Troubles de l’écriture

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Introduction :

On écrit avec la main, ou encore avec le pied, ce que l’on entend, ce que l’on dit, ce que l’on voit, ce que l’on sent, ce que l’on pense.

Troubles de l’écritureCette formule suffirait à résumer les relations entre le système nerveux et l’écriture.

Elle a au moins pour avantage d’en illustrer les deux versants : d’une part programmation et exécution matérielle du geste graphique, d’autre part composition et conception de la transcription.

Ceci montre à la fois la subtilité et la complexité de l’écriture, qui touche aux mécanismes les plus profonds de la sensorimotricité et de la cognition.

Afin d’essayer d’approcher le mécanisme de la fonction d’écrire on peut, entre autres, se baser sur l’expérience de la désorganisation de l’écriture telle qu’elle s’observe dans diverses lésions cérébrales, et aussi sur les apports de la neuropsychologie cognitive ramenant l’écriture au déroulement d’une organisation modulaire.

Tout aurait été simple, si, comme l’avait supposé Exner en 1881, existait un centre cérébral de l’écriture, comme existe par exemple un centre de la respiration ou de la déglutition.

L’observation d’un cas d’agraphie pure associée à une lésion du pied de la deuxième circonvolution frontale paraissait initialement autoriser cette hypothèse.

Toutefois, les agraphies pures sont rares, et surtout accompagnent des lésions aussi bien pariétales ou caudées que frontales.

De surcroît, on tend à admettre, après Chedru et Geschwind, qu’il n’est de véritable agraphie pure, avec graphèmes mal formés, incapacité d’écrire sur une ligne, impossibilité de copie, qu’au cours de la confusion mentale aiguë. Concernant les premières hypothèses sur les mécanismes de l’écriture, un véritable chaos devait marquer la fin du XIXe siècle.

Charcot, en 1884, imprégné de la prééminence du concept de mémoire, imaginait dans le célèbre schéma de la cloche, un centre de la mémoire des mouvements coordonnés de la main, permettant de représenter les mots par l’écriture.

Mais la notion d’un centre graphique des mots se heurtait au fait qu’il est possible d’écrire aussi bien avec la main gauche, qu’avec la bouche, qu’avec le pied droit ou le pied gauche, ce qui supposerait l’extension d’un tel centre à l’ensemble de la surface cérébrale motrice.

En 1891, Dejerine rapporta le cas d’un homme qui avait brutalement perdu la capacité d’écrire et de lire.

De même qu’il ne pouvait lire ni les lettres, ni les mots, ce sujet n’était capable qu’imparfaitement d’écrire son nom ou de copier un mot écrit.

L’autopsie montra un ramollissement cérébral « de la taille d’une pièce de 5 francs », intéressant le gyrus angulaire gauche, région de cortex que Dejerine interprétait comme le « centre de l’image optique des lettres », sorte de lieu de stockage à long terme de la représentation des mots écrits, nécessaire selon lui à l’évocation, tout autant de la représentation acoustique des lettres vues, que de l’image graphique des sons entendus.

La lésion de cette région aurait donc le double effet d’empêcher la reconnaissance et la compréhension des mots écrits et de perturber la production graphique.

Cette hypothèse fut confortée par l’observation par Dejerine d’un cas d’alexie pure chez un patient incapable de lire et de comprendre le langage écrit, alors que son écriture sous dictée était normale.

La prédiction de Dejerine, ultérieurement confirmée par l’autopsie, était que le « centre de l’image optique des lettres », c’est-à-dire le pli courbe gauche, devait être intact (puisque le patient était capable de s’exprimer normalement par écrit), mais déconnecté de toute afférence visuelle.

Enfin, Dejerine publia avec André-Thomas une alexie-agraphie avec préservation de l’épellation orale.

L’interprétation, d’après le modèle précédemment proposé, était que le centre de l’image optique des lettres était intact mais déconnecté des aires motrices responsables de la réalisation graphique, avec préservation des voies nécessaires à l’épellation orale.

En 1908, Liepmann et Maas décrivaient un cas historique de disconnexion calleuse antérieure, et insistaient sur deux composantes des troubles : l’apraxie idéomotrice de la main gauche et l’agraphie unilatérale gauche.

Ils proposaient l’hypothèse selon laquelle une lésion de la partie antérieure du corps calleux aurait interrompu les connexions entre les centres chargés de la programmation du geste, situés dans l’hémisphère gauche, et ceux chargés de son exécution par la main gauche, situés dans l’hémisphère droit.

En d’autres termes, la main gauche du patient (hémisphère droit) n’avait plus accès aux programmes moteurs capables de guider le mouvement à partir d’une commande verbale (hémisphère gauche). Cette hypothèse n’a été confirmée que 60 ans plus tard par Geschwind et Kaplan (1968), qui rapportaient le premier cas moderne de syndrome de disconnexion calleuse.

Par la suite, diverses observations de disconnexion calleuse spontanée ou chirurgicale ont précisé le siège du transfert de l’information entre les deux hémisphères, prouvant en particulier que conception et réalisation de l’écriture étaient sous-tendues par des zones cérébrales séparées.

L’apport de ces dernières années à la connaissance des mécanismes de l’écriture a surtout été celui des modèles cognitivistes.

Des modèles de traitement de l’information inspirés de l’intelligence artificielle, et calqués sur ceux déjà proposés pour les mécanismes de la lecture, tentent de dissocier les différentes étapes aboutissant à la conception du geste graphique.

Deux voies de traitement sont offertes à un mot devant être écrit (voie phonologique de transcodage phonographémique ; voie lexicosémantique).

Ainsi se séparent en pathologie les dysgraphies phonologiques et les dysgraphies lexicales. Roeltgen et Heilman ont tenté de déterminer le siège des lésions cérébrales responsables de chacun de ces deux types de perturbations de l’écriture.

Dans la dysgraphie phonologique, la lésion toucherait le gyrus supramarginal et l’insula gauches ; dans la dysgraphie lexicale, elle se situerait plus en arrière, touchant la jonction entre le gyrus angulaire et le lobe occipital, souvent dans la substance blanche juxtacorticale.

Anatomie et physiologie de l’écriture :

Le modèle graphique est la résultante d’un message qui doit être transcrit.

Celui-ci provient soit de l’individu soit de son environnement, et est alors capté par voie sensorielle.

Dès lors, un transcodage se déroule essentiellement dans deux régions de cortex associatif non spécifique, multimodal, situées dans le carrefour temporo-pariéto-occipital gauche : le gyrus angulaire ou pli courbe, le gyrus supra marginalis. Dans ces zones, se situe vraisemblablement la représentation imagée des mots et des lettres, la conception et l’idée du geste graphique.

Diverses régions cérébrales apportent à ces zones des informations : messages sensoriels, et aussi rappel des tracés mnésiques des lettres et des mots.

Chaque hémisphère intervient dans l’élaboration de l’acte graphique, le gauche pour les éléments à caractère verbal, le droit pour les éléments à caractère spatial ainsi que dans une région globale, sémantique du mot écrit.

Ces étapes se déroulent dans le cerveau rétrorolandique et aboutissent à l’instauration du modèle graphique.

La résonance magnétique fonctionnelle permet d’étudier le fonctionnement du lobe pariétal pendant la dictée.

Des zones d’activation surviennent dans le lobe pariétal supérieur gauche (et dans la partie adjacente du cortex pariétal inférieur).

D’autres points d’activation se situent dans l’hémisphère gauche : aire prémotrice, aire motrice supplémentaire et cortex sensorimoteur.

Le rôle du lobe pariétal supérieur gauche apparaît ainsi prééminent dans l’écriture.

Le modèle doit alors être transmis au cortex moteur primaire pour la concrétisation du mouvement. Auparavant, le geste graphique est initié.

Le message, né des aires associatives pariétales, est d’abord initié dans les deux aires motrices supplémentaires responsables du déclenchement du mouvement, tandis que le cortex frontal prémoteur organise l’harmonie de ce dernier.

Parallèlement, le mouvement est programmé selon des circuits complexes, les uns questionnant le cervelet sur sa durée, d’autres interrogeant les noyaux gris centraux sur l’intensité de l’activation musculaire.

Enfin, le cortex moteur donne l’ordre de contraction aux motoneurones médullaires, tandis que des afférences proprioceptives et visuelles corrigent les éventuelles erreurs d’exécution. Main droite et main gauche sont capables d’écrire grâce à la transmission calleuse.

La résonance magnétique fonctionnelle a été étudiée dans des conditions différentes faisant intervenir des fonctions visuelles, linguistiques ou motrices.

L’activation se produit dans la partie antérieure du lobe pariétal supérieur gauche, la partie postérieure du lobe frontal supérieur et moyen et le côté droit du cervelet.

Cette dernière activation reflèterait l’exécution des mouvements complexes des doigts.

L’exécution du tracé graphique est sans doute influencée par l’aire cingulaire, impliquée par les comportements émotionnels, l’affectivité, les motivations.

De même, une dimension d’activation générale, non spécifique, dépend du système réticulaire activateur ascendant, du locus coeruleus et des noyaux intralaminaires du thalamus.

L’intervention de divers transmetteurs a vraisemblablement un effet sur la réalisation graphique, à l’origine de ce qui est parfois nommé la chimie de l’écriture.

La conjonction de ces facteurs rend compte du caractère individuel de l’écriture, manifestation unique de la personnalité.

Agraphies motrices :

Le terme d’agraphie motrice recouvre, au sens le plus large, les troubles de l’exécution du mouvement d’écriture.

A – SYSTÈME NERVEUX PÉRIPHÉRIQUE :

Ajouté aux anomalies purement mécaniques entravant la production graphique, un certain nombre de neuropathies périphériques comportant des troubles sensitifs sont à l’origine d’une désafférentation sensitive.

Ceci altère un des systèmes détecteurs d’erreur : la proprioception.

Cette perte de feedback périphérique, c’est-à-dire du rétrocontrôle lié à la proprioception, fait que le contrôle de la position des doigts, de la direction de la ligne, de l’exécution des lettres et des mots, se fait uniquement par l’intermédiaire de la vision.

Si on demande au patient de fermer les yeux, la séquence des mouvements fins se désordonne progressivement, le maintien des positions successives devient impossible, l’écriture s’est déstabilisée.

Le contrôle visuel interagit avec l’information proprioceptive, et règle l’ajustement fin de l’écriture par une composante topocinétique déterminée par un espace donné à la feuille de papier.

La perte de ce contrôle s’observe notamment chez de grands vieillards lorsque des déficits plurisensoriels s’ajoutent dans la désorganisation de l’écriture.

La perte du contrôle visuel est alors à l’origine d’une véritable dysgraphie spatiale : orientation bizarre des lignes, marges festonnées, erreurs de positionnement des ponctuations, des accents.

B – CORTEX MOTEUR ET PRÉMOTEUR :

La représentation de la main est très étendue sur le cortex moteur primaire.

Le cortex prémoteur contrôle surtout la composante musculaire proximale et la flexibilité comportementale du geste.

L’aire motrice supplémentaire initie et organise le programme moteur, sa chronologie, son importance.

Dans une conception du cortex prémoteur au sens large se séparent, d’une part le système latéral ou cortex prémoteur classique, d’autre part le système médian représenté par l’aire motrice supplémentaire.

Le premier, connecté avec les aires pariétales associatives, répond au milieu environnant.

Le second, connecté au cortex cingulaire, est relié aux sollicitations internes et à la motivation.

Les lésions du cortex moteur sont à l’origine d’effets purement mécaniques sur l’exécution du geste graphique, tandis que les lésions prémotrices entraînent des modifications plus complexes de nature apraxique.

En cas d’infarctus prémoteur s’observent une faiblesse proximale hétérolatérale et une incoordination proximale bilatérale à l’origine d’une sévère agraphie, essentiellement apraxique.

La dimension des mots écrits est altérée. L’organisation spatiale des mots est dérangée.

L’écriture proximale est mal connue, par exemple dans l’acte d’écrire au tableau.

Chez un patient porteur d’une dysconnexion calleuse survint une agraphie gauche.

Mais l’apraxie disparaissait dans l’écriture proximale, ce qui pourrait suggérer qu’elle est commandée par le cortex ipsilatéral.

C – CERVELET :

Le cervelet intervient en contrôlant l’écriture dans la programmation du geste (calcul anticipatif de la durée dans le cortex latéral, informé par le cortex associatif), dans la régulation de celui-ci (contrôle par le cortex intermédiaire informé par les afférences spinales), dans l’automatisme de l’écriture.

La conséquence d’une atteinte du cervelet porte surtout sur les deux premières composantes à l’origine de la mégalographie.

Les lettres sont de grande taille, résultant d’un geste trop ample dû à la fois au fait que l’arrêt de la contraction du muscle agoniste a été mal programmé, et à ce que le début du freinage par le muscle antagoniste a été imparfaitement calculé.

Ce trouble de l’écriture, qui est souvent un signe précoce d’atteinte cérébelleuse, se traduit par des mots de longueur irrégulière.

Les graphèmes sont déformés, avec des montées et des descentes en zigzag.

Lettres et mots se suivent avec des espaces inégaux, s’entremêlent et deviennent souvent illisibles.

Au cours de grands syndromes cérébelleux, par exemple en cas de sclérose en plaques, l’amplitude du geste graphique s’exagère parfois à un tel point que le contact du crayon avec la feuille ne se fait pas ou se limite à un trait brusque, débordant parfois la feuille ou la déchirant.

D – NOYAUX GRIS CENTRAUX :

Les diverses atteintes des noyaux gris centraux, présidant à la programmation du mouvement graphique, sont à l’origine de dysgraphies hypokinétiques ou hyperkinétiques.

1- Maladie de Parkinson :

Si, chez le parkinsonien, la préparation du mouvement s’effectue dans des délais normaux, l’initiation du mouvement est altérée (ce dont témoigne l’abaissement de l’amplitude de la composante NS1 des potentiels corticaux de préparation motrice).

Dès lors, le temps d’exécution est allongé. L’enregistrement électromyographique ne montre plus un cycle triphasique de contraction des muscles agonistes, puis antagonistes, puis agonistes.

La bouffée de contraction initiale du muscle agoniste est peu ample et trop faible, par manque d’énergétisation musculaire dû à l’insuffisance d’intensité donnée par les noyaux gris centraux.

La difficulté des mouvements séquentiels est à l’origine d’une prolongation d’intervalle entre deux mouvements séquentiels.

Enfin, les stratégies motrices prédictrices mettant en jeu un programme moteur préétabli au fil de l’apprentissage sont altérées chez le parkinsonien, qui fait constamment appel à un rétrocontrôle visuel.

Ces facteurs complexes sont à l’origine d’une agraphie hypokinétique, la micrographie, qui, lorsqu’elle est pure, est indépendante du tremblement.

La micrographie est une bradygraphie progressive, signe précoce ayant une grande valeur dans le diagnostic de la maladie d’autant que, surtout en début d’évolution, la thérapeutique, notamment la dopathérapie, normalise parfois de façon spectaculaire l’écriture qui devient lisible, ce qui est un test d’efficacité.

La micrographie se traduit par un amenuisement progressif des caractères, avec rapprochement progressif des lettres et inclinaisons de droite à gauche de la ligne.

La micrographie augmente à mesure que le sujet écrit.

Les lettres sont de plus en plus serrées et de plus en plus petites. Bientôt l’écriture, illisible, se limite à un simple trait irrégulier et oscillant.

On admet habituellement que l’écriture parkinsonienne est indépendante du tremblement.

Un argument est que l’irrégularité d’accélération de l’écriture des parkinsoniens, enregistrée sur table graphique, a une fréquence inférieure à 5 Hz, alors que la fréquence du tremblement est supérieure à 5 Hz, ce qui autorise à déduire leur indépendance réciproque.

Ceci n’est pas constant, et il n’est pas rare, notamment lorsqu’un tremblement d’attitude coexiste, que ce facteur interfère.

L’analyse graphométrique de l’écriture parkinsonienne fait apparaître, outre la diminution de taille et d’amplitude, la lenteur d’exécution qui serait compensatoire du défaut de force, et inversement une accélération involontaire, analogue à ce qui s’observe dans la marche des parkinsoniens, c’est-à-dire l’accentuation de la rapidité des pas, caractérisant la festination.

Ceci se marque surtout dans la fin d’une phrase écrite.

2- Chorées :

L’altération du mouvement observée au cours des syndromes choréiques est en partie due à une perte des neurones inhibiteurs synthétisant l’acide gamma-aminobutyrique (GABA).

La dégénérescence des neurones de projection du striatum destinés d’une part à la partie externe du pallidum, d’autre part à la partie réticulaire du locus niger, entraîne, entre autres conséquences, une désinhibition des projections thalamocorticales.

Il est à noter que le mouvement chronique, en raison de sa prédominance axiale et proximale, ne provoque des secousses de la main que lorsqu’il est intense.

Les conséquences en sont un dérapage de l’écriture, un trait brusque, une déformation des mots, parfois une macrographie.

L’écriture est alors désordonnée, caricaturale, ample, maladroite, mal formée, mal lisible.

Parfois même, le contact entre le crayon et la feuille ne se fait pas, ou encore la plume déchire la feuille.

Ces anomalies ont un intérêt sémiologique dans deux circonstances.

La première, dans la seconde enfance, est la chorée aiguë de Sydenham.

L’écriture devient progressivement maladroite, tandis que l’enfant, plus souvent une fille, est en proie à une instabilité motrice parfois considérée à tort comme en rapport avec des tics.

L’agitation disparaît cependant en quelques mois lorsque la maladie est d’origine rhumatismale.

Elle nécessite d’autres fois une thérapeutique spécifique, par exemple lorsqu’elle est révélatrice d’une maladie lupique.

Très différente est la signification des altérations graphiques de chorée chronique de la maladie de Huntington.

Les modifications de l’écriture sont parallèles à l’évolution qui, ici, se fait vers une détérioration progressive des fonctions supérieures, portant d’abord sur l’attention et sur la mémoire, puis sur la plupart des fonctions symboliques. Au début, l’écriture s’altère du fait de l’hyperkinésie.

On n’observe que des embardées de l’écriture, des irrégularités ; une macrographie.

Dans les cas extrêmes, l’écriture se limite à une sorte de trait.

Mais surtout, lorsque la détérioration progresse, l’analyse des mots fait apparaître des omissions de lettres, des additions, des substitutions, ou encore des persévérations.

Tardivement enfin, l’écriture a tous les caractères de celle d’un dément.

3- Tremblement d’attitude :

Le tremblement d’attitude, différent du tremblement parkinsonien, est provoqué par la contraction synchrone de groupes de muscles opposés, de l’ordre de 8 à 12 Hz.

L’origine de ce tremblement, et du tremblement essentiel, ne serait pas un dérèglement central, mais plutôt une oscillation dans une boucle réflexe périphérique.

Le tremblement d’attitude, appelé parfois tremblement de posture, modifie considérablement l’écriture, et d’ailleurs l’examen de l’écriture est un des éléments du diagnostic, avec un tremblement parkinsonien.

La direction de la ligne est maintenue, l’appui du stylo sur la feuille est retardé, avec des secousses irrégulières martelant le papier.

C’est surtout le tracé des lettres qui est affecté, avec des zigzags remplaçant une direction linéaire par des oscillations sinusoïdales.

La terminaison de certaines lettres est caractéristique, en particulier des lettres majuscules.

Le signe « du R majuscule » est une terminaison de cette lettre en serpentin, qui paraît assez fréquente lors du tremblement d’attitude.

Le tremblement d’écriture, étudié en imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle, comporte une activation du cortex sensorimoteur primaire controlatéral, de l’aire motrice supplémentaire et de l’aire 44 comme chez les témoins.

En plus, l’activation s’étend à l’aire prémotrice controlatérale (aire 6) et à l’aire préfrontale.

Le tremblement d’écriture diffère du tremblement essentiel et de la crampe des écrivains. Une agraphie apraxique pure par hémorragie pariétale supérieure gauche est décrite.

Les difficultés surviennent dans la réalisation des lettres et des séquences écrites, mais sans anomalie linguistique.

Il s’agit d’un trouble sélectif affectant la période finale de l’exécution de l’écriture.

E – CRAMPE DES ÉCRIVAINS :

Le mécanisme physiopathologique de la crampe des écrivains a été l’objet d’interprétations très diverses depuis le XIXe siècle et, malgré de nombreuses études récentes, reste encore mal compris. Gowers (1888), se référant à des descriptions de Bell (1830), de Bruck (1831) et surtout de Duchenne (1883) qui évoquait, sans grande preuve, un dérangement des centres nerveux, qualifia la crampe des écrivains d’un terme ambigu « occupation neurosis ».

À vrai dire, le sens en était non pas celui de névrose, mais de maladie physique sans cause décelable.

Gowers pensait à un dysfonctionnement d’un centre de l’écriture, et peut-être était-il influencé par la notion donnée par Exner en 1881 (lui-même influencé par Broca) d’un centre de l’écriture situé dans la deuxième circonvolution frontale.

Dès lors, deux tendances se firent.

La première, d’ordre psychologique, peut-être confortée par une mauvaise interprétation d’ « occupation neurosis », persista longtemps depuis Brain (1923) qui classait la crampe des écrivains parmi les névroses, jusqu’à Walton qui, dans la seconde édition du volume précédent (1977), maintenait cette affirmation.

Kinnier Wilson (1940) considérait la crampe comme un état de fatigue chronique, tandis que Pai (1947) estimait qu’il s’agissait d’une névrose sévère atteignant des malades psychiatriques à traiter comme tels.

Bien plus Crisp et Modofsky (1965) l’interprétaient comme une maladie psychosomatique, expression émotionnelle non verbale d’une personnalité particulière, sensitive, consciencieuse, renfermée.

Cette tendance psychopathologique persista longtemps malgré les échecs de la psychothérapie ou des méthodes de biofeedback.

Cependant, nombre d’auteurs évoquaient, sans en apporter la preuve, une origine organique.

Dès le XIXe siècle, Osler et Jellifer pensaient à l’atteinte d’une zone cérébrale commandant l’écriture, Babinski (1921) en faisait un syndrome strié proche du torticolis spasmodique, tandis que Barré (1925) parlait de réflexe sympathique spinal, et Collin et Adie (1922) d’un dérèglement des noyaux gris centraux.

Un tournant décisif fut pris en 1975-1976, lorsque Marsden classa la crampe des écrivains en tant que dystonie focale.

Cette notion, peu à peu acceptée, se basait au départ sur des arguments cliniques initialement modestes : tremblement unilatéral souvent associé, perte du balancement du membre supérieur à la marche, parfois légère hypertonie, évolution possible vers un torticolis spasmodique ou même une dystonie généralisée et, inversement, rareté des troubles psychiques.

Dès lors, la crampe des écrivains apparaissait comme un trouble de l’exécution du mouvement d’écriture, et de nombreuses études électrophysiologiques devaient tenter d’en déterminer le mécanisme, rapporté schématiquement à trois facteurs :

– activation musculaire désordonnée due à un défaut d’inhibition ;

– trouble de la préparation du mouvement ;

– rôle des troubles sensoriels dans la génération du mouvement.

* Activation musculaire désordonnée due à un défaut d’inhibition :

La crampe des écrivains est un trouble de l’exécution du mouvement d’écriture.

L’enregistrement électromyographique met essentiellement en évidence la perte d’alternance d’activation des agonistes et des antagonistes qui sont soumis à une cocontraction.

La conséquence graphique est soit une longue période d’activité continue survenant à l’écriture, soit la production de courtes bouffées répétitives dans les deux groupes de muscle.

Une diffusion se produit avec une coactivation de divers muscles du membre supérieur, en particulier le triceps, un tremblement s’associe parfois, autorisant à identifier une variété trémulante de crampe et même une forme myoclonique.

Ainsi, cette activation anormale est facteur de contraction de muscles n’ayant pas à intervenir dans l’écriture, de prolongation de l’activité musculaire et d’incoordination du mouvement.

L’activation musculaire excessive est liée à un défaut d’inhibition lors de l’innervation réciproque de muscles d’actions opposées.

Cette anomalie est mise en évidence par étude du réflexe H dans les fléchisseurs de l’avant-bras, combinée à une stimulation du nerf radial contractant les extenseurs.

Chez le sujet normal, se succèdent une brève phase initiale d’inhibition due aux interneurones Ia, suivie d’une phase liée à l’inhibition présynaptique des grandes fibres proprioceptives.

Au cours de la crampe des écrivains, l’inhibition réciproque est diminuée dans toutes les phases ou surtout à la phase tardive.

L’origine de cette inhibition présynaptique pourrait être une altération discrète des contacts présynaptiques des fibres terminales I, des lésions des interneurones, ou plus vraisemblablement un défaut du contrôle descendant de l’excitabilité de la voie de l’inhibition présynaptique à partir des noyaux gris.

Ainsi se produirait un désordre du contrôle descendant des interneurones spinaux contrôlant l’inhibition présynaptique des afférences Ia.

Toutefois des modifications identiques présentes du côté sain ne provoquent pas de cocontraction.

La toxine botulique, en plus du blocage de la jonction neuromusculaire, aurait un effet spinal par action sur la jonction intrafusale neuromusculaire.

Ceci restaurerait la phase présynaptique de l’inhibition réciproque.

Le défaut d’inhibition réciproque a également une origine corticale, comme le montre la stimulation magnétique transcrânienne.

La technique de « double pulse » donne une indication sur l’excitabilité du circuit cortical local inhibiteur dans le cortex moteur.

Normalement, la stimulation corticale entraîne une suppression de la réponse électromyographique des muscles de la main, sans doute par activité des interneurones corticaux GABAergiques.

En cas de crampe, la phase précoce de suppression est nettement diminuée (ce qui serait en relation avec la diminution du débit dans le cortex moteur lors du mouvement volontaire : signalé plus loin).

Ces données montrent donc une réduction bilatérale d’excitabilité des circuits inhibiteurs intracorticaux.

La bilatéralité des anomalies, malgré l’unilatéralité de la crampe, proviendrait du dysfonctionnement des noyaux gris.

La participation des noyaux gris dans la régulation de certaines modalités d’inhibition apparaît donc très probable.

La crampe des écrivains serait ainsi un défaut d’inhibition, entraînant la perte de sélection supprimant le mouvement inapproprié, et favorisant le mouvement approprié.

La voie directe à travers les noyaux gris serait facilitatrice, la voie indirecte inhibitrice.

Un syndrome d’épilepsie rolandique avec dystonie paroxystique d’exercice et crampe des écrivains, est décrit dans une famille répondant à une hérédité autosomique récessive, et lié à une anomalie du chromosome 16 (16 p12 – 11 -2).

* Trouble de la préparation du mouvement :

Les potentiels électroencéphalographiques sont modifiés dans la période de prémouvement. Normalement, le Bereitschafts potential comporte une phase initiale négative (NS1 débutant 1,5 seconde avant le mouvement), suivie par une composante négative plus marquée (NS2 ou NS,) débutant 650 millisecondes avant le mouvement.

NS1 provient d’une activité bilatérale de l’aire motrice ou de l’aire motrice supplémentaire puis devient bilatérale, une demi-seconde avant le mouvement.

Le potentiel NS2 a une amplitude réduite en cas de crampe.

L’anomalie, controlatérale, précède donc le mouvement volontaire par diminution controlatérale de l’activation corticale primaire, avant l’exécution du mouvement.

L’étude de l’encéphalogramme lié au mouvement (event-related désynchronisation) montre, lors de la crampe mais surtout avant son exécution, une réduction bilatérale du rythme bêta, dont l’origine se trouve dans le cortex moteur, ce qui témoigne également d’une anomalie corticale de la commande motrice.

L’étude du débit cérébral montre une hyperactivité du cortex prémoteur hétérolatéral et de l’aire motrice supplémentaire, zones de projection du striatum, et une hypoactivité bilatérale du cortex somatosensitif dans les dystonies.

Ces résultats s’ajoutent à des constatations basées sur l’étude des vibrations dans les dystonies focales.

L’effet des vibrations appliquées à la main dystonique sur le débit cérébral entraîne sa réduction sur le cortex sensorimoteur.

Cette réduction est curieusement bilatérale malgré l’unilatéralité de la dystonie.

Ceci dépendrait d’une anomalie sensorimotrice centrale due à une inhibition des neurones sous-thalamiques, qui normalement suppriment les mouvements involontaires.

Lors de l’écriture répétée d’un même mot, au contraire des sujets normaux, les patients ont une hypoactivité du cortex moteur controlatéral et du thalamus avec une hyperactivité prémotrice ipsilatérale, ce qui suggère une hyperactivité de planification préfrontale des aires recevant les projections striato-pallido-thalamiques.

* Rôle des troubles sensoriels dans la génération du mouvement :

L’intervention d’un trouble sensoriel dans un acte moteur paraît a priori surprenante.

Cependant, sa réalité est nette dans la crampe des écrivains. Il n’existe pas de trouble sensitif élémentaire, mais un certain nombre d’arguments sont en faveur d’une anomalie sensitive commandant l’activité motrice.

Avant tout le « truc » (trick), par exemple une stimulation tactile du dos de la main (analogue à la réduction d’un torticolis spasmodique après frôlement du menton du côté opposé) a pour effet de réduire la crampe.

La notion d’afférences sensitives parfois anormales est un argument indirect : traumatisme initial, coupures de la pulpe digitale, existence de douleurs dans certains cas, traumatismes répétés subliminaires comme l’écriture prolongée.

D’ailleurs, chez le singe, les stimulations répétées des doigts entraînent une remodélisation du cortex somatosensitif et des troubles de la coordination manuelle.

Des troubles de la discrimination temporelle avec élévation du seuil sont mis en évidence par stimulation répétée, en corrélation avec la sévérité de la dystonie.

Le rôle des fuseaux neuromusculaires est étudié par application de vibrations sur le tendon ou le corps musculaire.

Les vibrations qui activent les afférences déclenchent la crampe.

La lidocaïne, entraînant un bloc sur les afférences Ia et les motoneurones gamma, supprime le phénomène.

Ceci est en faveur d’une sensibilité anormale directe des muscles dystoniques aux vibrations, et d’un rôle des afférences Ia dans la production du mouvement anormal.

Il est possible que la crampe soit associée à une mauvaise interprétation centrale de l’information provenant des fuseaux.

Ceci entraînerait une erreur de stratégie dans l’exécution d’une tâche. Une vibration appliquée sur le tendon du biceps brachial entraîne une illusion de mouvement et une flexion du coude.

C’est le réflexe tonique de vibration.

Chez le dystonique, la perception de la vitesse du mouvement (due à la décharge des fibres Ia) est perturbée, tandis que la position (fibres II) est normale.

Ainsi existe une perception anormale du mouvement due à une mauvaise information.

L’amélioration par le geste antagoniste serait due à un effet additionnel sur la proprioception.

Une intégration défectueuse des informations sensitives données par le contact avec l’objet est à l’origine d’une commande excessive de la force des doigts.

La crampe reflète ainsi un programme moteur anormal dépendant de l’influx proprioceptif. Une force trop grande est développée par exemple dans le soulèvement d’un poids, comme en cas de trouble sensitif ou d’anesthésie digitale.

La représentation sensorielle de l’homonculus est perturbée au cours de la crampe des écrivains.

L’étude des potentiels somatosensoriels N20 dans le gyrus postcentral montre que la représentation normale de D1 (pouce) au-dessus de l’auriculaire (D5) est inversée. D5 est plus bas, plus rapproché, et ceci en parallèle avec la sévérité clinique.

La CNV (contingent negative variation) reflète également une activité préparatoire secondaire à une stimulation sensorielle survenant pendant la période d’attente d’un go signal (S2) après un signal d’alerte (S1).

La variation contingente négative est un potentiel lent enregistré sur le vertex dans la période précédant le mouvement.

Elle reflète une activité préparatoire à un but, dans un mouvement prenant en compte les afférences sensitives.

Ceci la différencie du Bereitschaft potential qui précède le mouvement, mais est indépendant de tout influx sensitif.

Le potentiel lent négatif est diminué dans la crampe.

Un dernier argument en faveur d’une anomalie centrale des informations sensitives ajoutée au trouble de la commande motrice est apporté par l’analyse des relations entre information sensitive et stratégie motrice, grâce à l’étude de l’atténuation des potentiels évoqués somatosensitifs avant et pendant le mouvement (gating). Le composant N30 est atténué dans le prémouvement chez le témoin, mais pas chez le patient.

Au contraire, le composant préfrontal P22 est réduit chez le patient mais pas chez le sujet normal, ce qui reflèterait un trouble de la fonction motrice. Les anomalies du composant N30 sont très diverses selon les études.

Le gating chez le sujet normal correspondrait lors du prémouvement à des modifications de la transmission centrale sensitive produite par l’intention de mouvement.

Ici, l’absence de gating sensitif contribuerait au choix incorrect de commande motrice, entraînant le mouvement dystonique par mauvaise interprétation des afférences sensitives.

Ceci serait en accord avec les illusions survenant après vibration.

Les noyaux gris centraux et leurs connexions avec le thalamus et le cortex pourraient, malgré l’absence de preuves, être responsables de l’atténuation des arrivées sensitives dans le guidage du mouvement, et aussi de l’association entre arrivées sensitives et mouvement.

Ainsi la dystonie n’est pas un phénomène purement moteur, mais est aussi un désordre de l’intégration sensorimotrice.

En définitive, la crampe des écrivains reste un trouble complexe du mouvement dont on explique mal la localisation et la sémiologie inhabituelle indépendante en apparence de lésions cérébrales. Son origine psychologique est désormais écartée.

De plus, on ne saurait la considérer comme un désordre moteur pur, d’autant que le système sensitif paraît conduire le système moteur.

Une anomalie de l’arrivée sensorielle pourrait ainsi déclencher la dystonie, comme semblent le montrer certaines données physiologiques et physiopathologiques, notamment des potentiels évoqués somatosensitifs et du débit cérébral.

Néanmoins, il serait artificiel de vouloir hiérarchiser ces diverses anomalies dans sa production.

Une crampe des écrivains familiale à début juvénile a été récemment rattachée à une mutation DYT1.

F – LOBE PRÉFRONTAL : AGRAPHIES ITÉRATIVES

La tendance aux persévérations est due à la perte du contrôle inhibiteur du cortex préfrontal.

L’échographie, rare, est la reproduction écrite automatique de l’ordre qui est donné au sujet, en l’absence d’exécution de cet ordre.

La graphomanie est un retour compulsif à l’écriture, contrastant avec une réduction des autres activités.

Le patient a une activité graphique incessante sur tous les espaces utilisables, en l’absence de tout contrôle logique.

G – HYPERGRAPHIES ET HÉMISPHÈRE DROIT :

L’hypergraphie par lésion de l’hémisphère droit n’est pas toujours d’origine frontale, mais parfois périsylvienne ou thalamique.

Il s’agit d’une écriture spontanée semi-automatique, à contour correct du point de vue lexicosémantique mais sans grande signification, irrégularité de taille et de direction des lignes, maladresse d’exécution, chevauchement des lettres et des mots.

Les troubles régressent lorsque l’origine est ischémique.

Un comportement graphique anormal est observé chez trois patients avec lésion vasculaire de l’hémisphère droit, avec comportement automatique de l’écriture après stimulation visuospatiale, avec en particulier écriture compulsive des lettres présentées dans l’hémichamp visuel droit.

D’autres hypergraphies sont à séparer des précédentes, notamment l’hypergraphie des épileptiques temporaux.

Ici encore, il s’agit de foyers siégeant à droite.

Le contenu graphique est copieux, accumulant les détails avec une extrême précision, une méticulosité exceptionnelle.

Les thèmes abordés sont multiples, comportant parfois une description interminable des crises, plus souvent des sujets autobiographiques, métaphysiques, religieux, philosophiques, rituels, cosmiques, politiques.

Des dessins accompagnent parfois le texte.

D’autres fois, ce sont des poèmes ou des nouvelles. Il s’agirait d’une altération des réponses affectives, contrastant avec une relative préservation de l’intelligence.

L’exaltation, fréquente chez ces patients, stimulerait les activités psychomotrices, ce qui les prédisposerait à communiquer par écrit leurs croyances, leurs idées, leurs expériences, leur autobiographie.

Ces cas diffèrent d’autres hypergraphies s’observant en pathologie psychiatrique : psychose délirante et surtout schizophrénie.

L’exceptionnelle coprographie de la maladie de Gilles de la Tourette est l’émission écrite involontaire de mots orduriers.

Agraphies symboliques ou neuropsychologiques :

A – AGRAPHIES AU COURS DES APHASIES :

Exner, en 1881, avait, sous l’influence de Broca, imaginé un centre de l’écriture dans la deuxième circonvolution frontale.

Cette notion localisationniste est abandonnée, encore que l’implication isolée de cette zone dans certaines agraphies pures soit indiscutable dans de rares cas.

La notion d’un centre graphique des mots, avancée par Charcot dans le schéma de la cloche, ou celle d’un centre auditif des mots proposée par Marie, ont été largement critiquées par Dejerine qui, dans un schéma précurseur, traça les connexions entre zone de Wernicke et circonvolution de Broca, et attira l’attention sur l’alexie avec agraphie secondaire à une lésion du gyrus angulaire.

1- Agraphies non fluentes :

Au cours de l’aphasie de Broca, les perturbations de l’écriture sont comparables à celles de l’expression orale.

Lorsqu’elle n’est pas totalement impossible (en particulier du fait de l’hémiplégie droite), l’écriture est laborieuse, hésitante, agrammatique, se résumant à quelques substantifs plus ou moins reconnaissables en raison d’erreurs dans le choix des lettres (paragraphies littérales et dysorthographie), et surtout de troubles de la réalisation graphique elle-même.

La copie est en général meilleure que l’écriture spontanée ou la dictée.

L’amélioration est plus rapide pour l’expression orale que pour l’expression écrite, expliquant l’habituelle dissociation de ce type d’aphasie, l’expression écrite paraissant presque toujours plus gravement atteinte que l’expression orale, en dehors de quelques cas exceptionnels d’aphasie pure sans agraphie.

L’agrammatisme est interprété tantôt comme un déficit, tantôt comme un processus compensatoire.

Ce déficit se limite parfois à la perte des mots fonctionnels (articles, prépositions, pronoms, conjonctions).

C’est le style télégraphique, conséquence du défaut d’accès aux items de classe fermée.

D’autres fois les mots fonctionnels sont conservés, mais, en raison du dysfonctionnement d’un analyseur syntaxique central, le sujet est incapable de planifier et de représenter correctement la phrase. Inversement, l’agrammatisme pourrait être la conséquence d’une stratégie d’évitement contournant le déficit syntaxique.

Les omissions ne seraient alors pas une incapacité de production, mais une éradication des erreurs donnant une information écrite compréhensible.

Une autre hypothèse lie l’agrammatisme à l’indisponibilité de la représentation syntaxique, nécessitant que l’information soit retraitée pour être utilisée.

Ceci expliquerait le recours à un registre télégraphique plus rapide, simplifiant le message sous forme d’un énoncé elliptique.

Ce ne sont là que des hypothèses.

Toutefois, la notion d’une stratégie corrective s’accorde avec la compensation de l’agraphie à l’aide de dessins.

Parmi les agraphies non fluentes ont également leur place les agraphies transcorticales motrices dans lesquelles le dérèglement est modéré, limité à une écriture, pauvre, réduite, avec des omissions, la répétition étant normale. Elles correspondent vraisemblablement à une perte de l’initiation du geste graphique par lésion de l’aire motrice supplémentaire.

2- Agraphies fluentes :

Le langage écrit est généralement touché au même titre que le langage oral au cours de l’aphasie de Wernicke.

Des paragraphies, verbales ou graphémiques, correspondant aux paraphasies notées en oral, réalisent parfois un jargon écrit, ou jargonagraphie, fait d’une succession de mots dont le graphisme est parfait, parfois organisés sous la forme de phrases dans lesquelles on devine une structure syntaxique correcte, mais où les quelques mots du vocabulaire reconnaissables, perdus au sein d’une multitude de néologismes, de répétitions et de persévérations, sont mal compréhensibles.

3- Alexie-agraphie :

La perte isolée de la lecture et de l’écriture, rapportée en 1891 par Dejerine à une lésion du gyrus angulaire, est un modèle des théories associationnistes et des syndromes de déconnexion.

Cependant, elle pourrait n’être qu’une forme d’aphasie de Wernicke prédominant sur le langage écrit.

Cette alexie-agraphie « centrale », par lésion du gyrus angulaire, se caractérise par une agraphie fluide, dans l’écriture spontanée comme dans l’écriture dictée ou copiée, parfois qualifiée d’ « illétrisme acquis ».

L’écriture est affectée différemment dans les autres types d’alexie.

Les alexies postérieures liées à une lésion du lobe occipital n’entraînent qu’un trouble de l’écriture copiée, qui devient servile.

En cas d’alexie antérieure, l’anomalie graphique se limite aux mots grammaticalement importants.

4- Agraphie du syndrome de Gerstmann :

Les caractères de cette dysgraphie sont : lettres et mots mal formés, perte de l’horizontalité de la ligne, marge non respectée, omission de mots ou persévération, néographisme, plus rarement difficultés dans la copie.

Dans l’ensemble, il s’agit d’une agraphie de type plutôt fluent, avec une fréquente composante aphasique et parfois apraxique. L’agraphie du syndrome de Gerstmann est bilatérale.

Elle a de plus pour intérêt de noter la question des relations entre calcul et écriture.

L’analyse de quatre syndromes de Gerstmann au cours de la maladie d’Alzheimer montre que les quatre éléments du syndrome (agnosie digitale, acalculie, agraphie, confusion droitegauche) ne font pas partie d’un réseau commun, mais sont en relation avec les lésions de proximité de réseaux assurant cette fonction au cours d’atteintes pariétales gauches.

5- Autres types d’agraphies aphasiques :

Dans l’aphasie de conduction, l’écriture des mots sans signification est plus malaisée que pour les mots.

Il y a des télescopages, des substitutions, des omissions, des ratures, des surcharges.

La copie est mal réalisée.

L’aphasie anomique se traduit à l’évidence par un manque du mot, essentiellement dans l’écriture spontanée. L’écriture de la musique est mal connue.

Après une hémorragie du gyrus angulaire gauche, un musicien professionnel a développé une alexie et une agraphie pour le langage, mais aussi pour la musique.

Une autre patiente a présenté une agraphie musicale pure après une lésion du lobe pariétal gauche supérieur.

Elle était capable d’écrire les notes séparées et les signes musicaux, mais ne pouvait écrire une mélodie.

B – AGRAPHIES SPATIALES :

L’agraphie spatiale est le plus souvent la conséquence d’une négligence spatiale gauche par lésion de l’hémisphère droit chez le droitier.

La disposition de l’écriture est caricaturale : l’écriture se fait sur la partie droite de la feuille qui est quasi coupée au couteau, avec un élargissement de la marge de gauche qui occupe la moitié de la feuille et s’élargit progressivement.

La disposition des lignes est anormale, oblique, tantôt vers le haut tantôt vers le bas.

Parfois l’agraphie est dite directionnelle, elle se fait en miroir, parfois même en boustrophédon (une ligne écrite de gauche à droite succédant à une ligne de droite à gauche).

Elle comporte également une tendance à la duplication des jambages des m ou des n ou même des lettres, parfois à une segmentation des mots ou à des omissions portant sur les lettres de gauche, plus en écriture cursive qu’en majuscules.

Dans un cas particulier de négligence de l’hémiespace droit, consécutif à une lésion vasculaire gauche, une perturbation de l’écriture ne touchait que la moitié droite des mots, et ce quelle que soit leur longueur : pour un mot de cinq lettres, les erreurs portaient sur les deux dernières, pour un mot de sept lettres, sur les trois dernières, etc.

En outre, si on demandait à la patiente d’écrire à l’envers le mot « GARBAGE », le résultat était « ISBRAG », l’erreur portant donc non sur la partie droite de la retranscription mais sur la fin réelle du mot.

Ces faits suggèrent la perturbation d’un niveau de représentation interne des mots organisés spatialement selon un système de coordonnées fixe, centré sur le milieu réel du mot et non sur le milieu de l’espace.

Les lésions de l’hémisphère droit chez un gaucher ont entraîné des erreurs lorsque la tâche tachistoscopique portait sur le champ visuel droit.

Ces erreurs paraissent dépendre d’un défaut de coordination spatiale. Une dysgraphie spatiale était dans un cas en relation avec une atrophie cérébelleuse.

Ceci pourrait être dû à une dissociation entre la programmation du mouvement et la performance, en raison d’une perte du contrôle cérébelleux entre le cortex prémoteur et les afférences proprioceptives dans le mouvement d’écriture.

La dysgraphie « afférente » est en relation avec une lésion hémisphérique droite.

Elle serait la conséquence d’une négligence gauche et d’une altération du rétrocontrôle visuel et kinesthésique dans le mouvement d’écriture, autrement dit d’une composante topocinétique.

Ce trouble associe une tendance à écrire du côté droit de la page, une ligne d’écriture ondulée ne suivant pas la ligne horizontale, une tendance à substituer, doubler ou omettre des lettres.

Selon certains, la dysgraphie « afférente » serait une entité autonome caractérisée par des délétions et des duplications des lettres après un accident vasculaire hémisphérique droit.

Elle s’associe à des erreurs spatiales d’écriture, à une négligence gauche, et inversement à l’absence de détérioration des performances dans l’écriture sous contrôle de la vue.

C – AGRAPHIES APRAXIQUES :

L’agraphie apraxique se définit comme une détérioration de l’orthographe des mots en l’absence d’anomalie sensorimotrice, et d’altération de la capacité à épeler oralement les mots ou à les taper à la machine.

Les erreurs ne sont pas dues à un trouble du traitement linguistique, ni à un trouble de l’exécution motrice, mais à une perturbation de la programmation du geste en tant qu’ « exécution intentionnelle d’un mouvement dirigé vers un but ».

Une agraphie apraxique a été décrite après un infarctus du thalamus gauche.

L’origine en serait un effet à distance sur l’aire prémotrice gauche, ce qui bloquerait le programme moteur.

Un cas d’agraphie apraxique pure postcritique était en relation avec des crises focales prenant naissance dans la région pariéto-occipitale parasagittale gauche.

L’agraphie apraxique se caractérise par l’association de troubles gestuels plus globaux, en particulier par une apraxie idéomotrice, perturbation de la capacité à exécuter des gestes de la symbolique conventionnelle ou des mimes d’utilisation d’objets.

Cette perte des aptitudes gestuelles se manifeste dans l’incapacité d’exécution d’actes moteurs nécessaires à réaliser la forme des lettres.

L’écriture, spontanée ou sous dictée, est maladroite, la ligne de base est irrégulière, les lettres sont déformées, devenant mal ou non reconnaissables par endroits, on note de nombreuses omissions, transpositions et substitutions de lettres.

Souvent, les substitutions sont explicables par une proximité morphologique entre les lettres.

L’agraphie apraxique serait due à des lésions du lobule pariétal supérieur, habituellement dans l’hémisphère dominant pour le langage.

Au cours d’une agraphie apraxique pure par hémorragie pariétale supérieure, les difficultés surviennent dans la réalisation des lettres et des séquences écrites, mais sans anomalie linguistique.

Il s’agit d’un trouble sélectif affectant la période finale de l’exécution de l’écriture.

Après un accident vasculaire pariétal postérieur droit, une patiente présentait un trouble de l’écriture limité au traitement de texte. Il n’existait aucun trouble de latéralité.

Les erreurs étaient essentiellement imputables à la main gauche : omission de lettres ou d’espaces.

Ces troubles étaient rattachés à une apraxie mélocinétique.

D – AGRAPHIE CALLEUSE :

L’agraphie calleuse est le plus souvent une forme particulière d’agraphie apraxique, concernant électivement l’écriture de la main gauche (chez le droitier).

Il s’agit d’un déficit de la production de lettres, de mots et de phrases avec la main gauche en l’absence de difficultés majeures en épellation orale et en écriture de la main droite.

En fait, l’agraphie unilatérale gauche n’est pas cliniquement homogène, tant du point de vue qualitatif que quantitatif.

En effet, certains patients ne produisent que des gribouillis inintelligibles, et sont incapables de former des graphèmes reconnaissables.

D’autres peuvent écrire quelques lettres et quelques mots identifiables, mais comprenant des substitutions, des omissions et des persévérations.

La préservation ou non de la capacité à écrire de la main gauche en utilisant des lettres mobiles ou une machine à écrire est un critère de distinction entre deux formes d’agraphie calleuse : l’agraphie unilatérale aphasique, où tous les types d’écriture de la main gauche sont également perturbés ; l’agraphie unilatérale apraxique, où le trouble est limité à l’écriture manuscrite.

Une atteinte du tronc du corps calleux entraînerait une interruption des engrammes visuokinesthésiques et occasionnerait une agraphie unilatérale de type apraxique.

Une lésion située plus en arrière, vers le splénium, affecterait le transfert d’information linguistique, donnant une agraphie unilatérale aphasique.

Toutefois, plusieurs cas d’agraphie par lésion du splénium avec préservation de la capacité à taper à la machine vont à l’encontre de cette classification.

Approche neurocognitiviste des agraphies :

A – MÉCANISMES CENTRAUX DE L’ÉCRITURE ET AGRAPHIES DITES « CENTRALES » :

Sous l’influence du développement de modèles cognitivistes dits « à deux voies » de la lecture, on admet que les processus mentaux aboutissant à la conception d’un mot écrit peuvent également emprunter deux voies distinctes : une voie dite phonologique transformant les sons entendus (phonèmes) en unités abstraites d’écriture (graphèmes), et une voie dite lexicale ou lexicosémantique, selon laquelle on accède directement à la forme orthographique du mot, préalablement stockée dans un « lexique » mental.

La voie phonologique est celle permettant par exemple d’écrire sous dictée des suites de phonèmes sans signification.

La voie lexicosémantique est indispensable à l’écriture de mots dits irréguliers (oignon, monsieur) ou contenant des phonèmes ambigus (château, cerveau).

Si on n’écrit pas le mot cerveau « s-e-r-v-o », c’est parce qu’on possède en mémoire à long terme une représentation de la forme orthographique unique de ce mot, forme à laquelle on accède automatiquement, globalement, sans avoir à le scinder en ses constituants phonologiques, dans toutes circonstances où on est amené à l’écrire.

L’écriture d’un mot selon cette voie prend appui sur sa représentation sémantique (son sens), qui va elle-même activer une entrée dans le lexique orthographique.

En revanche, un tel processus ne peut être utilisé pour des logatomes (mots sans signification ou non-mots, comme sédoleur, ginalove) ou des mots inconnus, pour lesquels un transcodage phonographémique est nécessaire dans la mesure où ils n’ont ni sens, ni forme orthographique connue.

Enfin, on admet l’existence d’une troisième voie, dite lexicale non sémantique, selon laquelle des mots, même irréguliers ou ambigus, peuvent être écrits sans passage par le sens.

C’est ainsi qu’on distingue deux types d’agraphies dites centrales correspondant à la dysfonction sélective de chacun de ces deux processus.

Dans l’agraphie phonologique, les erreurs sont beaucoup plus nombreuses si on dicte des non-mots que si on dicte des mots de la langue.

En outre, parmi ces derniers, les mots grammaticaux et les mots abstraits comportent plus d’erreurs que les mots lexicaux et concrets.

Les lésions responsables du syndrome d’agraphie phonologique se situeraient dans le gyrus supramarginal et l’insula gauches.

Un cas d’agraphie de la main droite chez un Japonais associée à une anomie tactile apparut après un infarctus de la partie postérieure du splénium du corps calleux.

L’agraphie portait surtout sur le kana, étant donc phonologique.

L’agraphie lexicale, à l’inverse de l’agraphie phonologique, se caractérise par une écriture correcte des non-mots, alors que les mots sont l’objet d’erreurs d’autant plus nombreuses qu’ils contiennent plus d’ambiguïtés, c’est-à-dire de sons pouvant répondre à des formes écrites différentes. par des lésions du gyrus angulaire gauche.

L’agraphie lexicale résulte d’une altération du lobe temporal postéro-inférieur dans lequel l’image des mots serait stockée.

Chez deux patients présentant, l’un une agraphie en kanji, l’autre en kana, les lésions portaient respectivement sur le gyrus frontal médian ainsi que sur le gyrus préfrontal antérieur, et sur les deux tiers postérieurs du gyrus frontal médian.

Ceci suggère deux voies séparées dans l’écriture : une voie morphologique pour le kanji, une voie phonologique pour le kana.

Il est plus typiquement réalisé par les agraphies observées au cours de l’évolution de démences de type Alzheimer.

On a proposé de distinguer trois phases évolutives des démences de type Alzheimer en fonction des résultats à un test d’écriture sous dictée.

Dans un premier temps, correspondant à un stade peu évolué de la démence, s’observe un profil d’agraphie lexicale modérée, avec prédominance des erreurs sur les mots irréguliers, alors que l’écriture des mots réguliers et des logatomes reste correcte ; la majorité des erreurs est phonologiquement plausible.

Dans un deuxième temps, alors que la démence s’accentue, se surajoutent des troubles de type phonologique, avec des erreurs sur les non-mots autant que sur les mots irréguliers, et une majorité d’erreurs non phonologiquement plausibles.

Enfin, dans un troisième temps, à des erreurs touchant tous les types de mots, s’ajoutent des troubles d’intensité croissante de la réalisation graphique elle-même.

Un cas d’agraphie et d’acalculie était en relation avec un infarctus frontal gauche visible par caméra à positons. Les erreurs d’écriture étaient à la fois phonologiques et lexicales.

Au cours des agraphies, la récupération est plus rapide pour les chiffres que pour les lettres, ce qui est en faveur d’un traitement spécifique des chiffres et des lettres plutôt que de mécanismes spécifiques d’écriture.

B – ÉTAPES GRAPHÉMIQUE ET POSTGRAPHÉMIQUE : AGRAPHIES « PÉRIPHÉRIQUES »

Les deux voies composant les étapes centrales de l’écriture se rejoignent au niveau du buffer graphémique, structure relais entre processus centraux et périphériques, dont le rôle principal serait une fonction de stockage à court terme des représentations graphémiques, jusqu’à leur concrétisation dans l’une des modalités d’output : écriture manuscrite, épellation orale, écriture dactylographiée (ou en lettres mobiles).

Une atteinte au stade du buffer graphémique a donc comme caractéristique essentielle de donner une agraphie portant tout autant sur les mots réguliers, irréguliers et sur les non-mots, se manifestant autant en écriture manuscrite qu’en épellation orale, avec surtout un effet de longueur pathognomonique, c’est-à-dire que les erreurs sont d’autant plus nombreuses que les mots sont plus longs.

Au-delà du « buffer » graphémique se décide la forme allographique du mot (c’est-à-dire le choix de l’utilisation de lettres cursives ou en script, majuscules ou minuscules, etc) grâce à un système dit allographique, lui-même composé d’un stockage à long terme de ces formes et d’un stockage temporaire ou buffer allographique.

À partir de ce stade, un déficit ne retentit que sur l’écriture manuscrite (et non l’épellation orale), et intéresse également tous les types de mots, réguliers, irréguliers, non-mots, quelle que soit leur longueur, les erreurs ne compromettant pas la réalisation graphique ellemême des lettres. Une agraphie périphérique progressive est observée chez un patient dont l’écriture est très lente, avec erreurs allographiques.

La caméra à positons montre un defect pariéto-occipital et frontal supérieur prédominant à gauche.

La dernière étape est celle dite des « patterns moteurs graphiques », système permettant la réalisation finale des lettres, sous la forme de séquences de traits constitutifs spécifiques à chaque lettre et à chaque forme de cette lettre.

Les agraphies afférentes à ce niveau de perturbation sont équivalentes aux agraphies apraxiques avec production de lettres mal formées, plus ou moins reconnaissables, avec souvent des substitutions de lettres liées à une similarité physique ou graphomotrice (q pour a ; f pour b ; F pour E, etc).

Dysgraphies et dysorthographies de développement :

À côté des dysgraphies acquises, se situent des troubles de l’écriture et de l’orthographe développementaux.

On sait en effet depuis quelques années que les difficultés d’apprentissage du langage écrit des sujets porteurs de dyslexie-dysorthographie, sont associées à de discrètes anomalies dans l’architecture neuronale de certaines zones corticales (en particulier hémisphériques gauches) et sous-corticales (ganglion géniculé latéral).

Ces altérations, traduisant un trouble de la maturation cellulaire précoce, seraient suffisantes pour modifier profondément la connectivité de ces régions et leur capacité à soustendre un développement normal du langage écrit.

L’étude de 20 sujets dyslexiques montre que la partie postérieure du corps calleux est anormale chez les dyslexiques par rapport aux témoins.

Cette région contient les fibres interhémisphériques des aires auditives primaire et secondaire.

Elle se développe dans l’enfance lors de l’acquisition des lettres.

Parallèlement à ces aspects neurologiques, l’approche cognitiviste a cherché à décrire, lors de troubles développementaux, les mêmes dissociations que lors de pathologie acquise, en fonction de l’atteinte ou de l’intégrité des systèmes lexicosémantique d’une part, et phonologique d’autre part.

On parle ainsi de dysgraphie lexicale et de dysgraphie phonologique développementales, selon que les difficultés prédominent, par exemple sur les mots irréguliers ou sur les logatomes.

Dans des cas de dysorthographie majeure de type lexical chez des adolescents, les productions étaient correctes lors de la dictée de mots réguliers (c’est-à-dire dont l’orthographe répond aux règles de correspondance phonème-graphème), ou de logatomes (flonu, jactre, motre).

En revanche, plus de 50 % d’erreurs apparaissaient pour les mots irréguliers ou ambigus.

Dans l’écriture spontanée, la syntaxe était respectée, mais les segmentations étaient souvent aberrantes (« que neige pri » pour « que n’ai-je pris » ; « come dabi tude » pour « comme d’habitude »).

Enfin, les deux patients échouaient dans une épreuve de jugement orthographique de phrases dont la moitié comportait un mot homophone (« le cent coule dans les veines »).

Cas particulier de la signature :

La signature est un acte singulier d’écriture, élaboré dans la création par le cortex cérébral, simplifié dans son exécution par les formations sous-corticales, modifié dans sa configuration par les structures profondes du cerveau.

La signature est un geste original mais ambigu.

Il est à la fois morphocinétique, modèle interne non influencé par la vue, dépendant d’une sorte de « zoom » moteur adaptant la taille, et aussi topocinétique.

L’objectif spatial est la feuille à signer, sous contrôle visuel, véritable pointage visuomanuel.

La signature est progressivement automatisée selon plusieurs étapes, corticospinale avec contrôle rétroactif, cérébellocorticale, le message à signer arrivant aux microcircuits cérébelleux, véritables unités fonctionnelles insérées dans le système moteur et contrôlées par un comparateur détecteur d’erreurs.

Enfin, la signature est automatisée.

L’étape est sous-corticospinale directe passant par le noyau rouge, contrôlée par les microcircuits cérébelleux, ne passant plus par le cortex mais directement par voie rubrospinale.

Les détériorations de la signature sont parfois dissociées de celles de l’écriture.

Ainsi, la signature est longtemps intacte dans la maladie d’Alzheimer, chez les centenaires et les supercentenaires, à un moindre degré chez certains parkinsoniens.

Inversement, signature et écriture se détériorent en parallèle au cours des agraphies centrales, des agraphies apraxiques, des syndromes cérébelleux, du tremblement d’attitude.

En définitive, les circuits profonds de la signature sont complexes.

Les stratégies sont multiples : élimination sélective et abandon des circuits corticaux.

Le geste devient routinier, « sous-corticalisé » ; refuge dans les régions profondes résistantes à l’effet de l’âge comme le montre l’exemple de la maladie d’Alzheimer ; conjonctions de facteurs synergiques : engrammes spatiotemporels venus du lobe temporal gauche, transport de la main sur la feuille, mouvements contrôlés et semi-automatiques du poignet et des doigts, enfin représentation symbolique de l’image de soi.

Cependant un certain nombre de questions sont sans réponse : une identité et une permanence de la signature est évidente.

Bien qu’elle soit chaque fois différente, elle est constamment reconnaissable, le geste libre est peu soumis aux règles de l’écriture et devient parfois abstrait.

Des impossibilités isolées de signature sont enfin connues en pathologie, et parfois interprétées comme secondaires à des accidents vasculaires portant sur la voie des noyaux rouges.

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