Traumatismes du tiers moyen de la face (Suite)

0
2480

Première partie

Prise en charge spécifique selon le siège du traumatisme :

A – TRAUMATISMES DENTAIRES ET ALVÉOLAIRES :

Traumatismes du tiers moyen de la face (Suite)Quand elles sont isolées, le diagnostic est aisé et la prise en charge peut être effectuée le plus précocement possible pour éviter une mortification dentaire.

Dans un contexte plus grave, le traumatisme dentaire et alvéolaire passe alors souvent au second plan, et le risque de méconnaissance devient important.

Ces traumatismes touchent plus particulièrement les incisives supérieures (huit fois sur dix).

Les jeunes enfants sont plus exposés du fait de la position plus vestibulaire des incisives supérieures à leur âge.

Ils touchent deux fois plus les garçons que les filles.

Les facteurs favorisants sont la promaxillie et la proalvéolie supérieure.

Le mécanisme peut être soit direct soit indirect.

Dans ce dernier cas, c’est la mandibule qui joue le rôle de bélier entraînant les dégâts dentaires.

La classification clinique distingue :

– les fractures coronaires ;

– les fractures coronoradiculaires ou longitudinales ;

– les fractures radiculaires ;

– les luxations avec contusion simple ;

– la subluxation partielle ;

– la luxation totale. Les fractures alvéolaires peuvent toucher la table externe ou la table interne, éventuellement associées à une lésion de l’os basilaire.

L’examen clinique qui permet la rédaction du certificat médical initial médicolégal précise les circonstances de l’accident, recherche des lésions muqueuses, une douleur provoquée à la palpation des dents et pratique des tests de vitalité pulpaire.

L’examen radiologique permet, avec le panoramique, de disposer sur un seul film des structures osseuses et des structures dentaires des deux arcades.

Il est souvent insuffisant et doit être associé à des films occlusaux et rétroalvéolaires voire à un scanner.

Le traumatisme des dents lactéales n’a généralement aucune conséquence néfaste à long terme.

Dans de rares cas, on peut observer des lésions du germe de la dent définitive, il faudra donc informer les parents de l’éventualité d’une lésion à ce niveau et faire des réserves en particulier dans le cadre des certificats médicaux.

L’impaction d’une dent lactéale ne nécessite généralement aucun geste de repositionnement : la dent luxée retrouve sa position spontanément en quelques mois.

Dans quelques rares cas, la migration du germe définitif de la couronne peut être effectuée orthodontiquement.

1- Fractures dentaires :

Elles sont confiées au chirurgien-dentiste ou au stomatologiste.

En cas de fracture dentaire sans exposition pulpaire, on peut faire une restauration prothétique associée à une protection de la pulpe qui suffit généralement.

En cas de fracture avec exposition pulpaire qui entraîne des douleurs très importantes, le traitement consiste en une pulpectomie réalisée précocement sous antibiothérapie.

Les fractures radiculaires du tiers moyen sont les plus fréquentes.

Seule la percussion de la dent entraîne une douleur.

Il faut distinguer les fractures avec exposition du cul-de-sac parodontal, celles-ci nécessitent l’extraction du fragment coronaire et le traitement endodontique de la portion radiculaire restante pour éviter l’infection.

Dans les autres cas, l’attitude sera conservatrice avec immobilisation de la dent et test de vitalité régulier.

2- Dents luxées ou impactées :

Ce sont des traumatismes alvéolodentaires avec mobilisation.

En cas de simple contusion, il n’est généralement pas nécessaire d’immobiliser la dent, et la surveillance par des tests de vitalité pulpaire suffit.

En cas de subluxation, on réalise la réduction sous anesthésie locale, associée à une immobilisation par ligature en berceau de quelques semaines. Le contrôle de la vitalité pulpaire est nécessaire à intervalles réguliers.

En cas de luxation, la dent sera prudemment remise en place.

S’il s’agit d’une intrusion sans autre traumatisme grave, un procédé d’orthodontie doit être utilisé.

Une contention (ligature en berceau, arc segmentaire fixé aux dents adjacentes) sera maintenue de 3 à 6 semaines selon la mobilisation, plus courte pour l’intrusion, plus longue pour l’extrusion.

3- Dents avulsées :

En cas d’avulsion totale, une réimplantation peut être tentée.

La dent doit être transportée dans du sérum pénicilliné, tiédi, pour certains dans du lait ou de la salive.

Il faut éviter tout traumatisme de la surface à réimplanter.

La réimplantation, si le site receveur le permet, doit être faite au mieux dans les 2 heures qui suivent l’avulsion.

Elle sera maintenue par une ligature en berceau 4 à 6 semaines.

4- Dent incluse dans le foyer de fracture :

Son avulsion n’est pas systématique car elle peut aider à la stabilisation d’un foyer de fracture.

Toutefois, les dents cariées, fracturées, trop mobiles après la réduction ou avec d’importantes anomalies parodontales doivent être extraites.

B – FRACTURES SANS MODIFICATION DE L’OCCLUSION :

1- Fractures des os propres du nez :

* Anatomie pathologique :

Les fractures du nez comportent, d’une part les lésions du squelette osseux recouvrant la pyramide nasale et d’autre part, les lésions de la cloison ostéocartilagineuse.

Ces deux types de lésion sont souvent associés.

Les conséquences des traumatismes du nez sont variables en fonction de l’intensité, du point d’impact et de la direction du choc, mais également en fonction de l’âge du sujet.

* Traumatisme latéral :

– La fracture sans déplacement : elle passe souvent inaperçue et ne nécessite aucun traitement.

– La fracture unilatérale : par enfoncement d’un seul os propre du nez (souvent chez l’enfant), il peut s’agir d’une disjonction de l’os propre sans fracture.

– La fracture-disjonction de l’auvent nasal : l’auvent nasal, formé par les deux os propres, est luxé vers le côté opposé au choc.

En haut, il se disjoint de la suture nasofrontale.

Du côté du choc, la disjonction se fait au niveau de la suture os propre/apophyse montante du maxillaire, de l’autre côté, la fracture se situe plus bas et longe cette suture.

– La fracture totale de la pyramide nasale : les traits de fractures sont plus bas, situés au niveau de l’implantation des deux apophyses montantes sur le corps des maxillaires (correspondant au sillon nasogénien).

– La fracture-luxation septale associée : elle survient en cas de choc important et prend la forme d’un « C ».

Le trait passe en bas et en avant par le septum, juste en arrière de l’épine nasale, puis remonte en longeant la partie supérieure du vomer pour passer par la lame perpendiculaire de l’ethmoïde, sous les os propres et revenir alors vers le septum en avant.

La partie antérieure du septum est luxée au niveau de la columelle et occupe l’orifice narinaire, alors que la partie postérieure obstrue la fosse nasale opposée.

* Traumatisme antéropostérieur :

Les fractures occasionnées par ce type de traumatisme sont moins fréquentes du fait de l’anatomie du nez, un auvent nasal soutenu par un pilier septal médian élastique et une épine nasale du frontal solide.

– La fracture des os propres isolée ou associée à un tassement modéré du septum.

– La fracture septale verticale isolée ou fracture de Chevalet : souvent due à un choc sur la pointe du nez, elle s’étend de l’extrémité antérieure des os propres à l’épine nasale du maxillaire.

Le bord postérieur du fragment antérieur est luxé dans une fosse nasale, alors que le fragment postérieur resté fixé à la cloison osseuse.

– La fracture-enfoncement de l’auvent nasal : elle peut être associée à une fracture des deux apophyses montantes à leur base, par écartement latéral secondaire à l’enfoncement.

– La fracture en « livre ouvert » : elle se voit surtout chez l’enfant, chez qui la suture médiane des deux os propres n’est pas encore solide. Ils s’écartent donc comme un livre ouvert et il existe une fracture-luxation de la cloison sous-jacente.

– La fracture comminutive (en cas de traumatisme violent ou chez le sujet âgé) : la pyramide osseuse nasale et la cloison se fracturent et s’impactent dans les fosses nasales avec télescopage des fragments cartilagineux.

Il peut s’y associer une fracture de l’épine nasale du frontal et/ou du maxillaire.

– La fracture-disjonction orbitonasale : il existe trois fragments, un fragment médian constitué par les os propres du nez s’impactant en arrière dans les fosses nasales, et deux fragments latéraux se déplaçant en dehors et/ou en dedans en fonction du choc.

Les canthi peuvent être désinsérés, entraînant ainsi une dystopie canthale : télécanthus par éloignement de l’oeil, épicanthus par arrondissement de l’angle interne de l’oeil, ectropion par relâchement de la tension de l’orbiculaire.

Les voies lacrymales peuvent être atteintes par les fragments osseux au niveau du canal lacrymonasal ou du sac lacrymal, mais également par désamorçage fonctionnel lors d’une dystopie canthale.

* Traumatisme inférosupérieur :

– La fracture de Jarjavay : c’est une fracture horizontale du septum nasal avec luxation du cartilage quadrangulaire dans la fosse nasale responsable d’une obstruction nasale unilatérale.

– Désinsertion des cartilages triangulaires qui viennent sous le bord inférieur de l’auvent nasal.

* Étiologie :

Chez l’adulte, les agressions et la pratique de sports de combat constituent la première cause de fractures du nez, en second viennent les accidents de la voie publique puis en troisième, les fractures d’origines professionnelles (travaux publics).

Chez l’enfant, les jeux et les accidents domestiques sont les principales causes.

* Examen clinique :

– Les symptômes les plus fréquents sont la douleur, parfois syncopale, s’estompant rapidement ainsi que l’épistaxis qui se tarit, le plus souvent spontanément mais pouvant parfois nécessiter à un méchage antérieur.

L’oedème est d’installation rapide et efface les reliefs de la pyramide nasale, rendant difficile l’évaluation de la déformation.

Dans ce cas, un autre examen clinique est nécessaire après quelques jours d’évolution.

Les ecchymoses nasales et périorbitaires fréquentes doivent faire systématiquement rechercher une fracture de l’orbite associée.

– L’inspection de face évalue l’asymétrie, l’élargissement ou l’enfoncement de l’arête nasale, la latérodéviation de la pointe, l’asymétrie narinaire et la position des canthi.

– L’inspection de profil évalue l’ouverture des angles nasolabial et frontolabial ou une ensellure.

– L’inspection des fosses nasales au spéculum, après mouchage, apprécie l’état de la muqueuse et de la déviation septale, recherche une rhinorrhée cérébrospinale mais surtout un hématome de cloison.

L’obstruction nasale est évaluée au miroir de Glatzell ou en rhinomanométrie après disparition de l’oedème.

– La palpation faciale recherche un ressaut osseux nasal, une mobilité des fragments, une douleur élective.

– Un examen ophtalmologique avec contrôle de la perméabilité des voies lacrymales doit toujours faire partie du bilan initial.

Au terme de l’examen clinique, le diagnostic de fracture nasale simple (ou orbitonasale) est posé.

On évalue donc le retentissement fonctionnel et esthétique, en s’aidant de photographies antérieures et de l’avis du traumatisé et de son entourage.

* Bilan radiologique :

La radiographie reste un indispensable document diagnostique et médicolégal.

Les radiographies sont d’un intérêt limité dans le cadre de fracture isolée simple du nez, et seront essentiellement demandées en fonction du bilan clinique.

On pratiquera la radiographie de profil centrée ainsi que l’incidence de Gosserez permettant l’étude des branches montantes des maxillaires.

En revanche, en cas de fracture complexe (et après avoir éliminé un traumatisme rachidien), le bilan radiologique a tout son intérêt.

Outre le profil centré et le Gosserez, on demandera une incidence de Blondeau.

Un scanner du massif facial en coupes fines axiales et coronales est nécessaire en cas de fracture comminutive, ou si un doute existe sur une fracture orbitonasale.

* Traitement :

Le but du traitement est de rétablir la morphologie nasale tant sur le plan esthétique que fonctionnel, en tenant compte de l’état antérieur du patient.

Seules les fractures déplacées doivent bénéficier d’un traitement chirurgical.

En dehors de toute complication, les fractures du nez doivent être prises en charge dans les 10 jours suivant le traumatisme.

Le traitement associe réduction et contention de la fracture.

Il existe deux indications au traitement en urgence de la fracture nasale simple :

– l’hématome septal, du fait du risque de surinfection puis de nécrose cartilagineuse avec préjudice esthétique important (ensellure, chute de la pointe du nez).

Au mieux, il existera une fibrose septale responsable d’une obstruction nasale invalidante.

Le traitement consiste en une incision mucopérichondrale avec évacuation de l’hématome, suivie d’un méchage serré bilatéral qui peut être remplacé par deux plaques de Silastict épais solidarisées par un point transseptal pendant 7 jours pour éviter la récidive ;

– les plaies cutanées importantes doivent être prises en charge dans les 24 premières heures.

Elles peuvent constituer une voie d’abord lors du traitement.

Si l’oedème et l’hématome le permettent, la réduction peut se faire dans les premières heures, pour certains sous anesthésie locale.

En fait, il est plus aisé d’intervenir lorsque l’oedème a disparu.

Ainsi, malgré l’usage d’anti-inflammatoires, l’intervention n’a souvent lieu que vers le 5e ou 7e jour, à une date où les os propres commencent déjà à s’engluer.

+ Fractures nasales simples :

– Anesthésie : l’anesthésie générale de courte durée est classique, mais l’anesthésie locale par méchage de coton imbibé de lidocaïne naphazolinée associé à un point d’infiltration de lidocaïne adrénalinée au niveau de chaque os propre, peut également être proposée.

– Matériel : les ciseaux droits fermés et protégés sont introduits dans les fosses nasales sous les os propres.

Plus rarement utilisée, la pince de Walsham ou d’Asche est constituée de deux branches, l’une introduite dans la fosse nasale, l’autre, recouverte d’un drain plastique est appliquée contre la face latérale du nez.

– Réduction : les fractures simples sont réduites en commençant par l’os nasal enfoncé, grâce à des manoeuvres internes aidées d’un instrument placé sous l’auvent nasal.

L’os nasal en valgus est replacé par simple pression digitale contrôlée par un instrument endonasal.

Le déplacement antéropostérieur est réduit selon le même procédé, à l’aide d’un instrument tractant l’auvent nasal vers l’avant et contrôlé par le doigt.

– Contention : la contention interne est assurée, soit par une mèche de tulle gras située sous l’os propre pour une durée de 48 à 72 heures sous couverture antibiotique, soit par une mèche hémostatique résorbable.

La contention externe est assurée par une attelle plâtrée, métallique ou en matière thermodéformable, fixée sur la face pendant 7 à 10 jours.

+ Fractures septales simples :

La réduction orthopédique suffit dans la majorité des cas.

On peut y associer une contention interne par des plaques de film radiologique divergentes, ou des plaques de Silastict, de chaque côté du septum.

La septoplastie est indiquée en cas d’instabilité ou de luxation importante du septum.

Dans la fracture de Jarjavay, si la lame quadrangulaire est peu déplacée, les striations dans la concavité du septum peuvent être efficaces.

Le cas échéant, une exérèse ostéocartilagineuse (dont la lame perpendiculaire de l’ethmoïde) donne un résultat satisfaisant.

Dans la fracture de Chevalet, les deux fragments cartilagineux sont alignés et suturés bord à bord.

+ Fractures complexes :

Les fractures complexes avec déviation septale peuvent bénéficier du même traitement si la réduction de la cloison est stable.

La cloison est elle aussi réduite par manoeuvres instrumentales (pince de Walsham).

Cette stabilité est essentielle car une déviation de cloison persistante est responsable d’un déplacement secondaire et d’un nez dévié post-traumatique.

Il n’est pas illogique dans ces conditions de proposer une septoplastie, voire une rhinoseptoplastie lorsque la réduction primaire de la déformation nasale avec atteinte septale est insuffisante.

Les arguments pour une telle attitude sont le fort pourcentage d’échecs (supérieur à 30 %) du traitement orthopédique, ainsi que la difficulté à faire admettre une rhinoseptoplastie 6 mois après le traumatisme.

Dans les fractures comminutives, l’instabilité rend nécessaire la contention endonasale.

Les mèches, sources d’infections, mal tolérées, difficiles et douloureuses à ôter, peuvent être remplacées par des plaques en film radiologique ou en silicone (Silastic).

Le méchage peut être limité à deux fragments de gaze résorbable, tassés haut, de façon à assurer un soutien de l’auvent.

Les méchages gonflants type Mérocel font l’hémostase, mais peuvent entraîner un déplacement secondaire et sont aussi difficiles à ôter que les mèches.

Les contentions externes transnasales (plaques de Silastic bilatérales ou bouton, maintenus par un ou deux fils transnasaux noués sur bourdonnet) type Barret-Brown, donnent des nez étroits, pincés, peu naturels avec risque de nécrose cutanée.

+ Fractures ouvertes :

Les plaies sont traitées par fermeture directe.

L’ostéosynthèse par la plaie, est indiquée en cas de lésion osseuse importante mais non comminutive.

Les pertes de substance cutanée sont au mieux traitées par cicatrisation dirigée.

* Séquelles esthétiques :

À part les cas sus-cités, il convient d’attendre un délai de 6 mois pour évaluer le retentissement esthétique de la déformation nasale post-traumatique, et proposer alors une rhinoseptoplastie correctrice.

2- Fractures de l’os zygomatique (malaire) et maxillomalaire :

* Anatomie chirurgicale :

Les fractures du malaire sont traitées à part des fractures orbitaires.

En effet, il est vrai que le malaire constitue la partie antérieure de la paroi externe de l’orbite, mais il ne participe que très peu au plancher orbitaire.

Il faut donc distinguer la disjonction simple, avec intégrité du plancher de l’orbite, et les fractures maxillomalaires associant une fracture ou une comminution du plancher de l’orbite avec troubles oculomoteurs et énophtalmie plus marquée.

Le malaire supporte des insertions du masséter et de l’aponévrose temporale, qui rendent ces fractures évolutives.

* Clinique :

L’oedème sous-orbitaire et l’ecchymose palpébrale masquent rapidement la déformation.

La dystopie vers le bas du canthus externe et l’énophtalmie apparaissent ensuite.

L’épistaxis, lié à l’hémosinus, et une diplopie doivent être recherchés.

La palpation retrouve l’effacement du relief de la pommette et un ressaut avec douleur élective au trait de fracture.

La sensibilité du territoire du nerf sous-orbitaire est testée comparativement au côté sain, elle est très variable selon le traumatisme et la date de l’examen.

L’ouverture buccale est mesurée.

* Examen radiologique :

Les incidences standards de Blondeau, de Waters ou axiales permettent un premier bilan qui doit être complété par un scanner hélicoïdal avec reconstructions coronales et sagittales.

Seul ce dernier est capable d’apprécier finement le plancher de l’orbite.

* Traitement :

Les voies d’abord de ces fractures doivent permettre une exploration correcte du plancher de l’orbite, avec une éventuelle désincarcération musculaire et un contrôle du nerf sous-orbitaire.

Elles doivent rendre possible une réduction correcte sous contrôle de la vue, la vérification de la stabilité des fragments et une ostéosynthèse stable.

Le meilleur compromis est l’association d’une voie d’abord palpébrale, infraciliaire ou infrapalpébrale et d’une voie d’abord orbitaire externe, le plus souvent oblique, permettant d’aborder la suture frontomalaire.

La voie vestibulaire ne sera effectuée que dans les fractures instables pour ostéosynthétiser le pied de la console malaire.

La voie hémicoronale sera réservée aux fractures du malaire associées à d’autres fractures type disjonction craniofaciale.

La réduction instrumentale au crochet de Ginestet est la plus utilisée .

Ce crochet est utilisé par la voie d’abord ou glissé en percutané sous le corps du malaire.

Un élévateur introduit par voie endobuccale peut aider ou remplacer la traction externe exercée par le crochet de Ginestet.

Certaines de ces fractures (disjonction simple) sont stables après réduction et ne nécessitent alors pas de contention.

Dans le cas contraire, la meilleure contention est l’ostéosynthèse avec miniplaques vissées sur la suture frontomalaire.

Pour certains, cette seule contention suffit et évite tout déplacement secondaire, d’autres ajoutent en cas de rotation du corps du malaire, une miniplaque d’ostéosynthèse sur la console maxillomalaire.

L’utilisation d’une broche transfaciale est préconisée par Delaire.

3- Fracture de l’arcade zygomatique :

L’arcade zygomatique n’est pas un os spécifique de la face, mais l’union du processus temporal du malaire et du processus zygomatique du temporal.

Cette arcade forme un contrefort latéral de la face très exposé lors d’un choc latéral.

La gêne se limite le plus souvent à une limitation de l’ouverture buccale avec enfoncement palpable de la région zygomatique.

Les radiographies en incidence de Hirtz latéralisée ou en incidence « du plus grand contour » peuvent être complétées par une tomodensitométrie.

Il est indispensable de reconstituer le galbe zygomatomalaire pour éviter un enfoncement disgracieux et surtout une limitation de l’ouverture buccale.

La réduction de ces fractures peut se faire au doigt ou avec un élévateur par voie endobuccale, au crochet par voie percutanée, ou à l’aide de fils d’acier cerclant les éléments enfoncés du zygoma et tractés doucement vers le dehors.

La qualité de la réduction est appréciée sur les radiographies en Hirtz décalées à droite et à gauche.

Rowe a mis au point un élévateur zygomatique introduit par voie temporale, 1 à 2 cmderrière la racine des cheveux, et glissé sous l’aponévrose temporale jusque derrière le zygoma.

Cette technique est en fait utile dans les fractures du zygoma et du malaire.

Un élévateur simple (rugine) peut être introduit sous l’aponévrose temporale ou par voie endobuccale, et glissé sous le fragment impacté.

La contention est délicate. Le ballonnet de Franchebois est glissé par voie endobuccale derrière l’arcade réduite, et ensuite gonflé.

Delaire a préconisé la mise en ouverture buccale maximale pendant une dizaine de jours, avec une cale interdentaire qui permet l’interposition du condyle et la mise en tension du muscle temporal, évitant ainsi le déplacement secondaire en dedans du fragment remis en place.

La contention peut également être réalisée à l’aide de fils d’acier amarrés à une broche de Kirschner, enfoncée dans le corps du malaire et sortant en dehors et en arrière parallèlement au zygoma .

Les écrous fixés sur cette broche permettent de fixer les fils en les serrant progressivement et en contrôlant la réduction sur les radiographies.

L’ostéosynthèse par plaque nécessite l’abord du zygoma par voie hémicoronale.

4- Fractures de l’orbite :

* Fractures du plancher de l’orbite :

Les fractures du plancher orbitaire ne sont pas toujours associées à une fracture de la console du malaire.

Elles peuvent être isolées, c’est le classique « blow out ».

C’est également la fracture en « porte de saloon » (trap door fracture), où sous l’effet d’un choc, le rebord antérieur ploie, se fissure longitudinalement, le plancher s’ouvre puis se referme en incarcérant le droit inférieur avec éventuelle compression du nerf sous-orbitaire.

S’il y a indication à explorer le plancher d’orbite (anesthésie du V2, hernie musculaire visible sur le scanner, test de duction forcée positif, test de Lancaster perturbé), la voie d’abord la plus utilisée reste palpébrale ou transconjonctivale.

La réparation du plancher d’orbite peut utiliser les fragments osseux fracturés et laissés en place, à condition qu’ils soient en continuité, appuyés sur des zones solides du plancher.

La plupart du temps, il faut le reconstituer par des greffes.

On peut utiliser différents matériaux : greffons osseux pariétaux, greffons cartilagineux (conque), matériel synthétique comme le treillis de Vicrylt résorbable ou encore une fine lame de Silastict dont on a reproché la tendance à l’extériorisation, fragments de corail madréporique minces.

La mise en place de tels matériaux n’est pas toujours simple.

Il faut réintégrer tout le contenu orbitaire dans la cavité orbitaire, ne pas ouvrir par une dissection intempestive la fente sphénomaxillaire, ne pas comprimer la voie lacrymale par la mise en place d’un greffon trop grand, ne pas entraîner d’exophtalmie par un greffon trop gros.

Il est quelquefois nécessaire de fixer la greffe au rebord orbitaire.

Dans tous les cas en fin d’intervention, un test de duction forcée vérifie la bonne mobilité du globe, et on s’assure de l’absence d’exophtalmie ou d’énophtalmie résiduelle.

Saboye propose l’ostéosynthèse des fragments du plancher avec des microplaques.

* Fractures des parois interne et supérieure de l’orbite :

La fracture isolée de la paroi interne est souvent méconnue car peu bruyante cliniquement.

Les complications oculomotrices avec incarcération du droit interne sont rares, seuls une hémorragie sousconjonctivale et un emphysème sous-cutané palpébral ou plus tardivement une énophtalmie, peuvent motiver les explorations complémentaires.

Le scanner objective alors un épanchement ethmoïdal avec fracture de l’ostium planum.

La fracture du plafond orbitaire est suspectée devant une diplopie par atteinte de la poulie du grand oblique, ou plus rarement par un syndrome de section physiologique du nerf optique.

* Fractures du canal optique avec syndrome de section physiologique du nerf optique :

Elles se voient dans les traumatismes importants avec fracture sphénotemporale et certaines fractures orbito-fronto-malaires.

Le diagnostic est porté sur l’examen clinique, ophtalmologique et sur le scanner.

Une chute de l’acuité visuelle, une mydriase aréflexique avec réflexe photomoteur conservé, l’absence de lésion oculaire externe et un fond d’oeil normal motivent le traitement en urgence.

La décompression du nerf optique dans les syndromes de l’apex peut se faire par voie transethmoïdosphénoïdale.

Cette voie d’abord permet d’aborder la paroi interne de l’orbite après avoir sectionné les deux artères ethmoïdales antérieure et postérieure.

On décomprime ainsi le nerf sur sa face interne.

La décompression peut se faire également par voie neurochirurgicale en libérant les parois supérieures du canal optique.

C – FRACTURES OCCLUSOFACIALES :

Ce sont les fractures qui intéressent les secteurs dentés de la face, et dont les déplacements perturbent les relations interdentaires.

Elles sont réduites en se basant sur l’occlusion.

La contention est assurée par le blocage bimaxillaire et des ostéosynthèses.

Dans les disjonctions craniofaciales, on peut utiliser des suspensions par fil d’acier au crâne, au malaire ou au zygoma (fixations parafocales).

1- Techniques de fixation et de contention propres aux fractures occlusofaciales :

Chez les patients dentés, il est nécessaire de repositionner les dents luxées ou impactées sur l’arcade avant de restaurer l’articulé dentaire.

Chez les patients édentés en revanche, les fragments osseux sont repositionnés et fixés sans pouvoir s’appuyer sur les dents et leur articulé.

On peut alors utiliser les prothèses fixées à l’os maxillaire ou mandibulaire par des ligatures péri- ou transosseuses pour assurer un blocage.

* Technique de la ligature en berceau :

Une dent luxée ou impactée est reposée et maintenue par deux fils d’acier 2 ou 3/10e, torsadés et passés sur un arc monomaxillaire séquentiel.

* Technique de la ligature en échelle de Essig et Ponroy :

Elle est utilisée en cas de fractures alvéolaires ou de luxations multiples.

Un gros fil d’acier de 4 ou 5/10e est passé sur les faces linguales et vestibulaires des dents.

Des boulettes de résine fixées sur les fils comblent les espaces laissés par les dents absentes.

Des fils plus fins sont passés ensuite au niveau de chaque espace interdentaire pour réunir les deux chefs vestibulaire et lingual du fil précédent.

* Gouttières et cerclage des prothèses :

Les gouttières sont façonnées sur les moulages après réduction de la fracture.

Elles peuvent être fixées par engrènement aux dents adjacentes ou par cerclage périmandibulaire ou transmaxillaire.

Cette technique sert aussi à fixer les prothèses chez l’édenté au maxillaire supérieur ou inférieur et à assurer ainsi le blocage.

* Blocage intermaxillaire :

Il permet de réduire les fractures occlusales selon la référence de l’articulé dentaire, et d’assurer tout ou partie de la contention en jouant le rôle d’un fixateur externe.

Ce blocage est réalisé grâce à deux arcs. Ces arcs sont fixés au maxillaire et à la mandibule par des cerclages péridentaires. L’arc doit être positionné après réduction.

Si cela est impossible, on fixe deux demi-arcs qui, une fois la réduction obtenue, seront solidarisés par de la résine autopolymérisable.

Après réduction des déplacements interarcades, le blocage en intercuspidation maximale est assuré par des fils d’acier 3 ou 4/10e serrés entre les potences ou les goupilles des arcs.

Le blocage peut être réalisé avec des élastiques pour parfaire une réduction.

* Ligatures d’Ivy, méthode de Gilmer :

Si l’on ne dispose pas d’arcs ou si les fragments osseux sont engrenés, non déplacés, on peut utiliser ce type de ligature.

* Suspensions faciales dite méthode parafocale :

Elles sont moins souvent effectuées depuis l’utilisation des plaques.

Elles peuvent cependant, associées au blocage, limiter le nombre des voies d’abord dans certaines disjonctions craniofaciales.

Elles ne réalisent pas une contention parfaite et peuvent entraîner un excès de réduction avec diminution de hauteur du tiers moyen de la face, élargissement et rétrusion.

2- Disjonctions faciales maxillaires :

Ces disjonctions sont rarement rencontrées isolément.

Elles sont le plus souvent associées à d’autres traits verticaux, mandibulaires, frontaux ou basicrâniens.

La réduction est assurée par mobilisation au davier de Rowe et Killey ou à l’aide de deux sondes passées dans les fosses nasales et sorties par la bouche.

Les deux fragments du forceps sont mis dans chaque fosse nasale et dans la cavité buccale.

La traction se fait verticalement pendant que l’aide maintient fermement la tête en position.

* Fracture de Le Fort I :

Le diagnostic est essentiellement suspecté sur l’examen endobuccal qui montre une ecchymose palatine et vestibulaire, souvent associée à un délabrement dentaire important.

Le déplacement est souvent modeste, mais le trouble de l’articulé avec béance incisive et la mobilité du plateau palatodentaire par rapport aux malaires sont très évocateurs.

Dans les fractures de type Le Fort I, la réduction est maintenue par le blocage intermaxillaire.

Les ostéosynthèses sont ensuite réalisées.

On utilise des miniplaques de formes différentes, le plus souvent en L, fixées sur les piliers canins et consolaires.

En cas de disjonction médiane, un fil d’acier près de l’épine nasale ou une plaque palatine sont mis en place.

L’utilisation des plaques d’ostéosynthèse a réduit le blocage intermaxillaire (BIM) à quelques jours et pour certains il est même supprimé totalement.

Si on ne dispose pas de plaques, les ostéosynthèses peuvent être faites au fil d’acier associé à des suspensions (périzygomatiques, nasales, infraorbitaires).

Le BIM est alors laissé en place 3 à 4 semaines au minimum.

* Fractures de Le Fort II et III :

L’examen retrouve un oedème majeur, des ecchymoses périorbitaires en « lunettes » avec chémosis.

Cet oedème masque l’augmentation du diamètre vertical des orbites, avec allongement de l’étage moyen et énophtalmie relative.

La rétrognathie avec aplatissement de la face à l’examen de profil est associée à une mobilité anormale du massif facial supérieur par rapport à la boîte crânienne.

L’examen endobuccal confirme la disjonction, avec une bascule postéro-inférieure du massif maxillaire qui entraîne un contact molaire prématuré avec béance incisive.

L’impaction dans le sens sagittal inverse l’articulé, avec réalisation d’une classe III par rétrognatisme.

La mobilisation du massif facial par rapport au point fixe crânien doit être réalisée prudemment et assure le diagnostic.

La fuite de liquide céphalorachidien doit être recherchée, elle ne contre-indique pas la réduction de la disjonction et se tarit le plus souvent spontanément après celle-ci.

Elle est plus fréquente dans les fractures de Le Fort III, contrairement aux atteintes du plancher de l’orbite, des canthi internes et des voies lacrymales, plus volontiers retrouvées lors des disjonctions de type Le Fort II.

Dans les disjonctions hautes de type Le Fort II ou III et les fractures complexes, on associera au BIM les divers procédés de réparation des fractures orbitofaciales et naso-ethmoïdo-orbitaires éventuellement associées. Les suspensions hautes frontonasales ou fronto-orbitaires ont été supplantées par les plaques.

Les ostéosynthèses sont réalisées sur les piliers canins et consolaires, sur les processus frontozygomatiques, les rebords infraorbitaires et l’épine nasale du frontal éventuellement.

Les fragments osseux plus minces sont fixés ensuite avec des fils d’acier 3/10e ou des microplaques.

En cas de fracture complexe, une fois le BIM effectué, on reconstruit de la périphérie vers le centre (reconstruction centripète), c’est-à-dire à partir du cadre facial externe fronto-temporo-zygomatique en terminant par les ostéosynthèses des zones cavitaires centrofaciales plus septiques.

Les hémosinus seront drainés.

Le BIM est pour certains levé rapidement si le montage osseux est solide, sinon il est gardé de quelques jours à 1 mois en fonction de la stabilité de l’ostéosynthèse, de la gravité et du nombre des fractures.

D – FRACTURES DU COMPLEXE NASO-ETHMOÏDO-MAXILLO-FRONTO-ORBITAIRE (CNEMFO) OU DISLOCATION ORBITO-NASOETHMOÏDO- FRONTALE (DONEF) :

Ces lésions ne font pas réellement partie du tiers moyen de la face et ne seront qu’évoquées.

Merville préfère le terme de dislocation fronto-orbito-nasomaxillaire.

Il définit au sein de cette entité les dislocations orbitonasales, orbito-naso-maxillaires et fronto-orbitonasales qui comprennent en plus des fractures centrofaciales, les fractures fronto-orbitaires latérales ou orbitoptérioniques, et les fractures du sinus frontal.

La région anatomique est complexe et associe des structures osseuses de résistances différentes.

Les structures nasales s’enfoncent dans l’ethmoïde et ce d’autant plus que les branches montantes du maxillaire se fracturent et s’écartent.

L’os frontal est fracturé et une brèche ostéo-dure-mérienne est donc possible.

L’ensellure nasale, l’élargissement de la distance intercanthale (normalement comprise entre 30 et 35 mm et identique à la largeur de la fente palpébrale), les problèmes orbitaires (énophtalmie, diplopie par incarcération musculaire), et les troubles de la perméabilité des voies lacrymales sont diversement associés.

Le traitement est différent selon qu’il y a ou non brèche ostéo-duremérienne.

En fait, trois situations se présentent :

– absence de rhinorrhée ;

– rhinorrhée certaine ;

– rhinorrhée possible.

Dans ce dernier cas, il faut se résoudre à la possibilité d’une intervention en deux temps si la brèche ostéo-dure-mérienne ne se révèle pas lors du temps de réparation maxillofaciale.

1- Voies d’abord :

On privilégiera la voie coronale surtout s’il y a enfoncement nasal et dystopie canthale nécessitant une canthopexie transnasale.

On peut y associer des voies orbitaires, paranasales, médionasales ou encore des voies de rhinoplastie.

La voie d’abord doit permettre une bonne réduction et la mise en place de procédés de contention efficaces.

2- Réduction. Fixation :

La réduction de l’enfoncement nasal est obtenue par traction instrumentale ou à l’aide de fils d’acier.

La contention est obtenue par une plaque en Y, en T ou en X fixée au bandeau frontal en haut et aux os propres en bas.

En cas d’impossibilité, on est contraint d’utiliser un greffon osseux fixé par une plaque ou une vis à l’épine nasale du frontal.

On utilise un greffon calvarial ou iliaque. Les apophyses montantes des maxillaires (processus frontaux des maxillaires) sont ensuite reconstruites si besoin, en utilisant des fils ou des plaques souvent perceptibles sous la peau.

Les parois internes d’orbite sont explorées après section-coagulation des artères ethmoïdales antérieures.

Les gros defects osseux sont réparés par des greffons osseux minces ou des biomatériaux.

Certains utilisent des greffons cartilagineux de conque.

Les voies lacrymales seront réparées avant que la canthopexie éventuelle ne soit serrée.

Une dacryo-cysto-rhinostomie entre la muqueuse du sac lacrymal et la muqueuse nasale sous le cornet moyen, suturée sur un calibrage laissé en place 3 semaines peut être nécessaire.

Ces lésions semblent en fait peu fréquentes, ne représentant que 17 % d’une série de 80 fractures sévères du CNEMFO, et pour Gruss, la réparation doit toujours être retardée.

La dystopie canthale est au mieux corrigée par une canthopexie transnasale.

Cette canthopexie peut être uni- ou bilatérale.

Le télécanthus s’explique par le déplacement en bas et en dehors du processus frontal ou d’un fragment du processus frontal du maxillaire.

Bien souvent, la remise en place de ce fragment suffit, fixée par un fil d’acier ou une microplaque.

Ailleurs, le ligament est arraché ou la fracture trop comminutive pour que l’on puisse faire une ostéosynthèse. On doit donc réaliser une canthopexie transnasale.

E – BRÈCHES OSTÉOMÉNINGÉES :

Le recours au neurochirurgien est nécessaire.

La voie coronale permet la réalisation d’un volet frontal. Le volet frontal est généralement médian et ouvre le sinus frontal.

Il peut utiliser le trait de fracture supérieur du bandeau fronto-orbitaire.

Ce volet peut rarement être latéral pour mieux aborder les fractures orbitoptérioniques intéressant la portion externe de l’os frontal, la grande aile du sphénoïde ou la région maxillomalaire.

L’exploration méningée est la plupart du temps extradurale, avec section des filets du nerf olfactif, et expose la lame criblée, la gouttière olfactive jusqu’au jugum sphénoïdal et les toits des orbites.

La présence d’adhérences peut faire suspecter une brèche durale qui sera réparée par suture méningée, doublée par un lambeau pédiculé d’épicrâne à charnière antérieure.

Alliez donne la faveur aux lambeaux pédiculés de galéa.

On peut également utiliser du fascia lata. Les réductions des fragments osseux médians impactés (épine nasale, branche montante, région frontonasale) doivent être réalisées avant de réparer la brèche dure-mérienne.

Au niveau de l’ethmoïde et de la gouttière olfactive, la réparation se fait en trois plans : réfection d’un plan nasal étanche, reconstruction de l’étage antérieur médian par une greffe osseuse de corticale externe de crâne, fermeture de la brèche dure-mérienne.

S’inspirant des exérèses par double voie des tumeurs ethmoïdales, certains ne reconstruisent pas la partie médiane ethmoïdonasale de la base par un greffon osseux, mais interposent entre muqueuse nasale et épicrâne des lambeaux d’épicrâne à charnière antérieure et de la graisse prélevée sur l’abdomen.

Au niveau du sphénoïde, la greffe osseuse est utile car elle améliore l’étanchéité du lambeau épicrânien.

La reconstruction du bandeau frontal utilise des miniplaques ou des plaques tridimensionnelles.

En cas de comminution sévère, on peut utiliser des greffes osseuses de côte ou de calvaria.

F – TRAUMATISMES BALISTIQUES :

L’urgence se situe d’emblée au niveau des fonctions vitales (hémostase, trachéotomie).

Puis, le parage de la plaie s’effectue en étant le plus conservateur possible.

L’écart entre les fragments osseux est maintenu, quelle que soit la perte de substance, par de longues plaques, des gouttières, des broches, des fixateurs externes.

Les reconstructions en urgence sont à proscrire. Secondairement, on envisage une stratégie de reconstruction qui suit les principes suivants :

– apporter d’abord les tissus mous là où ils sont nécessaires pour recouvrir des greffons osseux ultérieurs. On utilise pour cela tous les lambeaux disponibles, libres ou pédiculés, musculocutanés ou non ;

– restaurer la continuité de l’arche mandibulaire par des greffes osseuses (greffe libre ou lambeau ostéomyocutané libre) ;

– fermer les perforations palatines, obtenir une bonne continence labiale souvent au prix d’une microstomie en utilisant au maximum la lèvre saine ;

– réparer les dégâts orbitaires et restaurer une continence palpébrale pour une éventuelle prothèse oculaire ;

– restaurer le nez en utilisant au maximum les lambeaux locaux.

On utilise volontiers chez ces patients les systèmes de fixateurs externes ou le diadème de Tessier pour maintenir l’écart entre les fragments osseux et les greffes osseuses mises en place.

Surveillance et soins postopératoires :

A – SÉQUELLES :

Le traitement des séquelles, en particulier des pertes de substance osseuse, des cals vicieux, ou des réductions insuffisantes initiales des fragments fracturés, fait appel à plusieurs procédés :

– greffons osseux ;

– lambeaux libres ostéomusculaires ou ostéomyocutanés ;

– ostéotomies réparatrices (malaires, nasale, de Le Fort, mandibulaires…).

Meilleure est la prise en charge initiale, plus le traitement des séquelles est limité et aisé.

1- Cicatrices faciales :

Là aussi, les séquelles sont essentiellement liées à une réparation immédiate inadaptée.

Rappelons qu’une perte de substance doit si possible être réparée ultérieurement en maintenant les écarts entre les fragments osseux, et que la cicatrisation dirigée donne souvent de bien meilleurs résultats que les lambeaux en urgence.

La reprise d’une cicatrice disgracieuse doit enlever toute la zone fibreuse et être éventuellement réorientée selon les lignes de traction de la face et du cou.

2- Séquelles douloureuses :

Les douleurs sinusiennes peuvent survenir plusieurs années après le traumatisme, elles justifient l’exploration radiologique pour éliminer une mucocèle ou une sinusite chronique en poussée.

La névralgie du nerf sous-orbitaire peut survenir après un embrochage au cours d’une fracture maxillomalaire, par exemple.

La neurolyse est décevante, mais l’exploration chirurgicale peut tenter de lever une compression chronique quand les traitements médicaux sont dépassés.

Les paresthésies sont fréquentes et invalidantes.

3- Séquelles esthétiques :

Elles sont fréquentes dans les fractures médiofaciales.

Elles peuvent bénéficier des techniques décrites plus haut, associées à une canthopexie et à une rhinoplastie secondaires.

4- Séquelles ophtalmologiques :

La cécité post-traumatique est secondaire à une atteinte du globe ou du nerf optique.

Les atteintes palpébrales et lacrymales peuvent être responsables de larmoiement ou d’inocclusion, dont le traitement secondaire est difficile.

Celui-ci peut faire appel à une canthopexie secondaire, une dacryo-cysto-rhinostomie, des greffes ou des lambeaux de voisinage…

Les fractures orbitaires sont souvent source de séquelles :

– diplopie passée inaperçue qui handicape souvent beaucoup le patient, l’usage du ballonnet diminuerait la durée de la diplopie postopératoire.

Elle peut être de deux types : augmentation de la taille du contenant avec ptose du contenu orbitaire sans obstacle oculomoteur et test de duction négatif ; incarcération du droit inférieur avec fibrose et limitation des mouvements du globe ;

– énophtalmie, souvent plus fréquente dans les atteintes postérieures qu’antérieures.

5- Séquelles occlusales :

Elles sont parfois difficiles à éviter en cas de pertes dentaires multiples ou de fracture temporomandibulaire associée.

Une algodysfonction manducatrice associant douleurs, craquements, ressauts et subluxation peut nécessiter des meulages sélectifs, le port d’une gouttière occlusale associé à une kinésithérapie voire une reprise chirurgicale.

Conclusion :

L’urgence faciale a souvent été considérée comme secondaire et traitée trop tardivement car elle était, à juste titre, reléguée après d’autres urgences vitales.

Il n’en reste pas moins que les fractures faciales sont douloureuses et invalidantes car elles gênent ou empêchent les grandes fonctions (alimentation, communication…).

Il s’agit souvent de fractures mobiles et déplacées.

À ce titre, elles doivent aussi être considérées comme des urgences.

La stratégie thérapeutique anesthésie, voies d’abord, ostéosynthèses, blocage sera élaborée au vu d’un bilan scanographique.

Seuls les délais d’obtention de ce bilan peuvent faire reculer les délais thérapeutiques si l’état du malade autorise l’anesthésie et l’intervention.

Rappelons enfin les dangers du blocage, surtout chez un traumatisé, et la nécessité de la présence de ciseaux coupe-fil (Beebee) à proximité du patient.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.