Thromboses veineuses cérébrales

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Introduction :

Les premières descriptions assez exactes des veines cérébrales datent de l’école d’Alexandrie avec Hérophile, 300 ans avant Jésus-Christ, qui donna son nom à la réunion des sinus sagittal supérieur, latéraux et droit : le pressoir d’Hérophile (= confluent des sinus, dans la terminologie actuelle).

Thromboses veineuses cérébralesGalien, au IIe siècle de notre ère, décrit le carrefour veineux qui porte son nom.

L’évolution des connaissances va rester très fluctuante les siècles suivants, et ce n’est qu’au XIXe siècle que la première description anatomoclinique de thrombose veineuse cérébrale (TVC) est faite.

C’est en effet en 1825 que Ribes, dans ses « recherches sur la phlébite », décrit l’observation d’un homme de 45 ans souffrant de céphalées chroniques, de troubles du comportement, de crises d’épilepsie, de confusion et enfin de délire.

Le décès survint après une période de 6 mois, et l’autopsie mit en évidence une occlusion complète du sinus sagittal supérieur et des sinus latéraux, associée à des métastases cérébrales.

Depuis, de nombreuses études ont permis de progresser dans la connaissance de cette pathologie.

Les TVC ont cependant été longtemps considérées comme une pathologie rare, de cause souvent infectieuse, d’évolution presque toujours mortelle et de diagnostic difficile.

Ces notions ont été bouleversées par les techniques récentes de neuroradiologie, qui ont rendu le diagnostic beaucoup plus aisé et ont permis de reconnaître des formes plus bénignes.

Actuellement, les TVC ont les caractéristiques suivantes :

– l’incidence est plus importante que ce qui est classiquement admis ;

– l’étiologie est rarement infectieuse ;

– elles ont une expression clinique extrêmement variée ;

– leur évolution est le plus souvent favorable ;

– l’héparinothérapie en constitue le traitement de choix.

Rappel anatomique :

Le sang veineux de l’encéphale se draine par les veines cérébrales superficielles et profondes.

Les veines superficielles, variables en nombre et en siège, drainent le sang de la majeure partie du cortex, à l’exception de la face interne des lobes temporaux et des lobes occipitaux.

Les veines profondes, constantes, constituent des repères anatomiques et drainent le sang des noyaux gris du diencéphale et de la substance blanche profonde des hémisphères.

Les veines de la fosse postérieure sont variables dans leur trajet.

Les veines cérébrales se drainent dans les sinus dure-mériens : sinus sagittal supérieur (SSS) et sinus latéraux (SL) pour les veines superficielles, sinus droit et sinus latéraux pour les veines profondes.

Le sinus caverneux reçoit le sang veineux de la majeure partie de la face et de l’étage antérieur du crâne.

Il se draine dans les SL par l’intermédiaire des sinus pétreux inférieur et supérieur.

Les sinus dure-mériens sont anastomosés entre eux ainsi qu’avec le système veineux extracrânien, et se drainent ensuite vers les deux veines jugulaires internes.

A – SINUS SAGITTAL SUPÉRIEUR :

Situé dans l’insertion supérieure de la faux du cerveau, il la parcourt d’avant en arrière depuis l’apophyse crista galli jusqu’à la protubérance occipitale interne, où il s’unit au sinus droit et aux sinus latéraux pour former le torcular (ou pressoir d’Hérophile).

Sa partie antérieure est souvent grêle et peut être remplacée par deux veines frontales parasagittales se rejoignant derrière la suture coronale.

Il reçoit la plus grande partie des veines drainant les faces externes et internes de l’hémisphère, mais aussi des veines méningées et diploïques qui communiquent par l’intermédiaire des veines émissaires avec les veines du cuir chevelu.

Ceci explique certaines observations de thrombose du SSS après infection cutanée ou contusion du scalp.

Le SSS et d’autres sinus jouent un rôle important dans la circulation du liquide céphalorachidien (LCR) car ils communiquent latéralement par l’intermédiaire de lacunes veineuses avec les villosités arachnoïdiennes (granulations de Pacchioni) qui constituent un des principaux sièges de résorption du LCR.

Il existe ainsi une relation directe entre la pression veineuse intracérébrale et la pression du LCR, de sorte qu’en cas de thrombose du SSS ou des SL apparaît fréquemment une hypertension intracrânienne.

B – SINUS LATÉRAUX :

Au nombre de deux, ils naissent de la division du SSS au niveau du torcular.

Ils présentent deux segments : le premier ou sinus transverse, horizontal, est compris dans un dédoublement de l’insertion de la tente du cervelet et se termine à l’angle postérosupérieur du rocher.

Le deuxième, ou sinus sigmoïde, parcourt une portion située au bord postérieur de la face endocrânienne de la mastoïde et se termine au golfe de la jugulaire.

Les SL drainent le sang du cervelet, du tronc cérébral et de la partie postérieure des hémisphères.

Ils reçoivent également quelques-unes des veines diploïques et certaines veinules provenant de l’oreille moyenne qui peuvent être une voie de transmission d’une infection de voisinage (otite, infection oto-rhino-laryngologique [ORL]).

Il existe de nombreuses variations anatomiques des SL pouvant conduire au diagnostic erroné de thrombose.

Le SL droit, plus large que le gauche, est souvent la prolongation directe du SSS.

Une absence isolée de remplissage d’un sinus transverse est plus évocatrice d’une hypoplasie que d’une thrombose.

C – SINUS CAVERNEUX :

Ils sont situés de chaque côté du sphénoïde et constituent un confluent veineux entre les veines cérébrales, les veines de la face et les veines de la fosse postérieure.

Ils sont formés de cavités trabéculées séparées par différents plans de la dure-mère.

Les nerfs oculomoteurs III et IV ainsi que les branches ophtalmiques et maxillaire du trijumeau traversent la paroi externe du sinus.

Le nerf oculomoteur externe (abducens) et l’artère carotide interne cheminent à l’intérieur du sinus.

Le sinus caverneux draine le sang des orbites (par l’intermédiaire des veines ophtalmiques) et le sang de la partie antérieure de la base de l’encéphale (par l’intermédiaire des sinus sphénopariétaux et des veines cérébrales moyennes).

Les sinus pétreux permettent l’évacuation postérieure du sinus caverneux dans les veines jugulaires internes.

Les sinus caverneux sont très souvent concernés par les infections de la face ou de la cavité sphénoïdale.

Leur atteinte est donc habituellement en rapport avec une cause infectieuse, contrairement à celle des autres sinus.

Ils sont bien visualisés sur l’IRM ou le scanner mais rarement injectés sur l’angiographie.

D – VEINES CÉRÉBRALES :

Les veines cérébrales sont constituées de trois groupes : veines corticales, veines profondes, veines de la fosse postérieure.

1- Veines corticales ou veines cérébrales superficielles :

Elles comprennent :

– un groupe supérieur, formé des veines ascendantes frontales, pariétales et occipitales qui se jettent à contre-courant dans le SSS ;

– un groupe antéro-inférieur, constitué des veines frontales basses et insulaires qui se jettent dans le sinus caverneux.

Ces veines sont reliées par la grande veine anastomotique de Trolard qui connecte le SSS aux veines cérébrales internes, elles-mêmes connectées aux SL par la veine de Labbé.

Elles ont des parois minces sans fibre musculaire ni valvule, permettant ainsi leur dilatation et l’inversion du flux sanguin lorsque le sinus dans lequel elles se drainent est occlus.

Elles sont anastomosées entre elles par un grand nombre de collatérales, permettant en cas d’occlusion le développement d’une circulation de suppléance d’un sinus (apparaissant sur l’angiographie sous l’aspect d’une dilatation variqueuse en tire-bouchon) et expliquant probablement le bon pronostic de certaines TVC.

La variabilité anatomique des veines corticales dans leur nombre et leur situation, ainsi que la possibilité d’inversion de flux et de développement d’une circulation collatérale rendent compte de l’absence de territoires veineux bien définis et, en conséquence, de syndromes anatomocliniques bien définis pour les TVC.

2- Veines cérébrales profondes :

Elles sont formées essentiellement des veines cérébrales internes (VCI) et des veines basilaires (VB).

Les veines cérébrales internes sont formées par la réunion des veines sous-épendymaires.

Chaque veine cérébrale interne naît à l’aplomb du trou de Monro et chemine entre les deux feuillets de la toile choroïdienne du troisième ventricule, à la face supérieure du thalamus, en décrivant une courbe à convexité antérosupérieure.

Elle se jette dans l’ampoule de Galien (ou grande veine cérébrale) que prolonge le sinus droit.

Elle draine le retour veineux de la substance blanche périventriculaire et des noyaux gris télencéphaliques.

Les veines basilaires naissent de chaque côté au niveau de l’espace perforé antérieur.

Elles se dirigent en arrière en contournant la face latérale du pédoncule cérébral, et se jettent dans l’ampoule de Galien.

Elles drainent les veines temporales internes de la corne temporale, des noyaux gris du thalamus et du pédoncule cérébral.

Contrairement aux veines superficielles, le système profond est constant et toujours visualisé à l’angiographie, si bien que son occlusion est aisément reconnaissable.

3- Veines de la fosse postérieure :

Elles peuvent être divisées en trois groupes : supérieur se drainant dans la veine de Galien, antérieur se drainant dans le sinus pétreux, et postérieur se drainant dans le torcular ou les sinus latéraux.

Elles sont variables dans leur trajet et le diagnostic de leur occlusion est très difficile.

Aspects anatomopathologiques :

Ils ont été largement décrits dans le passé.

L’aspect macroscopique et microscopique du thrombus est identique à celui de n’importe quel autre thrombus veineux. Lorsqu’il est frais, c’est un thrombus riche en hématies et en fibrine, pauvre en plaquettes.

Lorsqu’il est ancien, il est remplacé par du tissu fibreux, parfois en partie recanalisé.

Sa constitution est due aux facteurs pathogéniques habituels : stase veineuse, hypercoagulabilité et troubles de l’hémostase, anomalie pariétale.

Les lésions cérébrales des TVC sont très variables.

Leur type et leur nombre sont fonction du siège de la thrombose, notamment de l’atteinte des veines cérébrales et des possibilités de suppléance anastomotiques.

Un oedème cérébral isolé peut être la conséquence unique de l’occlusion d’un sinus, alors que l’occlusion d’une veine cérébrale conduit habituellement à la constitution de ce qui est appelé « infarctus veineux ».

Ces infarctus veineux affectent le cortex et la substance blanche adjacente.

En cas de thrombose du SSS, ils sont souvent bilatéraux, situés dans la partie supérieure et interne des deux hémisphères, de taille très variable et ne correspondant pas à la systématisation des territoires artériels habituels.

Ils sont très différents dans leur pathogénie, leur aspect anatomique et leur évolution des infarctus artériels.

Ils comportent un oedème beaucoup plus important et une composante hémorragique beaucoup plus fréquente pouvant aller jusqu’à la présence d’un véritable hématome.

Cette composante hémorragique explique la possibilité de survenue d’hémorragie sous-arachnoïdienne et même d’hématome sous-dural.

Quant au caractère très oedémateux, il rend compte de la possibilité de régression remarquable de ces infarctus veineux.

Incidence :

L’incidence réelle des TVC demeure mal connue en l’absence d’études épidémiologiques spécifiquement dédiées à ce sujet. Évaluée initialement à partir des séries d’autopsie, elle était estimée comme très faible.

Ehlers et Courville ne trouvaient que 16 cas de thrombose du SSS dans leur série de 12 500 autopsies, et Barnett seulement 39 cas de thromboses non septiques du SSS en 20 ans.

D’après Kalbag et Woolf, les TVC n’étaient la cause principale du décès que chez 21,7 personnes par an entre 1952 et 1961 en Grande-Bretagne et au Pays de Galles.

En revanche, Towbin constatait déjà 9 % de TVC au cours de 182 autopsies, et Averback, dans une série de sept cas, insistait sur le fait que la fréquence des TVC primitives était sous-estimée.

La publication récente de grandes séries de ces dernières années suggère que la véritable incidence est certainement plus élevée que celle communément admise, surtout depuis le développement de l’angiographie et plus récemment de l’imagerie par résonance magnétique (IRM).

Ceci est également souligné par l’inclusion de près de 630 patients sur 3 ans dans l’étude multicentrique International Study on Cerebral Vein Thrombosis (ISCVT).

Les TVC surviennent à tout âge, avec une légère prédominance chez les femmes jeunes à cause de facteurs spécifiques comme les contraceptifs oraux, la grossesse et l’accouchement.

Chez les enfants, dans une étude canadienne récente, l’incidence était de 0,67/100 000/an, avec une prépondérance chez le nouveau-né.

Étiologie :

De multiples affections sont responsables des TVC. On peut actuellement dénombrer près d’une centaine de causes ou de facteurs favorisants.

Ce sont schématiquement toutes les causes de thromboses veineuses périphériques, auxquelles viennent s’ajouter les causes locales (traumatisme crânien, infection de voisinage, tumeur cérébrale).

Il est fréquent que plusieurs causes ou facteurs favorisants soient associés, ce qui implique la nécessité d’un bilan étiologique complet systématique, même en cas d’étiologie apparemment évidente.

A – CAUSES INFECTIEUSES :

Leur fréquence a beaucoup diminué dans les pays développés depuis l’introduction des antibiotiques.

Elles représentent actuellement moins de 10 % des cas.

Bien que rare, la thrombose du sinus caverneux est la forme la plus classique de TVC septique, compliquant une infection du tiers moyen de la face à Staphylococcus aureus (staphylococcie maligne de la face).

Les autres causes infectieuses sont les sinusites sphénoïdales ou ethmoïdales, les abcès dentaires, les complications infectieuses des pathologies de l’oreille moyenne et de la mastoïde.

Les germes impliqués sont ceux des infections ORL, plus particulièrement ceux des otites moyennes (Proteus aureus, Escherichia coli, …).

Dans les formes chroniques, les germes à Gram négatif ou les champignons comme Aspergillus sont plus volontiers en cause.

Parmi les causes générales, des infections parasitaires telles que la trichinose, ou virales, à virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et cytomégalovirus, ont été ajoutées aux étiologies infectieuses classiques des TVC.

B – CAUSES NON INFECTIEUSES :

Elles sont actuellement les plus fréquentes, avec cinq circonstances étiologiques prédominantes :

– les causes locales ;

– l’état gravidopuerpéral ;

– la prise de contraceptif oral ;

– les maladies générales ;

– les thrombophilies congénitales.

1- Causes locales :

Il peut s’agir de traumatismes crâniens ouverts ou fermés qui peuvent passer inaperçus.

Une malformation artérioveineuse ou des fistules dure-mériennes sont également des causes possibles.

Elles touchent préférentiellement les sinus latéraux.

2- Post-partum immédiat et prise de contraceptifs oraux :

Chez la femme jeune, les TVC surviennent plutôt en post-partum que durant la grossesse.

Elles restent fréquentes dans les pays en développement.

Dans les pays industrialisés, la contraception orale est beaucoup plus souvent impliquée.

La prise de contraceptifs oraux comme seul facteur favorisant la thrombose, est retrouvée dans seulement 10 % des cas.

Il s’agit en effet le plus souvent d’un facteur s’ajoutant à d’autres causes telles que lupus érythémateux systémique (LES), maladie de Behçet ou thrombophilies.

3- Maladies générales et thrombophilies congénitales :

Parmi les nombreuses causes médicales non infectieuses de TVC, les thrombophilies congénitales sont les plus fréquentes, en particulier la mutation du facteur V Leiden ou celle du facteur II (G 20210 A) respectivement estimées de 10 à 21%et de 6 à 50%des cas dans des séries récentes.

D’autres types de thrombophilies congénitales telles que les déficits en antithrombine, protéine C ou protéine S sont moins souvent impliqués (environ 50 cas rapportés).

La recherche d’une thrombophilie doit faire partie du bilan de toute TVC car le risque de thrombose augmente particulièrement lorsqu’elle est associée à d’autres facteurs comme, par exemple, la phase puerpérale ou la contraception orale.

Leur identification est également importante pour la prévention des thromboses veineuses lors des situations à haut risque thombotique, que ce soit pour le patient ou les apparentés concernés.

Le pourcentage de TVC d’étiologie indéterminée reste non négligeable, entre 20 et 35 %, et ce, malgré un bilan très poussé et l’identification de nouveaux facteurs prothrombotiques.

Ces TVC « idiopathiques » nécessitent un suivi au long cours car l’étiologie ne peut se manifester que plusieurs mois plus tard.

Chez les enfants et les nouveau-nés, les étiologies sont très différentes de celles des TVC de l’adulte.

Elles sont également variables selon l’âge de l’enfant, comme illustré dans une série récente canadienne de 69 nouveau-nés et 91 enfants plus âgés.

Parmi les nouveau-nés, 84 % avaient une maladie systémique aiguë telle qu’une complication périnatale (hypoxie, rupture prématurée des membranes, infection maternelle, …), 16 % avaient une pathologie du cou ou de la tête, le plus souvent infectieuse, et 20 % avaient un état prothrombotique.

Comme chez les adultes, plusieurs causes ou facteurs de risque étaient souvent associés chez un même patient.

Chez l’enfant d’âge préscolaire, les infections ORL prédominaient, alors que les maladies systémiques étaient plus fréquentes chez les enfants plus âgés.

Les TVC d’étiologie indéterminée ne représentaient que 3 % des cas, bien moins que chez l’adulte.

Clinique :

L’expression clinique des TVC est très polymorphe et souvent trompeuse, comme en témoigne la diversité des symptômes et des signes rencontrés.

A – MODE DE SURVENUE :

À la différence des accidents ischémiques artériels, le mode de survenue des TVC est extrêmement variable.

Dans 50 % des cas, il est subaigu (> 48 heures, moins de 30 jours), mais il peut être aussi aigu (< 48 heures) dans 30 % des cas ou chronique (> 30 jours) dans 20 % des cas.

B – SYMPTOMATOLOGIE :

Les céphalées sont le symptôme le plus fréquent, présent dans environ 80 % des cas.

C’est aussi, dans deux tiers des cas, le premier symptôme.

Elles n’ont pas de caractéristiques particulières.

Leur intensité va de la simple impression de tête lourde jusqu’à la céphalée en coup de tonnerre (avec ou sans hémorragie sousarachnoïdienne), en passant par la céphalée typique et fréquente de l’hypertension intracrânienne.

La fréquence des autres symptômes varie selon les séries.

La fréquence de l’oedème papillaire est estimée entre 7 et 80 % des cas dans les séries récentes.

Il peut se manifester par des éclipses visuelles ou une baisse d’acuité visuelle.

Les déficits focaux sont inauguraux dans 15 % des cas et sont présents au cours de l’évolution de la TVC chez près de la moitié des patients.

Le type de déficit varie selon la topographie et l’extension de la thrombose.

Les plus fréquents sont des déficits moteurs ou sensitifs, le plus souvent unilatéraux et prédominant au membre inférieur.

Les troubles du langage, les atteintes des nerfs crâniens et les hémianopsies homolatérales sont plus rares.

Les crises convulsives sont inaugurales dans 15 % des cas et surviennent au cours de l’évolution dans environ 40 % des cas.

Ces crises prennent de nombreux aspects cliniques, mais se répartissent pour moitié de façon grossière entre crises généralisées et crises focales, l’association de ces deux types de crises n’étant pas rare.

Rarement isolées, elles peuvent rester peu fréquentes ou réaliser un état de mal, et surtout, elles peuvent au cours de l’évolution varier de type ou toucher alternativement un côté ou l’autre.

Les crises comitiales sont particulièrement fréquentes chez l’enfant (58 %), surtout chez le nouveau-né (71 %).

Les troubles de la conscience sont présents jusque chez la moitié des patients.

Ils sont rarement inauguraux et plutôt un signe tardif.

D’autres signes tels qu’une incoordination cérebelleuse, une paraplégie ou des troubles psychiatriques peuvent également être présents mais sont plus rares.

La présentation jadis classique de thrombose du SSS caractérisée par la survenue de déficits et/ou de crises comitiales bilatérales ou à bascule témoigne d’une forme évoluée et n’est actuellement que rarement rencontrée.

C – REGROUPEMENT SYNDROMIQUE :

Les TVC ont une présentation clinique très variée associant à des degrés divers des signes d’hypertension intracrânienne (HIC), lorsque l’occlusion se limite aux sinus veineux duraux, et des signes focaux lorsque la thrombose intéresse les veines corticales avec apparition d’un oedème focal ou constitution d’un infarctus veineux.

Selon le regroupement des symptômes, quatre présentations principales peuvent être décrites :

– la première est l’HIC isolée avec des céphalées, un oedème papillaire, parfois une paralysie de la 6e paire crânienne mimant une hypertension intracrânienne bénigne. Elle représente 40 % des formes cliniques rencontrées chez nos patients et 20 % des cas publiés.

L’existence de ces formes rend compte de la nécessité d’avoir exclu par IRM ou angiographie une TVC avant de retenir le diagnostic d’HIC idiopathique ;

– la deuxième, la plus fréquente, est dominée par les signes focaux qui peuvent eux-mêmes être isolés ou associés à des signes d’HIC.

Elle représente environ 75 % des cas publiés.

Il s’agit d’une présentation clinique très hétérogène tant en ce qui concerne le mode d’installation que la nature des signes focaux (déficit constitué, transitoire et/ou crise comitiale) et la présence ou non de troubles de la conscience.

Les cas aigus peuvent simuler un accident artériel, mais la présence de crises comitiales, la prédominance du déficit (s’il existe) au membre inférieur, l’absence de systématisation vasculaire artérielle et l’aggravation rapide des signes cliniques orientent vers la TVC.

Les cas chroniques simulent une tumeur alors que les cas subaigus peuvent orienter vers une encéphalite ou un abcès, surtout si le patient est fébrile ;

– la troisième est celle d’une encéphalopathie diffuse caractérisée essentiellement par des troubles psychiques, une confusion ou un coma associés à des degrés divers avec des déficits focaux, des crises d’épilepsie et des céphalées ;

– la quatrième présentation est celle de la thrombose du sinus caverneux qui a une traduction clinique distincte et bien individualisée : dans sa forme aiguë, elle associe un chémosis, un ptosis et une ophtalmoplégie douloureuse.

Non traitée, son évolution peut être dramatique avec une extension aux autres sinus.

Son pronostic demeure sévère malgré l’antibiothérapie.

Il en existe toutefois des formes insidieuses, soit spontanément, soit du fait d’un traitement antibiotique inadéquat, se traduisant par une paralysie isolée du VI, un chémosis et/ou un ptosis.

Ces quatre tableaux cliniques regroupent le plus grand nombre de TVC, mais certaines se manifestent par des formes trompeuses ou paucisymptomatiques.

Certains patients peuvent se présenter avec une HIC isolée et développer dans un second temps des signes focaux. D’autres n’ont que des symptômes transitoires à type de crise comitiale isolée, d’accident ischémique transitoire ou même d’aura d’allure migraineuse.

En cas de syndrome post-PL, toute disparition du caractère orthostatique de la céphalée doit faire évoquer une TVC, complication rare mais documentée de brèche durale.

Les troubles psychiatriques (irritabilité, anxiété, dépression) sont parfois au premier plan et peuvent être particulièrement trompeurs.

D’autres cas se révèlent par des céphalées isolées, parfois d’installation brutale, en « coup de tonnerre », évoquant une hémorragie méningée.

Ceci souligne l’importance de l’examen des temps veineux à l’angiographie, dans une hémorragie méningée sans malformation vasculaire décelable.

Enfin, certaines TVC peuvent être découvertes de façon fortuite lors de la réalisation d’une IRM, voire d’une autopsie.

En résumé, aucun tableau clinique n’est pathognomonique de TVC, d’où la nécessité d’évoquer systématiquement ce diagnostic devant l’un quelconque des symptômes et signes évoqués ci-dessus, afin d’effectuer le plus rapidement possible les examens complémentaires pertinents.

Topographie :

La topographie des thromboses veineuses cérébrales est très variable.

Il s’agit d’une estimation grossière, en particulier pour l’atteinte des veines corticales qui est souvent mal détectée par les examens neuroradiologiques non invasifs.

Elles intéressent par ordre de fréquence décroissante le sinus sagittal supérieur, les sinus latéraux, le sinus droit et les sinus caverneux.

Les thromboses isolées des veines corticales sont très rares, et celles des veines cérébelleuses exceptionnelles.

Très fréquemment, les thromboses sont multiples, concernant à la fois les sinus et les veines cérébrales, ce qui explique l’impossibilité de décrire des syndromes topographiques semblables à ceux qui résultent d’une occlusion artérielle.

Les corrélations anatomocliniques sont d’autant moins précises que les veines corticales sont variables en nombre et en topographie, et qu’une abondante circulation collatérale se développe volontiers en cas d’occlusion veineuse.

Examens complémentaires :

A – SCANNER CÉRÉBRAL :

Le scanner cérébral sans et avec injection est le premier examen à effectuer lorsqu’une TVC est suspectée.

Bien que fournissant rarement la preuve de la TVC, il demeure l’examen le plus habituel de débrouillage, et permet dans un premier temps d’éliminer les nombreuses autres affections telles que tumeurs, abcès ou encéphalites pouvant donner la même symptomatologie clinique.

Les anomalies constatées en scanographie ont été abondamment décrites dans la littérature et sont actuellement bien répertoriées.

Elles sont classées en signes directs et signes indirects.

1- Signes directs de thrombose veineuse cérébrale :

Sans injection, l’hyperdensité spontanée de la thrombose est rapportée sous le nom de « signe de la corde » lorsqu’elle siège au sein d’une veine corticale et sous celui de « triangle dense » au niveau du sinus sagittal supérieur.

C’est un signe très précoce, mais rare.

Il a également été décrit au niveau du sinus latéral ou du sinus droit.

Il est parfois difficile à affirmer à cause de l’environnement osseux hyperdense, du tissu cérébral avoisinant moins dense ou dans certaines situations cliniques (hématocrite élevé, enfant).

Sur le cliché avec injection, on peut retrouver le signe du « delta » ou du « triangle vide », correspondant à la prise de contraste des parois richement vascularisées du sinus sagittal supérieur, contrastant avec la non-injection de la lumière thrombosée.

C’est le signe direct le plus fréquent, présent dans approximativement 20 % des cas publiés.

Il apparaît à partir du cinquième jour d’évolution et disparaît après 2 mois.

Considéré comme quasi pathognomonique, il peut cependant être simulé par certains cas rares de bifidité de la partie terminale du SSS.

2- Signes indirects de thrombose veineuse cérébrale :

Ils sont beaucoup plus fréquents que les précédents et souvent peu spécifiques.

Il peut s’agir d’une prise de contraste anormale au niveau de la faux du cerveau et de la tente du cervelet, d’un oedème cérébral ou de lésions parenchymateuses cérébrales.

La prise de contraste anormale de la tente du cervelet et de la faux du cerveau est retrouvée dans 20 % des cas dans la littérature.

L’hyperhémie et la stase veineuse sont responsables d’une prise de contraste anormalement étendue et floue des sinus veineux.

Une telle image s’observe surtout au niveau de l’insertion tentorielle des sinus latéraux.

Elle attire l’attention et permet d’envisager le diagnostic.

Elle est souvent constatée dans les thromboses du sinus droit mais peut également être présente dans les thromboses du SSS.

Elle peut être associée à la présence de veines médullaires intracérébrales dilatées, reflétant un engorgement veineux important, le plus souvent en rapport avec une thrombose étendue du SSS.

Les signes d’oedème cérébral peuvent être diffus ou localisés, isolés ou associés à d’autres lésions : l’oedème de la substance blanche sous-corticale entraîne une augmentation de la différence de densité entre substance blanche et cortex cérébral.

Il s’accompagne d’un effet de masse souvent discret, marqué par une compression du système ventriculaire (aspect de petits ventricules) et un effacement des sillons corticaux.

Bien que décrit dans 20 à 50 % des cas, il est aspécifique et peut parfois être difficile à différencier de l’aspect normal, particulièrement chez le sujet jeune.

Plus souvent, le scanner met en évidence les conséquences de la thrombose sur le parenchyme cérébral sous forme, soit d’une hypodensité correspondant à de l’oedème ou à un « infarctus veineux », soit d’une hyperdensité liée à une hémorragie allant de quelques pétéchies à un véritable hématome.

Le ramollissement est hémorragique dans 10 à 50 % des cas et réalise des hyperdensités souvent multiples et groupées, de siège cortico-sous-cortical.

Après injection, il existe généralement une prise de contraste de morphologie et d’étendue variables.

Dans de rares cas, il peut y avoir une hémorragie méningée ou un hématome sousdural qui peuvent parfois être les seuls signes de TVC.

Si certaines de ces anomalies orientent vers le diagnostic de TVC, d’autres sont trompeuses, et le scanner peut même être strictement normal dans 10 à 20 % des cas, plus fréquemment chez les patients ayant une HIC isolée (50 %) que chez ceux qui ont des signes focaux.

B – IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE :

L’IRM est très performante pour le diagnostic des TVC car elle visualise à la fois la thrombose, son évolution, les éventuelles lésions parenchymateuses associées et parfois la cause sous-jacente.

Elle est souvent complétée par la réalisation d’une veinographie par résonance magnétique (VRM) objectivant l’absence de visualisation du sinus thrombosé.

En IRM, la thrombose se caractérise par l’existence d’un hypersignal à l’intérieur de la lumière vasculaire qui remplace l’hyposignal normal du flux circulant en T1 et T2.

Les coupes les plus pertinentes pour le diagnostic de thrombose veineuse sont en T1 les coupes sagittales pondérées et en T2 les coupes coronales.

En effet, les coupes sagittales donnent une vue d’ensemble du SSS, et les coupes coronales permettent d’étudier la totalité du SSS et les sinus latéraux.

En cas de thrombose d’un sinus, une modification du signal intravasculaire est observée, variable selon l’âge de la thrombose et le type de séquence pratiqué.

Un hypersignal sur les séquences T1 et T2 est constant au cours des 2e et 3e semaines.

À la phase de thrombose fraîche, avant le 5e jour, l’IRM peut être faussement négative en raison d’un isosignal en T1 et d’un hyposignal en T2.

Au-delà de la 3e semaine, l’hypersignal peut disparaître en T1 mais persister en T2, sauf en cas de reperméabilisation traduite par la réapparition d’un isosignal.

Il est ainsi possible de suivre l’évolution de la thrombose veineuse en IRM au cours du temps de façon atraumatique.

Les lésions parenchymateuses sont variées, allant comme en scanner, de l’oedème isolé aux lésions cérébrales plus ou moins étendues.

Étant souvent hémorragiques, les lésions parenchymateuses apparaissent sous la forme de lésions ovalaires ou arrondies corticosous- corticales très oedémateuses, qui se caractérisent par un hypersignal en T1 et un hypersignal souvent entouré d’un anneau noir d’hyposignal (dépôt d’hémosidérine) en T2.

Ces images sont aspécifiques, mais leur diagnostic est rendu plus facile par l’existence conjointe d’anomalie de signal dans les sinus thrombosés.

L’imagerie de diffusion a été utilisée récemment chez les patients avec TVC.

Le thrombus lui-même peut être visualisé sous forme d’hypersignal dans le sinus atteint.

L’apport de ce signe par rapport à l’IRM conventionnelle est indéterminé pour l’instant.

Le principal intérêt de l’imagerie de diffusion est de révéler un aspect totalement différent des lésions parenchymateuses par rapport aux infarctus d’origine artérielle.

En effet, ces derniers sont visualisés sur l’imagerie de diffusion avant l’apparition des anomalies de signal sur les séquences pondérées en T2, sous forme d’une diminution du coefficient apparent de diffusion (ADC) en rapport avec un oedème cytotoxique.

Au cours des TVC, les lésions tissulaires prennent en diffusion un aspect beaucoup plus variable, avec des valeurs d’ADC qui peuvent être hétérogènes (diminuées, normales ou augmentées) au sein d’un même hypersignal en diffusion.

Cet aspect révèle le plus souvent un oedème essentiellement vasogénique, potentiellement réversible, expliquant en partie la meilleure récupération observée dans les lésions parenchymateuses d’origine veineuse comparées aux infarctus artériels et peut-être aussi la disparité du pronostic selon les différentes séries.

Angiographie par résonance magnétique :

Elle remplace maintenant habituellement l’angiographie conventionnelle.

Plusieurs techniques sont utilisées : temps de vol ou contraste de phase.

Le diagnostic de thrombose est retenu en cas d’absence de flux.

Elle peut être particulièrement utile en cas de « faux négatifs » de l’IRM, notamment à la phase précoce, ou bien en cas de « faux positifs » liés à la présence de flux lents qui apparaissent sous forme d’hypersignal en IRM.

L’ARM peut parfois être un examen d’interprétation difficile en cas de thrombose partielle, de thrombose du sinus caverneux ou de veine corticale.

C – ANGIOSCANNER :

Une alternative diagnostique à l’association IRM-VRM est l’angioscanner cérébral.

Aisément réalisable, immédiatement après le scanner cérébral, il objective la non-visualisation du sinus thrombosé.

Certains signes sont également évocateurs, comme la forte prise de contraste de la paroi du sinus ou la présence d’une circulation collatérale.

D – ANGIOGRAPHIE :

En l’absence d’image de certitude à partir des explorations précédentes, le recours à l’angiographie demeure parfois indispensable.

Ceci peut être notamment le cas des thromboses des veines corticales, parfois seulement suspectées sur la présence de veines collatérales en « tire-bouchon ».

La réalisation de l’angiographie doit être rigoureuse : étude des quatre axes, au moins deux incidences différentes, avec si possible une incidence de trois quarts permettant de visualiser la totalité du SSS.

Des clichés tardifs en cas d’absence d’opacification du réseau veineux sont également utiles.

L’angiographie objective l’absence d’opacification des sinus thrombosés et le développement éventuel de la circulation collatérale.

Le diagnostic est facile lorsque l’interruption est étendue.

Il peut être difficile lorsqu’il s’agit d’une occlusion localisée sur 1 à 2 cm, d’autant plus qu’elle doit être distinguée d’un défaut de remplissage lié à un flux de lavage en regard de l’afférence de veines corticales controlatérales.

La réalisation d’une angiographie controlatérale permet d’éviter ces faux positifs.

L’absence d’opacification de la portion transverse des sinus latéraux est parfois un problème diagnostique car l’hypoplasie est fréquente.

Deux signes permettent classiquement d’évoquer la thrombose :

– la présence sur la radiographie de crâne de la gouttière osseuse correspondant au sinus latéral occlus ;

– la visibilité de la portion initiale du sinus latéral et/ou son arrêt abrupt.

C’est maintenant le plus souvent sur les coupes parenchymateuses d’IRM (coupes sagittales T1) que se fait cette différenciation.

Elles permettent d’apprécier la taille en coupe du sinus latéral et la présence éventuelle d’un thrombus sous forme d’un hypersignal.

E – AUTRES EXAMENS :

1- Examens sanguins :

Ils n’ont pas d’intérêt pour le diagnostic positif.

Ils trouvent leur importance pour le diagnostic étiologique, leur perturbation orientant vers des causes infectieuses, inflammatoires ou malignes.

Un bilan détaillé de l’hémostase doit être réalisé devant toute TVC, les causes ou facteurs favorisants associés étant fréquents.

L’intérêt des D-dimères n’est pas établi dans le diagnostic des TVC.

Dans notre expérience personnelle, les D-dimères sont élevés dans la plupart des cas de TVC récente, mais ils peuvent être parfois négatifs, notamment lorsque les symptômes évoluent depuis plus de 1 mois.

Si la valeur prédictive négative des D-dimères dans les thromboses veineuses des membres inférieurs est bien établie, elle reste à déterminer au cours des TVC.

2- Liquide céphalorachidien :

Il est strictement normal dans 10 % des cas en composition et pression.

Les anomalies de composition sont une hyperprotéinorachie (rarement supérieure à 1g/L), une augmentation des hématies supérieure à 20/mm3 dans deux tiers des cas et/ou une pléiocytose de formule variable à prédominance lymphocytaire mixte ou plus rarement polynucléée (un tiers des cas).

L’association des trois anomalies est une formule classique retrouvée dans 30 à 50 % des cas de la littérature.

L’étude du LCR est essentielle devant tout tableau d’HIC isolée : à titre diagnostique grâce à la mesure de la pression d’ouverture, mais également à titre thérapeutique permettant de soulager rapidement une HIC menaçant les nerfs optiques.

L’étude du LCR reste également utile dans les formes fébriles pour éliminer une méningite, et dans les formes sans cause apparente à la recherche d’une méningite chronique.

3- Électroencéphalogramme :

Il est anormal dans environ 75 % des cas, et montre des anomalies souvent plus diffuses que ne laisserait supposer la clinique, mais sans aucune spécificité : ralentissement du rythme de base, ondes lentes en foyer, activité épileptique.

Il garde essentiellement un intérêt dans les formes à symptomatologie confusionnelle ou psychiatrique prédominante.

4- Doppler veineux :

Il a actuellement un rôle limité pour le diagnostic de TVC.

L’état de la circulation veineuse a été étudié par le doppler transcrânien et l’échographie transcrânienne.

En cas de thrombose du SSS, les vitesses enregistrées dans le système veineux profond sont élevées.

De même, des signaux microemboliques ont pu être enregistrés dans les veines jugulaires internes.

Le doppler transcrânien peut être utile pour la surveillance rapprochée des thromboses étendues du SSS, permettant un monitoring quotidien.

Évolution :

Avant l’introduction de l’angiographie, le diagnostic de TVC était souvent une constatation anatomique, ce qui avait conduit à une surestimation de la mortalité.

La grande majorité des TVC a en fait actuellement une évolution favorable, ce qui explique leur faible incidence dans les séries autopsiques.

Les cas mortels sont devenus rares (3,5 % dans notre série de 200 cas), et le décès est plus souvent en rapport avec l’affection causale ou avec une embolie pulmonaire qu’avec la thrombose elle-même.

Les facteurs suivants sont de mauvais pronostic :

– l’âge, avec une mortalité élevée aux extrémités de la vie (enfant et sujet âgé) ;

– la présence de signes focaux ou d’un coma ;

– l’existence d’un infarctus hémorragique et d’un signe du delta au scanner ;

– l’atteinte du système veineux profond ou des veines de la fosse postérieure ;

– enfin et surtout, l’étiologie sous-jacente, en particulier les thromboses septiques qui sont encore responsables d’une mortalité de 78 % dans certaines séries.

La capacité de récupération est généralement bien plus importante que dans les thromboses artérielles.

Les séquelles surviennent chez une faible proportion de patients (environ 20 %) et consistent surtout en déficits focaux.

Il existe également des séquelles visuelles avec atrophie optique poststase qu’un diagnostic et un traitement précoces devraient pouvoir éviter.

L’évolution à long terme est mal connue.

Dans la première étude réalisée à ce sujet, rétrospective, le pronostic était bon avec 86 % de patients sans symptômes neurologiques après un suivi moyen de 6,5 ans. Deux études plus récentes ont été conduites en prospectif.

Chez 59 patients, 44 % gardent des séquelles (handicap ou troubles cognitifs) après 1 à 4 ans d’évolution.

Dans une autre étude, le suivi moyen d’un an de 91 patients met en évidence une récupération quasi complète chez 82 % d’entre eux.

La constitution d’une fistule artérioveineuse durale est également une complication secondaire possible.

Enfin, le risque de récidive de TVC semble peu important : 11,7 % pour 77 patients avec un suivi moyen de 77,8 mois.

Bien que l’évolution des TVC soit beaucoup moins sévère que ne le laissaient supposer les anciennes séries, elle n’en demeure pas moins d’une grande variabilité.

Certains cas peuvent évoluer en quelques jours soit vers une issue fatale, soit vers une guérison totale, soit vers la persistance de séquelles.

Des formes chroniques évoluent inexorablement vers des séquelles, alors que d’autres guérissent spontanément.

Enfin, certaines formes se limitent à un accident ischémique transitoire (AIT), à des céphalées isolées ou à une crise comitiale.

En conclusion, le pronostic d’une thrombose isolée d’un sinus est bon si l’on contrôle l’étiologie sous-jacente ou une HIC éventuelle, en revanche cette thrombose peut s’étendre à tout instant vers les veines cérébrales, entraînant un risque accru de séquelles et de décès, qui ne surviennent cependant que dans une minorité de cas.

Traitement :

La variabilité de la présentation clinique et le faible nombre de cas empêchent toute systématisation du traitement.

Il est néanmoins basé sur trois modalités : le traitement de l’étiologie sous-jacente lorsque cela est possible ; le traitement symptomatique ; le traitement antithrombotique, en règle héparine intraveineuse.

A – TRAITEMENT ÉTIOLOGIQUE :

Il est adapté à la cause sous-jacente dès que cela est possible.

Ceci est particulièrement important dans les formes septiques qui nécessitent une antibiothérapie adaptée à la porte d’entrée, parfois associée à un traitement chirurgical.

De même, un traitement spécifique est nécessaire au cours de certaines maladies générales telles que cancers ou hémopathies, connectivites, etc.

B – TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE :

Il comporte tout d’abord le traitement anticomitial systématique pour certains, réservé le plus souvent aux cas avec épilepsie avérée.

Il n’y a pas de préférence pour une molécule particulière.

La question de la durée du traitement n’est pas résolue.

Dans notre expérience, le traitement est habituellement poursuivi pendant 1 an, puis diminué progressivement en l’absence de nouvelles crises et si l’électroencéphalogramme est normal.

Le traitement de l’HIC est la plupart du temps médical.

Plusieurs traitements ont été proposés.

Les corticoïdes ont été très longtemps utilisés, mais l’acétazolamide ou la restriction hydrique sont actuellement préférés.

Dans les formes avec HIC isolée, l’évacuation de LCR avant la mise sous héparine, associée à l’acétazolamide, entraîne habituellement un contrôle suffisant de la fonction visuelle.

Si l’acuité visuelle continue à se détériorer ou si des troubles de la vigilance s’installent, le mannitol est ajouté.

Dans les rares cas résistants, le monitorage de la pression intracrânienne est nécessaire, éventuellement suivi d’un shunt ou d’un coma induit par les barbituriques.

C – TRAITEMENT ANTITHROMBOTIQUE :

Le traitement de la thrombose fait appel essentiellement aux anticoagulants.

Le traitement par l’héparine dans les TVC a cependant été longtemps controversé.

En effet, pour de nombreux auteurs, l’existence d’un infarctus veineux, souvent hémorragique, était une contre-indication absolue à l’utilisation de l’héparine, à cause du risque accru de suffusion et d’hémorragies intracérébrales.

De plus, de nombreux cas, parfois même initialement graves, évoluaient favorablement en l’absence de tout traitement antithrombotique.

Cependant le risque hémorragique semble avoir été surestimé.

Actuellement, devant les observations rapportées, les séries rétrospectives et prospectives ainsi que deux essais randomisés, le bénéfice de l’héparine est actuellement admis, même en cas d’infarctus hémorragique.

Plusieurs observations d’amélioration spectaculaire après introduction de l’héparine ont de plus été rapportées, certains de ces patients s’aggravant même lors du relais héparine-AVK et s’améliorant à nouveau après la réintroduction de l’héparine.

L’efficacité de l’héparine a été montrée dans un essai thérapeutique contre placebo.

Cette étude a dû être stoppée prématurément après l’inclusion de 20 patients, les résultats étant déjà significatifs en faveur du traitement par héparine (p < 0,05), même dans les cas avec infarctus hémorragique au scanner.

À 3 mois, les 10 patients traités par héparine étaient tous guéris (soit sans séquelles, soit avec des séquelles minimes), alors que sur les 10 patients non anticoagulés, quatre étaient décédés ou avaient des séquelles sévères.

En revanche, il n’a pas été constaté de bénéfice significatif dans une étude effectuée avec la nadroparine.

Ce traitement entraînait cependant une diminution du risque de décès ou de dépendance (index de Barthel <= 15) estimé à 13 %, comparé à 21 % dans le groupe placebo.

Il est intéressant de noter qu’aucune hémorragie n’est apparue ou ne s’est aggravée chez les patients anticoagulés, même chez les 15 patients qui avaient initialement des lésions hémorragiques au scanner.

La méta-analyse de ces deux études (seules études randomisées disponibles) met en évidence une réduction du risque absolu de mortalité de 14 % et de mortalité ou dépendance de 15 % chez les patients traités, soit une diminution du risque relatif de respectivement 70 et 56 %.

Bien qu’ils ne soient pas statistiquement significatifs, ces résultats semblent pertinents d’un point de vue clinique.

Un autre argument en faveur de l’utilisation de l’héparine est le risque d’embolie pulmonaire à la phase aiguë de la TVC.

Il n’y a pas de consensus sur les modalités du traitement par héparine.

Certains recommandent l’utilisation de l’héparine de bas poids moléculaire à cause de la meilleure pharmacocinétique et du moindre risque de thrombocytopénie.

L’utilisation de l’héparine non fractionnée par voie veineuse adaptée au poids corporel en commençant par un bolus permet cependant de raccourcir le délai d’action.

Après quelques jours, en l’absence d’aggravation clinique, le relais est pris par les anticoagulants per os.

La durée de ce traitement est fonction de la cause sous-jacente.

La présence de troubles de la coagulation implique une anticoagulation prolongée.

L’utilisation des fibrinolytiques a été proposée au cours des TVC dès 1971.

Depuis lors, environ 200 observations ont été rapportées, utilisant l’urokinase en perfusion locale par voie jugulaire ou voie fémorale.

Plus récemment, le recombinant tissue type plasminogen activator (rt-PA) local a été utilisé en combinaison avec l’héparine.

Cependant ces traitements, quelle que soit la voie d’administration, comportent un risque élevé de complications hémorragiques (point de ponction fémoral, saignement pelvien ou aggravation d’une hémorragie intracrânienne).

Ceci contraste avec l’absence d’aggravation chez les patients traités par héparine dans les essais randomisés.

Le choix du type de fibrinolytique, du mode d’administration et de la posologie n’est pas défini. Ainsi, bien qu’il y ait de plus en plus de patients traités par fibrinolyse dans les TVC, le rapport bénéfice/risque de ce traitement n’est absolument pas précisé.

Les fibrinolytiques in situ constituent pour l’instant un traitement d’exception, à réserver aux formes qui s’aggravent malgré une héparinothérapie intraveineuse bien conduite.

Conclusion :

Les thromboses veineuses cérébrales constituent un point de convergence pour de nombreuses spécialités médicales, et une cause non négligeable d’accidents vasculaires cérébraux.

Elles sont caractérisées par leur grande diversité clinique et étiologique et leur bon pronostic si le traitement par héparine est débuté précocement.

Les examens neuroradiologiques jouent un rôle diagnostique fondamental.

Le plus souvent, l’association de l’IRM avec l’ARM ou l’angioscanner permet de reconnaître la thrombose.

L’angiographie intra-artérielle n’est actuellement réalisée que dans les cas douteux.

Avec un traitement adapté débuté dès le diagnostic retenu, l’évolution se fait dans la grande majorité des cas vers la guérison.

Bien que longtemps discuté, le traitement par héparine est maintenant le traitement de première intention de la TVC.

Ce n’est que dans les formes cliniques qui s’aggravent malgré une héparinothérapie bien conduite que le traitement par fibrinolytique se discute.

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