Troubles de la coordination

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Introduction :

La coordination peut être définie comme la possibilité d’intégrer les composantes élémentaires du mouvement en vue d’aboutir à un mouvement composé intentionnel harmonieux ou comme l’alliance efficace des réflexes élémentaires et leur intégration en vue d’un mouvement volontaire performant.

Troubles de la coordinationElle implique essentiellement le fonctionnement du cervelet.

Définition :

Étymologiquement, les troubles de la coordination (de : ordonner ensemble) et l’ataxie (perte de l’arrangement, désordre) définissent, l’une à partir d’une racine latine et l’autre d’une racine grecque, des troubles comparables.

Classiquement, on utilisait le terme d’ataxie pour un désordre pouvant résulter d’une atteinte proprioceptive (tabétique, Duchenne, 1858), cérébelleuse ou labyrinthique.

Cette confusion a été maintenue en grande partie par Garcin et le demeure volontiers encore dans la littérature anglo-saxonne où l’ataxie recouvre une perturbation dans l’ordre, la succession et l’extension des mouvements élémentaires et des ajustements posturaux de fixation et d’équilibration qui sont impliqués dans l’exécution des mouvements intentionnels.

Cependant, Babinski, dès 1899, et plus particulièrement dans son célèbre rapport de Londres avec Tournay en 1913, insistait pour que le terme d’ataxie soit réservé aux troubles de la proprioception, alors que celui d’incoordination s’applique aux manifestations d’origine cérébelleuse ; avec Barré ensuite, il a proposé le terme d’instabilité et/ou de déviation pour les signes d’origine vestibulaire.

Les connaissances neurophysiologiques ne permettent plus une telle confusion.

Nous nous appliquerons donc à l’étude de l’ordonnancement des mouvements, dans ses aspects physiologiques et pathologiques.

En effet, pour être performant, un mouvement complexe nécessite la combinaison de nombreux mouvements élémentaires.

La coordination implique l’alliance efficace et la combinaison de réflexes élémentaires en termes d’intégration du système nerveux selon Sherrington.

L’incoordination pourra être décrite comme une mauvaise synchronisation des mouvements volontaires, responsable donc d’une maladresse des mouvements complexes, dont les principales manifestations sont l’asynergie, l’hypermétrie et l’adiadococinésie.

Ito définit l’incoordination comme une perturbation dans le contrôle de l’exécution du mouvement par le cervelet.

Il l’a particulièrement étudiée dans la coordination des mouvements de la tête et des yeux, et insiste sur le rôle d’ordinateur du cervelet dans le contrôle moteur par transformation d’un signal spatial en un signal temporel.

Le rôle associé des ganglions de la base et de l’aire motrice supplémentaire dans l’harmonisation du mouvement et de la posture, a été plus récemment étudié.

Nous étudierons trois aspects essentiels de la coordination : la coordination entre posture et mouvement, la coordination des mouvements volontaires gestuels, la coordination des mouvements de la tête et des yeux et, à titre d’exemple, celui de la dysarthrie.

Coordination entre posture et mouvement :

A – GÉNÉRALITÉS :

L’adaptation posturale est un préalable à tout mouvement.

Le changement de position d’un ou plusieurs segments corporels entraîne un déplacement du centre de gravité du corps et un déséquilibre, d’autant plus marqués que le mouvement s’effectue rapidement.

Des ajustements posturaux sont donc nécessaires pour assurer le maintien de la posture et de l’équilibre.

C’est à ce niveau qu’intervient la coordination entre posture et mouvements, parfaitement illustrée par les deux exemples suivants.

En 1899, Babinski a décrit l’existence de synergies axiales : chez un sujet debout, le fait d’incliner le tronc en arrière s’accompagne d’une flexion des genoux, ce qui permet de maintenir constante la projection du centre de gravité au sol, et par conséquent d’éviter un déséquilibre.

En 1967, P Martin observait que l’élévation des bras vers l’avant chez un sujet debout s’accompagnait d’un déplacement de la tête et du tronc en arrière, également dans le but de maintenir l’équilibre corporel.

Cette coordination posturocinétique est acquise par l’apprentissage au cours du développement moteur, en ce qui concerne les gestes usuels de la vie quotidienne.

Certains programmes moteurs plus spécialisés peuvent requérir un entraînement spécifique en vue de l’acquisition de réflexes posturaux adaptés, en particulier les activités sportives.

B – DONNÉES NEUROPHYSIOLOGIQUES :

Il existe, au cours du mouvement, deux types d’ajustements posturaux.

Ils ont un double objectif : maintenir l’équilibre et stabiliser la position donnée aux segments. Les uns sont des ajustements posturaux anticipés, qui précèdent et compensent de façon anticipée les perturbations posturales prévisibles que produit le mouvement (ou plutôt que produirait le mouvement s’il n’était pas compensé de façon anticipée).

Les autres sont des ajustements compensatoires, qui se déclenchent a posteriori, après la perturbation susceptible de compromettre la posture.

Les ajustements posturaux anticipés constituent un bon exemple de coordination motrice, intéressant plus particulièrement la coordination entre posture et motricité. Ils produisent des forces de réaction opposées aux forces développées par le mouvement qui perturbent la posture.

Ces forces de réaction seront d’autant plus importantes que le mouvement sera exécuté plus rapidement : ceci a pour conséquence que les ajustements anticipés se produisent habituellement lors des mouvements rapides, mais pas au cours des mouvements lents.

Le terme d’ajustement anticipé signifie que les modifications posturales dues aux ajustements se produisent avant le début de la perturbation posturale liée au mouvement, et qu’un contrôle anticipatif de la posture est associé au contrôle du mouvement perturbateur, ce qui suppose la mise en jeu d’une commande interne préprogrammée.

Ce terme ne devrait en principe être utilisé que pour désigner les ajustements posturaux déclenchés par le mouvement volontaire, car tout le monde s’accorde pour considérer qu’ils résultent d’une commande interne et non d’un signal d’origine externe.

Un des objectifs de cette adaptation posturale est de maintenir l’équilibre.

On l’observe aussi bien au cours des mouvements axiaux que segmentaires.

C’est par exemple le cas des synergies axiales décrites par Babinski et analysées récemment au moyen de platesformes de force, de cinématique et d’électromyogramme (EMG).

On constate que lors de la flexion de la partie supérieure du tronc, la contraction volontaire du droit de l’abdomen (ou du muscle sacroépineux lors de l’extension) débute simultanément et parfois secondairement à la contraction de l’ensemble quadriceps tibial antérieur (ou du triceps sural).

Selon l’analyse cinématique, le déplacement du tronc dans une direction donnée s’accompagne d’un déplacement en sens inverse de la hanche et du genou.

Ceci démontre à la fois l’existence d’une coordination, ici multiarticulaire, et le caractère anticipé de l’ajustement postural.

Dans ce travail, on a montré que les ajustements posturaux anticipés associés aux mouvements axiaux participent efficacement au contrôle de l’équilibre en limitant le déplacement de la projection du centre de gravité : ce déplacement n’est que de 2 cm alors qu’il aurait été de 9 cm en l’absence d’ajustements posturaux anticipés.

La préprogrammation des ajustements est également démontrée dans l’étude publiée par Bouisset et Zattara.

Leur travail expérimental a consisté en l’étude d’un sujet debout, les bras le long du corps, dont la mission était d’appuyer avec une main sur un bouton lumineux situé en face de lui.

Le mouvement était enregistré par un accéléromètre fixé au poignet, en même temps qu’était enregistrée l’activité EMG du deltoïde antérieur (sollicité dans ce mouvement) et celle de plusieurs muscles des membres inférieurs.

Bouisset et Zattara ont constaté, dans ces conditions expérimentales, que certains muscles des membres inférieurs étaient le siège d’une activité EMG dont le début précédait l’activité du deltoïde antérieur, et donc le mouvement du membre supérieur.

Le travail réalisé sur la base d’une tâche de délestage bimanuel en 1982 par Hugon, Massion et Wiesendanger confirme l’hypothèse d’une préprogrammation du début de l’adaptation posturale au cours du mouvement, intervenant avant l’ajustement postural de nature réflexe, et prend en compte la notion de référence posturale.

En effet, les ajustements posturaux anticipés sont non seulement mis en jeu dans le but de stabiliser la posture dans son ensemble, mais également la position de certains segments corporels qui jouent un rôle de référence posturale dans le mouvement volontaire.

Lors de cette expérience, le sujet assis supporte, sur un de ses avant-bras qui joue le rôle de référence posturale, un poids de 1 kg.

Quand le poids est soulevé par un tiers (délestage imposé), l’avant-bras déchargé présente une nette déviation vers le haut, ce qui signifie que l’ajustement postural réflexe est trop tardif pour que la position de l’avant-bras déchargé puisse rester stable.

En revanche, lorsque ce poids est soulevé par le sujet lui-même avec sa main libre (délestage volontaire), l’avant-bras déchargé reste stable, ce qui témoigne de la mise en oeuvre d’un ajustement postural anticipé sous la forme d’une inhibition de l’activité EMG des fléchisseurs de l’avant-bras postural, quasi simultanée au mouvement volontaire du bras qui soulève le poids.

Il apparaît donc que la stabilisation de la référence posturale est également une tâche prioritaire pendant l’exécution du mouvement volontaire.

Plusieurs auteurs ont démontré la stabilisation de la tête au cours de l’extension du bras ou de la jambe, durant la marche, et lors du mouvement de rattrapage qui suit un brusque déséquilibre postural.

C – DONNÉES ANATOMIQUES :

Deux aspects sont à considérer :

– la localisation des circuits neuroniques responsables des ajustements posturaux anticipés ;

– les mécanismes de la coordination proprement dite, c’est-à-dire les modes de liaison entre l’ajustement anticipé et le mouvement volontaire.

En ce qui concerne la première question, la réponse n’est pas claire, mais différents arguments venant de la pathologie humaine et de l’expérimentation animale sont en faveur d’une localisation des circuits neuroniques au niveau du tronc cérébral et de la moelle épinière.

Le rôle probable de la formation réticulaire a été mis en évidence expérimentalement chez le chat en montrant que l’inactivation pharmacologique des structures cholinergiques du pont (Luccarini et al, 1990) empêche l’anticipation normale lors d’un mouvement segmentaire volontaire vers une cible, ou lors du mouvement induit par la stimulation du cortex moteur.

Mais bien d’autres structures interviennent également, dont les ganglions de la base, les régions prémotrices et le cervelet.

La participation des ganglions de la base a été proposée initialement par Martin (1967) à partir de l’observation que, chez le sujet parkinsonien, il existe une altération, à des degrés divers, des adaptations posturales.

Ces données ont été confirmées par Bazalgette et al (1986) lors d’un mouvement volontaire segmentaire et par Viallet et al (1987), lors d’une tâche de délestage bimanuel. Cependant, certains observateurs n’ont mis en évidence que des altérations minimes des ajustements posturaux anticipés.

Différentes observations, cliniques chez l’homme et expérimentales chez l’animal, confirment que d’autres structures telles que les régions prémotrices et les régions frontales mésiales (notamment l’aire motrice supplémentaire) participent à ces ajustements.

Pour Massion et Viallet, la région de l’aire motrice supplémentaire controlatérale aux segments corporels, dont la stabilisation posturale conditionne l’exécution correcte du mouvement, sélectionnerait les « modules posturaux » préalablement acquis par apprentissage pour permettre leur utilisation pendant l’exécution du mouvement.

Le cervelet est également impliqué dans la coordination entre posture et mouvement et, d’une façon générale, dans la coordination motrice.

Nous aborderons ultérieurement les données les plus récentes et les hypothèses concernant ce rôle.

En ce qui concerne le deuxième point, c’est-à-dire les modes de liaison entre le mouvement volontaire et l’ajustement anticipé, Massion en propose deux modalités.

L’une fait appel à un modèle hiérarchique, dans lequel les voies contrôlant la performance abandonnent des voies collatérales qui activent les réseaux neuroniques responsables des ajustements posturaux anticipés.

Dans ce mode, le début du mouvement et les ajustements posturaux sont liés temporellement.

L’autre fait appel à un modèle parallèle dans lequel les ajustements posturaux et le mouvement seraient contrôlés par des voies parallèles et des processus distincts.

Ici, le début du mouvement est différé jusqu’à ce que les ajustements posturaux aient atteint un niveau compatible avec le contrôle de l’équilibre durant la réalisation du mouvement.

C’est en particulier le cas lors des mouvements segmentaires chez le sujet debout.

D – DONNÉES CLINIQUES :

Elles sont encore fragmentaires et rarement individualisées dans les manuels de séméiologie.

On évoque plus volontiers l’existence de perturbations de la coordination posturocinétique chez des sujets se plaignant d’une instabilité épisodique, a fortiori si elle survient au cours d’activités gestuelles effectuées en station debout.

L’examen clinique recherchera une asynergie axiale.

Ce symptôme peut être mis en évidence dans différentes situations par des tests simples tels que ceux décrits par Babinski.

Ainsi, chez un sujet asynergique, la partie supérieure du corps reste en arrière et ne suit pas le mouvement des membres inférieurs au cours de la marche.

La rétropulsion du tronc lors de la station debout ne s’accompagne pas d’une flexion des genoux.

L’accroupissement ne s’associe pas à un décollement des talons au sol.

Quand on demande au sujet de s’asseoir alors qu’il est en décubitus dorsal, on observe une flexion des cuisses ainsi qu’un décollement exagéré des talons audessus du plan du lit.

Cette symptomatologie a été décrite essentiellement dans le cadre du syndrome cérébelleux.

L’existence d’une instabilité posturale provoquée par une légère poussée, alors que le sujet en a été prévenu au préalable, témoigne tant d’un déficit de l’ajustement postural anticipatif que d’un déficit de l’adaptation posturale d’origine réflexe.

Cette manoeuvre ne teste cependant pas la coordination de la posture au cours du mouvement volontaire.

Il est vraisemblable qu’un certain nombre de perturbations de la coordination posturocinétique soient infracliniques ou bien compensées.

Pour sensibiliser l’examen clinique, on pourrait envisager un examen sur plate-forme de posturographie en comparant la situation du centre de gravité, d’une part dans les conditions de base, d’autre part en réponse à un mouvement des membres supérieurs par exemple, ou encore lors de poussées.

E – PATHOLOGIE :

Les atteintes cérébelleuses sont fréquemment génératrices de perturbations de la coordination posturocinétique, comme en témoigne la présence constante d’une asynergie axiale dans le cadre du syndrome cérébelleux.

En s’appuyant sur des travaux expérimentaux, certains auteurs ont décrit des troubles de la chronologie et de l’amplitude des ajustements posturaux au cours des affections cérébelleuses, notamment dans les lésions bilatérales de la partie antérieure du cervelet.

Traub, Rothwell et Marsden ont observé, en 1980, des réponses posturales anticipatives normales chez des patients présentant un syndrome cérébelleux discret ou modéré, alors que dans les formes sévères d’ « ataxie » cérébelleuse, ils observent constamment une perturbation de ces réponses.

Ces mêmes auteurs ont décrit des déficits de la coordination posturocinétique sous forme d’une suppression ou d’un retard des réponses posturales anticipatives chez les patients spastiques.

C’est essentiellement au cours de la maladie de Parkinson qu’ont été rapportées des perturbations de l’organisation de la coordination posturocinétique.

L’on met ainsi en évidence une réduction, voire une abolition, des réflexes posturaux anticipatifs chez les parkinsoniens, en particulier chez ceux qui présentent une instabilité posturale à l’examen clinique, mais ce peut également être un signe de début de maladie de Parkinson.

Ceci pourrait peut-être expliquer également des cas de chutes rapportées chez des parkinsoniens présentant par ailleurs des réflexes posturaux anticipatifs normaux.

Traub, Rothwell et Marsden ont constaté également ces anomalies chez quatre patients atteints de paralysie supranucléaire progressive.

Enfin, des lésions des aires prémotrices, en particulier de l’aire motrice supplémentaire, paraissent susceptibles d’affecter la coordination posturocinétique au niveau du membre controlatéral.

Coordination des mouvements volontaires :

A – GÉNÉRALITÉS :

L’exécution d’un mouvement rapide d’un membre, dit balistique, nécessite, pour l’activation des muscles impliqués dans ce mouvement, des paramètres de séquence, de durée et d’intensité appropriées, ainsi qu’une régulation posturale visant à la fois la stabilisation des articulations au niveau du membre siège du mouvement, et le maintien de l’équilibre corporel.

La rapidité de déroulement d’un mouvement ne laisse pas de place à une correction au fur et à mesure de leur trajectoire, contrairement à ce qui se passe lors des mouvements lents (comme pour les mouvements oculaires de la poursuite d’une cible mobile), qui par un mécanisme de feed-back permet au cerveau d’effectuer les corrections nécessaires.

Ces paramètres, concernant l’ordre précis d’activation des différents muscles impliqués dans le mouvement, leur séquence et leur intensité nécessitent donc, compte tenu de la rapidité du mouvement limitant les possibilités de contrôle par feedback, une préprogrammation.

C’est le déficit de cette préprogrammation qui est à l’origine des troubles de la coordination.

B – DONNÉES ANATOMOFONCTIONNELLES :

Situé en parallèle sur les grandes voies sensorielles et motrices, le cervelet reçoit des informations sur les programmes moteurs et les performances motrices en train de s’accomplir : à partir de ces diverses informations, il module et réorganise les commandes motrices. Ces opérations sous-tendent un processus qui intervient pour une part importante dans la coordination motrice.

Depuis Rolando (1809), on sait que la lésion cérébelleuse produit des troubles moteurs et, depuis Flourens (1822), que ces troubles ne sont pas de véritables paralysies, mais portent sur la coordination motrice : à l’appui de cette opinion, l’observation qu’une lésion cérébelleuse perturbe davantage un mouvement monoarticulaire qu’un mouvement pluriarticulaire.

Ensuite, les observations cliniques d’André-Thomas (1897), Babinski (1899) et surtout celles de Gordon Holmes (1939) à partir des blessés de la Première Guerre mondiale, ont permis d’établir que les lésions cérébelleuses s’accompagnent d’anomalies de la force et de la régularité des mouvements.

Ces corrélations anatomofonctionnelles ont conduit peu à peu à considérer le cervelet comme un organe dont le rôle coordinateur résulte de la régulation qu’il opère sur l’activité des voies sensorimotrices ascendantes et descendantes.

Ceci n’exclut pas que le cervelet soit lui-même à l’origine de commandes motrices.

De nouveaux progrès ont plus récemment mis en évidence son rôle dans l’apprentissage et l’automatisation du geste et dans l’élaboration de fonctions mentales, qui montrent qu’une seule et même fonction pourrait être à la base des rôles moteur et cognitif du cervelet.

L’objet de ce paragraphe est d’étudier la fonction coordinatrice cérébelleuse.

Les données les plus récentes sur l’organisation du cervelet et les relations qu’il établit avec les structures extracérébelleuses nous permettent, au moins en partie, de l’expliquer.

Le cervelet comporte deux parties distinctes, le cortex et les noyaux.

Le cortex est le lieu de projection et d’intégration de l’ensemble des afférences cérébelleuses.

Les noyaux constituent la voie de sortie du cervelet et la seule source des efférences cérébelleuses.

En somme, et de façon volontairement réductionniste, le cervelet reçoit et traite des informations et les renvoie vers ses cibles motrices par l’intermédiaire des noyaux cérébelleux profonds et vestibulaires.

Nous allons voir que chacune de ces étapes participe vraisemblablement au processus de coordination.

1- Afférences :

Les afférences cérébelleuses sont de deux types : les fibres moussues et les fibres grimpantes.

Les fibres moussues proviennent de multiples régions extracérébelleuses et cette multiplicité d’origine pourrait être un préalable indispensable au processus de coordination.

Les fibres moussues sont les prolongements axoniques de corps cellulaires situés dans la moelle (voies spinocérébelleuses), dans les noyaux du pont (voies pontocérébelleuses), réticulaires (voies réticulocérébelleuses) ou vestibulaires (voies vestibulocérébelleuses).

Elles proviennent aussi de l’ensemble du cortex cérébral (voies cortico-ponto-cérébelleuses).

Elles amènent au cervelet des messages sensoriels ou des copies internes de la commande motrice provenant des effecteurs moteurs.

Elles projettent sur les cellules en grain par l’intermédiaire de synapses excitatrices.

Au cours de ce trajet, elles abandonnent des collatérales destinées aux noyaux cérébelleux.

Chaque fibre moussue fait synapse avec un grand nombre de cellules en grain, et chaque cellule en grain reçoit un grand nombre de fibres moussues.

Leurs axones bifurquent en T pour former les fibres parallèles qui, sur leur trajet de plusieurs millimètres, entrent en contact synaptique excitateur avec plusieurs centaines de cellules de Purkinje.

On comprend que grâce à ce dispositif, il y ait à la fois convergence et divergence des messages afférents, d’autant plus que, par leurs ramifications, les fibres moussues se terminent sur plus d’un lobule et, à l’intérieur de chaque lobule, se divisent encore.

Les fibres grimpantes forment l’autre contingent d’afférences cérébelleuses.

Elles proviennent des différents noyaux olivaires bulbaires qui, eux aussi, reçoivent des afférences d’origine très diverse : moelle, tronc cérébral, diencéphale, cortex cérébral et noyaux cérébelleux profonds.

Les noyaux olivaires émettent des fibres grimpantes à destination corticale et des collatérales à destination des noyaux cérébelleux profonds.

Les projections corticales se font par de multiples contacts synaptiques excitateurs sur plusieurs cellules de Purkinje autour desquelles les fibres grimpantes s’enroulent.

Cet ensemble de cellules de Purkinje dépendant d’une même fibre grimpante se dispose dans un plan sagittal de telle sorte que la surface corticale hémisphérique et vermienne s’organise en une série de bandes sagittales.

Il existe une étroite ségrégation entre la situation anatomique de la zone sagittale considérée et le noyau cérébelleux profond sur lequel elle projette.

L’ensemble associant une zone sagittale (c’est-à-dire une population de cellules de Purkinje dépendant d’une fibre grimpante, le contingent de fibres moussues qui lui est associé et les efférences corticonucléaires de cette zone) constitue pour Bloedel (1994) l’unité fonctionnelle du cervelet.

On peut faire l’hypothèse que ce mode de projections corticales des fibres afférentes où se combinent ségrégation et divergence pourrait servir au processus de coordination en permettant à un même message afférent d’être projeté et traité en différents territoires corticaux ou nucléaires, c’est-à-dire dans des contextes somatotopiques et/ou fonctionnels différents.

En effet, à un niveau plus fin d’analyse, les études expérimentales chez le mammifère montrent que, sur le cortex cérébelleux, la somatotopie n’est pas continue mais discontinue, c’est-à-dire que les différentes régions du corps sont représentées sous forme d’îlots séparés les uns des autres.

Une région du cortex qui reçoit l’influx sensitif en provenance du bras par l’intermédiaire des fibres moussues pourra, par exemple, être située à proximité mais non en continuité d’une aire corticale qui reçoit des afférences provenant d’un autre segment (l’avant-bras ou la main par exemple) du membre supérieur.

Ce mode de représentation somatotopique a été dénommé somatotopie fragmentée.

Il en résulte que chaque région du corps est représentée plusieurs fois et qu’il n’y a pas continuité des aires de représentation de territoires corporels adjacents.

Cette somatotopie fragmentée participe vraisemblablement aux processus de coordination.

2- Noyaux cérébelleux :

Trois points méritent d’être signalés à propos des noyaux cérébelleux.

– Parmi les multiples représentations somatotopiques mises en évidence dans le cervelet, il en existe au moins une dans chacun des noyaux cérébelleux.

Cette représentation s’oriente selon la dimension sagittale du noyau : les membres postérieurs sont représentés en avant, les membres antérieurs dans la région médiane et la tête en arrière.

Il résulte de cette disposition que les myotomes disposés perpendiculairement à l’axe corporel sont représentés selon la dimension coronale du noyau, c’est-à-dire selon le grand axe du folium et, par conséquent, parallèlement à la trajectoire des fibres parallèles.

Ceci va permettre à un contingent de fibres parallèles donné de tenir sous sa dépendance un ensemble de cellules de Purkinje qui vont elles-mêmes contrôler l’activité des muscles agissant en synergie dans un segment donné.

En fait, cet ensemble de cellules de Purkinje contrôle des muscles situés au-delà du segment lui-même, parce que les fibres parallèles sont habituellement plus longues que la représentation nucléaire du segment.

Enfin, il arrive que, selon la position de la représentation dans le noyau, un contingent de cellules de Purkinje dépendant d’une zone sagittale donnée contrôle des muscles qui sont représentés dans deux noyaux différents, dentelé et interposé par exemple.

On comprend que de telles dispositions permettent une coordination spatiale de l’activité musculaire.

– Il existe une relation topographique entre les zones sagittales corticales précédemment décrites et les noyaux cérébelleux sur lesquels projettent les efférences corticonucléaires : le vermis projette sur les noyaux fastigial et vestibulaire, le cortex intermédiaire sur les noyaux interposés antérieur et postérieur (globuleux et emboliforme chez l’homme) et le cortex latéral sur le noyau dentelé.

– On a longtemps cru que ces différentes zones corticales et leur correspondance nucléaire n’avaient qu’une signification somatotopique.

On sait désormais qu’il s’agit en réalité d’une signification fonctionnelle et que chaque noyau présente une spécialisation fonctionnelle.

Il semble même qu’en raison du principe d’organisation en unités fonctionnelles évoqué précédemment, tout se passe comme si la mise en jeu des noyaux s’exprimait comme un tout fonctionnel, la coordination en faisant partie intégrante.

Les noyaux fastigial et interposé interviendraient dans le contrôle de la posture, de l’équilibre, de la marche, des mouvements de la tête et des yeux et des mouvements automatiques des membres.

Thach et al ont montré que l’inactivation pharmacologique du noyau fastigial entraîne des troubles posturaux.

Le noyau interposé intervient également dans le contrôle des réflexes myotatiques et à longue boucle et dans les mouvements alternés rapides monoarticulaires.

En ce qui concerne le noyau dentelé, ces mêmes auteurs montrent qu’il intervient dans l’initiation via le thalamus et le cortex moteur des mouvements volontaires et que son inactivation retarde le début du mouvement, pluriarticulaire notamment.

3- Cortex :

Les données combinées de l’électrophysiologie et de l’histologie amènent également à formuler une hypothèse fondamentale pour expliquer la coordination : des messages afférents d’origine très diverse peuvent, après traitement par le cervelet, être restitués sous forme de messages efférents synchronisés dans un territoire donné et en différents territoires.

Avant même leur arrivée sur le cortex, des messages d’origine très diverse subissent un regroupement spatial en convergeant sur un même groupe de cellules olivaires.

Ces cellules olivaires oscillent en phase les unes avec les autres sous l’influence de synapses électriques, ce qui va permettre un regroupement temporel de ces messages afférents : les groupes de cellules olivaires oscillant en phase constituent des unités fonctionnelles dont les fibres grimpantes projettent sur un ensemble de cellules de Purkinje.

Sous l’effet de l’oscillation synchrone des cellules olivaires dont elles dépendent, ces cellules de Purkinje auront alors tendance à fonctionner en phase.

Ces diverses données conduisent à formuler une hypothèse sur le processus de synchronisation.

On a rappelé précédemment que les fibres parallèles et les myotomes sont orientés de façon parallèle.

Selon Thach et al, cette disposition permettrait à un faisceau de fibres parallèles de coordonner spatialement les activités de plusieurs muscles et articulations synergiques.

D’autre part, la disposition des fibres grimpantes permet de mettre en phase l’activité de ces cellules de Purkinje : c’est un processus de coordination temporelle.

Le niveau d’activité des cellules de Purkinje va être lui-même modulé par les interneurones environnants, qui vont parfaire la configuration du message efférent vers les noyaux cérébelleux profonds.

En effet, le message inhibiteur efférent des cellules de Purkinje n’est pas seulement modulé par les afférences.

Il l’est également par les interneurones, cellules en « étoile » et en « panier » activées par les fibres parallèles en même temps qu’elles activent les cellules de Purkinje du même territoire cortical.

Ces interneurones GABAergiques inhibent les cellules de Purkinje voisines (par l’intermédiaire des cellules en étoile) ou situées à distance (par l’intermédiaire des cellules en panier) du faisceau de fibres parallèles activées.

Les cellules de Purkinje, activées par le faisceau de fibres parallèles qui les contrôle, émettent un message inhibiteur vers leurs cibles nucléaires cérébelleuses ou vestibulaires.

À l’opposé, les cellules de Purkinje situées en dehors du faisceau de fibres parallèles activées sont inhibées par les cellules en étoile et en panier : il en résulte une désinhibition de leurs cibles.

Le modèle proposé par Thach et al permet d’introduire un processus qui module le contrôle cérébelleux efférent : le niveau d’activité des cellules de Purkinje varierait en fonction de la force du contact synaptique entre fibre parallèle et cellule de Purkinje.

De la force de ce contact synaptique dépendra le niveau d’activité des cellules de Purkinje et, au-delà, des noyaux cérébelleux profonds et de leurs cibles motrices. Une telle modulation serait un appoint efficace au processus de coordination.

D’autre part, Bloedel et Kelly ont proposé l’hypothèse de la sélection dynamique.

Ces deux auteurs remarquent que les compartiments fonctionnels cérébelleux définis à partir de la circuiterie neuronale précédemment rappelée, sont d’une remarquable homogénéité dans l’ensemble du cervelet.

Cette homogénéité structurelle suggère un mode univoque de traitement du signal à l’intérieur de ces différents compartiments.

D’autre part, on peut remarquer avec Thach et al que plus une fibre parallèle est longue, plus le nombre de cellules nucléaires vont, par l’intermédiaire des cellules de Purkinje, être fonctionnellement liées.

Haines et al observent que les fibres parallèles les plus longues (et pouvant atteindre jusqu’à 6 mm) peuvent ainsi contacter simultanément des cellules de Purkinje situées dans différentes zones, vermienne et hémisphérique par exemple, ce qui fournit des arguments supplémentaires en faveur d’une coordination spatiale des activités cérébelleuses efférentes.

À partir d’enregistrements multiunitaires, Bloedel et Kelly aboutissent à l’hypothèse que sous l’influence d’un stimulus donné, les fibres grimpantes activent un ensemble spécifique de cellules de Purkinje disposées sagittalement, et que les fibres moussues mises en jeu par ce même stimulus vont moduler l’activité des cellules de Purkinje ainsi recrutées.

En résumé, la fonction coordinatrice du cervelet apparaît comme le résultat d’un ensemble d’opérations un traitement qui transforment l’information afférente en un message efférent configuré sur le plan spatiotemporel.

Ce traitement peut être effectué en n’importe quel point du cortex cérébelleux parce que l’ensemble du cortex est une structure homogène : elle est faite de la répétition d’une circuiterie neuronique stéréotypée qui, superposée à une somatotopie fragmentée, sert de support à ce traitement.

C – DONNÉES CLINIQUES :

On évoquera l’existence de troubles de la coordination des mouvements chez un sujet qui se plaint de maladresse gestuelle.

Pour mettre ces troubles en évidence, on cherche à l’examen clinique la présence des signes suivants, classiquement décrits comme les manifestations fondamentales du syndrome cérébelleux.

L’adiadococinésie témoigne des difficultés à exécuter les mouvements rapides alternés, résultant d’un déficit de la préprogrammation de la durée de l’activité du muscle agoniste.

On la recherche en faisant réaliser une série de mouvements alternatifs rapides, le plus souvent de pronation et de supination, lors de la classique manoeuvre des « marionnettes ».

L’hypermétrie témoigne de la démesure des mouvements liée à une exagération de leur amplitude, à l’origine du dépassement de la cible.

Elle serait liée à la fois à un déficit de la préprogrammation de la durée d’activité de l’agoniste et à celle du moment du début de l’entrée en action de l’antagoniste.

Pour la mettre en évidence, on demande au sujet de réaliser des gestes rapides vers une cible donnée sur commande, par exemple au cours de l’épreuve du doigt au nez, du doigt sur l’oreille pour les membres supérieurs, ou du talon sur le genou pour les membres inférieurs.

L’épreuve des lignes horizontales au cours de laquelle le sujet doit tracer des lignes horizontales parallèles, d’une ligne verticale à une autre (comme les barreaux d’une échelle, sans dépasser les limites fixées, est très informative.

Pour les mouvements oculaires, les hypermétries saccadiques sont particulièrement faciles à mettre en évidence lors des saccades visuelles guidées étudiées en électro-oculographie.

Une réponse inadéquate à la manoeuvre de Stewart-Holmes est liée, semble-t-il, non seulement à l’hypotonie, mais également au retard dans la contraction des muscles antagonistes du fait d’une préprogrammation déficitaire.

D – PATHOLOGIE :

Les troubles de la coordination des mouvements volontaires se retrouvent presque exclusivement au cours des atteintes cérébelleuses, notamment hémisphériques, quelle que soit leur étiologie : malformation, dégénérescence, processus expansif tumoral, accident vasculaire cérébral ischémique ou hémorragique, atteinte inflammatoire, infectieuse, toxique ou traumatique.

C’est au cours de la sclérose en plaques, par exemple, que ce syndrome est le plus souvent facile à mettre en évidence, bien qu’il soit presque toujours associé à d’autres signes neurologiques.

Coordination des mouvements de la tête et des yeux :

A – GÉNÉRALITÉS :

Chez de nombreux vertébrés, dont l’homme et le primate, l’orientation du regard se fait le plus souvent grâce à la conjonction d’un déplacement des yeux et d’une rotation de la tête dans la même direction, associés parfois aussi à un changement de position du tronc ou de l’ensemble du corps.

Le but de cette coordination oeiltête est d’assurer la stabilisation de l’oeil dans l’espace au cours des changements de direction du regard, associant donc un mouvement de la tête et un mouvement oculaire pour permettre le maintien d’une vision nette sur la macula.

Cette coordination oculocéphalique est également indispensable à la stabilisation du regard au cours de la locomotion.

La coordination oeil-tête a fait l’objet de nombreuses études dans diverses situations, mouvements actifs et passifs de la tête, dans la lumière ou dans l’obscurité…

La réponse d’orientation au cours de la présentation d’une cible visuelle immobile représente la condition la plus classique d’étude de cette coordination.

Elle réalise une séquence motrice oculocéphalique typique : le mouvement des yeux vers la cible débute en premier par une saccade, suivie environ 30 ms plus tard par un mouvement de la tête vers la cible, accompagné d’un mouvement compensatoire des yeux en sens opposé, permettant ainsi la stabilisation du regard.

L’oeil garde donc une position centrale (position primaire) dans l’orbite. Tout sujet dispose de plusieurs stratégies de coordination oeil-tête.

La stratégie utilisée sera différente en présence de cibles très excentriques (plus de 50°) par rapport à des cibles peu excentrées, pour lesquelles le déplacement du regard est identique, que la tête soit immobilisée ou mobile.

En cas d’anticipation de l’apparition du stimulus visuel, la stratégie sera également différente, le mouvement de la tête débutant alors quelques centièmes de milliseconde avant la saccade oculaire.

La coordination oeil-tête est également une stratégie fréquemment utilisée dans la poursuite d’une cible mobile, surtout si l’excursion de la cible dépasse 30 à 40° d’excentration.

B – DONNÉES NEUROPHYSIOLOGIQUES :

On ne connaît pas encore parfaitement tous les mécanismes intervenant dans la coordination tête-oeil.

On sait cependant, en particulier grâce aux travaux de Bizzi et al, que le mouvement compensatoire, base de la coordination oeil-tête, n’est pas lié à une activité préprogrammée, mais est d’origine réflexe vestibulaire et l’expression du réflexe vestibulo-oculaire (RVO).

L’ajustement de la saccade lorsque la tête est libre, est également d’origine réflexe vestibulaire.

Ces données ont été confirmées par plusieurs travaux expérimentaux, en particulier ceux de Bizzi et al qui ont étudié la coordination oeil-tête chez le singe au cours de l’orientation tête libre sur une cible visuelle fixe.

Si, au cours de cette situation, le mouvement de la tête en cours de réalisation est bloqué de façon imprévisible, le mouvement compensatoire de l’oeil s’arrête immédiatement, alors que la saccade est identique à celle obtenue en condition de tête fixe.

Cette constatation permet d’éliminer l’hypothèse d’une activité préprogrammée.

Afin de confirmer l’origine réflexe vestibulaire du mouvement compensatoire de l’oeil, ces auteurs ont montré que l’extinction de la cible ne modifiait pas la séquence motrice oculocéphalique, alors qu’après labyrinthectomie bilatérale, les animaux manquaient la cible, en général par excès, du fait de l’absence de mouvement compensatoire de l’oeil et de l’absence de réduction d’amplitude de la saccade.

En revanche, la réapparition progressive au bout de quelques semaines d’un mouvement compensatoire de l’oeil, persistant partiellement après blocage soudain de la tête, suggère que la récupération après labyrinthectomie fait appel à la fois à une préprogrammation cérébrale et à une rétroaction sensorielle, probablement d’origine cervicale.

En temps normal, la contribution des informations proprioceptives en provenance du cou (réflexe cervico-oculaire [RCO]) est minime, et elle trouvera particulièrement à s’exprimer après labyrinthectomie.

On constate par ailleurs que l’activité EMG au cours du mouvement d’orientation sur une cible, débute simultanément au niveau des muscles oculaires et cervicaux impliqués dans la rotation de la tête : la faible inertie de l’oeil, comparée à celle de la tête, explique que le mouvement des yeux se développe plus rapidement que celui de la tête.

La coordination oeil-tête apparaît donc exclusivement basée sur une rétroaction vestibulaire réflexe au mouvement de la tête, faisant intervenir le RVO.

C – DONNÉES ANATOMIQUES :

La coordination oeil-tête dépend des structures anatomiques impliquées dans la production du RVO, à savoir canaux semicirculaires stimulés par le mouvement de rotation céphalique, nerf vestibulaire, noyaux vestibulaires primaires, noyaux oculomoteurs, faisceau longitudinal médian et motoneurones des muscles oculaires.

Le rôle du colliculus supérieur dans la coordination oeil-tête a également été avancé : en effet, plusieurs auteurs ont constaté que la stimulation du colliculus supérieur chez le chat produisait des mouvements coordonnés de la tête et des yeux.

Chez le singe, cette structure semble jouer un rôle déterminant dans le contrôle du comportement de l’exploration visuelle à la recherche d’une cible.

D’autres structures, en particulier le cortex frontal oculomoteur, semblent également intervenir dans la commande des mouvements de la tête et des yeux.

Le flocculus cérébelleux, quant à lui, semble jouer surtout un rôle dans la poursuite tête libre, bien que son intervention au niveau de la coordination oeil-tête dans le cadre de l’orientation sur une cible fixe ait été envisagée.

D – DONNÉES CLINIQUES :

Il faut évoquer l’existence de troubles oculocéphaliques chez les sujets signalant des oscillopsies au cours des mouvements de la tête, compromettant la vision, tout particulièrement lors de la lecture.

Ces oscillopsies sont aggravées par la marche, et n’apparaissent dans certains cas qu’au cours de celle-ci.

La survenue d’oscillopsies spontanées, en l’absence de mouvements céphaliques, oriente vers un autre type de pathologie (nystagmus, quelle qu’en soit l’origine, mouvements oculaires anormaux).

Wist et al ont mis au point un test clinique simple de provocation des oscillopsies pouvant être réalisé au lit du patient ; celui-ci est soumis à des mouvements de rotation passifs, d’une fréquence de l’ordre de 1 Hz pendant la fixation d’une cible fixe.

La survenue d’oscillopsies dans ces conditions est toujours pathologique.

Des troubles de la coordination oculocéphalique doivent également être envisagés chez les sujets qui seraient incapables d’exécuter des saccades oculaires tête fixe.

Le clinicien dispose actuellement d’un test qualitatif et quantitatif permettant d’étudier la coordination oculocéphalique grâce à l’enregistrement concomitant des mouvements de la tête, en général au moyen d’un potentiomètre, et des yeux au moyen de l’électro-oculographie, et ceci aussi bien lors de l’orientation passive qu’active des yeux vers des cibles lumineuses fixes ou mobiles.

E – PATHOLOGIE :

Les perturbations lors de la coordination oculocéphalique se rencontrent essentiellement lors des désordres du RVO, conduisant à une chute de son gain.

Toutes les structures intervenant dans le RVO sont concernées, mais les plus étudiées ont été les troubles de la coordination oculocéphalique consécutifs à des atteintes vestibulaires périphériques uni- ou bilatérales.

Ces atteintes ont pour conséquence la suppression du mouvement de recentrage réflexe de l’oeil pendant le mouvement de la tête.

En cas de lésion unilatérale, ces troubles ne se manifestent que lors des mouvements dirigés vers le côté lésé.

L’évolution se fait habituellement vers la compensation progressive de ce déficit par la mise en jeu d’une stratégie de substitution qui fait appel essentiellement à une préprogrammation cérébrale de mouvements lents compensateurs du mouvement de la tête, au RCO, ainsi qu’au mécanisme de substitution saccadique.

Cette compensation peut éventuellement être améliorée ou accélérée par des exercices de rééducation spécifique.

Les patients souffrant d’apraxie oculomotrice ont également une perturbation de la coordination oculocéphalique.

Incapables d’initier des saccades volontaires normales, la tête immobile, ils font appel à des stratégies particulières.

Ainsi, ils tournent fréquemment la tête de manière brusque et ample, dépassant la cible avant d’y revenir.

Parfois, le mouvement compensateur de l’oeil, en sens inverse du mouvement de la tête, précède la saccade.

L’apraxie oculomotrice congénitale décrite par Cogan est d’origine inconnue.

Elle apparaît dans la petite enfance chez les garçons ; son évolution est favorable. L’apraxie oculomotrice acquise est secondaire à des lésions bilatérales du cortex frontopariétal.

Des troubles de la coordination oculocéphalique ont été décrits lors de syndromes extrapyramidaux, en particulier au cours de la maladie de Parkinson, sous forme d’un allongement de la latence des mouvements de la tête et des yeux, ainsi que d’un ralentissement et d’une hypométrie du mouvement céphalique.

Enfin, dans les atteintes cérébelleuses, on a surtout rapporté des troubles de la coordination oculocéphalique dans le cadre de la poursuite tête libre d’une cible mobile sous la forme de mouvements céphaliques irréguliers.

Coordination de la parole :

A – GÉNÉRALITÉS :

La parole est un acte moteur complexe qui élabore et coordonne les sons conventionnels en vue de permettre le langage (moyen de communication et d’expression spécifique de l’homme).

Elle nécessite la coordination de l’activité d’un grand nombre de muscles et est soumise à de nombreuses modulations, notamment extrapyramidales et corticales.

B – DONNÉES NEUROPHYSIOLOGIQUES :

L’air provenant des poumons lors de l’expiration est transformé en son, grâce à l’accolement et à la vibration des cordes vocales.

Ce son glottique est ultérieurement modifié par la caisse de résonance bucco-naso-pharyngée (contrôlée par la contraction du voile du palais et l’ouverture plus ou moins grande de la bouche), puis articulé grâce aux mouvements de la langue et des lèvres.

Les sons vocaux se distinguent phonétiquement en fonction de la vibration ou non des cordes vocales (sonores, sourdes), de la caisse de résonance (occlusives, nasales) et en fonction du point d’articulation (labiales, dentales, palatales).

L’intensité de la voix dépend de la pression de l’air expiré, contrôlée par la musculature respiratoire, et de la résistance opposée au flux aérien dans la glotte, contrôlée par l’accolement des cordes vocales.

La hauteur de la voix dépend de la tension des cordes vocales et de la fréquence des ouvertures glottiques. Le timbre dépend de l’accolement des cordes vocales, de leur masse et de la caisse de résonance.

Le débit dépend de la respiration et de la coordination des organes phonateurs.

La prosodie, ou mélodie de la parole, résulte de l’alternance d’accentuations de certains phonèmes ou mots et de silences de ponctuation.

C – DONNÉES ANATOMIQUES :

Les voies motrices comportent deux neurones.

Le premier neurone, central, dont le noyau est situé dans l’opercule rolandique, se projette de façon bilatérale sur les noyaux moteurs bulbaires.

Le second neurone, périphérique, bulbomusculaire, innerve les muscles des organes phonateurs.

La commande motrice subit une triple modulation, émanant du système extrapyramidal, du cervelet et du cortex frontal (aire du langage).

D – PATHOLOGIE :

La dysarthrie est un trouble de la parole résultant de l’atteinte des voies motrices qui dirigent et coordonnent l’activité des organes phonateurs.

La dysarthrie cérébelleuse associe trois types d’anomalies.

La lenteur de la parole (bradylalie) relève de plusieurs mécanismes, allongement des phonèmes, achoppements, répétitions de phonèmes ou syllabes, pauses fréquentes et inadaptées.

Ces troubles sont attribués d’une part à l’hypotonie qui sous-tend un retard à l’initiation et à l’arrêt des mouvements des organes phonateurs et une lenteur du mouvement ; d’autre part, ils sont liés aux difficultés à réaliser de rapides mouvements alternatifs (diadococinésie) ou séquentiels (synergie) des organes articulatoires, qui impliquent une bonne synchronisation entre lèvres, joues, langue, musculature vélopharyngée, laryngée et respiratoire.

Il existe en outre des anomalies de l’articulation.

Les plus caractéristiques sont la brutalité des attaques, l’exagération de l’explosion au cours des occlusions sourdes et l’assourdissement des occlusions sonores, qui témoignent d’un mauvais contrôle de l’amplitude du mouvement articulatoire (hypermétrie).

Les paramètres acoustiques subissent en cours de phonème d’importantes variations de fréquence et d’intensité, traduisant la variabilité de l’amplitude et de la fréquence des vibrations et la mauvaise synergie entre les activités laryngées et respiratoires.

Toutes ces anomalies contribuent à donner à la dysarthrie cérébelleuse son caractère brusque, scandé, explosif, irrégulier.

La fonction de coordination du cervelet a particulièrement été soulignée dans le contrôle de la motricité, le cervelet jouant le rôle d’un système de mesure qui confronte l’adéquation entre les messages moteurs efférents et les messages sensoriels afférents.

Un tel fonctionnement d’horloge dépasse cependant largement le domaine de la motricité.

Ainsi, des patients avec lésions cérébelleuses sont incapables de juger la longueur d’un intervalle de temps entre deux sons et de le comparer à un intervalle témoin.

L’implication du cervelet dans ce type de tâches a été confirmée chez des sujets sains, en tomographie à émission de positons.

Ceci suggère que le cervelet est impliqué dans des tâches de mesure du temps et donc, de façon générale, dans des tâches nécessitant un précis minutage pour être bien synchronisées, qu’il s’agisse de tâches motrices ou cognitives.

Conclusion :

Ainsi définie comme un trouble de l’ordonnance des mouvements, l’incoordination peut se rencontrer dans de nombreuses situations pathologiques.

Elle s’exprime essentiellement dans les actes de la vie courante, le mouvement volontaire, la stabilité posturale et la synergie oculocéphalique, mais aussi la parole.

L’on pourrait en développer d’autres aspects comme celui de la spécificité de l’écriture, l’orientation au bruit, la réponse aux stimulations proprioceptives ou douloureuses, l’adaptation à la pesanteur et l’impesanteur, etc.

C’est dire combien son analyse est complexe et se doit d’être aussi fine que possible.

La coordination implique en premier lieu le rôle du cervelet, préprogrammateur du mouvement grâce à l’apprentissage, mais aussi système de mesure du temps dans des tâches plus cognitives ; nous avons vu en outre le rôle très important des noyaux de la base et du cortex frontopariétal, et celui, assez spécifique, de l’appareil vestibulaire pour la coordination oculocéphalique.

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