Tomodensitométrie spiralée dans le diagnostic de l’embolie pulmonaire aiguë

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Introduction :

La tomodensitométrie (TDM) spiralée permet d’investiguer l’ensemble du thorax au cours d’une seule apnée.

Tomodensitométrie spiralée dans le diagnostic de l’embolie pulmonaire aiguëAssociée à l’injection intraveineuse de produit de contraste iodé à l’aide d’une pompe, cette technique permet l’opacification intense de la lumière des artères pulmonaires.

Depuis l’introduction de la technique en 1990, son rôle dans le diagnostic de l’embolie pulmonaire a fait l’objet de nombreuses investigations.

Cette technique présente plusieurs avantages : elle est peu invasive ; elle est rapide ; elle montre directement le caillot ; elle montre les altérations pulmonaires secondaires à l’embolie ; elle permet d’exclure d’autres pathologies thoraciques susceptibles d’expliquer les plaintes ; elle permet de quantifier l’étendue de l’obstruction artérielle.

En plus de ces avantages, l’intérêt porté à cette technique est lié aux défauts des autres méthodes d’imagerie (phlébographie, échographie-doppler des veines des membres inférieurs, radiographie du thorax, scintigraphies de ventilation et de perfusion, angiographie pulmonaire).

Plusieurs algorithmes, basés sur différentes combinaisons de ces méthodes, ont été proposés mais en pratique, les stratégies sont variables en fonction de l’expertise des équipes et de la disponibilité des plateaux techniques.

Dans ce contexte, la place de la TDM spiralée dans le diagnostic de l’embolie pulmonaire doit être basée sur des arguments scientifiques robustes.

Cet article passe en revue ces arguments en se concentrant sur les intérêts de lecteurs non radiologistes.

Précision diagnostique :

La sensibilité et la spécificité de la TDM spiralée dans le diagnostic de l’embolie pulmonaire varient, selon les études, de 75 à 100 %.

Cependant, tous les travaux publiés sont basés sur des échantillons de quelques dizaines de patients seulement. Dès lors, de larges études multicentriques devront être menées à leur terme avant que la précision définitive de la méthode ne soit connue.

Par ailleurs, bien que considérée comme une méthode de référence, l’angiographie pulmonaire n’est pas une méthode diagnostique parfaite.

En effet, Teigen et al ont montré des résultats faussement positifs et faussement négatifs de cette technique et la TDM spiralée peut mettre en évidence des thrombi manqués à l’angiographie.

Enfin, l’interprétation de la TDM spiralée peut être gênée dans diverses conditions normales ou pathologiques, et la qualité de l’interprétation est susceptible de dépendre de l’expérience du lecteur, même si les concordances inter- et intraobservateurs sont bonnes.

La plupart des études ont évalué la TDM spiralée dans le diagnostic des embolies pulmonaires centrales.

Goodman et al ont cependant insisté sur les limites de la TDM spiralée à détecter les embolies soussegmentaires puisque 11 patients sur 20 avec une scintigraphie de probabilité « intermédiaire » avaient des emboles à l’angiographie, parmi lesquels quatre patients avaient des emboles sous-segmentaires, dont un seulement avait été détecté en TDM spiralée.

Cependant, l’angiographie souffre d’une faible concordance interobservateur dans le diagnostic d’embolies soussegmentaires ce qui suggère qu’en pratique quotidienne de tels emboles ne sont souvent pas diagnostiqués.

Même si elles ne surviennent que rarement isolément, on ignore si les embolies pulmonaires soussegmentaires précèdent celles de plus grande taille.

Enfin, l’importance clinique des embolies sous-segmentaires isolées est méconnue, mais elle serait susceptible de dépendre de l’état initial du patient, en fonction d’une pathologie cardiorespiratoire préexistante.

Disponibilité :

L’application pratique des arbres décisionnels dépend de la disponibilité locale des différentes techniques d’imagerie.

Tandis que la répartition des installations de scintigraphie et d’angiographie reste hétérogène, le nombre de tomodensitomètres « spiralés » est très rapidement croissant.

Cette croissance est la conséquence directe d’une politique commerciale des constructeurs qui ne produisent plus d’appareils conventionnels.

L’usage de la TDM spiralée dans le diagnostic de l’embolie pulmonaire est donc promu par l’industrie et par les équipes radiologiques, dont la disponibilité humaine et technique en facilitent l’accès en tant que méthode diagnostique de première intention ou en cas de résultats scintigraphiques équivoques.

Enfin, si le rapport coût-bénéfice intervient largement dans l’intégration d’une nouvelle technique dans les algorithmes cliniques, l’hétérogénéité des systèmes de soins de santé empêche d’appliquer universellement les conclusions d’études menées dans un pays particulier.

Études pronostiques :

Tandis que de nombreux travaux ont évalué les qualités diagnostiques de la TDM spiralée, les études de l’influence des méthodes diagnostiques sur le pronostic sont rares.

Une étude prospective récente a suivi 164 patients qui avaient une scintigraphie de probabilité « intermédiaire ».

La TDM spiralée avait confirmé la suspicion clinique d’embolie pulmonaire chez 112 patients.

Des échographies doppler répétées des membres inférieurs ont toutefois montré un caillot susceptible d’être responsable d’une embolie chez trois patients et trois autres patients ont présenté une récidive d’embolie pulmonaire au cours des 3 mois qui ont suivi l’épisode initial.

Les auteurs en concluent donc que l’exploration TDM initiale était faussement négative dans 5,4 % des patients, qui n’ont dès lors pas bénéficié d’un traitement anticoagulant.

Plus récemment, Garg et al ont analysé rétrospectivement 132 TDM spiralées réalisées pour suspicion d’embolie pulmonaire et, en se basant sur une évolution d’au moins 6 mois plutôt que sur l’angiographie, ils concluent que la valeur prédictive négative de la TDM spiralée atteint 99 %.

Ces premières données indiquent que l’incidence de récidive d’embolie pulmonaire chez des patients avec une TDM spiralée initiale négative est comparable à l’incidence de récidive après une angiographie négative.

Si elle est confirmée par de plus larges séries, cette donnée plaide en faveur de l’intégration de la TDM spiralée dans l’algorithme diagnostique des patients suspects d’embolie pulmonaire aiguë.

Place de la TDM spiralée dans les algorithmes diagnostiques :

L’expérience croissante de la TDM spiralée dans l’imagerie des patients suspects d’embolie pulmonaire aiguë fait poser la question de la place de cette technique dans les algorithmes diagnostiques.

Plusieurs propositions ont déjà été formulées. Bien que la plupart de ces propositions émanent des milieux radiologiques, il n’y a pas de consensus définitif.

Au cours des dernières années, de plus en plus d’auteurs ont cependant sérieusement considéré le rôle de la TDM spiralée comme si la technique elle-même n’était plus discutée.

La controverse entre l’angiographie et la TDM spiralée comme imagerie de première ligne a été évoquée.

Cependant, la place de l’angiographie comme outil diagnostique de première intention se réduit rapidement . Par ailleurs, la controverse entre la TDM spiralée et la scintigraphie comme outils non invasifs de première ligne subsiste .

Malheureusement, la scintigraphie n’apporte pas un diagnostic de certitude chez un trop grand nombre de patients et elle souffre d’importants désaccords entre lecteurs en cas de probabilités faible et intermédiaire.

L’usage de la scintigraphie dépend du recrutement des patients et de facteurs locaux.

Dans plusieurs centres américains, la scintigraphie est un outil de première ligne réservé aux patients jeunes sans pathologie cardiorespiratoire préexistante, en raison de la faible probabilité a priori.

Certains auteurs enthousiastes ont suggéré l’abandon complet de la scintigraphie en première ligne et proposent la TDM spiralée en première intention chez tous les patients suspects d’embolie pulmonaire.

Chez les patients avec embolie pulmonaire secondaire à une thrombose veineuse profonde, l’échographie des veines de membres inférieurs doit cependant être proposée.

Les patients cliniquement suspects d’embolie pulmonaire, mais sans évidence de thrombose veineuse profonde et avec TDM spiralée négative, devraient subir une angiographie.

Cet algorithme présente toutefois l’angiographie comme outil de dernière ligne, comme s’il n’était entaché d’aucune erreur.

Conclusion :

Malgré de nombreuses publications, la place de la TDM spiralée dans la prise en charge de l’embolie pulmonaire aiguë reste l’objet de discussions.

Il est probable que dans un proche avenir, différents algorithmes diagnostiques, dépendants des échantillons de patients, de la disponibilité des moyens techniques, de l’acceptation par les cliniciens et du rapport coût/bénéfice, seront proposés.

Les algorithmes « conservateurs » proposeraient la scintigraphie et l’échographie et/ou la phlébographie des veines des membres inférieurs ; cette approche étant particulièrement raisonnable chez les sujets jeunes sans pathologie cardiorespiratoire préexistante et en cas de faible probabilité a priori.

Des algorithmes « progressistes » placeraient la TDM spiralée en première intention, ceci étant déjà une habitude installée dans de nombreux centres européens.

Cette dernière approche peut intégrer l’imagerie veineuse des membres inférieurs par échographie ou phlébographie.

Bien que le nombre d’angiographies pulmonaires devrait décroître, cette examen pourrait, en l’absence d’alternative plus fiable, conserver une place en dernière instance.

En dépit de l’évolution de la TDM, les développements de l’imagerie par résonance magnétique doivent également faire considérer cette technique.

La possibilité d’imager les artères pulmonaires et les veines profondes au cours de la même exploration rend cette technique particulièrement attractive.

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