Trouble du comportement en sommeil paradoxal

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Historique :

Le trouble du comportement en sommeil paradoxal (TCSP) représente une forme particulière de parasomnie définie par la disparition intermittente de l’atonie musculaire caractéristique du sommeil paradoxal (SP) et par l’apparition d’une activité motrice anormale en SP témoignant de la mise en acte d’une activité onirique.

Trouble du comportement en sommeil paradoxalCe trouble a été initialement décrit chez l’animal par Jouvet et Delorme après lésions expérimentales du tegmentum pontin chez le chat.

En effet, des lésions bilatérales du tegmentum pontin dorsolatéral du chat entraînaient à la fois une perte de l’atonie caractéristique du SP ainsi qu’une activité motrice élaborée proche de celle de la veille.

Ces manifestations motrices en SP ont secondairement été décrites chez l’homme en 1985 par Schenck et al., définissant ainsi une nouvelle catégorie de parasomnie : human REM sleep chronic behavior disorder.

C’est toutefois, Tachibana et al. qui ont décrit pour la première fois cette parasomnie chez l’homme, chez un patient en sevrage éthylique.

Le TCSP est une parasomnie du SP reconnue dans la classification internationale des troubles du sommeil depuis 1990, classification qui définit d’ailleurs six parasomnies associées au SP.

De nombreuses descriptions de patients atteints du TCSP ont été publiées par la suite et ont permis de préciser au mieux ces caractéristiques cliniques et polygraphiques.

Le TCSP a été retrouvé étroitement associé à des maladies neurodégénératives avec parkinsonisme.

Épidémiologie :

Aucune étude concernant la prévalence de cette parasomnie n’est actuellement publiée, toutefois cette parasomnie bien que relativement peu fréquente semble être sous-estimée principalement du fait qu’elle est peu connue et donc peu recherchée.

Elle atteint le plus souvent le sujet âgé de plus de 60 ans, principalement de type masculin (60-90 % des cas), prépondérance masculine inexpliquée d’ailleurs.

Le plus souvent, on retrouve chez ces patients la présence d’autres parasomnies dans l’enfance, principalement des épisodes de somniloquies et moins fréquemment de somnambulisme ou de terreur nocturne.

Par ailleurs, la comorbidité fréquemment retrouvée avec les maladies neurologiques (de 47 à 60 % des cas) semble de toute importance et permet toutefois d’individualiser le TCSP des autres parasomnies, celle-ci pouvant de plus être le symptôme révélateur de la maladie sous-jacente.

Critères diagnostiques :

A – CLINIQUES :

Les troubles du comportement en SP sont d’intensité très variable : modérés, ils sont caractérisés par des paroles, des cris avec des mouvements corporels à type de coups de poing ou pied, des gesticulations, ou plus élaborés, le sujet pouvant s’asseoir dans le lit, déambuler….

Ils peuvent cependant s’avérer être plus sévères et le patient peut commettre des actes particulièrement violent auto- et/ou hétéroagressif.

Au cours de ces épisodes, le patient peut effectivement se blesser et plus rarement blesser son partenaire.

À noter qu’il n’existe pas de troubles végétatifs associés (tachycardie, sudation…) au cours de l’épisode de parasomnie.

De façon associée, le patient rapporte souvent un changement dans la tonalité de ses rêves dans les semaines ou mois ayant précédé le trouble moteur et le TCSP est souvent interprété par le sujet comme un cauchemar.

Le plus souvent, un éveil suit cette parasomnie et le patient raconte un récit de rêve.

Dans la grande majorité des cas, le contenu onirique fait référence à une attaque par des individus ou par des animaux ; des thèmes plus anodins (activité sportive…) sont aussi possibles bien que plus rares.

Le début des troubles génère souvent aussi des plaintes émanant du conjoint à type de sommeil agité, sommeil fragmenté voire de blessure pendant le sommeil.

L’interrogatoire du conjoint apporte ainsi des informations précieuses et essentielles pour la détermination de la fréquence des épisodes, de leur durée, de leur horaire de survenue, du type d’activité motrice nocturne, de leur éventuelle stéréotypie ainsi que du niveau de conscience du sujet pendant l’épisode.

Cette parasomnie survient au moins 90 minutes après l’endormissement et le plus souvent en deuxième partie de nuit, le SP y étant physiologiquement plus prépondérant.

La fréquence des épisodes est très variable selon les patients et, pour un même patient, de plusieurs fois par nuit à une à deux fois par an.

De façon associée, ces patients rapportent souvent une plainte de somnolence diurne excessive.

B – POLYSOMNOGRAPHIQUE :

Les caractéristiques polysomnographiques du TCSP sont assez bien définies et sont nécessaires pour affirmer le diagnostic en objectivant la survenue de l’épisode moteur de nuit en SP.

À noter toutefois que l’enregistrement vidéopolysomnographique de ces épisodes moteurs est difficile, moins de la moitié des patients atteints de TCSP présentent un épisode parasomniaque au cours de la polysomnographie.

Il existe de façon associée une augmentation de l’activité tonique des muscles du menton et phasique des muscles des membres inférieurs et/ou supérieurs en SP correspondant ainsi à un état dissocié.

Le pourcentage de temps passé en SP sans atonie musculaire est plus élevé chez les patients avec TCSP, sans différence retrouvée sur la durée totale du SP.

D’autres anomalies aspécifiques sont fréquemment associées, avec notamment un trouble de la continuité du sommeil et de nombreux éveils ou réactions d’éveils, avec parfois un trouble de l’architecture du sommeil avec une augmentation du sommeil lent profond et notamment lorsque cette parasomnie est associée à une maladie neurologique.

Une diminution nette de la variabilité du rythme cardiaque notamment pendant le sommeil a aussi été objectivée, témoignant d’une atteinte précoce du système nerveux autonome (sympathique et parasympathique).

Un syndrome de mouvements périodiques des membres est aussi fréquemment rapporté chez ces patients (40-70 % des cas), aussi bien en sommeil lent qu’en SP et aussi bien dans les formes idiopathiques que secondaires.

Dans la forme idiopathique, l’activation cardiaque et électroencéphalograhique (EEG) associée aux mouvements périodiques est plus faible que dans le syndrome de mouvements périodiques associé au syndrome d’impatience des membres inférieurs, en faveur d’une atteinte du système nerveux autonome et d’une réactivité corticale amoindrie.

Enfin, un syndrome d’apnées du sommeil (de type obstructif et/ou central) a aussi été retrouvé fréquemment associé au TCSP, présent dans 34 % des cas dans la série de Olson et al.

Ces pathologies du sommeil souvent associées sont à l’origine d’une fragmentation du sommeil, qui est vraisemblablement en rapport avec la plainte de somnolence diurne excessive fréquente de ces patients.

Les critères diagnostiques associent donc des données cliniques et polysomnographiques et seuls les patients ayant présenté des manifestations motrices spécifiquement en SP avec, de façon associée, une augmentation de l’activité électromyographique tonique et phasique en SP peuvent être formellement considérés comme atteints du TCSP.

Toutefois, la classification internationale des troubles du sommeil ne retient pas comme indispensable l’enregistrement polysomnographique pour affirmer le diagnostic, les critères minimaux retenus ne sont que cliniques (mouvement corporel lié à une activité onirique avec un comportement potentiellement dangereux et/ou une mise en actes des rêves).

En pratique clinique, les données polysomnographiques sont souvent manquantes et seul un diagnostic de probabilité peut être porté, fondé sur l’existence d’un tableau clinique évocateur.

Des critères de sévérité ont aussi été proposés et ce principalement en fonction de la fréquence des épisodes parasomniaques avec pour la forme légère : moins de un épisode moteur par mois et source d’un inconfort jugé modéré par le patient et/ou son conjoint.

La forme modérée est caractérisée par une fréquence oscillant entre un épisode par mois et un par semaine, associé à un inconfort certain pour le patient et/ou le conjoint.

Enfin, plus d’un épisode par semaine détermine la forme sévère quand elle est associée à un traumatisme réel pour le patient et/ou le conjoint.

Différentes formes cliniques et étiologiques :

Deux types de formes cliniques doivent être individualisées, la forme idiopathique et la forme secondaire.

FORME IDIOPATHIQUE :

Elle est relativement fréquente (avoisinant la moitié des cas) avec comme facteurs de risque principaux, l’âge (âge de prédilection : 60-70 ans) et le sexe masculin.

Un antécédent familial similaire n’a été que rarement rapporté dans la littérature.

Par ailleurs, une étude a rapporté une association entre cette parasomnie du SP et d’autres parasomnies du sommeil lent, notamment le somnambulisme et la terreur nocturne.

Cette association, rare, survient le plus souvent dans cette forme idiopathique mais ceci est inconstant. Le caractère idiopathique ne peut être affirmé qu’après avoir vérifié la normalité des examens cliniques et morphologiques et notamment d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale.

À noter cependant que cette parasomnie est souvent associée à une maladie neurologique (cas des formes secondaires) et elle peut précéder les symptômes neurologiques diurnes de quelques mois à quelques années, remettant ainsi en question l’authenticité de ces formes idiopathiques.

L’évolution naturelle du TCSP est le plus souvent favorable avec une stabilisation de la fréquence des parasomnies.

1- Forme secondaire :

Les formes secondaires sont principalement en rapport avec une lésion ou un dysfonctionnement du tronc cérébral.

L’âge de début dans ces formes secondaires est variable et le vieillissement ne semble plus être un facteur prédisposant déterminant.

Deux types sont à individualiser en fonction de leur mode de révélation, les formes aiguës (de durée inférieure ou égale à 1 mois) et les formes chroniques (plus de 6 mois) ; les formes subaiguës étant de durée intermédiaire.

2- Formes secondaires aiguës :

Elles sont rares et principalement en rapport avec une origine toxique et/ou médicamenteuse.

Classiquement, un sevrage brutal éthylique ou un sevrage en amphétamine, en cocaïne, en imipraminique ou en barbiturique peut être à l’origine d’un TCSP.

L’hypothèse physiopathologique la plus probable est celle d’un rebond de SP occasionné par le sevrage.

Toutefois, la prise de certains psychotropes semble aussi occasionner ce type de parasomnie comme les antidépresseurs tricycliques (essentiellement la clomipramine), les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et d’autres substances monoaminergiques bien que la relation de cause à effet n’a pas été formellement établie.

Enfin, les anticholinestérasiques semblent aussi avoir un certain effet sur le TCSP, deux études ont été publiées avec des résultats toutefois discordants, tantôt faisant apparaître la parasomnie (étude concernant une patiente atteinte de maladie d’Alzheimer), tantôt l’améliorant (étude sur trois patients dont un seul atteint de maladie d’Alzheimer).

L’évolution naturelle de ces formes aiguës est variable, la parasomnie pouvant disparaître avec l’étiologie sousjacente, toutefois une tendance à la chronicité est aussi possible.

3- Formes secondaires chroniques :

Elles doivent être individualisées en fonction du type de pathologie associée principalement les maladies neurologiques.

Effectivement, les deux plus grandes séries publiées de patients atteints de TCSP rapportent respectivement que 52 % et 57 % des patients présentaient une affection neurologique et principalement une maladie neurodégénérative, celle-ci étant représentée dans près de la moitié des cas par la maladie de Parkinson.

À noter de plus dans l’étude de Schenck et al. que 38 % des patients atteints de TCSP idiopathique ont développé dans les 4 ans une maladie de Parkinson, sans odds ratio rapporté probablement du fait du faible nombre de patients inclus. Par ailleurs, le TCSP compliquerait la maladie de Parkinson dans environ 15 % des cas.

Toutefois, une perte de l’atonie musculaire en SP dans la maladie de Parkinson est fréquente et ne doit pas faire poser le diagnostic de TCSP si aucun autre élément de la parasomnie n’est présent.

En effet, dans une étude récente, 58 % (19 sur 33 patients) des sujets parkinsoniens avaient une perte d’atonie musculaire en SP à la différence des sujets témoins (1 seul cas sur 16) et 42 % de ces patients n’avaient jamais présenté de manifestation clinique évocatrice du TCSP.

Dans cette même étude, seul un tiers des patients parkinsoniens avait les critères polygraphiques du TCSP et seule la moitié d’entre eux était détectable par un interrogatoire clinique minutieux. Les syndromes démentiels ajoutés ou non à un syndrome parkinsonien sont associés dans environ un tiers des cas avec un TCSP.

Une association étroite avec la démence à corps de Lewy disséminés (maladie associant un syndrome démentiel et un syndrome parkinsonien) a été retrouvée (92 % des sujets déments avec TCSP) contrastant avec la maladie d’Alzheimer qui est rarement en cause.

Les atrophies multisystémiques (notamment l’atrophie olivo-ponto-cérébelleuse) et d’autres maladies neurodégénératives avec parkinsonisme comme la dégénérescence corticobasale et la paralysie supranucléaire progressive seraient aussi fréquemment associées à ce trouble.

Parmi ces affections, on peut toutefois individualiser les atrophies multisystémiques du fait de leur étroite association avec le TCSP (69 %), de leur moindre prédisposition masculine et enfin du fait que cette parasomnie précède les signes neurologiques diurnes dans prêt de la moitié des cas.

La narcolepsie est une pathologie du SP, la persistance d’une activité musculaire ainsi que l’abondance de twitches en SP sont des données classiques et ne doivent ainsi pas être considérées comme un critère pour attester le diagnostic de TCSP, toutefois la présence de TCSP est fréquemment retrouvé.

La narcolepsie serait retrouvée chez 8-14 % des sujets présentant un TCSP.

L’âge de début est souvent plus précoce et le contexte clinique évidemment totalement différent.

À noter que les traitements des accès de somnolence diurne excessive (amphétamine) et des cataplexies (antidépresseurs tricycliques) sont parfois à l’origine d’une exacerbation de cette parasomnie.

Plusieurs autres maladies neurologiques ont parfois été décrites associées au TCSP, notamment celles affectant le tronc cérébral (de cause vasculaire, tumorale, inflammatoire [sclérose en plaques]…) mais aussi la sclérose latérale amyotrophique, les hémorragies sousarachnoïdiennes….

Enfin, plusieurs pathologies psychiatriques ont été rapportées chez les patients atteints de TCSP : l’anxiété généralisée, les troubles thymiques ainsi que certains troubles de la personnalité.

Diagnostic différentiel :

Certaines formes d’épilepsie survenant pendant le sommeil et notamment les épilepsies frontales représentent parfois un diagnostic différentiel.

Outre un interrogatoire bien conduit, l’enregistrement vidéo-EEG d’un épisode moteur permet de rétablir le diagnostic.

D’autre parasomnies du SP (les cauchemars) et du sommeil lent profond (les éveils confusionnels, le somnambulisme et les terreurs nocturnes) sont aussi parfois à l’origine d’une erreur diagnostique.

L’enregistrement polygraphique de la parasomnie permet de préciser le stade dans lequel elle est survenue et, en cas de cauchemar, n’objective pas d’activation motrice pendant le SP.

Examens paracliniques :

La polysomnographie est l’examen indispensable pour retenir formellement le diagnostic de TCSP.

Un bilan neurologique et neuropsychologique complet à la recherche d’une pathologie des noyaux gris centraux et d’un syndrome démentiel débutant sont à envisager en fonction du contexte clinique.

Une IRM cérébrale est aussi à discuter en fonction du contexte clinique afin d’éliminer une lésion possiblement responsable de la parasomnie.

Physiopathogénie :

Une altération biochimique et/ou physiologique de la fonction des réseaux neuronaux excitateurs et/ou inhibiteurs des structures motrices du tronc cérébral semble être à l’origine du TCSP.

A – CHEZ L’ANIMAL :

Les mécanismes de régulation du SP sont assez bien connus. Ils impliquent principalement deux types de structure, les neurones exécutifs (neurones SP « on ») et les neurones permissifs (neurones SP « off »).

Les neurones « SP-on », cholinergiques ou cholinoceptifs, actifs pendant toute la durée du SP, sont situés au niveau du bulbe dans le noyau magnocellulaire et au niveau pontique dans le tegmentum latérodorsal et pontopédunculaire, dans le locus coeruleus alpha et le noyau périlocus coeruleus alpha.

À l’inverse, les neurones « SP-off », monoaminergiques (dopamine, sérotonine…), avec une activité nulle pendant la durée du SP, dépendent de structures plus diffuses dans le tronc cérébral (locus coeruleus, noyau du raphé dorsal).

La production de SP est ainsi sous la dépendance de ces deux structures en forte interaction réciproque, l’activation des systèmes exécutifs et l’inhibition simultanée des systèmes permissifs sont nécessaires à la genèse de ce stade de sommeil.

Toutefois, il existe aussi d’autres mécanismes de régulation du SP, les structures hypothalamohypophysaires ainsi que de nombreuses substances humorales exogènes et/ou endogènes.

Pendant toute la durée du SP, les neurones du locus coeruleus alpha activent les neurones magnocellulaires réticulaires, ces derniers se projetant sur le motoneurone médullaire alpha par l’intermédiaire d’interneurones inhibiteurs (glycinergique).

Cette projection sur l’effecteur final de la voie motrice descendante est de type inhibiteur (via le faisceau réticulospinal ventrolatéral) et engendre physiologiquement une atonie musculaire.

Les travaux de l’équipe de Jouvet ont montré que les lésions bilatérales et symétriques du tegmentum pontin chez le chat provoquaient une perte de l’atonie musculaire caractéristique du SP associée à un comportement moteur de type exploratoire stéréotypé pour chaque animal.

Ces troubles moteurs étaient parfois d’ordre hétéroagressif sans aucune modification au niveau du comportement alimentaire ou sexuel.

Puis, plusieurs autres travaux ont précisé le type de comportement moteur observé en fonction de la localisation et de l’importance de la lésion du tegmentum pontin.

Une lésion du locus coeruleus alpha et de la substance réticulaire médiane est à l’origine d’une perte inconstante de l’atonie musculaire avec, le plus souvent, une activité motrice élémentaire intermittente de la tête et de la partie proximale des membres et du tronc.

Une lésion plus antérieure se caractérise par une activité motrice plus élaborée et l’animal présente un comportement plus exploratoire, d’orientation, la tête est levée et cherche…

Enfin, une lésion encore plus antérieure se manifeste par une activité motrice particulièrement élaborée avec un comportement de locomotion proche de celui de la veille, avec parfois un comportement d’attaque à la poursuite d’une proie imaginaire.

Il existe à la fois une perte de l’atonie musculaire caractéristique du SP ainsi qu’une activité phasique musculaire anormale dans ce stade de sommeil.

Si la perte isolée de l’atonie musculaire est nécessaire, elle ne semble pas suffisante pour générer ce type de comportement, celui-ci nécessitant l’implication d’autres structures notamment pontiques et mésencéphaliques.

En accord avec cette hypothèse, Reese et al. ont rapporté l’implication et l’importance du noyau cholinergique pédonculopontin aussi bien dans les mécanismes de veille et de sommeil que dans celui de la locomotion.

Une interruption anatomique et/ou fonctionnelle de ce noyau (à forte projection afférente et efférente) va ainsi générer une perte de l’atonie musculaire du SP, principalement par la perte des projections inhibitrices des neurones monoaminergiques du locus coeruleus…

Un trouble de la balance des systèmes monoaminergiques et cholinergiques, principaux neuromédiateurs impliqués dans la régulation du SP, pourrait ainsi rendre compte de cette parasomnie.

B – CHEZ L’HOMME :

Les connaissances sur l’activité neuronale pendant le sommeil chez l’homme, et notamment en SP, restent partielles mais commencent à être appréhendées.

Maquet et al. ont objectivé, par une étude de PET sur sept sujets témoins, une importante activité neuronale en SP du tegmentum pontin, des amygdales et du cortex cingulaire antérieur contrastant avec un hypofonctionnement du cortex préfrontal et cingulaire postérieur.

Outre cette forte activation en SP et ses nombreuses projections sur les générateurs phasiques du SP, le noyau pédonculopontin présente de multiples projections sur le locus niger.

Ces données sont tout à fait cohérentes avec l’implication de ce noyau dans la genèse du TCSP et avec la fréquente association retrouvée entre cette parasomnie et la maladie de Parkinson.

Effectivement, l’étroite association chez l’homme entre les affections neurodégénératives (principalement la maladie de Parkinson et la démence à corps de Lewy disséminés) et les troubles moteurs en SP chez l’homme est de toute importance sur un plan tant clinique que physiopathologique.

Cette parasomnie peut révéler la maladie neurodégénérative, le TCSP quand il est présent inaugure la maladie dans quasi la moitié des cas ; de plus, environ un tiers des patients souffrant de TCSP idiopathique développe secondairement (dans les quatre années suivantes) un syndrome parkinsonien. Peu d’études neuropathologiques ont été réalisées dans cette parasomnie.

Toutefois, une étude anatomopathologique post mortem d’un patient de 84 ans souffrant de TCSP de forme idiopathique depuis plus de 20 ans a révélé une importante diminution des neurones monoaminergiques du locus coeruleus avec de plus la présence de nombreux corps de Lewy disséminés.

Une autre étude neuropathologique d’un patient atteint de TCSP avec syndrome démentiel étiqueté maladie d’Alzheimer a révélé, outre une importante diminution des neurones monoaminergiques dans le tronc cérébral (substance noire et locus coeruleus), la présence de nombreux corps de Lewy avec en conséquence un changement nosologique probable dans l’étiologie de son syndrome démentiel.

Les données d’imagerie cérébrale et notamment d’IRM chez les patients présentant un TCSP montrent des résultats très variés et d’interprétation difficile.

Outre de rares anomalies spécifiques du tronc cérébral fortement suspectes d’être à l’origine de la parasomnie, la pathogénie des hypersignaux de la substance blanche parfois retrouvée en T2 dans cette population de sujets âgés semble difficile à retenir en l’absence d’études contrôlées.

Par ailleurs, une étude récente en SPECT a objectivé une diminution de la densité striatale de transporteurs dopaminergiques présynaptiques chez cinq patients atteints de TCSP idiopathique en comparaison à un groupe contrôle, diminution toutefois moins importante que celle retrouvée chez les patients parkinsoniens.

Aucune différence n’a été retrouvée sur la densité striatale des récepteurs dopaminergiques D2 postsynaptiques.

Parallèlement, une autre équipe, en utilisant le PET, a retrouvé une diminution de la densité des terminaisons dopaminergiques striatales chez des patients atteints de TCSP idiopathique en comparaison à un groupe contrôle et ce principalement dans la partie postérieure du putamen.

Enfin, toujours chez l’homme, une étude en spectrorésonance magnétique nucléaire (RMN) n’a pas permis d’objectiver d’anomalie métabolique ni de perte neuronale au niveau du tronc cérébral chez les patients atteints de TCSP idiopathique.

Le rôle de la dopamine et des ganglions de la base dans la modulation de l’activation des différents états de vigilance et des différents comportements moteurs permettrait d’envisager leurs implications dans la physiopathologie du TCSP.

Toutefois, la topographie précise des dysfonctionnements de la régulation des activités motrices phasiques et toniques du SP reste mal comprise.

En effet, l’absence d’atonie musculaire en SP et la présence associée de comportements moteurs anormaux ont aussi été objectivées dans une pathologie épargnant totalement sur le plan anatomique le tronc cérébral, l’insomnie fatale familiale.

Les mécanismes neurochimiques précis sous-tendant le TCSP restent partiellement inconnus.

Un hypofonctionnement des neurones monoaminergiques du tronc cérébral et plus précisément du locus coeruleus genère une perte des influx inhibiteurs sur les noyaux cholinergiques pédonculopontins et du tegmentum latérodorsal avec, pour conséquence finale, une désinhibition sur le motoneurone alpha.

Le TCSP serait ainsi une expression précoce de lésions directes ou indirectes des générateurs pontiques du SP.

Les maladies neurodégénératives sont les plus grandes pourvoyeuses de cette parasomnie, toutefois l’âge, plus ou moins une certaine prédisposition génétique, pourrait à lui seul être responsable d’une perte de l’inhibition de ces centres pontiques sur les motoneurones alpha.

Peu de données sont actuellement disponibles sur l’éventuelle implication de facteurs génétiques dans la physiopathologie du TCSP.

Une composante familiale a toutefois été notée avec plusieurs sujets atteints de TCSP dans une même famille sans que les données sur ce sujet soient suffisantes pour envisager une prévalence voire un mode de transmission de la maladie.

Une étude a rapporté une association entre le TCSP et le typage HLA DQ, plus précisément avec le typage HLA DQw1 présent dans 84 % des cas.

Les allèles les plus fréquemment retrouvés étaient HLA DQB1*0501 et DQB1*0602, sans association retrouvée avec HLA DR2.

Cette association entre les TCSP, la présence de HLA DQB1*0602 et la narcolepsie (autre pathologie du SP étroitement liée à HLA DQB1*0602) est de tout intérêt, toutefois dans la narcolepsie on retrouve une association avec HLA DQB1*0602 et HLA DR2.

Le typage HLA des patients atteints de TCSP diffère donc de celui des narcoleptiques ; cependant, la présence de HLA DQB1*0602 chez ces derniers est très étroitement liée au symptôme cataplexie qui est l’expression motrice de la narcolepsie…

L’association entre cette parasomnie du SP et HLA DQ n’est toutefois pas exclusive ; le somnambulisme (parasomnie du sommeil lent profond) est aussi associé à HLA DQ mais à un sous-type différent HLA DQB1*0201.

Il semble donc que le système HLA soit un facteur prédisposant au développement d’une parasomnie et ce d’autant plus qu’une association entre plusieurs types de parasomnie du sommeil lent et du SP (TCSP) chez un même sujet a été décrite.

Traitement :

Il faut tout d’abord rechercher une étiologie à cette parasomnie et traiter en fonction la maladie sous-jacente potentielle.

Il faudra toutefois traiter le TCSP de façon associée, le traitement de sa cause n’améliorant que rarement la fréquence de la parasomnie.

A – TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX :

Le clonazépam le soir au coucher à la posologie de 0,5 à 1 mg est le plus souvent efficace (dans 90 % des cas) soit totalement, soit partiellement et le plus souvent rapidement.

Ce traitement diminue les manifestations comportementales locomotrices et l’activité phasique électromyographique excessive sans toutefois rétablir de façon complète l’atonie musculaire en SP.

Il faut débuter le traitement à dose progressive afin d’avoir la meilleure observance possible.

L’arrêt du traitement est responsable quasi constamment d’une réapparition de la parasomnie ; plus rarement un phénomène d’échappement peut survenir avec la réapparition secondaire de la parasomnie en l’absence de toute modification du traitement.

Le mode d’action de cette benzodiazépine dans cette affection est mal défini et son efficacité supérieure à celle des autres benzodiazépines hypothétiques.

L’hypothèse la plus fréquemment avancée repose sur l’action sérotoninergique du clonazépam plus puissante que les autres benzodiazépines.

L’action inhibitrice des neurones sérotoninergiques du raphé dorsal sur le SP phasique, action renforcée par ce traitement, pourrait rendre compte de la diminution de l’activité motrice anormale en SP.

Toutefois, un traitement au long cours par les benzodiazépines, notamment chez le sujet âgé, n’est pas sans conséquence avec notamment le risque de syndrome confusionnel, de trouble mnésique et d’aggravation d’un éventuel syndrome d’apnées du sommeil associé.

En cas d’échec du clonazépam ou de contreindication de celui-ci (principalement en cas de syndrome d’apnées du sommeil associé ou de stridor), une alternative par les antidépresseurs tricycliques, la carbamazépine, la L-dopa peut être envisagée, leur mode d’action pourrait être celui d’une diminution du SP Dans le cadre des affections neurodégénératives, en cas d’échec du clonazépam, un traitement par la clozapine peut permettre d’améliorer les troubles.

L’efficacité des anticholinestérasiques et notamment du donépézil reste un sujet de controverse, bien que son action plus souvent favorable renforce l’hypothèse d’une dysrégulation cholinergique dans la physiopathologique de cette affection.

Enfin, une seule étude s’est focalisée sur un possible effet de la mélatonine chez ces patients présentant un TCSP, cinq des six patients traités ont été nettement améliorés aussi bien sur le plan clinique que polygraphique (diminution significative des anomalies motrices en SP) ; amélioration qui pourrait être en rapport avec un renforcement des rythmes circadiens et notamment de celui du SP.

B – TRAITEMENT NON MÉDICAMENTEUX :

Il faut éviter, comme pour toute parasomnie, les risques d’accidents inhérents à ces comportements moteurs qui peuvent parfois être extrêmement violents pour le patient lui-même et/ou pour son conjoint.

Des mesures de protections simples seront ainsi à mettre en place en fonction du contexte clinique (enlever les objets dangereux, mettre des verrous aux portes…).

Conclusion :

Le TCSP correspond à une parasomnie relativement rare et d’individualisation récente. Ses caractéristiques cliniques et polygraphiques sont actuellement bien définies mais ses mécanismes étiopathogéniques incertains.

Cette parasomnie du SP survient le plus souvent chez le sujet âgé, de sexe masculin et est le plus souvent associée à une maladie neurodégénérative.

Le traitement de première intention doit être le clonazépam du fait de sa fréquente efficacité.

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