Traumatismes du rachis

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Rappel anatomique :

Toute atteinte traumatique du rachis peut compromettre l’une de ses deux fonctions.

Traumatismes du rachis
A – Protection nerveuse :

Le canal vertébral formé en avant par la partie postérieure du corps vertébral (ou « mur postérieur »), en arrière par les arcs postérieurs, support des apophyses articulaires, et latéralement par les pédicules, moyens d’union des arcs au corps vertébral, protège la moelle présente jusqu’à L2 et les racines de la queue de cheval au-dessous.

B – Statique et dynamique :

  • La statique est assurée, en avant, par l’empilement des corps vertébraux et des disques et, en arrière, par la double succession des apophyses articulaires qui peuvent supporter au niveau du rachis lombaire jusqu’à un tiers du poids du corps ; rectiligne dans le plan frontal, ce véritable « mât » rachidien présente dans le plan sagittal une alternance de lordose (cervicale et lombaire) et de cyphose (thoracique et sacrée), équilibrées, qui renforcent sa solidité.

La majorité des traumatismes rachidiens succédant à des contraintes excessives en flexion vont créer une « cyphose traumatique » par disparition des lordoses ou exagération des cyphoses physiologiques.

  • La mobilité est assurée par la faculté d’amortissement des disques en avant et le jeu des articulaires en arrière ; au rachis cervical, la mobilité est à son maximum, en particulier la rotation dont le siège électif est l’articulation entre l’atlas (qui ne possède pas de corps vertébral) et l’axis ; cette grande liberté de mouvement est limitée par la présence des ligaments intercorporéaux longitudinaux, essentiellement le postérieur, qui jouent un rôle de frein.

Au rachis lombaire bas, les deux derniers étages sont très mobiles et doivent être respectés au maximum.

Diagnostic :

Il est essentiel de faire au plus tôt le diagnostic de lésion rachidienne et des éventuelles complications pour éviter les 10 % d’aggravation neurologique que l’on constate lors du ramassage et du transport de ces blessés.

  • Sur un blessé conscient, la localisation de la douleur associée ou non à une sensation de paralysie des membres doit attirer l’attention sur le rachis et imposer un transport en rectitude après ramassage selon la technique classique du « pont » : la tête étant maintenue à 2 mains en exerçant une traction douce dans l’axe sur les membres inférieurs ou le bassin ; 2 ou 3 autres personnes soulèvent alors le blessé en positionnant leur mains en arrière du dos, des membres inférieurs.
  • Chez un blessé inconscient, le risque de vomissement où d’inhalation peut faire préférer un transport en décubitus latéral, tête tenue en rectitude ou en légère extension ; de toute façon, le matelas coquille répond le mieux aux impératifs de ce transport qui doit éviter de façon formelle toute flexion antérieure de la tête ou du tronc ; dès qu’une atteinte cervicale est possible, un collier ou une minerve en plastique doivent compléter l’immobilisation.
  • Lorsqu’une lésion médullaire est reconnue ou même suspectée sur les lieux de l’accident, le transport doit être fait par une équipe spécialisée (SAMU) qui veille à maintenir une pression artérielle et une oxygénation correctes.

Par ailleurs, un traitement médicamenteux est immédiatement entrepris pour éviter l’extension de la lésion anatomique au sein de la moelle ; une étude multicentrique, encore en cours d’évaluation, doit préciser quelles sont les substances les plus efficaces (gangliosides ou autres) ; de toute façon, il faut se garder de tout optimisme exagéré quant aux possibilités de ces médications, quel que soit le résultat, contestable d’ailleurs, de certaines études (Braken).

A – Diagnostic clinique :

L’examen clinique doit être le plus complet possible, en particulier sur le plan neurologique, et doit être conduit sans mobilisation du blessé.

1- Examen neurologique :

  • La motricité spontanée est testée pour quelques muscles sélectionnés en raison de leur représentation métamérique.

La réponse est évaluée de 0 (paralysie totale) à 5 (mouvement actif contre résistance) et reportée sur une fiche type IRME (Institut de recherche pour la moelle épinière) dérivée du score ASIA (American spinal injury).

  • L’étude de la sensibilité est effectuée pour les 3 principaux types : superficiel (tact, piqûre), profonde (sens de position des orteils), thermo-algique ; la première est de même reportée sur la fiche d’examen initial.
  • Les réflexes sont généralement abolis en cas de lésion médullaire mais des signes pathologiques peuvent apparaître (Hoffman, Babinski).
  • Il est essentiel d’examiner soigneusement le périnée à la recherche de la sensibilité périanale, du tonus sphinctérien, du réflexe bulbo-caverneux ou clitoridoanal, et de noter la possibilité d’un priapisme permanent ou intermittent, signe de gravité.

Il faut se rappeler en effet que les cordons innervant le périnée sont les plus périphériques et donc atteints en dernier par les lésions anatomiques médullaires qui sont centrales au début et peuvent évoluer aussi bien de façon centrifuge que longitudinale.

  • L’étude des fonctions végétatives est de règle devant tout traumatisme vertébral, en particulier cervical, en connaissant la gravité de l’association bradycardie, hypotension, hypothermie.

2- Cas particuliers :

Deux éventualités particulières sont à considérer :

  • les blessés inconscients chez qui l’examen neurologique peut se résumer à celui des réflexes ; à l’étude des réactions au stimulus douloureux, à l’appréciation du tonus anal en sachant qu’une béance anale est un signe grave d’atteinte médullaire, ne jamais oublier à ce propos l’association possible traumatisme crânienfracture du rachis cervical, et la recherche éventuelle d’un hématome extradural, urgence neurochirurgicale ;
  • les polytraumatisés : des fractures de côtes ou des épanchements intrapleuraux sont très souvent associés aux fractures du rachis thoracique dont ils aggravent les difficultés respiratoires ; le diagnostic de lésion viscérale doit être fait cliniquement et par les méthodes modernes d’investigation, il conserve la priorité dans le pronostic vital.

On doit tenir compte enfin de la possibilité de lésion osseuse, ligamentaire ou vasculaire lors de l’examen neurologique des membres.

B – Conclusion de l’examen clinique :

À ce stade, on doit pouvoir fixer le niveau approximatif de la lésion osseuse et la gravité de l’éventuelle atteinte neurologique.

1- Niveau lésionnel :

Il est indiqué par le « syndrome lésionnel », c’est la première racine nerveuse motrice atteinte, cela correspond en général à la limite supérieure de disparition de la sensibilité superficielle.

Cet élément topographique est essentiel pour orienter les recherches radiographiques.

2- Gravité :

En dehors des rares cas de « choc spinal » caractérisé par une sidération transitoire de la motricité et d’une disparition de la sensibilité qui évolue rapidement vers la récupération, il est essentiel, mais pas toujours facile, de différencier les « atteintes complètes » associant perte totale de la motricité et de la sensibilité des atteintes incomplètes où persistent une fonction médullaire motrice sous-lésionnelle ou une zone de sensibilité.

Des examens répétés ou l’expérience d’un neurologue spécialisé en traumatologie peuvent être utiles.

  • Atteintes médullaires complètes :

– pour les tétraplégies (atteinte des 4 membres, des muscles respiratoires et abdominaux et des sphincters), il faut retenir que toute atteinte médullaire au-dessus de C4 (nerf du diaphragme) peut entraîner, dès les premières heures, une faillite respiratoire nécessitant une assistance mécanique ;

– pour les paraplégies, la dépression respiratoire est de même à considérer mais de façon moins dramatique, surtout si les intercostaux sont respectés ; la paralysie sphinctérienne doit être prise en charge en urgence.

  • Atteintes médullaires incomplètes : elles sont caractérisées par la persistance d’une fonction médullaire sous-lésionnelle, motrice ou sensitive. Parmi celles-ci, retenons 2 syndromes bien individualisés :

– le syndrome central de la moelle, après atteinte cervicale, avec sa paralysie caractéristique prédominant aux membres supérieurs par rapport aux membres inférieurs ; il succède souvent à un traumatisme n’ayant entraîné aucune lésion osseuse ou disco-ligamentaire par simple « ébranlement médullaire ».

Chez les sujets jeunes, il s’agit souvent d’un traumatisme sportif (sport de contact), et la récupération est généralement rapide et complète en quelques minutes.

Il n’en est pas de même chez les sujets âgés où ces ébranlements médullaires surviennent sur un canal cervical étroit arthrosique ; l’atteinte neurologique est plus sévère, la récupération est plus lente et toujours incomplète ;

– le syndrome de Brown-Séquard ou hémiplégie médullaire, avec atteinte motrice unilatérale et sensitive thermo-algésique controlatérale.

  • Atteintes radiculaires :

– syndrome de la queue de cheval avec paralysie flasque de type périphérique des racines sous-jacentes à TXII (muscles des membres inférieurs), troubles sphinctériens, anesthésie « en selle » ;

– radiculalgie paralysante ou non, mono- ou pluriradiculaire, soit aux membres supérieurs (de C5 à D1), soit aux membres inférieurs [cruralgie (L3, L4) ou sciatique paralysante (L5 ou S1)].

C – Diagnostic radiologique :

Toute suspicion de traumatisme rachidien impose la prise de clichés radiographiques ; le diagnostic des différentes lésions rachidiennes peut être fait dans la majorité des cas sur une radiographie de face et de profil, après repérage clinique de la localisation traumatique.

Le blessé ne doit pas être mobilisé, en particulier lors de la prise des clichés de profil.

  • Le cliché de face permet d’apprécier l’axe frontal du rachis, la hauteur des bords latéraux des corps vertébraux, l’alignement vertical médian des apophyses épineuses ; la largeur du corps vertébral sera déterminée sur la distance existant entre les deux pédicules de la vertèbre qui apparaissent comme des « yeux » au niveau du corps vertébral ; son élargissement signe une rupture sagittale de la vertèbre.
  • Sur le profil, la courbure générale des segments rachidiens, la hauteur des corps vertébraux et des disques sont appréciées, on évalue l’avancée (antélisthésis) ou le recul d’un corps vertébral sur la ligne qui unit les bords antérieurs ou postérieurs des corps vertébraux.

On vérifie enfin la place des apophyses articulaires qui, au niveau cervical se recouvrent de haut en bas comme les tuiles d’un toit, alors qu’elles sont parallèles au plan sagittal au niveau lombaire.

  • Des clichés de trois quarts permettent de mieux examiner les arcs postérieurs des vertèbres, et en particulier les apophyses articulaires.
  • Une incidence spéciale, pour mieux dégager la charnière cervico-thoracique, mal visible en raison de la superposition des épaules, « celle du nageur », un membre supérieur relevé au-dessus de la tête.
  • Les tomographies sagittales et frontales sont moins utilisées actuellement.
  • Le scanner est essentiel pour l’appréciation des lésions osseuses ; il renseigne bien sur l’état de la partie postérieure du corps vertébral appelée « mur postérieur » ; la reconstruction en 3 dimensions est un élément intéressant de cette étude en scanographie.
  • L’imagerie en résonance magnétique (IRM), enfin, peut mettre en évidence des lésions discales ou ligamentaires, mais surtout l’atteinte médullaire ou périmédullaire (hématomes extra-duraux par exemple).

Ces 2 derniers examens ont supplanté la myélographie à l’Amipaque qui peut conserver certaines indications, en particulier en cas de contre-indication à l’imagerie par résonance magnétique.

Enfin, même si les clichés initiaux n’ont pas révélé de lésions osseuses, il ne faut pas hésiter à répéter dès le lendemain l’examen radiologique, si les signes cliniques sont en faveur d’une lésion rachidienne.

D – Lésions :

1- Rachis cervical supérieur :

On individualise sous ce terme les 2 premières vertèbres cervicales et leurs moyens d’union ; les 2 lésions les plus fréquentes sont les suivantes.

  • La fracture de l’atlas (C1) : les 2 arcs antérieur et postérieur de cette vertèbre en forme d’anneau de clef peuvent se rompre, entraînant un élargissement de la vertèbre bien visible sur le cliché de face bouche ouverte ;
  • La fracture de l’axis (C2) : deux lésions peuvent siéger au niveau de cette vertèbre :

– la fracture de l’odontoïde, diagnostiquée sur le cliché de face, bouche ouverte et sur un cliché de profil strict.

Cette apophyse verticale qui prolonge vers le haut le corps de C2, peut être fracturée plus ou moins près de sa base, le fragment supérieur basculant soit vers l’avant, soit vers l’arrière avec possibilité d’atteinte de la partie haute de la moelle.

Cette lésion, fréquente chez le sujet âgé, peut entraîner du fait de la proximité des noyaux neurovégétatifs bulborachidiens une complication clinique particulière de type pseudo-ébrieux ;

– la fracture des pédicules de C2 résulte d’un traumatisme en hyperextension forcée de la tête, telle que la réalisait autrefois la pendaison judiciaire d’où son nom de hangman-fracture.

Sur le cliché de profil, la fracture apparaît sous la forme d’un trait vertical, séparant le corps vertébral de l’arc postérieur.

2- Rachis cervical inférieur (C3 à C7) :

Ce sont les fractures les plus fréquentes en raison de la vulnérabilité de ce segment rachidien et de son extrême mobilité.

Elles s’accompagnent de complications neurologiques, médullaires ou radiculaires dans plus d’un tiers des cas.

Elles sont généralement classées en fonction de la force vulnérante qui les a créées.

  • Les lésions en compression se rencontrent dans les accidents de la circulation mais aussi après certains traumatismes particuliers comme les accidents de plongeon, le sujet entrant verticalement tête première dans une eau insuffisamment profonde.

Les lésions radiographiques sont assez caractéristiques réalisant une fracture en teardrop : dans cette fracture, le coin antéro-inférieur de la vertèbre qui a l’aspect d’une larme est détaché par le trait de fracture qui se continue à travers le disque, le ligament vertébral commun postérieur, les capsules des articulaires, le ligament interépineux.

Il existe enfin un recul du mur postérieur dans le canal avec toutes les conséquences neurologiques que l’on peut imaginer.

  • Les lésions en flexion-extension sont séparées selon l’importance croissante de la force vulnérante :

– entorse du rachis cervical : elle résulte le plus souvent d’un choc par l’arrière sur un sujet assis conduisant sa voiture.

Le mécanisme de décélération brutale entraîne dans un premier temps une extension suivie d’une brusque flexion de la tête ; il s’agit du classique « coup du lapin » ou whiplash injury, qui n’occasionne pas de lésion osseuse, mais une simple distension des ligaments péri-rachidiens et une compression du disque. Le tableau clinique est extrêmement polymorphe : cervicalgies, céphalées, vertiges, vomissements, troubles du sommeil, angoisses, etc. en rapport avec un dérèglement vago-sympatique parfois prolongé dans le temps, avec retentissement psychique marqué.

Dans certains cas, l’origine des troubles est une hernie discale traumatique que révèle l’imagerie par résonance magnétique ;

– entorse grave : lorsque le mouvement de flexion forcée est plus important, les ligaments postérieurs interépineux, les capsules articulaires et surtout le ligament vertébral commun postérieur, élément essentiel de la stabilité, peuvent se rompre, c’est l’entorse grave.

Rappelons ses signes radiologiques essentiels visibles sur le cliché de profil : bascule supérieure à 10 ° de l’angle formé par les 2 plateaux vertébraux adjacents au disque lésé, glissement antérieur du corps vertébral (antélisthésis) supérieur à 3 mm, découverte de plus de 50 % de l’apophyse articulaire inférieure, écart inter-épineux anormal.

Tous ces signes peuvent apparaître dès le jour de l’accident mais le plus souvent dans les 48 h ou dans les jours suivants, car la contracture musculaire, réflexe antalgique, maintient initialement les rapports articulaires normaux : un cliché « dynamique », le blessé effectuant volontairement un mouvement de flexion antérieure de la tête, peut aider à faire le diagnostic d’entorse grave ;

– luxation biarticulaire : si le mouvement de flexion antérieure a été encore plus violent, il peut être à l’origine d’une véritable luxation bi-articulaire par destruction de tous les éléments disco-ligamentaires d’union entre deux vertèbres.

Sur la radiographie, on voit que le bord antérieur du corps vertébral sus-jacent dépasse de plus de la moitié de sa largeur celui du corps vertébral sous-jacent ; par ailleurs, les apophyses articulaires inférieures de la vertèbre sus-jacente sont passées en avant des articulaires supérieures de la vertèbre sous-jacente.

Cette lésion est à l’origine de la majorité des tétraplégies complètes.

  • Les lésions en rotation sont responsables de lésions asymétriques portant généralement sur une seule des deux apophyses articulaires qui peut être fracturée ou luxée.

Du fait de la proximité existant entre l’apophyse articulaire et la racine nerveuse qui sort du canal vertébral à ce niveau, cette lésion s’accompagne fréquemment d’une atteinte radiculaire.

Sur le cliché de profil, le corps vertébral sus-jacent dépasse d’un tiers de sa largeur le corps vertébral sous-jacent, les vertèbres supérieures à la lésion apparaissent de trois quarts sur le cliché alors que les vertèbres sous-jacentes restent de profil ; le scanner permet de déterminer avec précision la lésion de l’articulaire.

3- Rachis thoracique et lombaire (TI-sacrum) :

  • La classification la plus adoptée actuellement est celle de Magerl. Elle se fait en 3 groupes classés par ordre de gravité croissante, chaque groupe étant luimême subdivisé en sous-groupes.

On distingue :

– le groupe A où seul le corps vertébral est atteint, en général par un mécanisme de compression ;

– le groupe B où aux lésions du corps vertébral s’associent des lésions des éléments postérieurs en flexion distraction ;

– le groupe C où existent de même lésions antérieures et postérieures, mais en rotation. Pour le groupe A, atteinte exclusive du corps vertébral, nous retiendrons la différence entre les lésions de type A1 et A2 où la partie postérieure du corps vertébral est respectée, des lésions du type A3 où existe un véritable éclatement du corps vertébral, avec atteinte du mur postérieur et rétropulsion de fragments osseux dans le canal vertébral.

Ce sont les fractures comminutives, ou burst fractures des Anglo-Saxons qui sont responsables d’un grand nombre de lésions neurologiques.

Pour les lésions du type B, la vertèbre est littéralement cisaillée d’arrière en avant par un mécanisme de flexiondistraction.

La lésion la plus connue est la fracture de Chance où le trait de fracture passe à travers l’arc postérieur, les pédicules, le corps vertébral, le mécanisme étant généralement celui d’une flexion forcée autour d’un axe antérieur au rachis qui est représenté par la ceinture de sécurité, d’où son nom de seat belt fracture.

Ces lésions sont souvent accompagnées de rupture des éléments viscéraux pré-rachidiens, tels que le pancréas.

Parfois le trait de fracture ne passe pas à travers l’os, mais à travers le disque et les éléments ligamentaires postérieurs.

Enfin, dans les lésions de type C, il existe des atteintes associées du corps vertébral en avant et des articulaires postérieures en arrière.

Les atteintes postérieures sont, du fait du mécanisme rotatoire, asymétriques ; ces lésions postérieures peuvent être associées soit à des lésions osseuses au niveau du corps vertébral, soit à des lésions disco-ligamentaires.

  • Formes cliniques : il existe des différences importantes selon la hauteur de l’atteinte thoraco-lombaire :

– fractures du rachis thoracique : elles succèdent à des traumatismes violents et s’accompagnent 2 fois sur 3 de lésions de la cage thoracique (fractures de côtes, hémothorax, pneumothorax).

Le petit diamètre du canal vertébral à ce niveau et la grande sensibilité de la moelle dorsale au traumatisme expliquent la fréquence des paraplégies complètes ;

– à la jonction thoraco-lombaire : ce sont les fractures qui intéressent les vertèbres de T11 à L2.

Elles représentent 60 % de l’ensemble des lésions thoracolombaires.

Ce nombre important est dû à la brusque différence de rigidité existant entre le rachis thoracique protégé par la cage thoracique et le rachis lombaire beaucoup plus mobile.

À ce niveau, les complications neurologiques sont variables allant des paraplégies complètes, par atteinte de DXI et DXII, à des lésions de type purement radiculaire.

Cette variabilité est due en partie aux différences topographiques de terminaison de la moelle ;

– les fractures lombaires sont des fractures de type comminutif, les lésions neurologiques, par atteinte de la queue de cheval, sont dues le plus souvent au recul dans le canal rachidien de fragments osseux provenant du corps vertébral, déchirant la dure-mère et les racines de la queue de cheval ;

– les fractures du sacrum : le trait est transversal à déplacement modéré, les complications nerveuses sont à type de troubles sphinctériens et sexuels.

Évolution :

Nous envisagerons séparément l’évolution des complications neurologiques et celle des atteintes osseuses ou disco-ligamentaires bien qu’elles soient étroitement liées.

A – Troubles neurologiques :

Leur évolution est fonction de l’anatomo-pathologie des atteintes médullo-radiculaires et de la gravité des signes cliniques initiaux.

1- Évolution en fonction des lésions anatomiques :

Les troubles neurologiques sont dus à :

  • la section médullaire, rare, due à une luxation biarticulaire complète ; aucune récupération n’est à espérer (la moelle, même suturée, ne cicatrisant pas) ;
  • la contusion qui résulte du déplacement brusque et exagéré d’une vertèbre sur une autre lors de l’impact traumatique ; il est à noter que les clichés radiographiques pris après l’accident en position de rectitude sur la table d’examen ne rendent pas compte de l’amplitude du déplacement initial.

Après ce type de traumatisme, les chances de récupération existent mais sont faibles.

Les études expérimentales et cliniques ont montré, en effet, que toute contusion appuyée ou prolongée plus de quelques secondes avait les mêmes conséquences désastreuses que la section médullaire.

Ces lésions médullaires débutent dans la substance grise centrale sous la forme d’hémorragies localisées qui vont s’entourer rapidement de zones oedémateuses, le tout évoluant en quelques heures vers une nécrose irréversible de toute la partie centrale de la moelle.

À ce jour, seule l’extension de l’oedème, tant longitudinale que centrifuge, peut être partiellement contrôlée par une réduction et une fixation précoces des lésions osseuses, l’administration massive de certains médicaments ne constituant qu’un traitement d’appoint ;

  • la compression qui résulte d’une plicature de la moelle à l’intérieur du canal vertébral par angulation traumatique (cyphose le plus souvent) ou d’une sténose du canal par des fragments osseux provenant du corps vertébral.

Les complications neurologiques peuvent être réversibles si l’on replace le plus rapidement possible la moelle dans ses conditions anatomiques normales en réduisant les déformations osseuses ou en enlevant les fragments osseux qui la compriment.

Contusion et compression sont fréquemment associées et il est difficile d’en évaluer la responsabilité réciproque ;

  • la mobilité et la plasticité des racines nerveuses qui leur permettent d’échapper aux agressions osseuses mais elles peuvent être dilacérées, étirées par le traumatisme ou même « coincées », comme cela est fréquent à l’étage cervical, entre deux apophyses articulaires déplacées.

2- Évolution en fonction des signes cliniques initiaux :

L’évolution des complications neurologiques est fonction de leur gravité initiale ; celle-ci est parfaitement résumée dans la classification de Frankel qui établit le pronostic des atteintes médullaires.

  • Tétraplégie ou paraplégie complète : paralysie sensitivo-motrice totale sous-lésionnelle (Frankel A).

Évolution immédiate : en dehors des rares cas de « sidération médullaire » qui peuvent évoluer au cours des 48 premières heures vers la récupération, il n’existe chez ces patients aucun espoir d’une quelconque amélioration clinique au niveau sous-lésionnel.

Chez les tétraplégiques, le pronostic vital est réservé en raison de l’importance du dérèglement neurovégétatif et de la paralysie des muscles respiratoires intercostaux.

Au-dessus de C5 la commande nerveuse diaphragmatique est atteinte et l’hypoxie nécessite trachéotomie et assistance respiratoire mécanique.

Évolution secondaire : après une phase de paralysie flasque, il apparaît une « autonomisation » des centres médullaires sous-jacents à la lésion qui se traduit par des réactions incrontrôlées de contractures au niveau des membres ou « spasticité » ; ces réflexes médullaires seront utilisés pour la rééducation des fonctions sphinctériennes dont l’atteinte est l’un des problèmes dominants des paraplégiques ; toute rétention prolongée pouvant entraîner une infection urinaire, des calculs vésicaux ou rénaux.

La perte de la sensibilité cutanée est à l’origine d’ulcération au niveau des points d’appui (cuir chevelu, sacrum, ischions, talons…) qui peuvent évoluer en quelques heures vers des escarres très étendues ; leur prévention est essentielle par retournements fréquents, massages, utilisation de matelas ou lits spéciaux.

Enfin, la perte de l’autonomie, les troubles sphinctériens et sexuels survenant brutalement chez des sujets jeunes ont bien évidemment un grand retentissement psychologique qui sera vécu de façon différente selon le niveau intellectuel du blessé, l’apport de son entourage ou même ses propres croyances.

  • Tétraplégie ou paraplégies incomplètes ( Frankel B, C ou D) : la persistance d’une zone de sensibilité périnéale en particulier (Frankel B) est de pronostic sérieux mais moins dramatique.

Une activité motrice localisée plus ou moins importante (Frankel C ou D) fait prévoir une possibilité de récupération utile telle que la reprise de la marche : il en est de même pour les syndromes incomplets (syndrome central de la moelle ou Brown- Séquard).

La précocité et la qualité du traitement médicochirurgical initial représentent chez ce groupe de blessés des éléments très importants de récupération.

  • Atteinte radiculaire : le pronostic des atteintes purement radiculaires (syndrome de la queue de cheval, atteinte mono- ou pluri-radiculaire…) est bien meilleur que celui des atteintes médullaires.

La récupération est fréquente, seuls les déficits sphinctériens récupèrent difficilement.

B – Évolution des lésions osseuses ou disco-ligamentaires :

Au niveau du rachis, cette évolution est sous la dépendance d’un phénomène particulier : « l’instabilité » ; définie comme un « défaut de permanence dans la position des fragments », qui va se traduire par une aggravation spontanée du déplacement initial, dans les jours ou les mois qui suivent le traumatisme, de certaines lésions osseuses ou disco-ligamentaires, surtout si une stabilisation orthopédique ou chirurgicale insuffisante a été effectuée.

1- Lésions osseuses :

La compression du corps vertébral peut être à l’origine d’un tassement vertébral évolutif avec progression de la cyphose post-traumatique ; au niveau thoracique ou lombaire cette angulation est mal supportée sur le plan douloureux et fonctionnel au-delà de 20 ° (véritable « cal vicieux du rachis ») et peut par elle-même être à l’origine de complications neurologiques.

Cette instabilité d’origine osseuse est dite « temporaire » car les lésions purement osseuses ont finalement tendance à consolider ; le but du traitement est d’obtenir la consolidation en position la plus anatomique possible.

2- Lésions disco-ligamentaires :

L’évolution est différente car disques et ligaments n’ont aucune tendance spontanée à la cicatrisation ; l’instabilité est dite « durable ».

C’est ainsi qu’une luxation, même bien réduite, peut se reproduire dès que la contention par plâtre ou corset est supprimée ; de même des déplacements, incomplets au niveau des articulaires, peuvent se compléter.

Enfin, lors de la période de cicatrisation et de consolidation, l’immobilisation entraîne une atrophie des muscles péri-rachidiens, cervicaux, dorso-lombaires postérieurs, abdominaux antérieurs et obliques, véritables haubans du mât rachidien.

Ces atrophies musculaires peuvent être très invalidantes et doivent être prévenues par rééducation dès la phase initiale de prise en charge.

Traitement :

Il a un double but, améliorer ou éviter l’aggravation des complications neurologiques lorsqu’elles existent, rétablir une fonction ostéo-articulaire la plus proche possible de la normale sur le plan osseux.

A – Lésion neurologique :

Le traitement doit être effectué en urgence, associant réduction de la lésion, décompression des éléments nerveux, fixation, à l’aide de méthodes chirurgicales qui permettent d’obtenir :

  • une réduction :

– au niveau cervical, elle est obtenue par traction manuelle extemporanée ou progressive par étrier de traction fixe sur le crâne,

– au niveau lombaire, elle est obtenue par la mise en position sur la table d’opération ;

  • une décompression : c’est l’ablation des fragments osseux intracanalaires provenant du corps vertébral ; elle se réalise couramment au niveau cervical par voie antérieure, plus fréquemment au niveau thoraco-lombaire par voie postérieure ;
  • une fixation : elle est confiée à des moyens d’ostéosynthèse tels que plaques ou tiges fixées aux vertèbres par des vis pédiculaires ou des crochets.

Certaines lésions très instables, en particulier les rotations, peuvent nécessiter une double fixation, postérieure par matériel métallique et antérieure sous la forme d’un apport osseux qui va être effectué soit par une large voie d’abord, soit de plus en plus grâce à l’utilisation de techniques vidéoscopiques qui permettent un abord a minima des corps vertébraux antérieurs ; ce support osseux antérieur va permettre d’obtenir la consolidation dans la position de réduction.

B – Fractures sans lésion neurologique :

L’indication sera fonction de l’importance de la lésion osseuse, les tassements vertébraux simples sans atteinte du mur postérieur peuvent être traité par simple réduction posturale et repos pendant quelque temps, associé ou non au port d’un corset ou d’une « minerve » cervicale jusqu’à consolidation des lésions (3 à 4 mois en moyenne).

Les lésions plus sévères de type burst fracture peuvent être traitées au niveau thoraco-lombaire par la méthode « orthopédique » de Boehler qui associe réduction de la fracture sous simple analgésie sur un cadre métallique permettant la mise en lordose progressive par l’intermédiaire de sangles passées sous la colonne du sujet, confection d’un plâtre avec appui sternal pubien et postérieur, maintenant la réduction ainsi obtenue et reprise de la marche avec rééducation immédiate pour éviter l’atrophie musculaire et toutes les complications qui peuvent en résulter.

Le plâtre est généralement conservé 45 jours, suivi de 2 mois d’immobilisation par corset plastique.

Enfin, les lésions réputées instables, comme les luxations cervicales ou thoraco-lombaires, qui imposent la nécessité d’une réduction anatomique parfaite seront traitées chirurgicalement par fixation au moyen de matériel métallique associé ou non à des greffes osseuses postérieures ou antérieures.

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