Traumatismes fermés du thorax

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Les accidents de la voie publique sont responsables de 70% des traumatismes fermés du thorax, et 25 % des décès immédiats leur sont imputables.

La mortalité est secondaire à deux types de désordres : les détresses respiratoires et les détresses circulatoires.

Physiopathologie des traumatismes fermés du thorax :

Mécanismes lésionnels :

Traumatismes fermés du thorax
1- Chocs directs :

C’est le mécanisme le plus fréquent.

On distingue les traumatismes à thorax fixe des traumatismes à thorax mobile.

Dans le premier cas, l’agent vulnérant vient frapper le thorax.

La gravité de ces traumatismes dépend de la masse, de la vitesse et de la forme de l’agent vulnérant.

Les traumatismes à thorax mobile sont représentés par les chutes sur obstacle.

La gravité de ces traumatismes est fonction de l’importance de la variation de vitesse, du siège et de la direction de l’impact.

Le déplacement de ces organes dans le thorax est à l’origine d’arrachement au niveau de leur point fixe.

2- Traumatismes par compression :

Ce mécanisme est responsable de lésions pariétales et de contusions myocardiques ou pulmonaires.

3- Lésions retrouvées dans les chocs directs et les compressions :

Elles intéressent la paroi thoracique et son contenu.

La paroi est constituée par le gril costal, siège de fractures, et du diaphragme, siège de rupture.

Les fractures intéressent le plus souvent les côtes (de la troisième à la dixième).

La fracture des premières côtes signe la violence du traumatisme et doit faire rechercher une lésion de l’aorte et des troncs supra-aortiques.

La fracture des dernières côtes doit faire rechercher des lésions des organes intra-abdominaux.

La rupture des coupoles diaphragmatiques est secondaire à une hyperpression abdominale ; dans 80 % des cas elle siège au niveau de la coupole gauche.

Parmi les éléments endothoraciques, on distingue d’abord les éléments vasculaires (coeur, aorte, troncs supra-aortiques).

La contusion myocardique est la principale lésion cardiaque, le plus souvent secondaire à une compression ou à l’écrasement du coeur sur le sternum.

Les décélérations brutales sont responsables de rupture de l’aorte, cisaillement de la paroi aortique entre sa portion mobile (crosse aortique) et sa partie fixe (aorte descendante).

L’arbre bronchique peut être le siège de ruptures (cisaillement lors des décélérations, étirement lors de compression).

Le parenchyme pulmonaire peut être le siège d’une contusion avec irruption de sang et d’air dans la zone contuse.

Physiopathologie de la détresse respiratoire :

A – Troubles de la mécanique ventilatoire :

Participent à cette mécanique le système nerveux central, la paroi thoracique et le parenchyme pulmonaire.

Le dysfonctionnement d’un de ces éléments peut être à l’origine d’une détresse respiratoire.

1- Détresse respiratoire d’origine neurologique :

Elle est due aux traumatismes crâniens, mais aussi aux traumatismes médullaires cervicaux.

2- Détresse respiratoire d’origine pariétale : les volets thoraciques

Les volets thoraciques sont définis comme une solution de continuité ou de rigidité pariétale.

Il s’agit de la principale cause de détresse respiratoire traumatique.

Leur tolérance est fonction de leur taille, de leur siège et du terrain.

L’hypoxie est secondaire à une hypoventilation alvéolaire par hypocinésie pariétale (le concept de « respiration paradoxale » est faux : en fait, la paroi thoracique et le volet se mobilisent dans le même sens, mais avec des amplitudes différentes responsables d’une hypocinésie pariétale).

Les volets thoraciques antérieurs et latéraux sont caractérisés par leur instabilité.

Au contraire, les volets postérieurs recouverts de l’omoplate et des muscles dorsaux sont stables.

Les autres causes pariétales sont les ruptures du diaphragme qui amputent le volume pulmonaire.

En effet, la différence de pression entre l’abdomen (pression positive) et le thorax (pression négative) provoque une aspiration des viscères abdominaux dans le thorax.

On en rapproche les épanchements pleuraux qui diminuent également le volume pulmonaire.

3- Détresse par obstruction bronchique :

L’obstacle bronchique est provoqué par une obstruction des voies aériennes supérieures, lors des traumatismes faciaux associés, ou par une rupture bronchique.

L’encombrement bronchique est également une cause d’encombrement.

Celui-ci est favorisé par le stress et par l’hypoventilation secondaires au traumatisme pariétal.

B – Altération des échanges alvéolo-capillaires :

La première cause de lésion de la membrane alvéolo-capillaire est la contusion pulmonaire.

Dans ce contexte, l’hypoxie s’explique par trois phénomènes : l’effet shunt par l’existence de zones perfusées non ventilées, le shunt vrai par brèches vasculaires, et l’amputation du parenchyme pulmonaire.

Physiopathologie de la détresse circulatoire :

Deux types d’état de choc peuvent être évoqués lors des traumatismes fermés du thorax.

Les chocs cardiogéniques ont plusieurs causes.

Bien que sous-estimée, la contusion myocardique semble en être la première cause.

Mais, ils peuvent également être secondaires à une lésion valvulaire ou à une tamponnade.

Les chocs hypovolémiques sont secondaires à une hémorragie extériorisée ou non.

Parmi les causes thoraciques d’hémorragies, on doit évoquer une rupture de l’aorte (dans 90 % des cas au niveau de l’isthme) ou des vaisseaux supra-aortiques.

Diagnostic :

La préoccupation essentielle du praticien est l’appréciation de la gravité du traumatisme qui dépend de l’importance des lésions et du terrain.

A – Traumatismes de la paroi thoracique :

Le diagnostic de fracture de côte est essentiellement clinique.

Évoqué devant une douleur thoracique accentuée par les mouvements respiratoires, il est confirmé par l’examen clinique qui retrouve une douleur exquise à la palpation du foyer de fracture.

La radiographie du gril costal confirme le diagnostic dans deux tiers des cas.

La radiographie du thorax a pour intérêt la recherche de complications de ces fractures de côtes, tel qu’un épanchement pleural.

La fracture des deux dernières côtes doit faire rechercher une lésion abdominale.

Les examens doivent être complétés par une échographie abdominale.

Les fractures du sternum sont évoquées par une douleur à la palpation qui perçoit parfois une « marche d’escalier », lors des fractures déplacées.

Le diagnostic est confirmé par la radiographie de sternum de profil.

Une fracture du sternum doit impérativement faire rechercher une contusion myocardique.

Les ruptures du diaphragme sont suspectées devant l’association d’une douleur thoracique et d’une contusion abdominale.

L’auscultation thoracique peut retrouver des bruits hydro-aériques.

Les images à rechercher sur la radiographie de thorax sont l’ascension de la coupole et la présence dans le thorax de viscères abdominaux.

La mise en place d’une sonde naso-gastrique sensibilise cet examen.

L’échographie abdominale peut retrouver une solution de continuité du diaphragme.

B – Épanchements pleuraux :

Ils peuvent être gazeux (à partir d’une brèche pulmonaire), liquidiens ou mixtes.

Le syndrome d’épanchement gazeux de la plèvre (pneumothorax) associe une douleur thoracique, une dyspnée, un tympanisme à la percussion, et une disparition du murmure vésiculaire à l’auscultation.

À la radiographie pulmonaire, on recherche une hyperclarté périphérique avec perte de la trame vasculaire. Parfois, la radiographie est non contributive.

Le scanner thoracique affirme toujours le diagnostic.

Le pneumothorax suffocant est une urgence vitale qui doit systématiquement être évoquée devant l’association d’une dyspnée et d’un collapsus.

La radiographie de thorax retrouve un pneumothorax avec déviation médiastinale controlatérale.

Un épanchement liquidien (sanglant) de la plèvre est évoqué devant une matité thoracique à la percussion, associée à une abolition du murmure vésiculaire.

On observe sur la radiographie thoracique, en position assise, une opacité homogène de la base effaçant le cul-de-sac pleural (ou un poumon blanc dans les épanchements de grande abondance).

Si la radiographie est faite en position couchée, une asymétrie des champs pulmonaires est retrouvée pour les épanchements de plus de 200 cm3.

L’échographie, réalisable en salle d’urgence, visualise l’hémothorax.

Il est toujours confirmé par le scanner thoracique.

Épanchements gazeux et liquidiens sont souvent associés.

C – Contusions pulmonaires :

Les signes cliniques de contusion pulmonaire sont peu spécifiques.

On retrouve une polypnée et une diminution du murmure vésiculaire. Les images radiologiques de contusion pulmonaire sont d’aspects variables : opacités nodulaires plus ou moins confluantes à limites floues ou opacités homogènes.

Ces signes radiologiques sont d’apparition retardée.

Ils sont visibles immédiatement sur le scanner qui est l’examen de référence.

D – Traumatismes des voies aériennes :

Ils sont définis comme la rupture complète de la paroi de l’arbre bronchique, entre le larynx et l’orifice des bronches segmentaires.

La clinique et les examens radiologiques permettent de suspecter le diagnostic qui est confirmé par l’endoscopie. Le tableau clinique est extrêmement variable ; il peut être très bruyant, associant une détresse respiratoire, un emphysème cervico-médiastinal, une hémoptysie et un pneumo- ou hémopneumothorax.

Il peut être discret, et le diagnostic suspecté secondairement sur un bullage prolongé des drains, une mauvaise réexpansion pulmonaire ou une atélectasie.

La rupture trachéale peut être découverte par une dyspnée aiguë lors de l’extubation.

La radiographie thoracique est évocatrice lorsqu’il existe l’association d’un pneumothorax, d’un pneumomédiastin, et d’un emphysème sous-cutané.

Le pneumomédiastin se traduit radiologiquement par une clarté linéaire dessinant le bord du médiastin.

L’examen de référence est l’endoscopie bronchique qui précise la topographie et les caractéristiques de la lésion.

Ces lésions vont de la simple fissure de la membraneuse postérieure à la rupture complète circonférentielle, avec interposition de tissu trachéobronchique. L’endoscopie bronchique n’est réalisable que chez un patient porteur d’un drainage pleural.

E – Rupture traumatique de l’aorte :

Cette lésion doit être évoquée devant tout traumatisme thoracique avec décélération importante.

Il n’existe pas de signes cliniques spécifiques.

On retrouve une instabilité hémodynamique dans la moitié des cas, une asymétrie des pouls dans seulement un dixième des cas.

La radiographie du thorax en salle d’urgence, anormale dans 85 % des cas, permet d’évoquer le diagnostic par l’existence de signes indirects.

Cette radiographie doit être réalisée dans la mesure du possible en position assise.

On recherche un déplacement des structures normales : déviation de la trachée à droite, abaissement de la bronche souche gauche, déplacement à droite de la sonde nasogastrique en regard du bouton aortique.

Il existe également une perte de contours habituels des organes médiastinaux : élargissement du médiastin, perte du contour du bouton aortique, comblement de la fenêtre aorto-pulmonaire.

L’existence de ces images suspectes doit faire pratiquer des examens complémentaires (dont la hiérarchie n’est pas encore établie).

L’examen de référence était l’aortographie, mais le scanner spiralé avec injection de produit de contraste est un examen d’une grande sensibilité et spécificité.

L’échographie transoesophagienne est également un examen d’une grande rentabilité et qui ne nécessite pas le déplacement du patient.

F – Traumatisme non pénétrant du coeur :

Il existe une grande variation clinique des traumatismes cardiaques : du tableau extrêmement urgent de la tamponnade à l’examen cardiologique normal.

Le tableau clinique de la tamponnade associe à un état de choc, des signes de défaillance cardiaque droite avec turgescence des veines jugulaires, et un pouls paradoxal. Les bruits du coeur sont assourdis à l’auscultation cardiaque.

Le diagnostic de contusion cardiaque est difficile.

L’examen clinique peut être normal ou au contraire il peut exister une grande défaillance cardiaque.

L’électrocardiogramme peut mettre en évidence des troubles du rythme ou de conduction.

Le dosage des enzymes cardiaques est peu contributif, le dosage de la troponine est en cours d’évaluation.

Le diagnostic repose sur l’échographie cardiaque, en particulier transoesophagienne.

Cet examen permet de visualiser des troubles de la cinétique ventriculaire.

L’échographie permet le diagnostic de lésions valvulaires suspectées par la présence d’un souffle à l’auscultation.

Conduite à tenir en situation d’urgence :

A – Prise en charge préhospitalière dans les traumatismes du thorax :

1- Il convient d’abord d’apprécier la gravité des traumatismes du thorax par la recherche de signes de détresse vitale :

Les signes de détresse respiratoire sont la polypnée avec une fréquence respiratoire supérieure à 35/min, une cyanose (qui peut être masquée par une anémie sévère) et des signes de lutte respiratoire (tirage, respiration paradoxale, ballonnement thoraco-abdominal).

Les signes de détresse circulatoire sont la chute tensionnelle associée à une tachycardie.

L’examen des veines jugulaires est extrêmement important, puisqu’il oriente le diagnostic vers un choc hypovolémique ou une tamponnade.

Le mécanisme du traumatisme, les lésions associées mais également le terrain de la victime et de ses antécédents font partie des critères de gravité.

2- Prise en charge thérapeutique :

Elle a pour but d’assurer une hématose correcte et une stabilité hémodynamique.

L’hématose est assurée par la libération des voies aériennes, la position latérale de sécurité du côté traumatisé pour les patients inconscients, et l’oxygénothérapie.

La ventilation assistée contrôlée (VAC) ne peut être débutée qu’après s’être assuré de la vacuité pleurale et après mise en place d’un drainage thoracique.

Les indications de ventilation assistée contrôlée sont neurologiques (Glasgow < 8), hémodynamiques, et ventilatoires (fréquence respiratoire > 35/min, épuisement, SaO2 < 90 % sous O2).

La mise en place d’un drain thoracique en préhospitalier n’est effectuée que contraint et forcé après une ponction exploratrice à l’aiguille.

Elle s’impose en cas de pneumothorax suffocant après réalisation d’une exsufflation par ponction, dans le deuxième espace intercostal sur la ligne médio-claviculaire.

La stabilité hémodynamique est assurée par le contrôle de la spoliation sanguine (compression des hémorragies extériorisées) et par compression de perte sanguine (mise en place de 2 grosses voies veineuses).

Lors d’hémothorax très abondant, il peut être proposé une autotransfusion du sang drainé.

Celui-ci doit être recueilli par un système stérile et retransfusé en utilisant un filtre à 40 m.

La quantité autotransfusée doit être inférieure à 50% de la masse sanguine pour éviter les problèmes d’hémostase.

Elle est contre-indiquée en cas de plaie abdominale.

Les hémoptysies importantes imposent une intubation sélective.

En pratique, on réalise une intubation sélective à droite s’il n’existe pas d’amélioration clinique, on met en place une sonde de Foley dans la bronche souche gauche, alors que la sonde est remontée dans la trachée et permet une ventilation du malade).

La prise en charge préhospitalière des traumatismes du thorax doit également assurer le contrôle de la douleur et la gestion des lésions associées.

B – Prise en charge hospitalière des traumatismes du thorax :

Il est très important que le service d’accueil soit préalablement prévenu de l’arrivée d’un traumatisme thoracique du thorax (préparation du personnel et du matériel).

1- À l’arrivée du traumatisé :

Un nouveau bilan lésionnel est réalisé avec prélèvements biologiques en urgence : groupe Rhésus, numération formule sanguine, hémostase, gaz du sang, enzymes cardiaques, et électrocardiogramme.

Le traitement des détresses vitales est poursuivi de la même façon qu’en préhospitalier.

C’est à l’accueil qu’est prise la décision d’intervenir en urgence ou de réaliser les explorations complémentaires par tomodensitométrie, échographie, etc.

2- Bilan initial lors de la première heure :

Un examen clinique plus précis est réalisé (inspection, palpation, percussion).

Les examens morphologiques indispensables sont la radiographie de thorax, la radiographie de bassin (tout sondage urinaire est contre-indiqué si les radiographies n’ont pas été réalisées).

Une échographie abdominale à la recherche d’un épanchement intra-abdominal permet également de visualiser un épanchement pleural ou un épanchement péricardique.

À la fin de ce premier bilan peut être posée l’indication d’une thoracotomie en urgence : arrêt circulatoire préhospitalier ; drainage thoracique ayant donné 1 200 cm3 d’emblée ou 300 cm3/h ; arguments radiographiques ou échographiques.

C – Bilan des 24 premières heures :

Les radiographies standard permettent de faire le bilan des lésions associées (en particulier les radiographies du rachis cervical qui sont systématiques).

On pratique : un scanner cérébral, s’il existe des troubles de la conscience ou des signes de localisation neurologique ; un scanner thoracique avec injection de produit de contraste et un scanner abdominal ; et en fonction des arguments cliniques et paracliniques, des examens plus spécifiques qui peuvent être nécessaires au bilan lésionnel (artériographie aortique et endoscopie bronchique).

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