Traumatismes cranioencéphaliques (Suite)

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Première partie

Hématomes sous-duraux :

Les hématomes sous-duraux (HSD) se localisent entre la dure-mère et l’arachnoïde.

Traumatismes cranioencéphaliques (Suite)On distingue les HSD aigus, les HSD chroniques, les HSD subaigus et les hydromes.

A – Hématome sous-dural aigu :

Il survient, le plus souvent, après un traumatisme violent et se constitue à partir d’un saignement cortical artériel ou veineux.

Rarement isolé, il est fréquemment associé à une contusion cérébrale ou à des lésions de la substance blanche qui déterminent le pronostic et expliquent sa forte mortalité : 30 à 90 % en fonctions des séries.

La mortalité des sujets de plus de 65 ans est quatre fois plus importante que celle des sujets de 18 à 40 ans (74 % contre 18 %).

Nous ne décrirons dans ce chapitre que la symptomatologie clinique et de la TDM de l’HSD aigu isolé.

Les troubles de la conscience sont fréquents, survenant précocement avec un intervalle libre très court simulant un coma d’emblée.

L’évolution sera soit stationnaire, pendant les 3 premiers jours, soit marquée par une aggravation rapide aboutissant à un coma profond.

Chez ce sujet comateux, on constatera une hémiparésie, des signes d’engagement temporal, voire des crises d’épilepsie motrices partielles, signant l’atteinte hémisphérique.

La localisation à la fosse postérieure est exceptionnelle.

Le scanner cérébral sans injection montre l’aspect d’une galette de densité hématique, moulant la convexité d’un hémisphère à limites antérieure et postérieure aiguës ou floues.

L’effet de masse sur les structures médianes est important, donnant l’aspect d’un « gros hémisphère » décollé de la convexité.

Cet effet de masse est beaucoup plus important que l’épaisseur de l’HSD ne le laisserait supposer.

Zumkeller a proposé des critères prédictifs du devenir des patients, en fonction de l’épaisseur de l’hématome et de l’effet de masse sur les structures médianes.

Le traitement de l’HSD pur avec intervalle libre représente une indication chirurgicale urgente.

Ce n’est malheureusement pas la situation la plus fréquente.

L’incision est centrée sur la lésion repérée au scanner.

La craniectomie se fait souvent par une rondelle osseuse à la tréphine.

C’est un geste simple, rapide, assurant un jour suffisant pour effectuer un lavage de l’espace sous-dural.

L’incision de la dure-mère est réalisée de façon cruciforme et fait découvrir les caillots frais dans l’espace sous-dural.

Le décollement de ceux-ci du cortex est minutieux, pour éviter de provoquer des lésions corticales.

Un lavage abondant au sérum tiède est effectué, permettant de décoller les caillots et, en s’aidant de poires ou de drains souples, on pourra laver l’ensemble de l’espace débordant les limites de la craniectomie.

Le lavage est poursuivi, jusqu’à ce qu’il revienne pratiquement clair.

Fréquemment, l’oedème cérébral sousjacent crée une hernie cérébrale par l’incision dure-mérienne.

La coagulation du vaisseau responsable est souvent impossible par cette voie.

On est donc amené à drainer l’espace sous-dural par un drain non aspiratif, introduit au ras de la voûte et sorti par une contre-incision cutanée.

La fermeture de la dure-mère se fait autour du drain et la rondelle osseuse est remise en place, fixée au périoste.

Même si la mortalité reste lourde, cette intervention se doit d’être tentée, surtout si l’HSD est isolé et s’il a existé un intervalle libre clinique.

En 1981, Seeling, chez 82 sujets opérés au stade de coma, obtient 30 % de décès si l’intervention a lieu dans les 4 heures qui suivent le traumatisme, alors qu’il obtient 90 % de décès après 4 heures.

Cette notion n’est plus retrouvée dans les articles plus récents.

L’âge, l’état clinique initial, l’effet de masse au scanner et la pression intracrânienne préopératoire sont actuellement considérés comme les principaux facteurs prédictifs de la mortalité et de la morbidité.

B – Hématome sous-dural chronique :

Il s’agit d’une collection liquidienne ou mixte (avec des caillots vieillis), située dans l’espace sous-dural.

Il se manifeste cliniquement avec un intervalle libre variant de 15 jours à plusieurs mois, après un traumatisme crânien fréquemment bénin, pouvant être passé inaperçu.

L’HSD chronique est limité par deux membranes dont la plus externe est richement vascularisée, adhérente à la dure-mère qui lui a donné naissance, à l’occasion d’un saignement sous-dural.

Le phénomène initial est une hémorragie dans l’espace sous-dural.

Certains facteurs, comme une baisse de la pression intracrânienne (ponction lombaire [PL], fistule de LCS, dérivation externe ou interne) et l’atrophie cérébrale, favorisent la constitution d’un HSD chronique.

Le saignement sous-dural est entretenu par une fibrinolyse au sein de l’hématome et de la membrane externe.

Cette augmentation de volume est mieux tolérée chez les sujets âgés dont l’espace sous-dural est plus large, et l’intervalle libre en sera d’autant plus long.

Les céphalées sont fréquentes, n’ayant pas de caractères précis mais pouvant être influencées par les changements de position de la tête.

Les troubles psychiques sont très fréquents chez le sujet âgé.

Ils sont représentés par une lenteur d’idéation, des troubles de la mémoire, un syndrome confusionnel.

Un tableau d’HTIC, principalement marqué par des céphalées ou une obnubilation, va s’installer, accompagné de signes déficitaires qui sont souvent discrets, de troubles de la marche à type d’ataxie, de rétropulsions.

Les crises comitiales auront, si elles sont partielles, une valeur localisatrice.

L’HSD chronique ne peut être affirmé sans la pratique d’un scanner cérébral.

Il retrouve une collection hypodense dans l’espace sous-dural, responsable d’un effet de masse sur les structures médianes.

Le siège le plus fréquent est frontotemporal, mais il peut se localiser à tout un hémisphère ou être bilatéral.

Il se présente parfois comme une hyperdensité déclive dans l’espace sousdural, réalisant un « niveau liquide » entre l’hypodensité du vieux sang et les caillots.

Lorsque l’HSD est bilatéral, le système ventriculaire est en place et l’injection de produit de contraste peut être déterminante pour le diagnostic.

Le traitement est chirurgical et donne de bons résultats (80 % de guérison).

Les techniques opératoires sont multiples, variant surtout sur la craniectomie et le drainage : rondelle osseuse ou trous de trépan, drainage ou non.

Il est obligatoire d’effectuer un lavage abondant au sérum tiède de l’espace sousdural, après ouverture de la dure-mère.

Le drainage sous-dural non aspiratif postopératoire est décidé en fonction de la réexpansion cérébrale peropératoire (après injection de solution isotonique par voie lombaire).

D’après Destandau, les facteurs de mauvais pronostic sont l’existence d’une pneumatocèle postopératoire (témoin d’une PIC basse) et l’éthylisme chronique.

La persistance d’un décollement sous-dural après l’intervention est fréquente.

La décision d’une reprise chirurgicale ne sera prise que s’il existe une réaggravation clinique.

C – Hématome sous-dural subaigu :

L’intervalle libre est d’environ 1 semaine.

Sa particularité est de donner une image isodense au scanner.

Le diagnostic sera évoqué devant l’existence d’un effet de masse sur les structures ventriculaires, et l’injection de produit de contraste opacifiera la membrane interne de la collection sous-durale.

La technique chirurgicale est la même que celle de l’HSD chronique, en privilégiant la réalisation d’un trou de tréphine.

Hydrome sous-dural :

Il s’agit d’une collection sous-durale liquidienne, isodense d’emblée au scanner.

Il survient en règle après un traumatisme crânien grave.

L’indication chirurgicale ne sera posée que s’il paraît responsable de signes neurologiques.

L’hydrome disparaît le plus souvent spontanément ou après une courte corticothérapie.

Contusion :

La contusion est un terme imprécis englobant l’ensemble des lésions encéphaliques lié à la transmission de l’onde de choc.

Différents mécanismes, plus ou moins associés, de déplacement encéphalique provoquent des lésions classiquement divisées en contusion ou attrition cérébrale (lésions axonales diffuses).

Cet aspect macroscopique est soustendu par des phénomènes pathologiques localisés ou diffus qui sont l’oedème cérébral, les hémorragies ou la nécrose.

Les lésions axonales diffuses sont responsables de coma « d’emblée », les contusions focales se compliquent d’HTIC et évoluent vers l’installation ou l’aggravation du coma.

Cette notion d’aggravation clinique justifie leur traitement dans un centre spécialisé en neurotraumatologie, quel que soit l’état clinique initial.

A – Examen clinique :

L’interrogatoire de l’entourage ou du médecin transporteur porte sur les circonstances du traumatisme, l’évolution neurologique et sur le traitement instauré d’emblée qui pourrait gêner l’appréciation de l’état neurologique.

On recherche systématiquement l’existence d’un intervalle lucide faisant évoquer une lésion focale, ou l’association à une lésion sous- ou extradurale.

L’examen général (ventilation, volémie) est systématique.

L’examen neurologique se résume le plus souvent à l’appréciation de la profondeur du coma (GCS et niveau de souffrance axiale) et à la recherche de signes de localisation ou de troubles végétatifs.

L’appréciation d’une aggravation clinique est en faveur d’une lésion rapidement expansive, nécessitant la réalisation d’une TDM sans délai en vue de dépister une lésion accessible à la chirurgie.

B – Scanner :

En fait, c’est le scanner qui, en éliminant une pathologie extracérébrale ou intracérébrale focalisée (hématome), définit le groupe des patients comateux, non chirurgicaux.

1- Scanner initial :

Le scanner normal témoigne de lésions axonales diffuses et peut se rencontrer chez des patients dans un coma profond.

L’étude des structures ventriculaires et cisternales permettra de reconnaître des lésions de « gonflement » cérébral (fréquentes chez l’enfant).

Les lésions diffuses de la substance blanche sont facilement repérées par l’existence de petites flaques hyperdenses disséminées, témoignant d’hémorragies diffuses pouvant s’étendre en intraventriculaire.

Les lésions focales uniques ou multiples ont des caractères TDM variés :

– hyperdense en cas d’hémorragies, entourées d’un halo hypodense par oedème réactionnel ;

– elles sont en fait le plus souvent hétérogènes, traduisant l’association de phénomènes hémorragiques, oedémateux, ischémiques et nécrotiques.

Les lésions focalisées siègent souvent à l’opposé de l’impact cutané, traduisant l’écrasement du parenchyme sur les structures osseuses controlatérales.

Le retentissement sur les structures médianes dépend de leur siège, de leur étendue et de leur potentiel évolutif.

Un autre aspect possible est celui de véritables hématomes, soit localisés au tronc cérébral, soit intracérébraux, pouvant se rompre dans les ventricules.

2- Évolution anatomique par les scanners répétés :

L’ensemble des lésions décrites possède un potentiel évolutif qu’il faut contrôler par scanners répétés.

Les thérapeutiques lourdes qui sont souvent instaurées laissent peu de place au contrôle clinique de l’évolution.

On pourra ainsi dépister :

– les HED tardifs ;

– les hématomes secondaires développés au sein d’un foyer d’attrition ;

– une hydrocéphalie aiguë ;

– une majoration du gonflement cérébral ; – les HSD subaigus ou chroniques ;

– les hydromes.

Au total, le scanner est totalement intégré dans le suivi thérapeutique des comas traumatiques, il participe au même titre que l’examen clinique et la mesure de la PIC, à la détection et à la prévention des complications des contusions cérébrales.

C – Prise en charge thérapeutique :

1- Sur les lieux de l’accident :

En cas de coma d’emblée, l’intubation avec ventilation se justifie pour lutter contre l’anoxie, qui est un facteur aggravant les lésions cérébrales.

Si une sédation est nécessaire, elle sera précédée d’un examen neurologique complet et effectuée avec des drogues à demi-vie courte.

Le remplissage vasculaire doit se limiter au strict nécessaire, pour éviter une hypervolémie favorisant l’oedème cérébral.

Le transport en position demi-assise en milieu spécialisé est impératif.

Si le blessé est conscient, la surveillance clinique pendant le transport est axée sur la recherche d’une aggravation neurologique.

2- En milieu neurochirurgical :

La lésion encéphalique initiale, ou lésion primaire, risque d’entraîner l’apparition et l’extension d’une lésion dite secondaire par deux mécanismes :

– le coma initial entraîne une dysrégulation des fonctions ventilatoire, hémodynamique et thermique.

Il s’agit donc d’une aggravation d’ordre général.

– la lésion primaire entraîne un découplage entre le débit sanguin cérébral et la consommation cérébrale d’oxygène.

La perte énergétique que subit la cellule neuronale va induire une invasion calcique intracellulaire, une destruction membranaire et une production de radicaux libres.

En l’absence de traitement précoce, des lésions primaire et secondaire entraînent une HTIC pouvant aboutir à l’arrêt circulatoire cérébral.

La neuroréanimation a donc pour but de prévenir l’apparition et l’extension de la lésion encéphalique secondaire.

Elle se base sur une surveillance rapprochée de la clinique, du scanner, du monitorage de la PIC et de la saturation veineuse jugulaire en oxygène (SVJO2).

3- Monitorage de la PIC et de la SVJO2 :

Le monitorage de la PIC doit avoir des indications larges.

Tout coma grave d’emblée, toute aggravation secondaire (après avoir éliminé une lésion potentiellement chirurgicale) doivent bénéficier de la pose d’un capteur, soit intraparenchymateux, soit intraventriculaire.

Les risques infectieux sont négligeables, les monitorages prolongés sont donc possibles.

Le monitorage de la SVJO2 est rendu possible par la mise en place d’un cathéter rétrograde dans le golfe de la jugulaire.

On peut ainsi mesurer la différence artérioveineuse cérébrale en oxygène et apprécier la quantité d’oxygène consommée.

Grâce à ces deux monitorages, on peut adapter la thérapeutique de façon rapide et lutter contre les aggravations aiguës.

L’utilisation de ces techniques ne se conçoit que dans une unité de neuroréanimation avec une concertation permanente entre neurochirurgiens et réanimateurs.

4- Réanimation :

Des mesures simples permettent de lutter contre l’HTIC :

– tête surélevée à 30° pour améliorer le drainage veineux cérébral ;

– hyperventilation assistée avec maintien d’une capnie à 25-30 mmHg ;

– restriction hydrosodée ;

– maintien d’une pression systolique normale.

Les thérapeutiques plus lourdes seront utilisées en fonction de l’évolution clinique, tomodensitométrique et des monitorages de la PIC et de la SVJO2.

C’est ainsi que l’on pourra utiliser l’osmothérapie à doses filées ou majorer la neurosédation.

L’utilisation des barbituriques se fera sous le contrôle régulier des barbitémies et de l’électroencéphalogramme.

Ils réduisent l’activité fonctionnelle du neurone en maintenant l’activité métabolique de base.

L’hypothermie modérée (34-35 °C) est connue pour réduire la totalité de l’activité cellulaire.

Elle pourra donc être utilisée en complément de l’imprégnation barbiturique.

Enfin, la mise en place d’un cathéter intraventriculaire permet la soustraction de LCS en fonction des augmentations de la PIC.

Ce geste sera effectué « au coup par coup » et décidé en étroite collaboration entre réanimateur et neurochirurgien.

Les craniectomies décompressives sont à nouveau proposées mais il n’y a pas, dans la littérature, d’études prospectives comparant leur efficacité par rapport aux techniques lourdes de réanimation.

L’association des deux serait peut-être bénéfique, mais les critères de sélection des patients ne sont pas définis.

Malheureusement, les thérapeutiques utilisables en réanimation restent limitées et les progrès du monitorage ne permettent que des actions ponctuelles, certes bénéfiques, mais dont l’efficacité est souvent vite dépassée.

L’espoir réside actuellement dans la recherche de nouvelles molécules visant à limiter la mort neuronale.

Embarrure :

Il s’agit d’un enfoncement de la voûte crânienne en regard de l’impact.

Des lésions cutanées sont éventuellement associées, en fonction de la nature du traumatisme.

L’embarrure peut se compliquer d’une compression du cortex ou d’une brèche méningée.

Le diagnostic clinique de la lésion est difficile à cause de l’hématome sous-cutané et de la douleur ressentie.

L’examen neurologique permet parfois de dépister une atteinte corticale sous-jacente (déficit focalisé, crise d’épilepsie partielle).

Le scanner en « fenêtres osseuses » fait le diagnostic.

Il permet, en outre, de visualiser les éventuels contusions ou hématomes sous-jacents à des fragments osseux pénétrant dans le cortex.

Les indications thérapeutiques sont variables :

– dans les embarrures fermées, on interviendra s’il existe un préjudice esthétique (embarrure frontale), si on constate l’apparition d’une poche liquidienne témoignant d’une brèche méningée, ou s’il existe un fragment ayant occasionné une lésion corticale.

Dans tous ces cas, il ne s’agit pas d’une intervention urgente. – dans les embarrures ouvertes, l’attitude sera superposable à celle des plaies craniocérébrales.

Plaies craniocérébrales :

Elles sont définies par l’existence d’une issue de matière cérébrale à travers un orifice osseux d’origine traumatique.

L’étiologie classique en est la plaie par projectile (balles, plombs, débris d’explosion) ou la pénétration intracrânienne de parties métalliques de carrosserie acérées, dans les accidents de la voie publique.

Certains projectiles de pistolets d’alarme ou fusils à balles en caoutchouc ne pénètrent pas au-delà de la table interne et ne sont donc pas responsables de plaies craniocérébrales.

L’étude scanographique avec variation des fenêtres permet d’affirmer leur situation purement extracrânienne.

En ce qui concerne les balles à forte énergie cinétique, les délabrements cérébraux sont importants.

L’orifice d’entrée est facilement retrouvé, mais l’orifice de sortie n’est pas toujours présent, la balle ricoche sur la table interne opposée et reste intracrânienne.

L’examen neurologique permettra d’évaluer l’étendue des dégâts cérébraux.

Lors des suicides, le classique coup de feu sur la tempe donne parfois des lésions exclusives des voies optiques, avec cécité et mydriase bilatérale.

Quel que soit l’état clinique, un scanner sera systématiquement pratiqué pour visualiser les atteintes parenchymateuses.

De nombreux artefacts gênent son interprétation, mais il faut à tout prix déceler une lésion potentiellement neurochirurgicale.

Le traitement de ces lésions doit, au mieux, s’effectuer en deux temps :

– en urgence : nettoyage et parage cutané et sous-cutané, ablation des corps étrangers et fragments osseux superficiels, fermeture cutanée étanche si possible, antibiothérapie parentérale ;

– à distance : sous surveillance clinique et scanographique, évacuation des éventuels hématomes secondaires, des foyers d’attrition, plasties duremériennes étanches et fermeture cutanée nécessitant parfois des lambeaux de rotation.

Le problème de la réparation de la perte de substance osseuse ne doit être envisagé que plusieurs mois après le traumatisme, si elle s’avère nécessaire.

Fistules de liquide cérébrospinal :

A – Rhinorrhée par fracture de l’étage antérieur :

Elle est synonyme d’une brèche ostéoméningée, responsable d’un écoulement de LCS dans les fosses nasales à partir du canal frontonasal, des cellules ethmoïdales ou du sinus sphénoïdal.

Elle ne représente cependant pas toujours une plainte fonctionnelle du traumatisé et il faudra savoir la rechercher chez des sujets comateux, ou devant une suspicion clinique ou radiologique de fracture de l’étage antérieur de la base du crâne.

L’écoulement de LCS peut être évident : liquide clair venant goutte à goutte par une narine, majoré par la position tête penchée en avant, ou découvert par une tache humide parfois limitée à une auréole rosée le matin au réveil, sur l’oreiller du malade.

Il peut passer inaperçu si le liquide est dégluti par un patient inconscient.

Il faudra systématiquement rechercher cette brèche devant une ecchymose en « lunettes », une anosmie ou un fracas médiofacial, en s’aidant d’une mise en position déclive de la tête avec compression des jugulaires.

Le scanner avec coupes coronales et étude en fenêtres osseuses montrera les traits de fracture irradiant à la base, ainsi que d’éventuels fracas ou déplacements osseux à ce niveau, ou encore une pneumatocèle cisternale ou ventriculaire, témoin formel de la brèche ostéoméningée.

Le scanner permettra en outre d’apprécier les lésions parenchymateuses associées : contusion uni- ou bifrontale, hématomes.

À distance du traumatisme, une brèche ostéoméningée doit impérativement être suspectée en cas de méningite, thrombophlébite ou abcès frontal survenant après un traumatisme crânien authentique.

L’indication d’un traitement chirurgical n’est posée que devant une brèche authentifiée : rhinorrhée, pneumatocèle (ou méningite), après cicatrisation des éventuelles plaies cutanées.

La réalisation d’un volet bifrontal est nécessaire dans l’abord des brèches frontales et ethmoïdales.

La réparation de la dure-mère est faite par une plastie d’épicrâne endo- et exodurale.

L’utilisation de colle biologique renforce l’étanchéité au niveau des plasties.

L’exploration endodurale amène parfois à évacuer une contusion frontale sous-jacente.

Celle-ci est effectuée jusqu’aux nerfs optiques et au jugum pour ne pas méconnaître l’existence d’une brèche postérieure.

L’exérèse de la paroi interne des sinus frontaux et la cranialisation des canaux frontonasaux complètent le geste d’étanchéité ; la mise en place de greffons osseux destinés à reconstruire la base du crâne est parfois nécessaire.

En règle générale, cette intervention, conduite sous antibiothérapie périopératoire, donne de bons résultats, mais les séquelles olfactives (et parfois optiques) sont définitives, de même que les méningites à répétition ne sont pas exceptionnelles, conduisant alors à des interventions itératives.

En cas d’écoulement d’origine sphénoïdale, la voie transrhinoseptale pourra être proposée pour réparer la brèche par voie basse et combler le sinus sphénoïdal.

B- Otorrhée par fracture de l’os pétreux :

L’otorrhée est une complication des fractures de l’os pétreux avec brèche méningée.

Elle se tarit spontanément dans presque tous les cas.

Une dérivation lombaire du LCS peut accélérer l’évolution favorable de cette complication.

La couverture antibiotique est souhaitable et un bilan otorhinolaryngologique à distance portera sur les séquelles auditives et les lésions du tympan.

Ces brèches ostéoméningées peuvent être responsables immédiatement ou plus souvent à distance de complications infectieuses.

Fistules carotidocaverneuses :

Elles surviennent, soit après un traumatisme direct intéressant le sinus caverneux et la carotide interne à son niveau, soit, plus souvent, par un arrachement de branches collatérales de la carotide interne intracaverneuse.

L’installation rapidement progressive d’une exophtalmie pulsatile conduit au diagnostic, qui est confirmé par l’auscultation, d’un souffle systolodiastolique souvent intense, entendu et « ressenti » par le patient.

La sémiologie peut se compléter d’un syndrome du sinus caverneux, pouvant aller jusqu’à l’ophtalmoplégie complète par atteinte des nerfs oculomoteurs et du nerf ophtalmique.

Il peut s’y associer une atteinte de la fonction visuelle, soit par le retentissement de l’hyperpression au niveau de la rétine, soit par lésion traumatique associée du nerf optique.

Les angiographies carotidiennes sélectives confirment le diagnostic, la nature exacte des lésions et permettent le traitement radical par pose de ballonnets largables au niveau de la fistule.

Dissection de la carotide :

Elle survient le plus fréquemment sur la carotide interne extracrânienne.

Il faudra y penser devant un accident ischémique survenu après un traumatisme, d’autant plus qu’il existe des céphalées et des cervicalgies.

Le diagnostic est fait par l’échotomographie doppler et l’angiographie.

Le traitement repose sur l’héparinisation intraveineuse qui permet, le plus souvent, une reperméation de la lumière artérielle.

Le pronostic reste lié à la sévérité des lésions ischémiques initiales.

Lésions à distance :

A – Épilepsie post-traumatique :

Son apparition est retardée d’environ 1 ou 2 mois après le traumatisme.

Ce délai correspond au temps nécessaire à la constitution d’une cicatrice gliale au niveau de la lésion corticale.

L’EEG n’est pas toujours performant au début des crises ; les anomalies spécifiques n’apparaissent qu’après la maturation du foyer.

Elle doit être traitée en fonction de la sémiologie des crises et par des anticomitiaux adaptés.

Leur prescription de manière préventive ne doit, selon nous, être effectuée que dans des cas précis : plaie craniocérébrale, crise convulsive précoce.

L’instauration du traitement est immédiate à la phase aiguë et poursuivie à distance.

La carbamazépine, la phénytoïne et le phénobarbital peuvent participer aux perturbations du bilan neuropsychologique dans les suites immédiates du traumatisme.

Quelle que soit la durée du traitement instauré, qui reste à l’heure actuelle affaire de conviction personnelle, nous insisterons sur les modalités de l’arrêt : il est important de faire part au patient du risque de crise et, autant que possible, d’en dédramatiser les conséquences médicales et sociales.

Le nombre important des effets secondaires des anticomitiaux est un argument supplémentaire poussant à effectuer des tentatives de sevrage.

Celles-ci seront menées en plein accord entre le médecin et le patient.

B – Hydrocéphalie :

Elle résulte d’un trouble de la résorption du LCS, survenant principalement après un traumatisme ayant comporté une hémorragie sous-arachnoïdienne.

Elle peut être d’apparition rapide (après l’éveil du coma) ou tardive (plusieurs mois), réalisant de façon insidieuse la triade classique : troubles des fonctions supérieures, troubles de la marche, troubles sphinctériens.

Le scanner montre la dilatation ventriculaire, un effacement des sillons et des hypodensités périventriculaires témoignant de la résorption transépendymaire.

Le traitement consiste en la mise en place d’une valve de dérivation ventriculaire interne du LCS.

Plusieurs réflexions concernant l’hydrocéphalie post-traumatique s’imposent :

– il faut la redouter de façon précoce dans les traumatismes touchant la fosse postérieure et dans les hémorragies intraventriculaires ;

– les lésions diffuses de la substance blanche peuvent occasionner une dilatation ventriculaire qui ne correspond pas à une hydrocéphalie « active » ;

– comme dans l’hydrocéphalie « à pression normale », la décision chirurgicale est prise devant des arguments cliniques et scanographiques.

La responsabilité de la dilatation ventriculaire dans la genèse des troubles peut être confirmée par la soustraction de LCS qui améliore la symptomatologie.

Bien souvent, ce n’est que la mise en place d’une dérivation interne du LCS qui représentera le véritable test diagnostique… et thérapeutique.

C – Complications infectieuses :

Les lésions infectieuses encéphaliques font suite à une effraction de la dure-mère.

1- Abcès cérébral :

Il est rare, le plus souvent dû à un corps étranger ou à l’existence de fragments d’os embarrés en regard d’une plaie souillée, insuffisamment parée.

Le tableau est celui d’un processus expansif intracrânien avec HTIC progressive et signes de localisation. Les signes infectieux cliniques ou biologiques sont rares.

Le scanner avec injection de produit de contraste conduit aisément au diagnostic.

Le traitement est chirurgical, par ponction de l’abcès associé à une antibiothérapie adaptée en fonction du germe retrouvé à la ponction.

Il s’agit, le plus souvent, d’un staphylocoque doré.

L’image TDM peut persister longtemps après la ponction chirurgicale.

La décision de reprise pour exérèse de la coque ou lobectomie emportant l’abcès ne sera prise qu’en fonction d’arguments cliniques neurologiques.

2- Méningite post-traumatique :

Elle témoigne de l’existence d’une communication entre les espaces sousarachnoïdiens et les cavités pneumatiques de la face et de la base du crâne.

Son étiologie principale est la fracture de l’étage antérieur.

La rhinorrhée et la fracture de la base pouvant passer inaperçues, la méningite à distance est parfois le mode de découverte de l’existence d’une brèche dure-mérienne.

Le germe le plus souvent rencontré est le pneumocoque.

Le scanner en coupes coronales avec fenêtres osseuses objective la fracture responsable de la brèche méningée.

Si celui-ci est normal, il ne faudra pas hésiter à pratiquer une IRM pour « traquer » la brèche.

Le traitement consiste en une antibiothérapie parentérale adaptée, associée à une plastie de l’étage antérieur.

Les récidives sont possibles, conduisant à des interventions itératives.

3- Thrombophlébites septiques :

Elles sont la conséquence de la propagation d’une infection de voisinage à la dure-mère périsinusienne.

Leur symptomatologie est variable, en fonction du sinus thrombosé.

Il existe cependant toujours des signes infectieux associés à des signes d’HTIC et, souvent, à une épilepsie.

Elles sont reconnues au scanner sans et avec injection, ou mieux à l’angiographie cérébrale.

Le traitement comprend antibiothérapie, anticoagulants, antiépileptiques et lutte contre l’HTIC.

4- Empyèmes sous-duraux :

Ils sont constitués par un épanchement de pus dans les espaces sous-duraux de la convexité ou le long de la faux du cerveau.

Ils peuvent survenir après des méningites, des thrombophlébites ou après une cure chirurgicale de l’HSD (complication iatrogène).

Leur symptomatologie associe signes généraux et de localisation, avec une tendance très marquée à l’épilepsie généralisée.

Leur traitement est le plus souvent chirurgical avec lavage, drainage de l’espace sous-dural.

Séquelles :

L’état séquellaire est défini comme un état pathologique résiduel qu’aucun traitement n’est plus capable de faire évoluer.

A – Séquelles des traumatismes mineurs :

Il s’agit de traumatismes n’ayant pas occasionné de troubles de la conscience ou de déficits neurologiques.

Le tableau séquellaire représente le classique syndrome postcommotionnel dit « subjectif ».

Les céphalées sont fréquentes, sans caractère particulier, résistantes aux antalgiques.

Les vertiges ou les sensations vertigineuses aux changements de position sont décrits de façon quasi constante.

Les troubles neuropsychiques sont variés : agoraphobie, troubles mnésiques, irritabilité, tendance dépressive, asthénie psychique et sexuelle, troubles du sommeil…

L’ensemble de ces plaintes subjectives s’estompe le plus souvent en quelques mois : une bonne relation médecin-malade, au besoin associée à une psychothérapie, peut permettre une guérison rapide, sans recours à des thérapeutiques médicamenteuses.

L’évolution péjorative vers des névroses ou des états psychasthéniques devra bénéficier de thérapeutiques spécifiques.

Quoi qu’il en soit, l’incapacité permanente partielle (IPP) ne devra jamais dépasser 10 % dans ce type de traumatisme.

B – Déficits neurologiques séquellaires :

Ils font suite à des lésions focalisées, leur importance pour la réinsertion socioprofessionnelle dépend de la localisation cérébrale et du mécanisme du traumatisme.

1- Traumatisme ouvert :

Les séquelles sont lourdes et fixées (aphasie dans les atteintes du carrefour de l’hémisphère dominant, déficit sensitivomoteur des atteintes rolandiques…).

2- Traumatisme fermé :

Le siège des contusions cérébrales est habituellement frontal ou temporal.

L’évolution des déficits est plus fréquemment favorable.

Les séquelles mnésiques sont en revanche fréquentes et lourdes.

L’évaluation de l’incapacité définitive ne pourra se faire qu’au bout de 2 ans, après une rééducation active et des examens neurologiques répétés.

C – Séquelles des lésions cérébrales diffuses :

Ces lésions sont responsables d’un coma dont la durée peut varier de quelques jours à quelques mois.

Au terme de l’évolution, qui peut s’étendre sur 3 à 5 ans, les séquelles sont présentes dans 60 % des cas.

Les états végétatifs sont représentés par la perte de la vie de relation.

Seuls persistent les mouvements oculaires et l’autonomie respiratoire.

Les états de dépendance physique (dus aux séquelles motrices) et psychique ne permettent pas le retour en milieu familial et nécessitent un placement en centre spécialisé.

Les séquelles psychomotrices sont fréquentes, caractérisées par un ralentissement dans les activités motrices et intellectuelles.

Il est nécessaire d’effectuer un bilan neuropsychologique approfondi pour les dépister et ne pas les omettre lors de la détermination du taux d’IPP.

D – Séquelles chez l’enfant :

Le traumatisme sur un cerveau en développement peut marquer un arrêt dans l’évolution psychoaffective et compromettre les acquisitions ultérieures.

En dehors des séquelles neurologiques focalisées, les troubles des fonctions supérieures doivent être explorés par des épreuves spécifiques lorsqu’il existe des difficultés de réinsertion familiale ou scolaire.

Pour un coma prolongé avant l’âge de 13 ans, l’évolution est marquée par une baisse du quotient intellectuel (QI) et un retard de 2 ans au minimum : 9 cas sur 15 pour Levin.

Chez le petit enfant, les apraxoagnosies idéatoires ou idéomotrices sont fréquemment retrouvées.

L’acquisition de nouvelles praxies est difficile après 6 ans.

Le langage, tant oral qu’écrit, est aussi fréquemment détérioré.

L’acceptation du handicap par les parents est un problème quotidien : le déficit moteur est beaucoup mieux vécu que les échecs scolaires et les troubles du comportement.

La première période post-traumatique est ressentie comme une seconde naissance, mais la découverte progressive des troubles du comportement ou de la stagnation des acquisitions va faire renaître les sentiments de culpabilité et aboutir à des réactions parfois très opposées : divorce, surprotectionnisme, demande de placement…

En pratique, pour les enfants les plus grands (13-15 ans), il n’est pas souhaitable d’envisager une consolidation avant 3 ans.

Pour tous les autres, celle-ci ne devra être effectuée qu’à l’âge de 15 ans.

Pronostic des traumatismes crâniens :

Le pronostic et le devenir des traumatisés crâniens dépendent de nombreux facteurs :

– la prise en charge sur les lieux de l’accident et dans les hôpitaux ;

– l’âge ;

– l’état clinique initial (GCS) ;

– le type de lésions cérébrales ;

– l’association à un polytraumatisme.

A – Prise en charge :

Elle ne peut que s’améliorer grâce aux moyens de télémédecine qui facilitent le dialogue entre les différents intervenants.

B – Âge :

La notion de récupération, meilleure chez les sujets jeunes, est classique. Luerssen l’a vérifié sur une série de 8 841 patients, dont 21,4 % avaient moins de 14 ans.

La mortalité de cette sous-population a été étudiée et comparée à l’ensemble en fonction du mécanisme du traumatisme crânien, du GCS, des signes de localisation, de la pression artérielle, de la réactivité pupillaire, de l’association à d’autres traumatismes, de l’existence d’un HED ou d’un HSD.

En dehors des patients atteints d’un HSD ou de ceux présentant une HTIC sévère, la population pédiatrique présente une mortalité inférieure (2,5 pour 10,4 %).

La mortalité augmente avec l’âge, chez les adultes.

En revanche, pour la population pédiatrique, on notera que la mortalité a plutôt tendance à décroître avec l’âge.

C – État clinique initial (GCS) :

Raggueneau, dans une étude multicentrique de 921 traumatisés graves (GCS < 7), constate 43 % de mortalité.

Il note 94 % de décès pour un GCS à 3, et 16 % pour un GCS à 7.

Les thérapeutiques récentes n’ont pas modifié le pronostic.

La qualité de la survie (réinséré, dépendant, végétatif) est corrélée de la même façon au GCS initial.

Celle-ci ne doit être jugée qu’au moins 3 ans après le traumatisme.

D – Type de lésions cérébrales :

La mortalité est élevée chez les traumatisés qui présentent un hématome intracrânien non opéré, 62 % dans la série de Raggueneau.

Elle est de 52 % dans les lésions axonales diffuses et de 44 % dans les contusions focalisées.

E – Association à un polytraumatisme :

En dehors du pronostic lié aux lésions viscérales et à la précocité de leur traitement, il faut insister sur l’aggravation des lésions parenchymateuses due à une anoxie ou à une hypovolémie.

La synthèse ou la mise en traction des fractures est indispensable pour éviter la survenue d’embolies graisseuses qui alourdissent le pronostic.

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