue (traumatisme, effort physique, lecture), le terrain (âge, antécédents oculaires, vasculaires) et l’existence de signes associés (céphalées, douleurs périoculaires, éclipses visuelles, baisse d’acuité visuelle ou trouble du champ visuel, nausées, vertiges, signes généraux évoquant un Horton)…

L’inspection recherche :

– une attitude vicieuse de la tête ou torticolis : s’il existe une diplopie, pour essayer de la diminuer, le patient a tendance à tourner la tête dans le champ d’action du muscle atteint ;

– un strabisme ou tropie en position de repos (dite position primaire) : celui-ci peut être convergent (ésotropie), divergent (exotropie) ou vertical (hyper- ou hypotropie) ;

– un ptôsis : il traduit l’atteinte du releveur de la paupière supérieure. S’il couvre l’aire pupillaire, il supprime la diplopie.

L’association d’un ptôsis à une atteinte oculomotrice doit faire rechercher un déficit des autres muscles innervés par le III. L’examen de la motilité oculaire comprend :

– l’étude des différents types de mouvements oculaires, dans le plan horizontal et vertical :

– les saccades sont étudiées oeil par oeil, puis les deux yeux ensemble, en demandant au patient de déplacer ses yeux ;

– la poursuite oculaire s’étudie également oeil par oeil, puis les deux yeux ensemble, en faisant suivre le doigt de l’examinateur ou un objet déplacé lentement ;

– les mouvements vestibulo-oculaires sont étudiés en déplaçant la tête du patient qui fixe l’examinateur : c’est le réflexe oculocéphalique ;

– un examen sous écran opaque (en réalisant une occlusion unilatérale intermittente puis une occlusion alternée ou cover test) :

– soit les globes restent immobiles et le sujet est orthophorique ;

– soit l’oeil couvert est dévié, mais reprend la fixation quand on le découvre, sans faire bouger l’autre oeil : le sujet est hétérophorique (exophorique si la déviation est vers le dehors et ésophorique si elle est vers le dedans) ;

– dans le cas d’une POM, la reprise de la fixation quand on découvre l’oeil dévié se fait au prix d’une déviation de l’autre oeil : il s’agit d’une tropie (strabisme ou paralysie oculomotrice).

En cas de POM, la déviation n’est pas stable ; elle est maximale dans le champ d’action du muscle paralysé et diminue dans la direction opposée ;

– s’il existe une diplopie binoculaire traduisant une anomalie de l’alignement oculaire, celle-ci peut être étudiée par la méthode du verre rouge ou par un test de Lancaster.

Ces deux techniques sont développées dans l’article consacré à la diplopie.

D – ATTEINTES INFRANUCLÉAIRES : MUSCLES ET JONCTION NEUROMUSCULAIRE

1- Anatomie :

Les muscles oculomoteurs sont au nombre de six par oeil : quatre muscles droits (interne, externe, inférieur et supérieur) et deux obliques (grand oblique ou oblique supérieur, petit oblique ou oblique inférieur).

Les quatre muscles droits ont leur origine au sommet de l’orbite, au niveau du tendon de Zinn.

À partir de là, ils forment le cône musculaire.

Leur insertion antérieure sur le globe oculaire se fait à une distance variable du limbe, comprise entre 5,5 et 7,5 mm.

Le grand oblique, rétroéquatorial, se réfléchit sur une poulie à la face interne de l’orbite et s’insère sur la partie postéroexterne du globe.

Le petit oblique est également rétroéquatorial.

Il naît de la face interne de l’orbite, cravate le globe oculaire dans sa partie inférieure et s’insère dans le quadrant temporal au niveau du méridien horizontal.

Les troubles oculomoteurs induits par une pathologie périphérique sont divers et multiples, puisque n’étant pas provoqués par une atteinte systématisée.

Il n’y a presque jamais d’atteinte pupillaire.

En revanche, les muscles palpébraux sont souvent atteints (releveur de la paupière supérieure et orbiculaire), l’atteinte est souvent bilatérale et asymétrique.

Enfin, des signes systémiques existent parfois.

Ces atteintes périphériques peuvent être classées en trois groupes : les myopathies par atteinte musculaire primitive, les orbitopathies qui entraînent une limitation mécanique de l’action musculaire, et la pathologie de la jonction neuromusculaire où muscle et nerf sont initialement normaux.

2- Myopathies :

Au décours des myopathies, il faut se souvenir que si l’atteinte musculaire paraît le plus souvent primitive, des modifications musculaires secondaires à une dénervation sont également possibles.

* Myopathies mitochondriales :

Les maladies mitochondriales sont des maladies liées au dysfonctionnement de la chaîne respiratoire, une des fonctions de la mitochondrie.

Ce dysfonctionnement entraîne un déficit énergétique cellulaire, particulièrement sensible au niveau des tissus consommateurs d’énergie que sont le muscle et le système nerveux.

L’ophtalmoplégie externe progressive chronique (OEPC) associe de façon lentement progressive un ptôsis bilatéral à une limitation à peu près symétrique et importante des mouvements oculaires.

Ce syndrome n’est pas spécifique des myopathies mitochondriales, puisqu’il se rencontre au cours d’autres atteintes musculaires, mais il reste très évocateur. Les patients se plaignent rarement de diplopie.

En revanche, la faiblesse des muscles palpébraux, en particulier des orbiculaires, est responsable de kératites d’exposition invalidantes.

La maladie débute souvent dans les trois premières décennies.

La biopsie musculaire montre une accumulation mitochondriale avec fibres musculaires anormales (red ragged fibers).

L’atteinte est liée à une délétion de l’acide désoxyribonucléique (ADN) mitochondrial et est habituellement d’apparition sporadique et non transmissible.

Le syndrome de Kearns-Sayre associe une OEPC importante, un début avant 20 ans et une rétinopathie pigmentaire.

De plus, doit exister au moins l’un des signes suivants : bloc cardiaque complet, hyperprotéinorachie (supérieure à 1 mg/mL), atteinte cérébelleuse.

La rétinopathie débute au pôle postérieur et s’accompagne d’une mauvaise acuité nocturne.

Un nystagmus pendulaire peut exister.

* Dystrophies musculaires :

Ce sont des maladies génétiquement déterminées qui entraînent progressivement un affaiblissement et une destruction musculaires par atteinte primitive du muscle.

– La dystrophie myotonique ou maladie de Steinert est une maladie à transmission autosomale dominante, associant une faiblesse musculaire distale à une myotonie, retard involontaire à la relaxation après une contraction musculaire.

Le ptôsis et l’atteinte des orbiculaires sont fréquents.

L’atteinte oculomotrice associe, à des degrés variables, une ophtalmoparésie à des saccades retardées, lentes et hypométriques.

La cataracte polychromatique est constante.

Des anomalies pigmentaires rétiniennes sont fréquentes.

– La dystrophie oculopharyngée est aussi une maladie à transmission autosomale dominante qui apparaît après 40 ans dans certains groupes ethniques.

Le ptôsis est partiel, symétrique.

L’ophtalmoplégie est souvent modérée.

La biopsie musculaire est typique.

Les dystrophies musculaires congénitales sont rares.

* Maladies des canaux ioniques :

C’est un groupe de maladies rares, caractérisé par la myotonie.

La maladie est provoquée par une anomalie de transfert de certains ions (calcium, potassium, chlore) à la surface membranaire musculaire.

L’atteinte des muscles oculomoteurs est très rare.

En revanche, il existe souvent une asynergie oculopalpébrale lors des poussées, avec parfois un blépharospasme (paralysie familiale périodique hyperkaliémique).

* Myosites :

L’atteinte inflammatoire d’un ou plusieurs muscles se traduit par une diplopie douloureuse.

Le plus souvent idiopathique, cette atteinte est une forme a minima de pseudotumeur inflammatoire que nous verrons plus loin.

3- Atteintes musculaires restrictives :

La limitation « mécanique » de l’action musculaire entraîne une diplopie.

Le plus souvent, il s’agit d’un traumatisme (fracture du plancher de l’orbite) ou d’une maladie de Basedow.

Mais tout processus intraorbitaire infiltrant, compressif ou inflammatoire peut être responsable.

* Orbitopathie dysthyroïdienne :

Maladie auto-immune, l’orbitopathie dysthyroïdienne (OT) est la cause la plus fréquente des orbitopathies restrictives.

Elle s’associe parfois à une myasthénie.

Elle peut précéder la pathologie thyroïdienne. Le diagnostic est alors difficile (biologie, imagerie orbitaire).

Elle associe à des degrés variables des signes de congestion oculaire (chémosis, hyperhémie), des signes palpébraux (oedème, rétraction, asynergie oculopalpébrale), une exophtalmie, une ophtalmoparésie, une neuropathie optique compressive.

La diplopie est une plainte fonctionnelle fréquente, rarement révélatrice.

Les symptômes sont souvent plus marqués le matin, au réveil.

Les muscles qui sont élargis par infiltration lymphocytaire diffuse sont diversement atteints : le droit inférieur est le plus souvent atteint, entraînant une atteinte de l’élévation, puis sont progressivement atteints le droit interne (atteinte de l’abduction), le droit supérieur, le droit externe et plus rarement les obliques.

L’atteinte est souvent bilatérale et asymétrique.

Passé la phase active d’inflammation orbitaire, une phase séquellaire avec fibrose musculaire s’installe.

Dans les formes les plus évoluées, le patient a une ésotropie et une atteinte complète de l’élévation.

L’évolution de l’orbitopathie est indépendante du contrôle de la maladie thyroïdienne, mais la chirurgie de la thyroïde peut provoquer une exacerbation de l’orbitopathie. Une correction prismatique est proposée dans les diplopies gênantes.

La chirurgie des muscles oculomoteurs ne se fait qu’après stabilisation de la maladie.

La corticothérapie est indiquée dans certaines formes très évolutives.

* Fractures de l’orbite :

Les traumatismes du cadre orbitaire, en particulier les fractures du plancher de l’orbite, provoquent une incarcération du droit inférieur qui se traduit par une limitation de l’élévation (restriction) et de l’abaissement (défaut de contraction).

Les fractures du mur interne sont plus rares.

* Pseudotumeurs inflammatoires :

Le tableau clinique d’une pseudotumeur inflammatoire de l’orbite est parfois proche de celui de l’OT.

La survenue brutale d’une diplopie très douloureuse est évocatrice.

Il peut s’y associer un chémosis, une hyperhémie conjonctivale, une exophtalmie.

À l’IRM, l’épaississement inflammatoire du ou des muscles (myosite) se prolonge au niveau des tendons, alors que ceux-ci sont typiquement respectés au cours de l’OT.

* Causes moins fréquentes :

Le syndrome de Brown est un syndrome restrictif de la gaine du grand oblique, habituellement congénital, défini par une limitation active et passive de l’élévation en adduction.

En adduction, l’oeil atteint s’abaisse, ce qui permet le diagnostic différentiel avec une paralysie du grand oblique.

Toute lésion occupant l’orbite, à proximité ou dans les muscles oculomoteurs, peut entraîner une diplopie : métastases (carcinomes ou lymphomes) assez fréquemment, rhabdomyosarcome, sarcoïdes, parasites, dépôts amyloïdes.

Les fistules carotidocaverneuses peuvent se compliquer de diplopie dans un tableau clinique proche de l’OT.

L’auscultation orbitaire, et surtout l’imagerie, permettent le diagnostic.

Une ischémie localisée d’un ou plusieurs muscles peut se compliquer de troubles oculomoteurs : artérite de Horton, maladie de Wegener, périartérite noueuse, lupus érythémateux.

Au cours des vascularites systémiques, l’atteinte ischémique touche également les nerfs oculomoteurs.

4- Atteintes de la jonction neuromusculaire :

L’atteinte de la jonction neuromusculaire pré- ou postsynaptique s’accompagne souvent d’une parésie oculomotrice et d’un ptôsis.

* Myasthénie :

Le ptôsis et la diplopie sont les signes initiaux de la maladie dans plus de 50 % des cas de myasthénie, et 90 % des patients ont des signes oculomoteurs au décours de la maladie.

Les signes oculaires sont typiquement variables dans la journée et, d’un jour à l’autre, aggravés par l’effort, asymétriques.

Le ptôsis est presque constant, s’aggravant au cours de la journée, parfois à bascule, ce qui est très évocateur.

Le signe de Cogan est une rétraction transitoire de la paupière ptosée qui survient lors de la refixation du regard du bas vers la position primaire.

L’orbiculaire et les muscles du visage sont souvent parétiques.

La diplopie est non systématisable puisque toutes les combinaisons d’atteinte sont possibles : atteinte d’un seul ou de plusieurs muscles pouvant simuler une atteinte du III, du IV, du VI, une ophtalmoplégie internucléaire antérieure (OINA), un syndrome « un et demi », une parésie de la latéralité ou de la verticalité ; mais il n’y a jamais d’atteinte pupillaire.

De façon précoce et très sensible, les saccades sont atteintes : hypométrie des grandes saccades et hypermétrie des petites saccades.

Les modifications des saccades sont mises en évidence lors du test au Tensilon.

La moitié des myasthénies initialement oculaires restent purement oculaires, surtout lorsqu’il n’y a pas de généralisation dans les 2 ans.

La myasthénie est une maladie auto-immune avec atteinte des récepteurs postsynaptiques nicotiniques à l’acétylcholine.

L’atteinte de la transmission neuromusculaire se traduit par la faiblesse musculaire.

En revanche, les modifications des saccades sont liées à des mécanismes adaptatifs d’origine centrale.

Les anticholinestérasiques sont d’efficacité modérée sur le ptôsis, et surtout sur la diplopie.

La corticothérapie peut être proposée dans les formes avec diplopie invalidante.

* Syndrome de Lambert-Eaton :

Ce syndrome myasthéniforme associe une faiblesse et une fatigabilité musculaires proximales à une dysautonomie.

L’atteinte oculomotrice, inconstante, est modérée. Il s’agit d’une pathologie auto-immune présynaptique.

Le plus souvent, il existe un carcinome, parfois occulte (cancer pulmonaire à petites cellules).

* Botulisme :

Lié à l’ingestion d’aliments ou l’injection d’héroïne contaminés par Clostridium botulinum, le botulisme associe un ptôsis, une ophtalmoparésie et une mydriase par blocage fonctionnel et destruction de la terminaison nerveuse (atteinte présynaptique).

E – ATTEINTES INFRANUCLÉAIRES ET NUCLÉAIRES : PARALYSIES OCULOMOTRICES

1- Anatomie :

Les muscles oculaires sont commandés par les trois nerfs oculomoteurs (III, IV et VI) qui ont leur origine dans des noyaux situés au niveau du tronc cérébral. Le complexe nucléaire du moteur oculaire commun (III) est situé au niveau de la calotte pédonculaire.

Les fibres provenant du noyau du III se dirigent vers le sinus caverneux et pénètrent dans sa paroi externe. L’accès à l’orbite se fait par la fente sphénoïdale.

Le III innerve les muscles droits supérieur, inférieur, interne, le petit oblique, le releveur de la paupière supérieure et le sphincter de la pupille (fibres parasympathiques suivant le trajet du III).

Le noyau du nerf pathétique (IV) est situé à proximité du noyau du III dans la calotte pédonculaire.

Les fibres du IV croisent toutes la ligne médiane et émergent à la face postérieure du tronc cérébral.

Le IV chemine dans la paroi latérale du sinus caverneux.

Il pénètre dans l’orbite par la fente sphénoïdale et innerve le muscle grand oblique.

Le noyau du moteur oculaire externe (VI) est situé au niveau pontique. Les fibres émergent au niveau du sillon bulboprotubérantiel, en dedans et en avant de l’origine du VII.

Le VI se dirige ensuite vers la face postérieure du rocher et passe audessus de sa pointe.

Au niveau de la loge caverneuse, le VI est situé à l’intérieur même du sinus caverneux, au contact de la carotide interne. L’accès à l’orbite se fait par la fente sphénoïdale.

Le VI innerve le muscle droit externe. Parmi les paralysies oculomotrices, l’atteinte du VI est la plus fréquente (30 % à 40 % environ), suivie par l’atteinte du III partielle ou totale (25 % des cas environ), et enfin les atteintes du IV dont la fréquence varie en fonction du recrutement ou non de pathologie congénitale.

Le reste est représenté par les atteintes multiples qui sont fréquentes.

Les étiologies les plus fréquentes sont les causes traumatiques (20 % environ), vasculaires (15 % environ), tumorales (10 à 20 % selon les séries) et congénitales (20 % environ).

2- Atteintes du moteur oculaire commun (III) :

Elles représentent entre 25 et 33,5 % de l’ensemble des POM.

L’atteinte peut être totale ou partielle.

Dans sa forme complète, il existe un strabisme divergent et, du côté de l’atteinte, un ptôsis qui peut masquer la diplopie.

En cas d’atteinte intrinsèque, la pupille du côté atteint est en mydriase aréactive.

Lorsque l’oeil est maintenu ouvert, il existe une diplopie croisée avec un petit décalage vertical des images.

La mobilisation fait apparaître un déficit de l’adduction, de l’élévation et de l’abaissement.

L’atteinte intrinsèque isolée est exceptionnelle.

Une mydriase unilatérale isolée est en règle une pupille d’Adie et non un III intrinsèque pur.

Chez l’adulte, l’existence d’une atteinte pupillaire fait redouter une compression extrinsèque du nerf, le plus souvent par un anévrisme intracrânien (responsable de 20 à 30 % des paralysies du III sur ce terrain).

L’existence d’une paralysie douloureuse du III avec atteinte pupillaire est une urgence et impose la réalisation d’une IRM complétée par une artériographie cérébrale, seul examen permettant d’éliminer formellement l’existence d’un anévrisme intracrânien.

À l’inverse, une paralysie du III sans atteinte pupillaire évoque plutôt une étiologie ischémique (20 % des cas environ), avec une grande fréquence des atteintes du III d’origine diabétique qui peuvent être douloureuses.

Les autres étiologies sont traumatiques (10 à 20 %), tumorales avec ou sans hypertension intracrânienne (HIC) ou plus rarement la SEP, la maladie de Horton (à évoquer chez le sujet âgé+++), les étiologies infectieuses (méningites, encéphalites), le syndrome de Tolosa et Hunt.

Dans 10 à 14 % des cas, la POM du III reste d’étiologie indéterminée, avec probablement une grande proportion d’atteintes vasculaires.

L’atteinte du noyau du III réalise un syndrome particulier qui associe une paralysie du III homolatéral à une atteinte du droit supérieur controlatéral.

Ceci est expliqué par le fait que les fibres innervant le droit supérieur sont toutes des fibres croisées.

Les accidents vasculaires en sont l’étiologie la plus fréquente.

La conduite à tenir devant une atteinte du III isolée dépend de l’existence ou non d’une atteinte pupillaire et de l’âge du patient.

3- Atteintes du nerf pathétique (IV) :

La paralysie du IV entraîne une attitude vicieuse de la tête, inclinée et tournée vers le côté sain, menton abaissé.

La diplopie verticale prédomine dans le regard en bas et en dedans et gêne la lecture, la marche, la descente des escaliers.

En position primaire, l’hypertropie est modérée ou absente et l’oeil ne peut se porter en bas et en dedans ; la diplopie augmente si le sujet incline la tête sur l’épaule du côté paralysé avec, dans ce cas, un mouvement d’élévation de l’oeil paralysé : c’est la manoeuvre de Bielschowsky.

Les deux grandes étiologies de l’atteinte du IV isolée sont l’origine traumatique et l’atteinte congénitale.

Les autres étiologies (vasculaires, SEP, tumeurs, infections, collagénoses…) sont beaucoup plus rares.

4- Atteintes du moteur oculaire externe (VI) :

C’est la plus fréquente des POM ; elle n’a pas de valeur localisatrice.

Elle associe une attitude vicieuse de la tête, tournée vers le côté du muscle paralysé, un strabisme convergent, oeil atteint en adduction avec abduction impossible, et une diplopie horizontale homonyme, maximale dans le regard du côté paralysé.

Chez l’adulte, l’étiologie traumatique est la plus fréquente.

En dehors de ce contexte, les atteintes vasculaires sont les plus fréquentes.

Le bilan retrouve une hypertension artérielle et/ou un diabète.

L’atteinte régresse en 3 à 6 mois. Les autres causes sont les causes tumorales (par irritation, compression du nerf ou par HIC), la SEP, les causes infectieuses (méningites, mastoïdites), les causes inflammatoires (maladie de Horton, sarcoïdose, syndrome de Tolosa et Hunt).

Une paralysie bilatérale du VI peut s’observer dans les atteintes traumatiques et au cours de l’HIC.

Il existe dans ce cas une diplopie horizontale qui augmente dans le regard latéral droit et gauche et est moins importante dans le regard de face.

Il existe une limitation bilatérale de l’abduction avec une hyperaction de l’adduction également bilatérale.

5- Atteintes combinées de plusieurs nerfs oculomoteurs :

Les étiologies les plus fréquentes sont traumatiques et tumorales.

L’association de différentes POM a une grande valeur localisatrice.

Les syndromes ainsi constitués sont listés dans l’article consacré à la diplopie.

F – ATTEINTES INTER- ET SUPRANUCLÉAIRES :

Le fonctionnement correct du système oculomoteur nécessite, « audessus » des noyaux oculomoteurs, l’existence de centres prémoteurs, internucléaires et supranucléaires, qui coordonnent et stabilisent les mouvements oculaires.

Leur atteinte peut provoquer une paralysie de la motricité conjuguée ou un trouble de l’alignement oculaire.

1- Centres internucléaires :

Les voies de connexion internucléaires assurent la coordination des mouvements conjugués.

Lors des mouvements des yeux dans une même direction, ces noyaux prémoteurs coordonnent l’action des muscles agonistes opposés.

Ils ont aussi un rôle de relais et de redistribution des informations des centres supranucléaires vers les noyaux oculomoteurs.

* Latéralité :

La formation réticulée parapontique (FRPP) forme le centre de la latéralité.

Située dans la protubérance, à proximité du noyau du VI, elle reçoit des afférences supranucléaires et à son tour active ce noyau.

Le noyau du VI active alors le droit externe ipsilatéral et le sous-noyau du droit interne controlatéral par l’intermédiaire du faisceau longitudinal médian (FLM) controlatéral.

Le mouvement résultant est un mouvement conjugué des yeux du même côté. Les atteintes les plus fréquentes de la latéralité sont l’OINA, la parésie de la latéralité, le syndrome « un et demi ».

+ Ophtalmoplégie internucléaire antérieure :

Dans l’OINA, l’atteinte du FLM interrompt la connexion entre le noyau du VI controlatéral et le noyau du III ipsilatéral.

Ainsi, une OINA gauche se traduit par un déficit de l’adduction de l’oeil gauche dans le regard vers la droite.

Le regard vers la gauche est normal.

Dans les atteintes modérées, le déficit d’adduction se traduit seulement par un « retard » de l’oeil gauche sur l’oeil droit.

Un nystagmus ataxique dans le regard à droite est habituel sur l’oeil abducteur, oeil droit dans ce cas. L’OINA unilatérale est souvent associée à une skew deviation.

La SEP et les atteintes vasculaires du tronc cérébral sont les causes les plus fréquentes d’OINA.

La myasthénie est parfois responsable de pseudo-OINA.

+ Paralysie de la latéralité :

Elle est due à l’atteinte de la FRPP ou du noyau du VI ipsilatéral.

Cette atteinte peut être difficile à différencier d’une atteinte corticale des zones d’initiation du regard (dans ce dernier cas, la manoeuvre « des yeux de poupée » est normale).

+ Syndrome « un et demi » de Fischer :

Il associe une atteinte de la FRPP ou du noyau du VI à une atteinte du FLM ipsilatéral.

Cliniquement, seule l’abduction de l’oeil controlatéral persiste.

Outre la SEP et les atteintes vasculaires, l’encéphalopathie de Wernicke peut être en cause.

L’exotropie pontine paralytique associe au syndrome « un et demi » une exotropie nette de l’oeil situé du côté sain.

* Verticalité :

Le noyau interstitiel rostral du FLM (FLMir) constitue le centre de la verticalité.

C’est un noyau pair, situé dans la partie haute et antérieure du mésencéphale, à proximité du noyau du III.

La partie latérale contrôle l’élévation, la partie médiane l’abaissement.

Les influx de la partie latérale activent les sous-noyaux controlatéraux du droit supérieur et du petit oblique (décussation par la commissure postérieure) ; ceux de la partie médiane activent le sousnoyau ipsilatéral du droit inférieur et le noyau ipsilatéral du grand oblique par l’intermédiaire du FLM.

Ainsi, la verticalité dépend de l’activation bilatérale du FLMir et l’atteinte de la verticalité implique l’existence d’une lésion bilatérale ou paramédiane.

Les atteintes les plus fréquentes de la verticalité sont le syndrome de Parinaud, la skew deviation, la déviation tonique vers le bas.

+ Syndrome de Parinaud ou syndrome de l’aqueduc de Sylvius :

Il associe une atteinte de l’élévation, un nystagmus en convergence rétraction dans le regard vers le haut, une dissociation lumière/ accommodation des pupilles et une rétraction des paupières.

Il se voit essentiellement dans les sténoses de l’aqueduc, les tumeurs de la région pinéale, certaines malformations artérioveineuses et au cours de la SEP.

+ « Skew deviation » :

C’est une dissociation verticale des axes visuels.

Elle survient dans de nombreuses situations pathologiques périphériques ou centrales, entraînant un déséquilibre des influx otolithiques (lésion labyrinthique, du nerf ou des noyaux vestibulaires, du FLM, du noyau interstitiel de Cajal).

Elle s’accompagne souvent d’une inclinaison controlatérale de la tête et d’une cyclotorsion conjuguée des yeux (ocular tilt reaction).

Les atteintes unilatérales pédonculaires se traduisent par une hypertropie de l’oeil ipsilatéral. Le diagnostic est parfois difficile avec une atteinte partielle du III ou une atteinte du IV.

La déviation tonique vers le bas se voit au décours des hémorragies thalamiques, des hydrocéphalies obstructives.

2- Centres supranucléaires :

Le système oculomoteur doit donner une vision parfaite en permettant une fixation fovéolaire binoculaire et en prévenant un glissement de l’image sur la rétine.

Pour ce faire, il existe deux types de mouvements : les mouvements rapides (saccades) pour positionner l’axe visuel sur l’objet du regard, les mouvements lents (poursuites) pour maintenir l’axe visuel sur l’objet du regard malgré les mouvements de l’observateur ou du monde périphérique.

Six systèmes du contrôle oculomoteur existent.

Quatre d’entre eux permettent le contrôle des mouvements conjugués : les saccades, les poursuites, le système oculovestibulaire, le système optocinétique.

Le système des vergences contrôle les mouvements dysconjugués (convergence-divergence).

La fixation assure le maintien de la quasiimmobilité des yeux sur l’objet fixé.

* Saccades :

Les saccades sont des mouvements rapides, le plus souvent volontaires, qui dirigent les yeux vers un nouvel objet d’intérêt.

La saccade est initiée par la décharge phasique, synchronisée d’un potentiel de haute fréquence (pulse).

L’intensité de ce potentiel est proportionnelle à l’amplitude du mouvement et est destinée à vaincre les forces viscoélastiques intraorbitaires.

Les cellules phasiques sont sous le contrôle de cellules pauses, situées dans le noyau préposé de l’hypoglosse, qui assurent une inhibition constante sauf au moment de la saccade. Puis apparaît une décharge tonique (step), destinée à maintenir la déviation oculaire.

La coordination des décharges phasiques et toniques (pulse-step) est sous le contrôle de l’intégrateur neuronal (noyau préposé de l’hypoglosse et noyau vestibulaire médian).

La FRPP est le centre de production des saccades horizontales. Elle reçoit ses afférences essentiellement du champ visuel frontal et du colliculus supérieur controlatéraux.

Le FLMir produit les saccades verticales sous contrôle cortical bilatéral.

Les troubles des saccades comprennent l’impossibilité de production, les saccades inappropriées (vitesse ou précision), les intrusions saccadiques.

Les lésions du lobe frontal entraînent une diminution de la production des saccades controlatérales ; les yeux sont alors déviés du côté atteint.

Mais les poursuites, le nystagmus optocinétique et le réflexe oculovestibulaire (ROV) sont normaux.

L’amélioration se fait en quelques semaines par activation de zones corticales secondaires.

L’apraxie oculomotrice est une incapacité à produire des saccades horizontales.

En cas d’atteinte congénitale, des mouvements typiques de la tête interrompent la fixation et permettent une nouvelle fixation compensatrice.

Les lésions frontopariétales bilatérales sont responsables d’apraxie acquise.

La dégénérescence olivo-ponto-cérébelleuse, la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, la paralysie supranucléaire progressive (PSP) s’accompagnent de ralentissement progressif des saccades pouvant éventuellement entraîner une ophtalmoplégie complète.

Les atteintes cérébelleuses entraînent une perte de précision des saccades qui sont hypométriques (en deçà de l’objet fixé) ou plus souvent hypermétriques.

Les intrusions saccadiques sont traitées avec les mouvements anormaux.

* Poursuites :

Les poursuites permettent de suivre un objet en mouvement.

Le cortex visuel primaire du lobe occipital, sensible aux mouvements dans l’espace, est à l’origine de ce système.

Le carrefour occipitopariéto- temporal intègre ces informations puis, à travers le lobe pariétal, elles activent les centres prémoteurs.

Le noyau interstitiel de Cajal est le centre des poursuites verticales.

Les lésions pariétales profondes altèrent les poursuites ipsilatérales (nystagmus optocinétique ralenti du côté de la lésion).

Les poursuites sont également atteintes au cours de la maladie de Parkinson, de la PSP.

* Réflexe oculovestibulaire :

Ce système réflexe et involontaire assure la coordination des mouvements oculaires avec les mouvements de la tête, permettant de garder la fixation sur l’objet regardé malgré les mouvements céphaliques.

Il induit des mouvements oculaires conjugués, ressemblant à des poursuites, dans la direction opposée à celle des mouvements de la tête.

La latence de ce système est courte.

En cas d’atteinte, apparaît un nystagmus vestibulaire pathologique.

* Réflexe optocinétique :

C’est aussi un système réflexe et involontaire qui, par des mouvements oculaires conjugués ressemblant aux poursuites, coordonne ces mouvements à ceux du champ visuel global.

Son origine est dans le cortex visuel, puis il chemine par les voies des saccades et des poursuites.

Ainsi, il est ralenti, voire aboli, au cours des atteintes des saccades (PSP), des poursuites (lésions pariétales profondes).

* Vergences :

Ce système produit des mouvements dysconjugués des yeux permettant de garder la fixation sur un objet qui se rapproche ou s’éloigne.

Il fait partie de la triade : accommodation, convergence, myosis, assurant la netteté d’un objet qui se rapproche.

Le « centre » des vergences est probablement situé à proximité du noyau du III.

Les déséquilibres entre la convergence et l’accommodation sont fréquents.

Un excès de convergence par rapport à l’accommodation induite par la vision rapprochée entraîne un strabisme convergent.

À l’inverse, l’insuffisance de convergence se traduit par une exophorie de près et une gêne lors des activités de près.

Isolée, il s’agit d’une atteinte bénigne.

La rééducation orthoptique est efficace. L’insuffisance de divergence est rare et discutée.

Les patients sont orthophoriques en vision de près et ésophoriques en vision de loin.

Le diagnostic différentiel avec une parésie bilatérale du VI est difficile, mais en cas d’atteinte de la divergence, les ductions sont normales.

Le spasme de convergence peut aussi poser problème avec une atteinte bilatérale du VI, mais les pupilles sont en myosis.

Le plus souvent anorganique, il se voit rarement après traumatisme crânien ou crise d’épilepsie.

* Fixation :

Les quatre systèmes de contrôle des mouvements conjugués fonctionnent suivant le principe phasique-tonique ou pulse step vu plus haut.

Dans tous les cas, c’est l’intégrateur neuronal qui contrôle la composante tonique permettant le maintien de la fixation dans la nouvelle direction du regard.

En cas d’atteinte de cet intégrateur (noyau préposé de l’hypoglosse, noyau vestibulaire médian), une déviation lente des yeux vers la position initiale, puis une correction rapide par saccades se produit.

La répétition de ce mouvement provoque un nystagmus induit par le regard.

G – MOUVEMENTS ANORMAUX : NYSTAGMUS ET INTRUSIONS SACCADIQUES

Pour qu’un objet soit vu nettement, son image doit être maintenue fixe sur la fovéa, zone centrale de la rétine.

Tout déplacement excessif de cette image, par un mouvement oculaire anormal, entraîne une baisse visuelle, voire une oscillopsie, illusion de mouvement du monde extérieur.

Deux types de mouvements anormaux interrompent la stabilité de la fixation oculaire : les nystagmus pathologiques et les intrusions saccadiques.

Le nystagmus est un mouvement rythmique de va-et-vient des yeux dont le mouvement initial pathologique est une déviation oculaire lente éloignant l’axe visuel de l’objet du regard.

À l’inverse, l’intrusion saccadique est caractérisée par l’irruption inappropriée d’une saccade venant interrompre la stabilité de la fixation.

1- Nystagmus :

* Terminologie des nystagmus :

L’oscillation nystagmique élémentaire est un mouvement biphasique comportant un « aller » et un « retour ».

Le nystagmus se caractérise par :

– l’aspect relatif des deux phases : lorsqu’elles sont d’amplitude et de vitesse identiques, le nystagmus est dit pendulaire ; lorsque les vitesses sont différentes, le nystagmus est dit à ressaut.

Dans ce cas, la phase rapide, qui se voit le mieux, définit le sens du nystagmus, bien que ce soit la phase lente qui traduise le mouvement initial pathologique.

Ainsi, un nystagmus « bat » à droite lorsque la phase rapide est dirigée vers la droite du patient.

Habituellement, le nystagmus est plus évident dans le regard latéral dirigé du côté de la phase rapide, dans cet exemple lorsque le patient regarde vers la droite (loi d’Alexander) ;

– son orientation : rectiligne (horizontal, vertical, oblique, elliptique ou circulaire) ou rotatoire (autour de l’axe visuel).

Un nystagmus composé associe un mouvement rectiligne et un mouvement rotatoire ;

– sa fréquence : nombre d’oscillations par seconde (faible, moyenne, importante) ;

– son amplitude : étendue de l’oscillation (faible, moyenne, importante).

Le nystagmus est dissocié lorsque le mouvement est différent entre les deux yeux.

Le nystagmus est susceptible de se modifier dans certaines circonstances : fixation, convergence, occlusion palpébrale, changements de position du corps et de la tête, fixation excentrique.

* Différents nystagmus :

+ Nystagmus physiologiques :

Dans les conditions physiologiques, certains nystagmus permettent de maintenir une acuité visuelle normale et ne s’accompagnent jamais d’oscillopsie.

De plus, ils peuvent être induits lors de l’examen clinique oculomoteur.

– Le nystagmus oculovestibulaire est déclenché par un mouvement continu de la tête, sa phase rapide étant dirigée dans le sens de la rotation.

Il peut être exploré par les épreuves caloriques (stimulation des canaux semi-circulaires) et les épreuves de rotation (chaise de Barany).

– Le nystagmus optocinétique est déclenché par un mouvement continu du stimulus visuel et permet d’éviter un glissement excessif de l’image du stimulus sur la rétine.

Il est exploré par la présentation d’un tambour en rotation, sa phase rapide battant dans le sens opposé au sens de rotation du tambour.

– Le nystagmus physiologique du regard (end point nystagmus) est un nystagmus horizontal, symétrique des deux côtés, apparaissant en positon latérale extrême du regard, de faible amplitude et de fréquence modérée et irrégulière.

+ Nystagmus pathologiques :

La classification physiopathologique des nystagmus repose sur l’atteinte de l’un des trois mécanismes physiologiques permettant de prévenir la déviation de la ligne du regard de l’objet fixé : la fixation qui suppose une afférence visuelle normale et la suppression des saccades anormales, le ROV et la capacité sous contrôle cérébral de maintenir une fixation excentrée de l’oeil dans l’orbite.

En pratique clinique, il est plus facile d’étudier un nystagmus suivant ses caractéristiques cliniques : soit nystagmus à ressaut qui peut être présent en position primaire ou dans le regard latéral, soit nystagmus pendulaire.

Nous verrons à part le nystagmus congénital et le nystagmus de l’enfant.

Nystagmus congénital et nystagmus de l’enfant :

– Le nystagmus congénital est un nystagmus présent à la naissance ou peu après, qui reste stable tout au long de la vie.

L’acuité visuelle est souvent abaissée mais il n’y a pas d’oscillopsie.

C’est un nystagmus binoculaire, conjugué, à ressaut ou pendulaire.

Il est toujours dans le même plan, habituellement horizontal, dans toutes les positions du regard.

Ainsi, il reste horizontal dans le regard vers le haut, à la différence du nystagmus acquis.

Il est augmenté par les efforts de fixation, l’anxiété, et diminué lors de la convergence.

Habituellement, il disparaît ou est fortement diminué dans une position de « blocage » que l’enfant trouve spontanément, entraînant une attitude vicieuse de la tête.

Un strabisme est associé dans 30 % des cas.

L’inversion de la réponse à un stimulus optocinétique est pathognomonique mais inconstante.

Le traitement chirurgical est parfois utile (utilisation de la position de blocage).

– Le nystagmus latent est un nystagmus à ressaut n’apparaissant qu’à l’occlusion d’un oeil et souvent de découverte fortuite.

Il est retrouvé dans les deux yeux.

Lorsqu’il est associé à une amblyopie unilatérale, on parle de nystagmus manifeste latent.

Ce nystagmus, qui est toujours congénital, sans lésion neurologique, est confirmé par l’occlusion du bon oeil, entraînant alors une inversion de la direction du nystagmus.

– Le nystagmus acquis de l’enfant par déprivation sensorielle est typiquement pendulaire.

Associé à une atteinte des afférences visuelles, il impose une exploration neuroradiologique.

– Le spasmus mutans est un nystagmus acquis, bilatéral et asymétrique ou monoculaire, intermittent, de grande fréquence et faible amplitude.

Il est associé à un torticolis et à des mouvements anormaux de la tête.

Il apparaît avant 2 ans et disparaît spontanément avant 4 ans.

De nature bénigne, il impose néanmoins une exploration neuroradiologique pour éliminer une atteinte des voies visuelles (gliome).

Principaux nystagmus à ressaut :

– Le nystagmus pathologique du regard (gaze evoked ou gaze paretic nystagmus) est le plus fréquent.

Il s’agit d’un nystagmus binoculaire induit par l’excentration du regard et qui apparaît plus tôt que le nystagmus physiologique.

Son amplitude est plus grande, sa fréquence variable, il s’associe à des anomalies cliniques des poursuites ou de la fixation.

Il est lié à une atteinte de l’intégrateur neuronal (vestibulocervelet, noyau préposé de l’hypoglosse et noyau vestibulaire médian, noyau interstitiel de Cajal) qui est responsable des mécanismes de maintien et de fixation du regard.

L’étiologie toxique est fréquente : antiépileptiques, sédatifs, alcool.

Le nystagmus ataxique de Harris, ou nystagmus dissocié, est une forme particulière de nystagmus pathologique du regard, souvent associé à une OINA par atteinte du FLM.

Le nystagmus prédomine ou n’existe que sur l’oeil abducteur, alors que l’oeil adducteur est parétique.

La SEP et les atteintes vasculaires du tronc sont les étiologies les plus fréquentes.

– Le nystagmus d’origine vestibulaire est lié à l’atteinte de la voie vestibulaire périphérique (oreille interne, VIII) ou centrale (noyaux vestibulaires) et résulte d’un déséquilibre entre l’activité de la voie droite et de la voie gauche.

Il est associé à un vertige, plus marqué en cas d’atteinte périphérique.

Il s’agit d’un nystagmus horizontal ou horizontorotatoire.

En cas d’atteinte périphérique, le nystagmus bat du côté opposé à la lésion, son intensité augmente dans la direction de cette phase rapide, il est diminué, voire supprimé par la fixation.

Il est souvent associé à une baisse auditive ou des acouphènes.

Il disparaît en quelques semaines à quelques mois. Les étiologies les plus fréquentes sont les infections, la maladie de Ménière, les atteintes traumatiques, vasculaires, les toxicités médicamenteuses, ainsi que les tumeurs de l’angle pontocérébelleux. Le nystagmus d’origine vestibulaire périphérique évolue favorablement en quelques jours.

Parfois, une rééducation vestibulaire est nécessaire.

Le nystagmus de Brun, typique des atteintes de l’angle pontocérébelleux, associe un nystagmus pathologique du regard (grande amplitude, faible fréquence) quand le patient regarde du côté de la lésion et un nystagmus vestibulaire périphérique (petite amplitude, grande fréquence) lorsqu’il regarde du côté opposé.

En cas d’atteinte centrale, le nystagmus peut être bidirectionnel, avoir une composante verticale.

Les étiologies habituelles sont les atteintes démyélinisantes, vasculaires, tumorales et les encéphalites.

La gabapentine est parfois efficace.

– Le nystagmus battant vers le bas (down beat nystagmus) est causé par un déséquilibre des connexions vestibulocérébelleuses.

Toujours présent en position primaire mais parfois minime, il augmente dans le regard vers le bas et en bas sur les côtés.

Il est associé à une atteinte des poursuites verticales et souvent à une skew deviation.

Il est typiquement associé aux atteintes de la jonction craniocervicale (Arnold-Chiari), aux atteintes cérébelleuses (dégénératives, paranéoplasiques, vasculaires), à la SEP et aux atteintes toxiques et métaboliques.

– Le nystagmus battant vers le haut (up beat nystagmus) est aussi lié à un déséquilibre des connexions vestibulocérébelleuses.

Il est toujours présent en position primaire et augmente dans le regard vers le haut.

Les causes principales sont les atteintes du cervelet et de la partie inférieure du tronc cérébral, la SEP, l’encéphalopathie de Wernicke et les intoxications.

– Le nystagmus périodique alternant est un nystagmus présent en position primaire, horizontal dans toutes les positions du regard, qui change de direction toutes les 2 à 3 minutes.

Il peut être congénital ou acquis : anomalies de la jonction craniocervicale, SEP, cécité bilatérale, intoxication par les antiépileptiques.

Il est sensible au baclofène.

– Le nystagmus à rebond est un nystagmus horizontal, transitoire, rapide, induit par l’excentration du regard.

Après les premières secousses du nystagmus battant dans le sens du regard, apparaît un nystagmus de sens contraire.

Il traduit une atteinte cérébelleuse.

Nystagmus pendulaires :

Le nystagmus pendulaire peut être congénital ou acquis.

Dans les cas acquis, il entraîne souvent une gêne fonctionnelle majeure avec baisse visuelle importante et oscillopsie.

Habituellement, le nystagmus est dissocié, les oscillations des deux yeux étant asymétriques en direction, amplitude et fréquence.

Les affections démyélinisantes en sont la cause la plus fréquente.

La gabapentine est habituellement efficace, entraînant une nette diminution des symptômes (900 à 1 500 mg/j).

Le valproate est proposé par certains.

Il peut aussi se voir en cas de syndrome myoclonique oculopalatal apparaissant quelques mois après un infarctus mésencéphalique ou cérébelleux.

Ce nystagmus est vertical. Des oscillations pendulaires en convergence s’observent au cours de la maladie de Whipple (myorythmie oculomasticatoire).

Le nystagmus en bascule (see saw nystagmus) est une forme particulière de nystagmus pendulaire qui associe une élévation et une intorsion d’un oeil à un abaissement et une extorsion de l’autre oeil, puis le mouvement s’inverse.

Il s’associe très souvent à une hémianopsie bitemporale.

Il peut être congénital ou, le plus souvent, acquis par tumeur ou traumatisme de la région optochiasmatique.

2- Intrusions saccadiques et autres oscillations nystagmiformes :

* Intrusions saccadiques :

Ce sont des saccades spontanées, involontaires, qui interrompent la stabilité de la fixation oculaire.

Elles seraient en partie liées à l’inactivation des neurones inhibiteurs du raphé médian.

L’enregistrement oculomoteur est important pour les étudier.

Il peut s’agir d’ondes carrées isolées, de flutters ou d’opsoclonus.

+ Ondes carrées :

Ce sont des saccades isolées qui interrompent la fixation de façon très courte, avec retour rapide à cette fixation.

Les saccades de petite amplitude sont physiologiques.

Au-delà de 1 degré, elles sont pathologiques.

Elles ne sont pas spécifiques ni localisatrices, mais sont souvent associées à une atteinte du cervelet.

+ Flutter oculaire :

Il est constitué par des oscillations horizontales, rapides, autour du point de fixation, qui surviennent par accès intermittent.

Ce sont des enchaînements de saccades sans intervalle intersaccadique.

Il existe habituellement une dysmétrie associée. Dans l’opsoclonus, ou saccadomanie, les saccades sont multidirectionnelles.

Elles persistent les yeux fermés.

Le flutter et l’opsoclonus se rencontrent au cours des encéphalites postvirales, des atteintes cérébelleuses, des intoxications (lithium).

L’association opsoclonus-myoclonus est un syndrome rare qui doit faire rechercher une atteinte paranéoplasique (neuroblastome chez l’enfant, cancer pulmonaire ou du sein chez l’adulte).

La prescription de benzodiazépines (clonazépam) ou de gabapentine est classique et d’efficacité variable.

En cas d’opsoclonus paranéoplasique, l’exérèse de la tumeur primitive n’entraîne pas toujours la disparition de celui-ci.

* Myokymie du grand oblique :

Elle se manifeste par de très courts accès de diplopie ou d’oscillopsie unilatérale verticale ou oblique qui peuvent se répéter plusieurs fois par jour.

Ces accès de « trémulation » unilatérale peuvent être déclenchés par les mouvements de l’oeil dans le champ d’action du grand oblique atteint.

Les oscillations sont minimes : intorsion en position primaire et vertical en adduction.

C’est une atteinte bénigne, parfois spontanément résolutive.

La carbamazépine et le baclofène sont parfois efficaces.

L’affaiblissement chirurgical du grand oblique est proposé dans les cas invalidants.

* Nystagmus en convergence et rétraction :

Il se manifeste par des saccades d’adduction asynchrones qui induisent une convergence et une rétraction des yeux dans le regard vers le haut.

Il est intermittent à l’inverse du nystagmus pendulaire convergent-divergent.

Il traduit une atteinte au niveau de la commissure postérieure le plus souvent.

Parfois, il est associé à une malformation de Chiari ou à une crise épileptique.

3- Traitements du nystagmus et des intrusions saccadiques :

Les possibilités thérapeutiques sont essentiellement médicamenteuses, optiques et chirurgicales.

Les différentes molécules utilisées sont la gabapentine (nystagmus pendulaire), le baclofène (nystagmus alternant périodique), le clonazépam (flutter oculaire), le valproate, la carbamazépine.

L’efficacité est variable suivant le patient et le trouble oculomoteur.

L’injection de toxine botulique supprime souvent le nystagmus, mais les effets secondaires et la limitation dans le temps limitent considérablement son intérêt.

Certains systèmes optiques complexes, en particulier les prismes, peuvent avoir un intérêt lorsqu’il existe une position de blocage (nystagmus congénital).

La chirurgie est surtout indiquée en cas de nystagmus congénital : intervention de Kestenbaum qui déplace la position primaire sur la position de blocage ou intervention de divergence artificielle intéressante lorsque le nystagmus diminue en convergence.

La décompression sous-occipitale en cas de malformation de Chiari diminue le down beat nystagmus.

La chirurgie du grand oblique est parfois indiquée en cas de myokimie de ce muscle.

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