Principaux troubles neuro-ophtalmologiques

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Introduction :

L’existence de troubles neuro-ophtalmologiques peut, soit être au premier plan, soit être discrète, découverte lors d’un examen minutieux à la recherche de signes d’orientation devant un tableau neurologique ou ophtalmologique sans cause évidente.

Principaux troubles neuro-ophtalmologiquesIl peut s’agir d’une atteinte des voies optiques (perception visuelle ou interprétation visuelle), d’une atteinte de l’oculomotricité extrinsèque (mouvements des globes et des paupières), d’une atteinte de l’oculomotricité intrinsèque (jeu pupillaire et accommodation) ou encore d’une exophtalmie.

L’examen neuro-ophtalmologique minimal comprend :

– acuité visuelle ;

– motilité intrinsèque ;

– motilité extrinsèque ;

– champ visuel ;

– fond d’oeil.

Cet examen doit être complété en fonction de la pathologie.

Voies optiques :

Systématisation :

Il n’y a pas de relais synaptique de la papille optique jusqu’au corps genouillé.

Aussi, toute atteinte située dans cet intervalle peut entraîner une pâleur papillaire.

Les fibres issues de chaque rétine confluent au niveau de la papille optique pour former le nerf optique.

Les deux nerfs optiques se rejoignent en formant le chiasma optique dans lequel les fibres nasales de chaque nerf optique (issues de la rétine nasale sur laquelle se forme l’image du champ visuel temporal) décussent.

Du chiasma partent les bandelettes optiques.

La droite véhicule l’image de l’hémichamp visuel gauche de chaque oeil.

Chaque bandelette se termine au corps genouillé latéral d’où partent les radiations optiques divisées en deux contingents, supérieur (pariétal) véhiculant l’image du quadrant controlatéral inférieur, et inférieur (temporal). Les radiations vont jusqu’au cortex occipital.

Principales méthodes d’exploration fonctionnelle :

A – Acuité visuelle avec correction optique :

De loin : si l’acuité est meilleure lorsque le sujet regarde à travers un trou sténopéique (petit orifice au centre d’un cache noir), soit la correction optique est incorrecte, soit il existe une anomalie des milieux transparents (cataracte, déformation ou opacité cornéenne…).

De près : une bonne acuité de près (Parinaud 1,5 ou Parinaud 2) associée à une mauvaise acuité de loin traduit un problème de lunettes ou de cataracte, plutôt qu’une atteinte neurologique.

B – Champ visuel :

1- Champ visuel par confrontation :

Le patient fixe l’examinateur et doit compter les doigts présentés sur les côtés.

2- Champ visuel de Goldmann :

C’est l’examen de choix pour le diagnostic initial, à condition que l’opérateur soit entraîné et connaisse le contexte clinique.

Chaque isoptère dessine la frontière entre le vu et le non-vu pour un spot de surface et d’intensité données.

3- Champ visuel computérisé, type Octopus ou Humphrey :

Il est très performant si le patient est entraîné.

C’est alors un excellent examen de surveillance.

Il a l’avantage de peu dépendre de l’opérateur qui doit cependant être compétent.

Son interprétation nécessite la parfaite connaissance du contexte clinique et des particularités de l’appareil utilisé.

En effet, chaque appareil a en mémoire une base de données de patients et fournit des indices statistiques très utiles aux praticiens connaissant bien leur signification.

La plupart des tests analysent les 24° à 30° centraux.

Les bords des schémas ne correspondent donc pas à la vision périphérique (contrairement au Goldmann qui va jusqu’à 90°).

4- Grilles d’Amsler :

C’est un quadrillage sur lequel on détermine le scotome du patient.

C’est le meilleur test pour étudier les scotomes centraux et paracentraux.

5- Remarques :

Négligence : en cas d’hémianopsie gauche (hémianopsie latérale homonyme [HLH]) chez un droitier, toujours rechercher une négligence gauche associée (lésion pariétale gauche) :

– HLH seule : le patient sait qu’il ne voit pas l’ensemble de ce qui est devant lui et se sert de l’hémichamp restant pour explorer l’ensemble de l’espace visuel ;

– HLH avec négligence gauche : l’univers du patient est restreint à son hémichamp droit ; il « oublie » de manger ce qui est à gauche dans son assiette.

Congruence : c’est le degré de symétrie entre les champs visuels des deux yeux.

Plus ils sont superposables, plus le champ est dit congruent et plus la lésion est postérieure.

C – Vision des couleurs :

On utilise :

– l’album isochromatique d’Ishihara (chiffres formés de ronds colorés isodenses à ceux du fond de la page) ;

– le test du type 15 HUE (consiste à ordonner des pions colorés).

La plupart des atteintes du nerf optique entraînent une dyschromatopsie d’axe rouge-vert.

Cet axe est celui des dyschromatopsies congénitales très fréquentes chez l’homme (hérédité récessive portée par le chromosome X).

D – Sensibilité au contraste :

Elle est mesurée à l’aide de tests composés de mire de contraste et de fréquence spatiale variable.

C’est un examen très discriminant mais long et nécessitant des conditions d’examen parfaitement standardisées.

Ce test tend à être réservé aux études cliniques.

E – Potentiels évoqués visuels (PEV) :

La latence de l’onde P100 est l’élément essentiel à étudier.

Les PEV à damiers sont sensibles mais peuvent être altérés par des pathologies purement ophtalmologiques ou une mauvaise fixation.

Pathologie des voies optiques :

Baisse d’acuité visuelle et troubles du champ visuel permanents : il est indispensable que l’ophtalmologiste ait éliminé une cause purement ophtalmologique.

Les diagnostics ophtalmologiques le plus souvent méconnus sont la choroïdite séreuse centrale (trouble de la vision centrale, spontanément régressif, d’origine rétinienne) et le kératocône (déformation cornéenne progressive).

A – Pathologie de la papille :

1- OEdème papillaire :

Il traduit un blocage du transport axoplasmique et non un vrai oedème au sens histologique.

En cas d’atrophie optique, la pression intracrânienne peut être très élevée sans oedème papillaire.

L’existence ou non d’une baisse d’acuité visuelle ainsi que le champ visuel sont essentiels au diagnostic étiologique.

* Hypertension intracrânienne (oedème de stase) :

L’oedème est :

– bilatéral (il y a des exceptions) ;

– accompagné ou non d’autres signes d’hypertension intracrânienne. Le degré d’atrophie optique déjà provoqué par la stase est déterminé par l’étude du champ visuel qui seul permet de juger du retentissement.

Tout oedème papillaire bilatéral impose une imagerie par résonance magnétique (IRM) visualisant bien les sinus veineux et les méninges, puis une ponction lombaire avec mesure de la pression du liquide céphalorachidien, sauf en cas de contre-indication (processus expansif sur l’imagerie, risque d’engagement).

Procéder autrement conduit à méconnaître des hypertensions intracrâniennes bénignes et des thrombophlébites cérébrales.

* Inflammatoire (névrite optique oedémateuse) :

Il s’accompagne alors d’une baisse d’acuité visuelle brutale.

La classique distinction entre papillite et névrite optique rétrobulbaire (NORB) est sans intérêt.

Il y a simplement des névrites optiques oedémateuses et non oedémateuses.

* Ischémique :

(neuropathie optique ischémique aiguë [NOIA]).

2- Druses papillaires :

Celles-ci n’ont aucun rapport avec les druses rétiniennes.

Petites formations perlées jaunâtres situées sur ou dans la papille, elles sont le plus souvent asymptomatiques, mais peuvent causer une neuropathie optique d’allure ischémique, souvent récidivante.

À la phase aiguë, il peut exister un oedème papillaire, mais leur seule présence peut simuler un oedème en dehors de toute complication.

Leur mise en évidence repose sur :

– l’ophtalmoscopie binoculaire ;

– l’angiographie rétinienne (autofluorescence des druses superficielles) ;

– l’observation de druses évidentes dans la famille proche ;

– l’échographie oculaire ; c’est en fait le meilleur examen.

Leur retentissement fonctionnel (altération du champ visuel dans 70 % des cas) est rarement majeur.

3- Dysmorphie congénitale de la papille :

Ces dysmorphies peuvent s’accompagner de déficits campimétriques (parfois évolutifs !).

La découverte d’une hypoplasie papillaire (diamètre papillaire de l’ordre de trois diamètres vasculaires) chez le bébé doit faire rechercher une insuffisance hypophysaire.

B – Pathologie du nerf optique :

1- Névrite optique :

Ce terme implique l’existence d’un mécanisme inflammatoire ou démyélinisant.

L’ONTT (Optic Neuritis Treatment Trial) a bien précisé les caractéristiques des névrites optiques. Trois patients sur quatre sont des femmes.

Des phosphènes, phénomènes lumineux, peuvent précéder la baisse d’acuité visuelle qui est brutale ou très rapidement progressive.

La douleur, présente dans 90 % des cas, est majorée par les mouvements des globes.

Il existe un scotome central avec baisse d’acuité (90 %des cas) ou parfois altitudinal isolé. La papille est normale ou oedémateuse (35 % des cas).

La décoloration est retardée (une pâleur d’emblée traduit une atteinte antérieure).

La récupération, qui ne commence jamais avant 3 jours, est généralement bonne en 5 semaines.

La corticothérapie per os est à proscrire car elle augmente le risque de récidive [1, 2].

La corticothérapie intraveineuse (bolus) retarde l’évolution éventuelle vers une sclérose en plaques.

Parfois, le patient présente un syndrome d’Uhthoff séquellaire (10 % après 6 mois) : son acuité baisse lorsqu’il fait un effort physique, après les repas, lorsqu’il fait chaud ou lorsqu’il a de la fièvre.

Ce syndrome est caractéristique des névrites optiques et de la neuropathie optique de Leber.

L’évolution à 4 ans vers une sclérose en plaques définie est retrouvée chez 13 %des patients sans lésion décelée à l’IRM, 35 % de ceux avec une ou deux lésions, 50 % des patients avec trois lésions ou plus.

Si, en Europe, la névrite optique évoque une sclérose en plaques en premier lieu, en Afrique du Nord, elle évoque d’abord une maladie de Behçet.

* Neuropathie optique ischémique aiguë :

La baisse d’acuité s’accompagne d’un déficit campimétrique altitudinal, souvent inférieur.

Il existe toujours à la phase aiguë (sinon réfuter le diagnostic) un oedème papillaire, souvent localisé, accompagné d’exsudats blancs et d’hémorragies.

En raison des implications thérapeutiques majeures, il est fondamental de différencier les NOIA non artéritiques des NOIA artéritiques (artérite temporale de Horton).

+ Neuropathie optique ischémique aiguë non artéritique :

Seuls 10 %des patients perçoivent une douleur orbitaire.

Celle-ci n’augmente pas à la mobilisation du globe (diagnostic différentiel avec les névrites optiques).

L’examen de l’oeil adelphe est déterminant s’il retrouve une papille « pleine » (excavation petite ou absente), principal facteur de risque des NOIA non artéritiques.

Sinon, il faut évoquer une origine artéritique ou thromboembolique.

Aucun traitement n’a prouvé son efficacité sur l’oeil atteint.

La fenestration des gaines du nerf optique est nocive [15, 18, 20].

La bilatéralisation est fréquente dans les 6 mois.

L’aspirine réduirait de 18 % le risque pour l’oeil sain.

Les anticoagulants méritent d’être évalués pour ce risque.

+ Neuropathie optique ischémique aiguë artéritique (maladie de Horton) :

Le risque est la cécité.

Les arguments diagnostiques sont :

– l’âge avancé ;

– la présence de céphalées ;

– l’existence d’épisodes de flou visuel, d’amaurose, de diplopie ;

– les myalgies ;

– l’altération de l’état général ;

– la claudication de la mâchoire ;

– l’existence d’une excavation large de l’oeil sain ;

– la bilatéralité d’emblée de la NOIA ;

– la vitesse de sédimentation dont l’élévation peut être retardée.

La certitude diagnostique repose sur la biopsie d’artère temporale qui peut cependant être négative.

* Neuropathie optique toxique (atteinte bilatérale et symétrique) :

Sans oedème papillaire : le type en est la neuropathie optique alcoolotabagique.

La clé du diagnostic est le scotome centrocæcal bilatéral. Il se traduit par une baisse d’acuité progressive de loin et de près, alors que la papille reste bien colorée au début.

Chez le patient en cure de désintoxication, le diagnostic différentiel essentiel est la neuropathie optique toxique due au disulfirame (Espéralt).

La réversibilité est plus ou moins bonne selon la précocité du sevrage.Toute aggravation après arrêt de l’intoxication doit faire rediscuter le diagnostic et évoquer une maladie de Leber.

Une carence vitaminique est souvent associée, que l’on doit traiter.

Avec oedème papillaire : dominée par la neuropathie optique provoquée par la Cordaronet.

Le déficit campimétrique altitudinal peut poser de difficiles problèmes diagnostiques différentiels avec une neuropathie optique ischémique aiguë.

À part : le rétrécissement concentrique du champ visuel provoqué chez quelques patients par le vigabatrin (Sabrilt) correspond à une atteinte rétinienne et non neurologique.

Les deux autres causes de rétrécissement concentrique sont les rétinopathies pigmentaires et la simulation (ou l’hystérie).

* Neuropathies optiques congénitales :

Les neuropathies optiques héréditaires peuvent soit être isolées, soit s’intégrer au sein d’un syndrome réunissant diverses atteintes neurologiques ou plurisystémiques, soit être une des manifestations d’une maladie métabolique héréditaire.

Les neuropathies optiques héréditaires isolées sont dominées par la neuropathie optique de Leber et l’atrophie optique dominante.

+ Neuropathie optique de Leber :

L’homme est beaucoup plus souvent touché que la femme.

Les antécédents familiaux peuvent manquer (cas isolés).

La baisse d’acuité survient habituellement entre 15 et 35 ans, mais parfois avant 10 ans ou après 50 ans.

Elle est bilatérale d’emblée dans la moitié des cas ou se bilatéralise dans les 6 mois suivants.

Évolution : il n’y a pas de récupération analogue à celle des névrites optiques de la sclérose en plaques.

Il existe des récupérations d’acuité visuelle, parfois importantes même plusieurs mois ou années après le début. Le pronostic dépend largement de la mutation responsable.

Transmission : seules les femmes sont transmettrices car toutes les mitochondries sont d’origine maternelle.

Les femmes porteuses de l’anomalie ne la transmettent pas à tous leurs descendants car coexistent des mitochondries normales et des mitochondries porteuses de l’acide désoxyribonucléique (ADN) muté.

Diagnostic : il est confirmé par la recherche des mutations de l’ADN mitochondrial.

Toute névrite optique bilatérale d’emblée ou dans un délai de 6 mois et qui ne récupère pas dans les délais habituels doit évoquer une maladie de Leber.

La baisse d’acuité initiale est souvent brutale, importante, de l’ordre de 1/10e mais allant parfois jusqu’à la cécité.

Cette baisse peut avoir été précédée de sensations lumineuses et/ou colorées et être majorée par l’effort physique et la chaleur (signe d’Uhthoff).

Champ visuel : scotome central puis cæcocentral (englobant la tache aveugle et le point de fixation).

Vision des couleurs : dyschromatopsie.

Fond d’oeil : au stade aigu, la papille est hyperhémiée avec saillie des fibres papillaires, voire hémorragies (aspect de pseudo-oedème papillaire sans diffusion du colorant à l’angiographie).

Dans la moitié des cas, il existe des télangiectasies péripapillaires de très grande valeur diagnostique.

Celles-ci peuvent se voir chez des sujets porteurs de l’anomalie génétique et n’ayant pas eu d’atteinte visuelle.

L’évolution se fait vers l’atrophie optique, mais les papilles peuvent rester bien colorées pendant des années.

Les potentiels évoqués visuels (PEV), altérés, apportent peu de renseignements.

L’électrorétinogramme est normal.

L’IRM est normale (un aspect de gros nerfs optiques a été décrit).

Signes associés : la recherche de troubles de la conduction cardiaque doit être systématique.

+ Atrophie optique dominante :

La baisse d’acuité, bilatérale symétrique, commence avant l’âge de 10 ans, est modérée, d’installation insidieuse et peu évolutive.

L’acuité est très variable d’un individu à l’autre, y compris dans une même famille.

Chez la moitié des sujets, l’acuité baisse lentement comme en témoigne, dans les différentes publications, l’étude de l’acuité des sujets atteints en fonction de leur âge.

Tous les patients de moins de 15 ans ont au moins 1/10e (souvent 3/10e à 4/10e), et un quart des patients de plus de 45 ans ont moins de 1/10e.

Transmission : elle est dominante.

Il n’y a pas de cas isolés, mais cette pathologie peut être méconnue dans une famille.

Le mécanisme serait une atteinte dégénérative des cellules ganglionnaires.

Diagnostic : il est précoce en cas de pathologie familiale connue.

Sinon, il peut être tardif ou non fait, d’autant que l’atteinte est symétrique.

L’acuité est souvent entre 2/10e et 5/10e au moment du diagnostic.

Le patient et l’entourage sont incapables de préciser une date de début.

Champ visuel : il met en évidence un scotome central ou cæcocentral. Vision des couleurs : la tritanopie est un signe majeur de cette affection ; le patient voit très mal le bleu, beaucoup moins bien que le rouge.

Fond d’oeil : l’atrophie optique temporale peut se résumer à un aspect de coloration très homogène, très « lisse » de la papille, en rapport avec la disparition des petits vaisseaux de surface.

Les PEV altérés n’ont d’intérêt qu’en l’absence d’atrophie optique visible.

+ Neuropathies optiques héréditaires associées à d’autres anomalies neurologiques ou systémiques :

Elles sont associées en particulier à :

– un trouble de l’audition ;

– un diabète juvénile (avec ou sans troubles auditifs) : il s’agit de l’atrophie optique progressive autosomale récessive avec diabète juvénile, au cours de laquelle le déficit visuel est majeur ;

– une ataxie ; il convient de rechercher systématiquement une atrophie optique bilatérale dans ces cas (en particulier, maladie de Friedreich, maladie de Charcot-Marie-Tooth) ; l’atteinte des PEV est plus précoce que les signes cliniques.

* Neuropathie optique compressive :

Elle est responsable d’un déficit lentement progressif (parfois aigu en cas de compression dans le canal optique).

Le diagnostic est facile en cas d’exophtalmie.

Le champ visuel localise la compression.

L’IRM doit la visualiser.

Il peut exister une atteinte oculomotrice associée dans le cadre d’un syndrome de l’apex.

C – Pathologie du chiasma :

Elle associe une baisse d’acuité et un déficit campimétrique bitemporal.

Son origine est presque toujours compressive, très rarement inflammatoire ou postradique (de très mauvais pronostic).

Le diagnostic repose sur l’IRM.

Le traitement est celui du processus compressif.

Il est urgent si le déficit campimétrique affleure le point de fixation (risque de baisse d’acuité importante).

D – Pathologie des bandelettes optiques :

Elles sont comprimées par un craniopharyngiome plus souvent que par un adénome de l’hypophyse.

Elles sont très rarement inflammatoires.

Cette pathologie est évoquée devant une hémianopsie homonyme incongruente (asymétrique).

E – Pathologie des radiations optiques :

Compressives ou ischémiques, elles entraînent un déficit homonyme assez congruent (symétrique).

F – Pathologie des aires corticales :

À ce niveau, une hémianopsie est toujours congruente.

Les tableaux cliniques possibles sont très nombreux.

1- Agnosies visuelles :

Elles regroupent nombre de tableaux cliniques.

Elles peuvent être globales ou limitées à certains items (prosopagnosie pour les visages par exemple), aperceptives lorsque le patient semble se trouver dans un monde complexe où tout lui est étranger, associatives lorsque l’objet (ou le visage en cas de prosopagnosie) est familier au patient qui ne peut cependant le reconnaître.

Le diagnostic d’agnosie visuelle nécessite une perception visuelle normale, l’absence d’aphasie et d’amnésie.

Les lésions en cause sont temporo- ou pariéto-occipitales, droites ou le plus souvent bilatérales.

2- Alexies pures :

Sans agraphie, le patient est incapable de lire ce qu’il vient d’écrire, traduisant une lésion temporo-occipitale gauche, ou avec agraphie, traduisant une lésion du gyrus angulaire gauche.

3- Illusions (déformation d’une perception réelle) et hallucinations (perception visuelle sans support réel) :

Elles sont le plus souvent paroxystiques, d’origine migraineuse ou rarement comitiale.

Les migraines réduites à une aura visuelle sans céphalées sont très fréquentes.

Ces auras peuvent être spectaculaires chez l’enfant.

4- À part, le problème des baisses d’acuité visuelle et des troubles du champ visuel transitoires :

Le patient décrit souvent comme étant monoculaire un trouble binoculaire latéral homonyme.

Cette précision est essentielle car une cécité monoculaire transitoire (CMT) traduit une pathologie carotidienne, alors qu’une hémianopsie homonyme transitoire traduit un problème rétrochiasmatique, généralement migraineux.

Parfois, le patient dit qu’il ne voyait que la moitié gauche ou droite des choses et on peut affirmer la binocularité des troubles.

La maladie de Horton est l’urgence diagnostique en cas deCMTchez un sujet âgé.

À tout âge, la répétition à court terme des CMT impose un bilan étiologique en urgence.

Oculomotricité intrinsèque :

A – Rappel physiologique :

Le sympathique provoque une mydriase et inhibe l’accommodation.

Le parasympathique (nerf oculomoteur [III] intrinsèque) provoque un myosis et une accommodation.

Méthode d’examen des pupilles : il faut vérifier que les deux pupilles sont de même taille, non seulement en éclairage ambiant, mais aussi dans la pénombre.

On teste ensuite la contraction de chaque pupille lorsqu’on l’éclaire.

En cas d’absence d’un des réflexes photomoteurs, il faut tester la contraction pupillaire lors de l’accommodation-convergence.

Il est nécessaire de solliciter très longuement le patient en le faisant fixer un objet de près.

Effets des collyres :

– cocaïne : elle provoque une mydriase en inhibant la réabsorption du neurotransmetteur au niveau de la synapse sympathique ;

– norépinéphrine : elle provoque une contraction du dilatateur de l’iris ;

– pilocarpine : elle provoque une contraction du sphincter de l’iris et du corps ciliaire (accommodation) ;

– atropine : elle provoque le relâchement du sphincter de l’iris et du corps ciliaire.

B – Pathologie pupillaire :

1- Mydriase bilatérale aréactive :

Il faut toujours évoquer de parti pris :

– une intoxication botulique : l’existence de troubles digestifs ou urinaires et surtout d’une sécheresse buccale conduit au diagnostic et aux mesures d’urgence pour le patient et l’entourage ;

– une diphtérie : le contexte d’angine à fausses membranes est immédiatement évocateur ;

– la cause la plus fréquente est la mydriase iatrogène : l’interrogatoire recherche le travail en laboratoire, une ambiance médicalisée, l’instillation de gouttes à une autre personne (d’atropine à un enfant en particulier), l’usage de spécialités antitabac, de drogues.

Les pupilles d’Adie bilatérales d’emblée sont exceptionnelles, ainsi que les lésions des noyaux pupillaires (paramédians).

2- Myosis bilatéral aréactif :

Il ne faut pas méconnaître une pupille d’Argyll-Robertson (irrégulière et devenant encore plus petite en accommodation-convergence).

La sérologie syphilitique est systématique.

3- Anisocorie :

Trois cas sont possibles selon les réflexes photomoteurs.

Photomoteurs normaux :

– il s’agit soit d’une anisocorie physiologique, soit d’un syndrome de Claude Bernard-Horner du côté de la plus petite pupille, surtout s’il existe un ptôsis de ce côté et si l’anisocorie est majorée dans la pénombre.

Souvent, seul le test au collyre à la cocaïne (qui majore l’anisocorie en cas de syndrome de Claude Bernard-Horner) permet de trancher.

En cas d’apparition aiguë de ce syndrome en contexte douloureux, il s’agit d’une dissection carotidienne jusqu’à preuve du contraire et une IRM s’impose.

Mauvais photomoteurs de la grande pupille :

– bonne contraction en accommodation-convergence : pupille d’Adie, associée parfois à une abolition des réflexes ostéotendineux aux membres inférieurs (syndrome d’Adie) ;

– mauvaise contraction en accommodation-convergence : il est essentiel de ne pas méconnaître un III intrinsèque, toujours compressif ; il faut être certain qu’une cause ophtalmologique a été éliminée. Mauvais photomoteurs de la petite pupille :

– pupille d’Adie vieillie ;

– pupille d’Argyll-Robertson ;

– causes ophtamologiques d’anisocorie (chirurgie oculaire, séquelles d’uvéite…).

Oculomotricité extrinsèque :

A – Rappel physiologique :

Chaque globe est mû par quatre muscles droits (interne, externe, supérieur et inférieur) et deux muscles obliques (supérieur et inférieur).

On distingue :

– la motilité volontaire (« regardez à droite ») ;

– la motilité automatique (« suivez des yeux ce stylo ») ;

– la motilité réflexe (mouvements des yeux lorsque l’examinateur mobilise la tête du sujet). Les paupières :

– l’occlusion est commandée par le nerf facial ;

– l’ouverture est commandée par le parasympathique (III), et le sympathique (fibres lisses du muscle de Müller).

Une paralysie oculomotrice correspond à une atteinte musculaire (myopathie), neuromusculaire ou neurologique.

Les atteintes neurologiques elles-mêmes peuvent se situer au niveau du tronc du nerf oculomoteur, au niveau du noyau du nerf ou être supranucléaires.

B – Principales méthodes d’exploration de la motilité extrinsèque :

1- Observation des excursions et des saccades des globes :

Elle est toujours indispensable.

C’est le seul test possible lorsque le patient est amblyope uni- ou bilatéral.

Ce test doit être fait comparativement, les deux yeux ouverts, mais aussi oeil par oeil (l’autre étant caché) en cas de paralysie.

– Les excursions sont-elles limitées ?

– Existe-t-il des mouvements anormaux, nystagmus en particulier ?

L’examen au verre rouge est systématique si on évoque une paralysie oculomotrice.

2- Évaluation d’un ptôsis :

Il faut tenir compte de l’action compensatrice du muscle frontal.

Cette action peut masquer le ptôsis et donner une impression de rétraction de la paupière supérieure controlatérale. Un schéma doit visualiser le bord palpébral par rapport au limbe et à la pupille en éclairage moyen.

Il est essentiel d’obtenir des photographies récentes et anciennes afin de dater le ptôsis et de juger de l’évolution et de la variabilité d’un jour à l’autre et au cours d’une même journée.

Une grande variabilité est très en faveur d’une myasthénie (mais une petite majoration à la fatigue est banale).

Devant tout ptôsis franc sans anomalie pupillaire (qui orienterait vers une paralysie du III ou vers un syndrome de Claude Bernard-Horner), le test au glaçon s’impose, qui aide à diagnostiquer nombre de myasthénies.

3- Évaluation des orbiculaires :

Le patient fait une occlusion forcée des yeux tandis que l’examinateur tente de les ouvrir.

Ne pas faire ce test conduit à méconnaître nombre de myasthénies, de myotonies, de myopathies.

4- Coordimètre de Weiss (ou test de Hess-Weiss) :

Il remplace le test de Lancaster.

Il permet souvent à un orthoptiste ou un ophtalmologiste entraîné de porter un diagnostic instantané précis des muscles touchés, voire de l’étiologie (maladie de Basedow, syndrome de l’oeil lourd du myope, paralysie congénitale du grand oblique décompensée…).

Il permet aussi de quantifier les déviations oculaires.

Il est normal en cas de paralysie très discrète ou de paralysie symétrique (le coordimètre d’un patient présentant une ophtalmoplégie bilatérale complète est normal).

5- Examen au verre rouge :

Examen de routine, il ne nécessite qu’un verre rouge et un point lumineux.

Il permet de préciser les plus discrètes paralysies oculomotrices, sans toutefois être quantitatif, ni donner d’informations spécifiques sur l’étiologie.

Une diplopie peut apparaître sans paralysie oculomotrice (décompensation tardive d’un trouble de la vision binoculaire).

C – Pathologie de l’oculomotricité extrinsèque :

1- Diplopie :

Nombre de diplopies sont monoculaires, dues à un astigmatisme ou un trouble des milieux, exceptionnellement à des illusions (polyopie, palinopsie) en rapport avec une lésion pariéto-occipitale.

Elles persistent lors de l’occlusion d’un oeil. Après avoir vérifié qu’une diplopie est due à un trouble oculomoteur, c’est-à-dire qu’elle est binoculaire, il faut évoquer de parti pris les trois urgences que sont l’anévrisme carotidien en voie de rupture, la maladie de Horton, l’hypertension intracrânienne sévère.

La démarche diagnostique comprend alors trois étapes essentielles :

– déterminer le ou les muscles responsables de la diplopie ;

– différencier une pathologie musculaire (myopathie, le plus souvent au cours d’une ophtalmopathie dysthyroïdienne), une pathologie jonctionnelle (myasthénie) et une pathologie neurologique ;

– en cas de pathologie neurologique, localiser l’atteinte tronculaire, nucléaire ou supranucléaire.

L’interrogatoire recherche une notion de traumatisme orbitaire, d’intoxication possible, de facteurs de risque.

L’examen de la motilité (verre rouge) permet de déterminer les muscles responsables et de faire le diagnostic différentiel avec une phorie décompensée.

En dehors des diplopies transitoires, il n’est pas logique d’aller plus loin tant qu’on ne sait pas quels sont les muscles incriminés.

Il faut alors se demander si on doit raisonner en termes de muscles atteints ou en termes de paire crânienne atteinte, c’est-à-dire par exemple savoir si l’on doit parler d’une parésie du nerf abducens [VI] ou seulement d’une parésie du muscle droit externe.

En fonction des hypothèses étiologiques, on décide des investigations à entreprendre. L’IRM est systématique devant toute paralysie oculomotrice.

Trois cas particuliers sont à connaître :

– chez le patient strabique congénital, l’absence de diplopie est fréquente même en cas de paralysie oculomotrice ; de plus, une limitation des excursions des globes peut être congénitale ou iatrogène ;

– chez l’enfant, la diplopie est remplacée par le clignement d’un oeil pendant 1 à 3 jours, puis disparaît (l’enfant neutralise la seconde image) même si une paralysie persiste ;

– la paralysie congénitale du grand oblique est très fréquente et se décompense souvent après 50 ans.

* Traitement :

Outre un éventuel traitement étiologique, il faut, si la diplopie est gênante, envisager un traitement symptomatique qui va de l’occlusion sur lunettes (totale ou partielle) à la chirurgie réglable de l’oculomotricité en passant par les prismes.

Le délai à attendre avant d’opérer n’a pas encore été établi correctement, mais le délai classique de 6 mois ne repose sur aucune étude fiable.

Au moins dans le cas des paralysies traumatiques massives du VI, il faut, en l’absence de début de récupération, opérer à la fin du deuxième mois, ce qui conduit à un résultat fonctionnel bien meilleur qu’après 6 mois.

La place de la toxine botulique reste mal définie.

2- Paralysies supranucléaires :

* Ophtalmoplégie internucléaire :

Observée dans le regard latéral droit ou gauche, le premier signe est un ralentissement des saccades d’adduction du côté de l’ophtalmoplégie.

Il faut donc faire bouger les yeux du patient en lui demandant de fixer alternativement deux objets, situés l’un à gauche, l’autre à droite, et rechercher une divergence transitoire lors de ces saccades.

À un stade plus évolué apparaît le nystagmus ataxique de l’oeil en abduction, puis une vraie limitation de l’adduction avec diplopie en vision de près.

L’adduction en convergence peut être ou non meilleure et n’a pas d’intérêt.

En cas d’ophtalmoplégie internucléaire bilatérale, il existe toujours un fin nystagmus vertical dans le regard vers le haut.

* Paralysie de la latéralité :

Les deux yeux restent parallèles et leur excursion dans le regard latéral droit et/ou gauche.

Le coordimètre (comme le Lancaster) est normal.

* Paralysie de la verticalité :

Il faut surtout retenir le syndrome de Parinaud qui associe de façon plus ou moins complète :

– paralysie de l’élévation ;

– rétraction des paupières supérieures ;

– paralysie de la convergence (parfois spasme) ;

– dissociation pupillaire ou aréflexie ;

– lenteur des saccades vers le bas. Les déficits du contrôle cortical des saccades sont rarement au premier plan.

3- Nystagmus :

Il est parfois responsable de baisse d’acuité majeure par instabilité de l’image, avec ou sans oscillopsies patentes.

Certains nystagmus congénitaux sont latents, n’apparaissant qu’à l’occlusion d’un oeil. Ils peuvent être décompensés par toute atteinte de la vision binoculaire (atteinte des voies optiques ou de la motilité oculaire).

Deux nystagmus acquis sont essentiels à reconnaître :

– le nystagmus ataxique de l’oeil en abduction dans l’ophtalmoplégie internucléaire ;

– ledown beat nystagmus ou nystagmus battant vers le bas dans le regard en bas qui traduit généralement une lésion en regard de la charnière (malformation, sclérose en plaques…), rarement, une intoxication au lithium, une prise de carbamazépine (Tégrétolt), un syndrome de Korsakoff…

* Traitement :

La carbamazépine et le baclofène sont parfois efficaces pour freiner un nystagmus.

Sinon, en cas de retentissement fonctionnel important, il faut proposer un geste chirurgical (par exemple abaisser chirurgicalement les yeux en cas de nystagmus ne battant que de face et dans le regard vers le bas).

Les autres mouvements oculaires anormaux (flutter en particulier) sont très rares.

4- Blépharospasme :

Il s’agit d’une dystonie (donc bilatérale) responsable d’une occlusion involontaire tonique des yeux, souvent douloureuse et invalidante.

Il existe des activités déclenchantes et ne pas constater le blépharospasme ne l’exclut pas.

C’est dire que l’interrogatoire est essentiel. Le traitement repose sur l’éviction des neuroleptiques, les collyres mouillants et les injections de toxine botulique dans les orbiculaires.

L’hémispasme facial ressemble à un blépharospasme unilatéral associé à des mouvements d’élévation de la commissure labiale. Une boucle vasculaire au contact du nerf facial est parfois en cause.

La prise en charge de pathologies neuro-ophtalmologiques nécessite un examen ophtalmologique et neuro-ophtalmologique précis qui guide les investigations et affirme ou infirme l’origine neurologique des troubles ophtalmologiques.

Les progrès de l’imagerie, de l’électrophysiologie, de la génétique et de la biologie sont très importants.

Cependant, la connaissance de la sémiologie et de la clinique reste essentielle car il faut savoir prescrire les examens utiles en donnant tous les renseignements cliniques nécessaires.

Bien souvent, le traitement étiologique est peu efficace et le traitement symptomatique devient essentiel. Sa haute spécificité justifie une prise en charge très spécialisée.

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