Traumatismes externes du larynx

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Introduction :

Les traumatismes externes du larynx sont rares.

Traumatismes externes du larynxChez l’adulte, leur incidence est sensiblement de 1/30 000, représentant moins de 1 % des traumatismes aigus.

Chez l’enfant, leur incidence est encore plus faible.

Ceci peut s’expliquer par la situation anatomique du larynx, sa mobilité et l’élasticité des cartilages.

Ils peuvent se rencontrer à tout âge, mais plus volontiers chez l’adulte jeune, et avec une prédominance masculine variable selon les séries.

Les traumatismes du larynx ont un taux de mortalité et de morbidité élevé.

Au cours des dernières décennies, une stratégie diagnostique et thérapeutique bien codifiée, même si certains points restent controversés, a été définie, ce qui devrait permettre une amélioration de la prise en charge de ces traumatismes.

Seuls un diagnostic et un traitement précoces et adaptés peuvent permettre la préservation ou la restitution des fonctions respiratoires et phonatoires du larynx et éviter l’apparition de séquelles fonctionnelles invalidantes dominées par les sténoses.

Rappel anatomophysiologique :

Schématiquement, le larynx se présente comme un tube de structure fragile, composé d’un squelette de neuf cartilages articulés et mobiles, reliés entre eux par des membranes souples et résistantes et des muscles intrinsèques complexes et très différenciés.

Sa face interne est recouverte d’une muqueuse fine, par endroit aisément décollable.

Il est suspendu à l’os hyoïde en haut, se poursuit en bas par la trachée cervicale et donne attache aux muscles constricteurs inférieurs du pharynx.

Directement sous-cutané en avant sur la ligne médiane, le larynx est peu protégé latéralement par les muscles sous-hyoïdiens plats et minces, et répond en arrière presque directement au rachis cervical, en regard de la sixième et de la septième vertèbre cervicale.

Les différents constituants du larynx peuvent être lésés au cours des traumatismes.

Cependant, plusieurs éléments contribuent à le protéger :

– la structure même du larynx, constitué de plusieurs éléments de cartilage hyalin, mobiles, lui confère un certain degré d’élasticité.

Le cartilage cricoïde, formant un anneau complètement fermé, est particulièrement exposé aux traumatismes.

Il constitue d’autre part la portion la plus étroite de la filière respiratoire et un site privilégié de sténoses.

L’ossification des cartilages laryngés débute dès la seconde ou troisième décennie de la vie et modifie la plasticité des cartilages et le type de fracture.

Le larynx non ossifié de l’enfant et de l’adolescent est susceptible d’absorber sans rupture un choc plus violent qu’un larynx d’adulte plus rigide ;

– les muscles sterno-cléido-mastoïdiens, épais et puissants, exercent une protection latérale, surtout à la partie inférieure du larynx ;

– la mobilité du larynx, verticale et latérale, lui permet dans une certaine mesure de « fuir » devant le traumatisme ;

– surtout, la flexion du rachis cervical amène le menton au contact du sternum, interposant ainsi la mandibule.

Cette position réflexe tête fléchie, associée à un haussement des épaules, adoptée instinctivement, va protéger les régions cervicales antérieure et latérales grâce à la mandibule en avant et aux ceintures scapulaires latéralement.

Ces protections ne sont prises en défaut que lors de traumatismes inattendus, survenant sur un rachis en hyperextention qui fixe alors le larynx contre le rachis ou lors de traumatismes particulièrement violents.

Chez l’enfant, la tête est proportionnellement plus large et le cou plus court, le larynx est plus souple, plus haut situé, et encore mieux protégé que chez l’adulte.

Étiopathogénie :

A – TRAUMATISMES OUVERTS DU LARYNX :

Plus rares que les traumatismes fermés, ils représentent environ 15 à 20 % des traumatismes laryngés et 0,2 à 8 % des plaies du cou selon les séries.

Leur incidence tend à augmenter, au moins dans les séries nord-américaines, ce que l’on peut rattacher à l’augmentation de la violence urbaine.

1- Mécanismes :

En pratique civile, les tentatives d’autolyse et les agressions représentent l’étiologie essentielle des traumatismes ouverts , loin devant les accidents du travail (explosion, toupie) et les accidents de la circulation à grande vitesse (traumatisme par tôles broyées, larynx embroché par une poignée de frein).

2- Lésions :

* Plaies par arme blanche :

Elles entraînent la plupart du temps des plaies franches.

La lame glisse sur les cartilages laryngés et sectionne les zones de moindre résistance : muscles sous-hyoïdiens, membrane cricothyroïdienne, membrane thyrohyoïdienne, trachée.

L’axe vasculaire est protégé par les muscles sterno-cléidomastoïdiens.

Les plaies par égorgement sont en général sus-hyoïdiennes et n’intéressent pas le larynx.

La section de la membrane thyrohyoïdienne peut s’accompagner d’une section de l’épiglotte et d’une atteinte des nerfs laryngés supérieurs.

Les lésions hypopharyngées et oesophagiennes sont rares au cours des traumatismes laryngés par arme blanche.

Quand elles existent, une atteinte concomitante des gros vaisseaux entraîne, le plus souvent, un exitus rapide.

Elles se rencontrent plus souvent en cas de plaie trachéale.

Elles peuvent être associées à une section des nerfs récurrents, avec risque majeur d’atteinte des gros vaisseaux. Les traumatismes par objets pointus sont trompeurs : les lésions laryngées peuvent être importantes (dilacérations muqueuses et/ou musculaires), alors que la plaie cutanée paraît minime.

Le risque d’aggravation secondaire n’est pas négligeable, par emphysème sévère et brutal ou hématome obstructif.

Les plaies par arme blanche, entraînant en général des plaies et des lésions laryngées franches et systématisées, posent peu de problèmes diagnostiques et thérapeutiques.

* Plaies par arme à feu :

En revanche, les plaies par arme à feu sont généralement à l’origine de lésions complexes, voire de véritables délabrements où sont plus ou moins associées des lésions cutanées avec ou sans perte de substance, des fractures des cartilages laryngés, des lésions muqueuses, le plus souvent avec perte de substance, des lésions hypopharyngées, oesophagiennes, récurrentielles, posant des problèmes thérapeutiques difficiles.

Les lésions associées sont habituelles, tant au niveau cervical (trachée, rachis, gros vaisseaux) qu’au niveau des régions voisines (faciales [en particulier mandibulaires], thoraciques, axillaires).

Le larynx n’est seul intéressé qu’en cas de plaie antérieure stricte.

Les lésions dépendent directement de l’énergie cinétique (e = ½ mv2) du projectile au point d’impact et de la quantité d’énergie absorbée par les tissus.

La vitesse du projectile est le facteur le plus important, dépendant avant tout de l’arme utilisée.

Ainsi, un projectile animé d’une faible énergie cinétique (éclat, projectile en fin de course ou de faible calibre) entraîne des lésions des tissus mous, son trajet est sinueux vers les zones de moindre résistance (ce qui peut rendre difficile la reconstitution de son trajet).

En revanche, un projectile animé d’une énergie cinétique importante est responsable non seulement de lésions des tissus mous, mais aussi de fractures des cartilages parfois complexes et de lésions endolaryngées sévères.

D’autres facteurs, comme la stabilité en vol, l’angle de pénétration dans la peau, le type de projectile utilisé, peuvent modifier les lésions rencontrées : certains projectiles, principalement utilisés pour la chasse, changent de forme lors de l’impact, créant ainsi des lésions coniques avec large orifice de sortie.

De toute façon, le passage d’un projectile crée une cavité permanente d’un diamètre trois à quatre fois supérieur au diamètre du projectile, fonction de l’énergie dissipée lors de son passage.

À cette cavité permanente, s’ajoute une « cavité temporaire », pendant 5 à 10 millisecondes (ms), qui peut atteindre jusqu’à 30 fois le diamètre du projectile, entraînant des lésions à distance du trajet même du projectile, sur une distance d’autant plus grande que la vitesse de ce dernier est plus élevée.

Les traumatismes de guerre sont causés par des projectiles de gros calibre (éclats d’obus, de mines…) animés d’une vitesse élevée.

Ils sont responsables de lésions laryngées importantes et complexes, aggravées par les conditions de survenue : plaies souillées, brûlures, blessés fatigués et anxieux, hygiène précaire, difficultés et retard d’évacuation et de traitement.

B – TRAUMATISMES FERMÉS DU LARYNX :

Plus fréquents que les traumatismes ouverts, leur incidence est estimée à 80 à 85 % selon les séries.

1- Étiologie et mécanismes :

* Accidents de la circulation :

Ils sont les grands pourvoyeurs de traumatismes laryngés (57 %).

– Accidents d’automobile : lors d’un choc frontal, la tête est défléchie, le larynx vient heurter brutalement les parties saillantes et contondantes du véhicule (bord du volant, tableau de bord…).

Ce type de traumatisme est prévenu par le port de la ceinture de sécurité à trois points de fixation, très efficace dans les chocs à faible et à moyenne vitesse pour la prévention des traumatismes cervicaux et craniofaciaux.

Mais une ceinture de sécurité mal placée, mal serrée ou inadaptée, passant devant le larynx, peut constituer elle-même un facteur traumatisant pour le larynx, particulièrement chez l’enfant.

Lors du choc, le passager glisse sous la ceinture de sécurité qui traumatise alors directement le larynx : déchirure de la bande ventriculaire, oedème ou rupture de la membrane thyrohyoïdienne du côté de la ceinture.

– Accidents de deux roues : le conducteur peut être projeté par dessus le guidon ou être victime d’un traumatisme laryngé direct par fil tendu en travers d’un chemin ou d’un champ.

* Sports :

Classiquement décrits dans les arts martiaux, par coup direct (karaté) ou par étranglement (judo), ces traumatismes laryngés sont rarement graves, les coups n’étant pas réellement portés et les étranglements cessant sur signe conventionnel.

D’autres sports peuvent exposer à ce type de traumatisme : équitation, rugby, basket, football, barres parallèles, ski (perche de remonte-pente, spatule de ski).

* Divers :

– Accidents de travail : chutes ou traumatismes divers.

– Chutes.

– Rixes ou agressions.

– Tentatives d’autolyse par pendaison. Les pendaisons « manquées » avec survie représentent 30 % des cas. Elles entraînent des lésions laryngées variables avec le type de pendaison et le lien utilisé :

– traumatismes laryngotrachéaux modérés avec essentiellement oedème : 30 % des cas ;

– traumatismes plus sévères avec fractures hyoïdiennes, suffusion hémorragique, oedème ayant nécessité une intubation ou une trachéotomie : 10 % des cas.

2- Lésions :

* Lésions laryngées :

– Sans atteinte du squelette laryngé :

+ Commotion laryngée. Elle représente l’ensemble des manifestations locales et générales provoquées par le traumatisme, sans lésion macroscopique laryngée importante.

Le larynx est richement innervé et donc réflexogène : un choc direct au niveau de la membrane thyrohyoïdienne est susceptible d’entraîner des manifestations immédiates d’origine bulbaire par réflexe nociceptif à point de départ laryngé, allant du laryngospasme (avec parésie transitoire d’une ou de deux cordes vocales) à la syncope respiratoire (durant quelques minutes) ou cardiaque (habituellement fatale en l’absence de réanimation immédiate).

+ Contusions laryngées. Secondaires à un traumatisme de violence modérée, elles sont caractérisées par l’absence de fracture ou de luxation, s’expliquant par la souplesse relative du larynx qui absorbe le choc en se déformant sans se rompre.

Les lésions siègent au niveau des parties molles :

– prélaryngées : ecchymoses, excoriations cutanées, oedème, hématomes musculaires, rupture des muscles sous-hyoïdiens ;

– endolaryngées :

– hématomes et oedèmes se localisent préférentiellement au niveau des espaces décollables : sous-glotte, bandes ventriculaires, margelle latérale et/ou postérieure ;

– ruptures ligamentaires et/ou musculaires : le cartilage thyroïde, écrasé en arrière sur le rachis cervical, se déforme, les ailes thyroïdiennes s’écartent puis reprennent leur forme initiale, étirant muscle et ligament thyroaryténoïdiens qui peuvent se déchirer : le plus souvent rupture au niveau du processus vocal ou désinsertion au niveau de la commissure antérieure ;

– à l’hématome, source d’infection, s’ajoute l’oedème, source d’obstruction.

Une mauvaise résorption de ces épanchements et/ou une méconnaissance des lésions musculaires ou ligamentaires sous-jacentes peuvent expliquer des séquelles phonatoires.

– Avec atteinte du squelette laryngé :

+ Fractures. L’éventail des fractures peut aller de la simple fissure au fracas laryngotrachéal complexe.

Une simple fissure ou une fracture minime sans déplacement peut passer inaperçue en l’absence d’emphysème sous-cutané traduisant l’effraction de la muqueuse et du périchondre.

Une fracture, même minime, peut s’accompagner de déchirure des muqueuses et être à l’origine d’oedème secondaire, d’où la nécessité d’hospitaliser tout traumatisme du larynx pour surveillance.

Les fractures importantes et/ou déplacées peuvent avoir des répercussions immédiates sur la filière respiratoire : hématome, oedème, perte de l’architecture laryngée avec impaction des fragments cartilagineux dans la lumière laryngotrachéale, et sont susceptibles d’engager rapidement le pronostic vital.

Le cartilage thyroïde joue le rôle de bouclier.

Il est par conséquent le plus souvent atteint : 60 % des fractures isolées.

Elles sont le plus souvent médianes ou paramédianes.

Elles rétrécissent assez peu la filière respiratoire.

Les fractures isolées du cartilage thyroïde mettent rarement en jeu le pronostic vital immédiat, même en cas de désinsertion du pied de l’épiglotte.

Les fractures isolées du cartilage cricoïde sont plus rares (13 %), mais plus graves, engageant immédiatement le pronostic vital par effondrement de la filière respiratoire.

Elles siègent plus volontiers au niveau de l’arc antérieur qui offre une résistance moins importante : fractures médianes ou paramédianes, ou latéralement en avant des facettes articulaires cricothyroïdiennes.

Rares chez les femmes, on les rencontre plus souvent chez les hommes au cou court et trapus.

Elles peuvent s’accompagner de désinsertion laryngotrachéale, en un ou deux temps.

À distance, elles peuvent être à l’origine de sténoses sous-glottiques.

Une fracture conjuguée des cartilages cricoïde et thyroïde est rencontrée dans 27 % des cas environ.

Les individus au cou long et mince sont plus volontiers exposés aux lésions supraglottiques avec fracture de l’os hyoïde, rupture des muscles sus-hyoïdiens et de la membrane thyrohyoïdienne.

Des études expérimentales réalisées sur des pièces anatomiques humaines (larynx frais de cadavres) permettent de mieux connaître la résistance des cartilages et de comprendre la topographie et la chronologie des lésions.

Le cartilage thyroïde est le premier atteint, fracturé par une pression moyenne de 15 kg lors des essais « statiques ».

Les fractures sont le plus souvent longitudinales, médianes ou paramédianes, et ne s’accompagnent pas obligatoirement de déchirures muqueuses.

Le cricoïde est fracturé par une pression de 18 kg.

Il se fracture habituellement en deux temps : fracture médiane ou paramédiane de l’arc antérieur, puis fractures latérales en avant des facettes articulaires cricothyroïdiennes, pouvant alors s’accompagner d’une impaction de tout l’arc antérieur dans la lumière laryngée.

Les tests « dynamiques » montrent qu’une force de 55 kg semble être la limite au-delà de laquelle le rétrécissement de la filière laryngée paraît incompatible avec la survie d’un blessé.

+ Luxations. Rarement isolées, elles sont le plus souvent associées à des fractures du larynx (luxation cricoaryténoïdienne, luxation cricothyroïdienne).

+ Désinsertion laryngotrachéale. Rare mais non exceptionnelle, cette très grave lésion a été largement rapportée dans la littérature.

Son mécanisme est relativement stéréotypé : traumatisme violent survenant sur un rachis en hyperextension, dégageant le cricoïde et la trachée cervicale.

Les lésions associent une fracture comminutive antérieure du cricoïde, une fracture du chaton cricoïdien, une désinsertion de la trachée cervicale qui se rétracte d’environ 3 cm et descend en position rétrosternale.

La muqueuse sous-glottique peut rester solidaire de la trachée, dénudant alors complètement la face interne des fragments de cartilage cricoïde.

Le cartilage thyroïde est le plus souvent intact.

Les lésions de l’oesophage cervical sont fréquentes, ainsi que celles des nerfs récurrents, étirés ou arrachés, responsables d’une immobilité laryngée.

La rupture peut s’effectuer en deux temps.

La gaine adventitielle entourant l’organe peut rester dans un premier temps intacte, permettant le passage du flux aérien et l’arrivée des blessés à l’hôpital.

Cependant, ce conduit très fragile peut se rompre à tout moment, à la suite d’efforts de toux, de la mobilisation du rachis cervical, de tentative d’intubation… et entraîner la mort du blessé.

* Lésions trachéales :

Ce sont des déchirures des ligaments interannulaires ou des fissurations longitudinales de la membraneuse trachéale.

Elles sont souvent associées à des fractures du cricoïde, surtout lors de la déchirure du ligament cricotrachéal ou du ligament unissant deuxième et troisième anneaux.

Le risque est une véritable désinsertion cricotrachéale.

Les fractures trachéales peuvent intéresser un ou plusieurs anneaux.

Elles peuvent réaliser un véritable volet qui a tendance à s’embarrer dans la lumière trachéale.

* Lésions associées :

+ Parties molles. Elles sont infiltrées par un hématome, associé ou non à un emphysème sous-cutané, réalisant un terrain favorable à l’infection.

+ Os hyoïde. Relativement rares, elles siègent plus volontiers au niveau des grandes cornes que du corps (pendaison).

+ Pharynx et oesophage. La paroi hypopharyngée postérolatérale, les sinus piriformes, sont souvent dilacérés dans les traumatismes violents du larynx par choc antéropostérieur.

La muqueuse se déchire par pincement brutal entre le bord postérieur de l’aile thyroïdienne en avant et le rachis en arrière.

L’oesophage est rarement atteint, en dehors des cas de désinsertion laryngotrachéale.

+ Nerfs récurrents. Ils peuvent être étirés (pendaison), contus (fracas thyroïdien), sectionnés (désinsertion cricotrachéale).

+ Polytraumatismes. Une fracture du rachis cervical doit systématiquement être recherchée avant toute manipulation cervicale : examen neurologique, radiographies.

La possibilité d’un traumatisme laryngé doit toujours être évoquée chez un blessé intubé et trachéotomisé d’emblée pour un traumatisme craniofacial ou thoracoabdominal.

Sa méconnaissance peut être source de séquelles fonctionnelles invalidantes.

* Évolution :

Le risque évolutif immédiat majeur est l’aggravation brutale de la dyspnée par augmentation brutale de l’oedème endolaryngé.

Le risque infectieux ne doit pas être sous-estimé, surtout en cas de brèche muqueuse et/ou d’emphysème sous-cutané.

Les fractures dénudent des fragments cartilagineux, compromettant leur vascularisation périchondrale, et les mettant au contact d’espaces septiques, elles les exposent à la périchondrite et à la chondrite, source de granulomes puis de fibrose rétractile aboutissant aux sténoses.

Un fragment de cartilage dévitalisé se comporte comme un corps étranger et induit la production de dépôts de collagène, avec constitution de tissu de granulation.

Des fractures initialement peu ou pas déplacées sont susceptibles de déplacements secondaires favorisés par la déglutition et les efforts de toux et peuvent être à l’origine de sténoses ultérieures.

Diagnostic :

Si le diagnostic de traumatisme ouvert du larynx ne pose guère de problèmes, celui de traumatisme fermé est parfois plus difficile :

– soit le traumatisme est évident : le blessé conscient attire immédiatement l’attention sur la région cervicale antérieure et/ou présente des signes évocateurs ;

– soit le traumatisme laryngé s’intègre dans un contexte de polytraumatisme, en particulier lésions cranioencéphaliques ou thoracoabdominales graves : l’atteinte laryngée peut alors passer inaperçue, masquée par une intubation ou une trachéotomie réalisée en urgence.

Le traumatisme se révèle souvent par des séquelles sténosantes découvertes au décours de l’épisode aigu, lors de la décanulation en particulier.

C’est souligner l’importance de la coopération devant exister entre les services d’urgences, de réanimation, de neurochirurgie et les services d’oto-rhino-laryngologie (ORL) qui doivent être en mesure de réaliser en urgence des examens laryngés cliniques et parfois endoscopiques, afin de traiter précocement les traumatismes graves, seul moyen de préserver l’avenir laryngé de ces blessés.

Les traumatismes fermés entraînent des signes cliniques parfois discrets à type de simple dysphonie, parfois dramatiques à type de dyspnée majeure.

Nous soulignons l’absence de parallélisme anatomoclinique : des lésions majeures, telles qu’un fracas thyroïdien, pouvant donner initialement des signes peu inquiétants mais susceptibles de décompensation brutale, parfois dramatique, en cas de désinsertion laryngotrachéale en deux temps. Peu de publications ont étudié la corrélation entre symptomatologie fonctionnelle, signes cliniques et gravité d’un traumatisme laryngé externe.

Cependant, il semble que la dyspnée soit le meilleur indicateur de gravité du traumatisme.

Afin de ne pas risquer de méconnaître le diagnostic, tout patient dont la symptomatologie peut faire évoquer un traumatisme laryngé (dysphonie, emphysème sous-cutané, hémoptysie…), dans un contexte de traumatisme cervical fermé récent ou de traumatisme cervical antérieur ouvert, doit être considéré comme porteur de réelles lésions laryngées sous-jacentes jusqu’à preuve du contraire.

A – SIGNES FONCTIONNELS :

Ils sont tous inconstants et peuvent être diversement associés.

1- Dyspnée :

Immédiate ou retardée, elle conditionne l’attitude à adopter.

Elle peut revêtir l’aspect d’une dyspnée laryngée, en particulier dans les traumatismes fermés, plus souvent celui d’un encombrement pulmonaire lié à l’inondation par le sang et la salive au cours des traumatismes ouverts.

2- Dysphonie :

Elle est quasi constante. ¦ Douleur à la déglutition Elle est due à la mobilisation du larynx traumatisé et peut également traduire la contusion hypopharyngée.

3- Toux :

Peu importante dans les traumatismes fermés, elle peut ramener des crachats hémoptoïques, témoins d’une déchirure muqueuse.

Au cours des traumatismes ouverts, elle traduit l’inondation trachéobronchique et les fausses routes salivaires.

4- Troubles de la déglutition :

La dysphagie est plus ou moins nette, associée à l’hypersalivation responsable d’un encombrement pharyngé puis trachéobronchique.

B – EXAMEN CLINIQUE CERVICAL :

1- Inspection :

L’état de la peau peut attirer l’attention vers le cou : excoriations cutanées, ecchymoses, hématomes, plaies.

L’inspection objective parfois la perte des reliefs laryngés, mais le plus souvent la présence d’un oedème ou d’un empâtement cervical antérieur ne permet d’en tirer aucune conclusion.

Toute plaie cervicale médiane et antérolatérale est susceptible d’être associée à une plaie laryngée.

Le diagnostic d’atteinte laryngée est évident lorsque l’on est en présence d’une plaie soufflante, plus ou moins hémorragique (20 % des cas pour Bouche).

Une plaie hypopharyngée ou oesophagienne peut être évoquée devant un écoulement salivaire.

2- Palpation :

Elle est essentielle. Prudente et douce, particulièrement chez l’enfant où le risque de collapsus laryngé n’est pas négligeable, elle recherche :

– une perte des reliefs laryngés, en particulier enfoncement de l’angle thyroïdien antérieur ;

– une douleur à la palpation ou à la mobilisation d’un cartilage, traduisant une fracture ;

– un emphysème sous-cutané, traduisant une ouverture de l’axe laryngotrachéal.

Il doit être soigneusement recherché chez tout traumatisé du larynx.

Parfois très discret, ailleurs important et rapidement extensif, diffusant au niveau cervicofacial et à la partie haute du thorax, il traduit une solution de continuité de l’axe respiratoire associée à une obstruction partielle sus-jacente et doit faire rechercher un pneumothorax et/ou un pneumomédiastin.

La présence d’un emphysème sous-cutané traduit l’existence d’une fracture, mais toute fracture ne s’accompagne pas obligatoirement d’emphysème sous-cutané.

C – LÉSIONS ASSOCIÉES :

En présence d’un traumatisme sévère, l’examen clinique apprécie l’état général du blessé, recherchant des signes de choc et des lésions associées.

1- Lésions vasculaires :

Elles sont fréquentes dans les plaies du cou : 31 %.

En dehors de l’importance ou de l’aspect du saignement, il faut toujours suspecter une plaie vasculaire en fonction du trajet de la plaie, en se méfiant des plaies veineuses qui peuvent se révéler secondairement et devant un hématome extensif.

Le cou est habituellement divisé en trois régions :

– zone I : de la clavicule au cricoïde ;

– zone II : du cricoïde à l’angle mandibulaire ;

– zone III : de l’angle mandibulaire à la base du crâne. Les lésions vasculaires sont plus fréquentes dans les plaies de la zone I où elles sont souvent occultes.

2- Lésions du rachis cervical :

Une fracture doit systématiquement être recherchée avant toute manipulation du rachis cervical et en particulier avant toute endoscopie.

Suspectée à la palpation du rachis cervical, elle est confirmée par la radiographie cervicale de profil.

Ces fractures peuvent s’accompagner d’atteinte de la moelle cervicale. En cas de fractures, celles-ci doivent être stabilisées dès qu’une trachéotomie a été réalisée et une hémorragie contrôlée.

3- Lésions nerveuses :

Une lésion d’un ou plusieurs des quatre derniers nerfs crâniens est possible.

Les nerfs récurrents ou les nerfs laryngés supérieurs sont le plus fréquemment atteints.

4- Lésions digestives :

Présentes dans 33 à 50 % des traumatismes ouverts, elles doivent être systématiquement recherchées et traitées.

Négligées ou méconnues, elles sont à l’origine de complications secondaires très graves : médiastinite, fistule trachéo-oesophagienne.

5- Lésions de la face :

La mandibule est souvent touchée, le blessé ayant le réflexe de baisser le menton pour se protéger.

La fracture de la mandibule favorise la chute postérieure de la langue, ce qui aggrave la dyspnée.

D – EXAMEN DU LARYNX :

L’examen au nasofibroscope représente l’examen de choix en urgence pour la plupart des auteurs, mais n’est réalisable que chez un patient non intubé, peu ou pas dyspnéique.

Mieux toléré que la laryngoscopie indirecte au miroir, il permet d’apprécier la mobilité laryngée, l’état de la filière respiratoire, l’intégrité ou non de la muqueuse laryngée, la présence de cartilages dénudés.

Il est en revanche plus difficile de préciser la nature exacte des lésions endolaryngées.

La réalisation de photographies permet de suivre l’évolution dans les traumatismes mineurs.

Dénudation des cartilages et/ou lacérations muqueuses imposent une thyrotomie et la réparation soigneuse des lésions.

E – BILAN RADIOLOGIQUE :

1- Radiographies cervicales de face et de profil :

En dehors des traumatismes nécessitant un geste d’urgence, elles sont systématiquement réalisées, sans hyperextension, permettant :

– de vérifier l’intégrité du rachis cervical ;

– d’objectiver un emphysème sous-cutané débutant, une bascule de l’épiglotte, un rétrécissement ou une déviation de la lumière laryngée ;

– de déceler la présence de corps étrangers (projectiles) ;

– d’objectiver la présence d’un épanchement aérique rétropharyngé, signant l’ouverture du tractus digestif.

Elles apportent en revanche peu de renseignements fiables sur l’état des cartilages laryngés.

Les fractures ne sont en général pas visibles.

2- Radiographie thoracique :

Elle peut mettre en évidence un pneumomédiastin, un pneumothorax.

Un élargissement médiastinal ou un hydropneumothorax doit faire redouter une plaie digestive.

3- Examen tomodensitométrique cervical :

Il est intéressant pour le bilan exact des lésions, surtout dans les traumatismes fermés, en particulier dans les traumatismes peu importants ou d’importance moyenne :

– lorsque l’existence d’une fracture n’est pas évidente cliniquement ;

– lorsque l’importance de l’oedème rend difficile l’interprétation des données de l’endoscopie;

– lorsque l’on hésite à porter une indication chirurgicale.

Il visualise parfaitement les cartilages et les lésions laryngées : fractures déplacées ou non, luxation cricoaryténoïdienne ou thyroaryténoïdienne.

Schaefer recommande la réalisation de coupes tous les 2 mm.

À distance, il peut permettre de rattacher à un traumatisme méconnu ou négligé des lésions laryngées séquellaires.

4- Transit hypopharyngé et oesophagien :

En cas de doute sur l’existence d’une plaie pharyngée ou oesophagienne, on réalise une opacification à l’aide de produits de contraste hydrosolubles.

5- Angiographie :

Elle peut être intéressante pour les patients chez qui l’on suspecte une plaie vasculaire dans les zones I et III du cou, hémodynamiquement stables, sans problèmes respiratoires.

Elle peut permettre en particulier le traitement angiographique de lésions du pédicule vertébral d’exposition et de traitement difficile chirurgicalement.

L’indication de l’angiographie dans les plaies de la zone II est en revanche plus limitée et affaire de cas particulier.

Les défenseurs de l’exploration chirurgicale systématique argumentent sur la fréquence des plaies asymptomatiques et l’absence de valeur de l’artériographie dans les plaies veineuses.

F – CLASSIFICATION :

Différentes classifications ont été proposées.

La classification selon le siège anatomique des fractures : supraglottiques, transglottiques, sous-glottiques, désinsertion cricotrachéale, a été longtemps utilisée par de nombreux auteurs.

Actuellement, une classification selon la gravité du traumatisme a été proposée par Schaefer et modifiée par Fuhmann qui lui rajoute un cinquième stade.

– Stade I : hématomes ou lacérations endolaryngées mineures, absence de fracture laryngée décelable et altération de la filière respiratoire minime.

– Stade II : oedème, hématome ou plaies muqueuses mineures sans dénudation des cartilages, altération de la filière respiratoire de degré variable, fracture non déplacée.

– Stade III : oedème massif, lacérations muqueuses importantes, dénudation des cartilages, fractures déplacées, immobilité laryngée, altération de la filière respiratoire d’importance variable.

– Stade IV : lésions identiques au stade III, associées à une rupture antérieure du larynx ou à des fractures laryngées instables.

– Stade V : désinsertion laryngotrachéale.

Cette classification est largement utilisée.

Elle a pour avantage de permettre une certaine standardisation dans la classification des lésions, la comparaison des données de différentes études, permettant la définition d’une stratégie thérapeutique en fonction du stade du traumatisme et de prévoir dans une certaine mesure l’avenir fonctionnel de ces patients.

Cependant, la distinction entre stades I et II apparaît subjective et la distinction entre stades III et IV peut être difficile.

Où classer les luxations cricoaryténoïdiennes ?

La distinction entre paralysies récurrentielles uni- ou bilatérales n’existe pas.

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